Il serait vraiment injuste de reprocher au gouvernement français le manque d’ardeur et de volonté pour étouffer les plaintes pour «recel de détournement de fond public», appelées plus communément les Biens Mal Acquis, de trois présidents africains Sassou Nguesso pour le Congo Brazzaville, Ali Bongo pour le Gabon et Teodoro Obiang pour la Guinée Equatoriale.
La première plainte a été déposée en 2007. Huit mois plus tard, le Parquet qui dans le système judiciaire français représente le ministère de la justice, classe la plainte sans suite.
Quelques mois plus tard, en 2008, l’association Transparency International France remet le couvercle et, coup de théâtre, la doyenne des juges d’instruction du pôle financier accepte d’instruire le dossier. Le Parquet fait de nouveau appel. En vain, la Cour de cassation donne son feu vert, l’enquête peut commencer. Deux juges sont donc désignés et demandent un réquisitoire supplétif afin d’étendre leurs instigations avant la plainte de 2008. Fait exceptionnel cela sera refusé par le vice procureur de la République à Paris qui dépend hiérarchiquement du ministère de la justice.
Pourtant, les services de douane, Tracfin chargé de la lutte contre le blanchiment de l’argent et l’Office centrale pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), ont tous remis des rapports détaillés particulièrement accablants. La Bentley d’Ali Bongo à 200000 euros dans un pays où l’espérance de vie arrive tout juste à 52 ans. L’épouse de Nguesso qui s’offre une Mercedes type E. Son neveu qui porte son dévolu sur une Porsche à 137000 euros et soupape sur le moteur! Le fils Obiang, lui, a un parc automobile dont la valeur est estimée à plus de 18 millions d’euros ce qui représente le tiers des dépenses annuelles de santé de son pays!
Mais à côté des quatre roues, on pourrait évoquer les comptes bancaires…Une centaine pour les Nguesso, les sociétés, les villas, les hôtels particuliers à Paris, plus d’une trentaine pour Bongo, les objets d’arts …
Contrairement à la sérénité affichée, ces présidents africains sont inquiets du risque de la condamnation qui pourrait aboutir à la saisie de leurs biens et qui empêcherait leurs proches de venir en France, sans parler des répercussions à l’intérieur de leur propre pays, au moment où les révolutions arabes ont mis en exergue l’importances des sommes détournées par les clans de Moubarak et de Ben Ali.
Obiang a porté plainte contre le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD) pour son rapport «Biens mal acquis, à qui profite le crime?», et récemment Bongo vient d’ester en justice contre un élu européen d’Europe Ecologie Les Verts (EELV). Mais ces contre feux juridiques de plainte pour diffamation apparaissent bien dérisoires et risquent de se retourner contre leur auteur, d’autant que le CCFD et l’élu d’EELV restent ferme et entendent bien faire de ces procès ceux de la corruption et du pillage des pays africains.
A coups de claquements de talonnette, Sarkozy nous avait promis de moraliser le capitalisme, de lutter contre les paradis fiscaux, d’instaurer une nouvelle gouvernance… il avait seulement oublié de nous dire que cela ne concernait ni la France ni ses amis africains…
Paul Martial