Sassou-Kabila, l’impasse persiste

Plutôt que de venir, voir et vivre, le Président congolais, Denis Sassou Ngouesso très attendu le week-end dernier à Kinshasa, est venu entendre. Et chercher à savoir. Entendre et savoir des autorités rd congolaises les récriminations qu’elles ont faites, et jusque par médias interposés, ce qui a justifié le rappel de l’ambassadeur de notre pays en République du Congo.

Si de la langue de bois caractéristique des diplomates permet de savoir, à entendre le ministre de la RDC en charge des Affaires étrangères, Alexis Thambwe Mwamba, que « toutes les questions en rapport avec les relations entre les deux pays ont été abordée », nul ne peut cependant affirmer que l’ « affaire » concernant l’extradition de Faustin Munene et Undjani, l’un ancien général des FARDC et l’autre chef des insurgés Enyele, qui a été au centre des discussions entre les deux chef d’Etats a été réglée. L’impasse persisterait entre les deux hommes d’Etat.

Pourtant, c’est sur ce dossier hautement sensible que les observateurs attendaient le Président congolais et son collègue de la RDC, Joseph Kabila. Rien n’a malheureusement transpiré de leurs discussions pendant le séjour éclair de l’homme d’Etat congolais, de qui on aura plutôt retenu qu’il affichait les traits d’un homme circonspect, réservé et replié sur lui-même, souriant énigmatiquement à l’issue de ses entretiens avec Kabila.

Difficile pour les non initiés de savoir si l’enthousiasme affiché par le chef de l’Etat congolais de l’autre rive du fleuve traduit l’aboutissement heureux de sa rencontre avec son jeune homologue de la RDC, ou s’il est agi simplement d’un verrouillage de la personnalité qui ne laisse rien filtrer des sentiments personnels, se contentant de comprendre ses interlocuteurs d’en face sans se dévoiler lui-même.

Du coup, on ne comprend que lieux le sens du ballet diplomatique qui s’est développé il y a moins de trois semaines entre les deux capitales des deux rives du fleuve Congo. Début avril, au détour d’une visite- éclair à Kinshasa au lendemain du rappel de notre ambassadeur à Brazzaville, Mme Kirongozi, le ministre congolais des affaires étrangères, Basile Ikouebe, avait enté de relativiser la tension qui était en train de naître entre Brazzaville et Kinshasa. « Il s’agit, selon lui, des questions importantes et sensibles qui méritent d’être traitées à un très haut niveau ». A l’entendre au sortir de l’audience que le Premier ministre Adolphe Muzito lui avait accordée à l’occasion de son séjour kinois, le chef de la diplomatie congolaise avait souhaité « dépasser ce cap et tout faire pour rétablir la confiance entre les deux pays ».

Aussi bien, l’arrivée de Sassou Ngouesso à Kinshasa peut-t-elle être inscrite dans cette dynamique qui permet de faire un ouf de soulagement, dans la mesure où les deux pays ont frôlé la rupture de leurs relations diplomatiques. Il n’en sera pas question, parce que, à l’évidence, selon la formule de M. Ikouebe, « le rétablissement de la confiance est possible ».

Quid de l’extradition ?

De l’avis de nombreux observateurs avisés des questions congolo-congolaises, le déplacement vers Kinshasa du président congolais Sassou est à placer dans sa démarche visant à assurer et rassurer son collègue de la RDC sur sa non implication dans les deux événements qui ont failli conduire les deux pays justement à la rupture. A savoir notamment le refus de Brazzaville d’accéder à la demande formulée par Kinshasa d’extrader vers la RDC le général Munene et le chef des insurgés Enyele, Undjani. Et ce n’était pas tout. Parce que, rappelons-nous, s’agissant particulièrement de Munene, il avait été cité par les autres insurgés qui avaient tenté, début janvier, d’envahir la province du Bas Congo, avouant avoir d’être introduits dans cette province à partir de la ville balnéaire de Pointe Noire, au Congo Brazzaville.

Il en est de même d’autres éléments dits terroristes qui ont tenté, eux aussi, de s’attaquer à la résidence du Président Kabila. Dans les deux cas, selon le porte-parole du gouvernement, par ailleurs ministre de la Communication et des Médias, Lambert Mende Omalanga, tous ces éléments seraient venus de la République du Congo.

Pour rappel, Faustin Munene était dans un premier temps recherché activement par la Justice militaires pour des faits qui n’ont jamais été communiqués au public. Son nom ayant été mêlé aux insurgés identifiés au Bas Congo qui ont avoué avoir été recrutés à Brazzaville, il n’en fallait pas plus pour que le gouvernement congolais introduise à Brazzaville une demande d’extradition de cet ancien haut officier des FARDC, et autrefois l’un des piliers du régime de feu Mzée Laurent Désiré Kabila.

Il en est de même du chef des insurgés Enyele, localisé à Pointe-Noire, arrêté par les services de sécurité du Congo qui l’ont par la suite, transféré à Brazzaville. Il n’a jamais traversé le fleuve sous bonne escorte à la faveur de son extradition demandée en son temps par le gouvernement de Kinshasa.

Pour autant, quid donc du transfert de ces deux éléments qui ont été à la base du rappel de notre ambassadeur du Congo Brazzaville ?

De l’avis de nombreux observateurs, au-delà des assurances données par le président Sassou à son collègue Kabila sur sa non implication ni de près ni de loin dans cette affaire qui a envenimé la tension entre les deux capitales, la question liée à l’extradition de ces deux insurgés n’aurait pas été réglée selon l’entendement des autorités de Kinshasa. D’où le silence observé par le ministre congolais Ikouebe à la question des journalistes. Ce dossier aurait été transmis pour réunion de la Commission mixe congolo-congolaise.

En attendant, les deux parties ont adopté le principe du rapatriement des réfugiés congolais de Kinshasa qui ont littéralement investi la localité congolaise de la Likouala après les affrontements sanglants entre pécheurs Enyele et Boba, dans la province de l’Equateur consécutifs à une bizarre affaire autour des étangs poissonneux. Ces derniers ont pour la plupart indiqué que le rapatriement étant « volontaire », ils ne voyaient pas l’opportunité de se précipiter vers la RDC.

Mais leur présence à la limite envahissante dans la préfecture de la Likouala posant un sérieux problème à l’environnement et à la cohabitation avec les autochtones évalués à plus ou moins 80.000 habitants, contre environ 100.000 réfugiés venus de l’Equateur, la question reste préoccupante pour les autorités de Brazzaville.

On ignore si à la suite du tête-à-tête Sassou-Kabila, madame Kirongozi pourra rejoindre son poste à Brazzaville, ou si son retour reste intimement lié à l’extradition de Munene et de l’Indjani. Dossier à suivre donc.

Jkalm
Kinshasa, 18/04/2011

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