Une enquête sur des suicides et blanchiment d’argent au Luxembourg aboutit chez les Nguesso à Neuilly sur seine

Hotel particulier du vésinetHotel particulier de Sassou au Vésinet

20 mai 2007. Quartier du Limpertsberg, au Luxembourg. Quelque chose ne tourne pas rond dans l’appartement du 45, rue Siggy. Les policiers constatent le décès de Fabio Pezzera, 39 ans. Il a apparemment succombé à une overdose. Mais ce qui dérange, c’est le désordre qui règne dans les lieux : tiroirs renversés, placards ouverts… Comme si quelqu’un était venu chercher quelque chose. Mais qui ? Mais quoi ?

Les activités de la victime dans la finance luxembourgeoise troublent des enquêteurs. Des fiduciaires, des sociétés-écrans… la mort de cet homme d’origine sud-américaine né à Versailles est d’autant plus dérangeante que celui qui partageait sa vie, Alain Sereyjol-Garros, a trouvé la mort lui aussi quelques mois plus tôt au pied de ce même immeuble de la rue Siggy. C’était le 27 janvier 2007. Sereyjol-Garros n’était pas que son amant. C’était aussi son associé. Il s’est défenestré quelques semaines après une tentative de suicide. Pezzera allait hériter des parts sociales de A.S.-G. dans différentes structures. Un cadeau empoisonné. Il n’en a guère profité.

Malgré cette étrange double mort, la police et la justice locale referment très vite l’enquête où pointe la suspicion. C’est un double suicide. Un point c’est tout.

Les policiers ont perquisitionné à Neuilly une villa appartenant à la fille du président congolais

Mais la révélation de ces dernières semaines, c’est que l’affaire PIP en cacherait une autre. Les investigations des policiers du grand duché ont établi qu’Alain Sereyjol-Garros et son compère Pezzera tiraient les ficelles de deux autres sociétés-écrans, Edenor et, surtout, Matsip Consulting. La firme Graham Turner apparaît dans l’organigramme de ces deux entités. Or Matsip Consulting est au cœur des investigations menées par le parquet de Paris sur les « biens mal acquis » de chefs d’Etat africains, notamment ceux de la famille du président du Congo, Denis Sassou-Nguesso. Deux associations, Transparency International et Sherpa, sont à l’origine de l’ouverture en 2009 d’une information judiciaire au terme d’un long combat destiné à faire toute la lumière sur ces détournements d’argent public qui ont saigné les caisses des Etats concernés. Depuis 2010, Denis Sassou-Nguesso, à l’image du Guinéen Teodoro Obiang Nguema Mbasogo et au Gabon de la famille Bongo, est dans le collimateur des juges Roger Le Loire et René Grouman qui ont procédé en février dernier à de nouvelles perquisitions et saisi des comptes bancaires. Les policiers ont perquisitionné à Neuilly dans une villa appartenant à la fille du président congolais. Panique à Brazzaville.

Le Luxembourg est au cœur de la nébuleuse Nguesso. Matsip Consulting intervient en 2005 dans le rachat de la villa Suzette du Vésinet, une superbe demeure de 485 mètres carrés plantée dans les Yvelines, avec salles de bains en marbre, dont le seul défaut est de border une voie ferrée. Acquise par Valentin, le frère aîné du président congolais, la demeure est rachetée à son décès, en 2004, par l’intermédiaire de la nébuleuse luxembourgeoise. La société (dont les actionnaires ne sont pas connus) intervient également dans l’acquisition par Wilfrid, le neveu du président, d’une Aston Martin DB9 pour 172 321 euros ; 95 321 euros sont versés par Matsip Consulting via la Mutuel Bank du Luxembourg. Au total, selon un rapport de l’association CCFD-Terre solidaire, la famille congolaise serait titulaire de 18 propriétés de luxe en France et de 112 comptes bancaires, dont 140 millions d’euros à la banque luxembourgeoise SEB en 1997. Quant à Matsip Consulting, elle demeurerait redevable de 600 000 euros de factures impayées sur des travaux effectués dans la villa Suzette, justifiant des poursuites judiciaires.

Dans ce labyrinthe funeste, Mas semble dérisoire

En février 2013, les magistrats français ont demandé un réquisitoire supplétif, estimant que « les acquisitions mobilières et immobilières des membres ou proches des familles Obiang Nguema, Sassou-Nguesso et Bongo ont perduré via des prête-noms jusqu’à la fin 2011 ». Matsip Consulting demeure en première ligne et au croisement de l’affaire PIP et des malversations africaines. Des ramifications incroyables !

Les esprits soupçonneux relèveront que les décès de Sereyjol-Garros et Pezzera surviennent précisément la même année que l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Paris pressé par les associations humanitaires… Les registres luxembourgeois révèlent que Matsip Consulting a été montée le 17 mars 2005 par Sereyjol-Garros, qui occupe alors les fonctions d’administrateur au travers de deux entités domiciliées dans un paradis fiscal, les îles Vierges britanniques Lire l’intégralité de l’article…

Par Jean-Michel Verne – Paris Match

actu-match | dimanche 28 avril 2013

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