POUR UNE ETHIQUE DE NON-VIOLENCE DANS NOTRE VIVRE ENSEMBLE

David NTOYO-MASEMBO

Les violences  physiques et verbales opposant les sympathisants des deux parties adverses dans l’affaire Parfait Kolelas, les enfants de celui-ci, d’un  côté, et sa veuve, de l’autre,  qui ont perturbé la sérénité du parquet de Bobigny lors de l’audience en référé du mardi 10 janvier dernier, projettent une image dédaigneuse de la société congolaise. Le caractère révoltant de cette tragédie a suscité quelques réactions épidermiques chez quelques observateurs qui se sont livrés à la facilité d’une interprétation réductrice de l’incident à une vile dimension tribale. Parmi eux, figure un certain Patrick Rosenberg, auteur d’une longue audio en circulation sur les réseaux sociaux, qui  stigmatise quelque peu exagérément les Laris comme les traitres par excellence de la cause nationale au service du tyran de la République. Plutôt que de s’attarder sur la véhémence de sa diatribe à l’endroit d’une communauté culturelle parfois injustement culpabilisée pour justifier sa victimisation, c’est contre les risques et dangers d’éventuelles dérives susceptibles de résulter de telle facilité d’extrapolation des incidents sociaux qu’il conviendrait mieux de prévenir notre fragile opinion publique. De tels incidents requièrent davantage une analyse dépassionnée, circonspecte et approfondie  en vue d’une appréhension contextuelle de leur avènement et de l’assimilation adéquate des enseignements dont ils sont porteurs dans la perspective d’un épanouissement intégral de notre nation qu’une approche qui, à force d’extrapolation, risque d’en fausser substantiellement l’interprétation.  

L’agression physique des combattants de la vérité pour Pako, Faye Monama et Elie Mountsompa, et les invectives à l’endroit de l’un des avocats de la défense des enfants Kolelas, Maître Ndokolo, se sont avérés être une  démonstration de violence superflue. En effet, outre avoir dénoté d’une vile déraison de leurs auteurs qui auraient mieux fait de s’en abstenir dans la mesure où elle n’aurait aucunement influé sur le cours de l’audience, cette violence a raté son objectif de vouloir dissuader les combattants à rechercher la vérité sur la mort de Pako. De surcroît, elle a jeté un discrédit patent sur le pouvoir de Brazzaville grâce au dévoilement de ses manœuvres machiavéliques dans cette affaire. La platitude comme la répugnance de cette barbarie portent même à croire qu’en somme les Congolais seraient un peuple de pervertis désertés par l’esprit de tempérance substitué par un démon fougueux leur instillant une impulsion belliqueuse à la moindre  incartade. En effet, cet événement,  qui n’est pas un fait isolé, s’insère dans une série d’incidents survenus courant 2021 dans les cercles du pouvoir jusqu’au sommet de l’Etat et  ayant impliqué une dose de violence  notoire. Primo, d’après une rumeur fort vraisemblable, deux ministres du gouvernement en exercice se sont bagarrés dans les locaux de la présidence de la République et se sont ignoblement invectivés. Secundo, une rixe a opposé, en pleine rue de Paris, un ministre alors en exercice, Nicéphore Fylla au pasteur Noumazalaye, figure renommée  de la diaspora combattante de Paris et a vite fait le tour de  la toile. Tertio, un  incident portant sur des « propos discourtois » d’une ministre en exercice « à l’endroit des journalistes qui étaient venus couvrir l’événement et qui ne l’auraient pas interviewée » vilipendés par le doyen Dieudonné ANTOINE-GANGA dans les colonnes de ce journal complète ce tableau sombre des bourdes de la  république illustrant très pertinemment ce phénomène de dégénérescence de moralité et  de perdition d’éthique du leadership dans notre société.

L’invraisemblance avilissante de ces épiphénomènes est la réaction plutôt allègre de la nomenklatura du PCT dans  l’affaire Fylla  qui a érigé la violence en aiguillon standard du comportement  politique.  Dans  cette pseudo-élite quasi-saugrenue, ce pugilat n’a étonnamment offusqué personne ; bien au contraire, il a été acclamé comme une victoire sur l’adversaire car « à Brazzaville, la majorité des ministres, membres et fanatiques du clan n’arrêtent de fêter cette correction », rapporte le journal numérique Sacer-Info Congo qui poursuit : « Le téléphone du ministre Nick Fylla n’a cessé de sonner pour recevoir des messages de soutien et réconfort de la part de ses collègues qui estiment que cette réaction musclée mettra fin à la peur des autorités Congolaises lors de leur séjour en France. « Bonne réaction cher collègue ! » a dit un ministre avant qu’un autre ne renchérisse : « T’es un vrai muana Potal ! ». Autrement dit, un bon belliqueux ! Dès lors, il y a lieu de s’interroger sur la place qu’occupent désormais la raison et l’éthique dans l’esprit d’une caste dirigeante qui se complait dans l’apologie de la barbarie et se dévoue dans le culte de la terreur. Il y a, ici, une urgente nécessité de nous élever individuellement en dignité pour redorer notre image de Congolais car nous présentons désormais à l’extérieur une image terne ne corroborant plus notre réputation d’antan, celle de peuple magnanime aux mœurs distinctement policées dont la sublimation a généré tout un phénomène social, la « sape », aujourd’hui appelée « sapologie », cet art du bon vivre ensemble fondamentalement  axé sur la courtoisie et le rejet de toute forme de violence.   

Ces incidents d’une  violence  physique, verbale et parfois scripturale manifeste nous interpellent comme Congolais et nous convient à une réflexion sur un nécessaire raffinement de nos mœurs et sur une création d’un environnement de paix véritable. Ils démontrent, d’une part, comment une violence jusque-là rampante commence à faire surface sous forme de rixe, d’invective et de diatribe en période de non-guerre et, d’autre part, la pathétique incapacité des Congolais à dompter leurs impulsions belliqueuses héritées des décennies de la tyrannie « sassovienne » dans le règlement de leurs contradictions sociales. Ils constituent, par ailleurs, une  invite implicite à une réflexion sur des modalités alternatives de gestion de conflits bannissant toutes formes de violence. Le doyen Dieudonné Antoine-Ganga, militant infatigable de la paix et de la démocratie, ne cesse de nous instruire à ce sujet à travers son abondante littérature riche en enseignements.

Quelle formule de rapports sociaux pacifiques excluant tout recours à quelconque forme de brutalité dans le règlement de conflits collectifs conviendrait-il aux Congolais ? L’interrogation se justifie par l’urgence et la nécessité de recoller les lambeaux de notre nation déchiquetée à dessein par le tyran. Ce questionnement s’étendrait logiquement à l’interaction entre la conscience individuelle du Congolais et son comportement en collectivité car une paix intérieure dans le cœur de tout individu génère nécessairement une cordialité facilitatrice et pacificatrice des rapports humains tandis qu’elle contribue simultanément à l’érectiond’un environnement social harmonieux où règne une ambiance  de bon vivre ensemble. Ce défi d’apparence difficile n’est en réalité pas impossible à relever car il existe déjà des modèles de société et des doctrines sociales pacifistes constituant idéalement de bonnes sources d’inspiration. Si la satyagraha ou la doctrine de la non-violence du mahathma Gandhi en est une référence exogène idoine, nous disposons dans notre patrimoine culturel d’un système de valeurs inexactement appréhendé et délibérément déconsidéré : la « sapologie ». En effet, ce système comportemental aujourd’hui vidé de sa substance du fait de sa récupération par le pouvoir « sassovien », a été détourné de sa vision initiale de pacification des rapports humains et de règlement non violent des conflits pour être circonscrit à son strict volet d’extravagance. Aujourd’hui, ces préceptes dévoyés ne demandent qu’à être redéfinis pour restituer à cet art de vivre sa vocation initiale.     

Ces inconduites n’étonnent toutefois aucun observateur avisé et scrupuleux de l’évolution  de   notre société de ces trois dernières décennies car ils ne sont  que l’aboutissement d’un plan de déstructuration sociale par le PCT et son gourou visant essentiellement l’abrutissement tous azimuts de la population pour mieux la damner. L’armement de la jeunesse,  la militarisation des rapports sociopolitiques par le jeu du pouvoir au bout du fusil, la déstabilisation d’une région du pays par la guerre, la destruction du système éducatif, la corruption de l’appareil politique et le fossoyage de l’économie nationale sont des facteurs participant de ce plan de déliquescence de notre nation jadis glorieuse. La semence d’un ferment  de violence  dans la conscience collective depuis la militarisation du pouvoir par le PCT poursuivi par « l’Empereur » d’Oyo participent de ce processus de déculturation de la population et de dépravation de nos mœurs promouvant ainsi manifestement le primat de l’animalité du Congolais sur son humanité, la prévalence de l’instinct sur l’intelligence ou la  substitution de l’excellence par la médiocrité. En clair, c’est l’exaltation de la violence et de son corolaire, le crime social.         

La récurrence des violences dans la diaspora congolaise de France n’est certainement qu’un corollaire de la déconstruction de la nation par le PCT. Outre les dégâts nationaux, ce plan  a particulièrement ravagé le département du Pool à travers son volet militaire « Opération Mouebara » dont l’extension envisagé à d’autres régions sud du pays appelle à une vigilance citoyenne accrue. Ce drame a amorcé l’abrutissement d’un grand pan de notre jeunesses dont le subconscient a développé ce caractère primesautier  de bagarreur, de pourfendeur, de marchand d’injures abjectes  que tout humain sensé se gênerait à ruminer dans son for intérieur. Allusion est faite à ces intervenants de notre diaspora de Paris qui, comme Loufoua-lwa-Nkandi ou Breziani et compagnie, profitent abusivement de la liberté d’expression des réseaux sociaux pour débiter délibérément des insanités ponctuées de l’infâme injure envers  le genre féminin, notre mère porteuse et matrice de la vie humaine. Ces ignobles effrontés ne méritent qu’indignité et  ostracisation de notre société. Il convient  toutefois de  signaler que si les Laris  excellent dans cet art de l’injure public, ils n’en possèdent ni le monopole, ni l’exclusivité. Les orateurs de  langue maternelle lingala ne font pas exception à la règle car leurs discours virulents hargneusement saupoudrés de la même insulte indécente offusquent autant que celui des locuteurs laris. Ce constat démontre ostensiblement que l’indécence, l’irrespect, la collaboration et/ou la félonie transcendent les frontières anthropologiques des communautés contrairement à l’apologie de la stigmatisation de Patrick Rosenberg qui fait de ces antivaleurs un attribut exclusif des Laris.

Femmes congolaises, acceptez, à l’occasion, les excuses du genre masculin en lieux et places  de cette génération pervertie par un quart de siècle de guérilla  continue et qui n’a pas eu d’attache avec le mbôngui, notre école traditionnelle, l’université bantoue, creuset de la sagesse, centre de l’universalité de la connaissance et forge de l’homme intégral dont l’épanouissement accompli faisait autrefois la fierté de notre civilisation. Le lari comme le lingala, en somme nos idiomes congolais, ne sont pas, par essence, des langues violentes car les cultures dont ils sont l’expression ne se caractérisent ni par la grossièreté, ni par la barbarie mais par des valeurs de respect, de décence, de tempérance, travail, de discipline, d’honneur, de tolérance  et de mutualité qui compose les thématiques de notre philosophie du « timuntu » ou « bomoto », c’est-à-dire l’humanisme  ou l’art du savoir vivre et de la considération de l’être humain. D’où la nécessité de penser autrement notre communauté de vie sociale.

David NTOYO-MASEMBO

Diffusé le 16 janvier 2022, par www.congo-liberty.org

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6 réponses à POUR UNE ETHIQUE DE NON-VIOLENCE DANS NOTRE VIVRE ENSEMBLE

  1. Samba dia Moupata dit :

    Cher David Ntoyo Massembo , pourquoi Parfait Kolélas est mort empoisonné ? Est -ce qu’un homme sérieux peut accepter être ministre de Sassou Dénis ? J’accuse tous ces soutiens carriéristes de Parfait Kolélas surtout ceux de France qui ont ratés leurs vies de l’avoir adouber dans ce projet funeste ! Moi je l’ai dis plusieurs fois sur ce site que Parfait jouait à un jeu très dangereux avec le chef criminel Mbochi Sassou Dénis. Ce dernier a toujours pratiquer l’achat des consciences au pool pour mieux divisé du moins instruits au plus instruits à l’instar de Morel à Jean Louis Bakabadio .

  2. Marché total dit :

    Cher frère Massembo Ntoyo,

    Ne rêvons pas… l’empereur de L’Idiot utile Sassou est arrivé par la force avec l’appui de la France, il ne repartira que par la force. On sommes-nous conscients et on n’avons nous les moyens ?
    Les nordistes veulent le départ de Sassou, mais à la condition que le pouvoir reste au nord. Il n’y a pas d’issue avec les frères du nord. La seule solution c’est la scission.

  3. Paul Jean-Ernest OTTOUBA-KASSANGOYE dit :

    M. NToyo-Masembo, Bonjour.

    Je reconnais avec vous que cette thématique de la violence au Congo, celle de la paix civile dans le respect intelligent des lois de la République, est une vraie question pour laquelle le PCT détient une très grande part de responsabilité. Tout ce passe comme si, dans ce parti, « aînés et héritiers » n’avaient jamais tiré les leçons de la Conférence Nationale de 1991, comme si le principe de « l’autocritique » n’avait jamais été qu’une clause de style dans une syntaxe ou une grammaire frauduleuse. Le mensonge permanent.
    Je suis incapable, pour ne lui avoir pas accordé l’attention nécessaire, de vous témoigner de la fonction sociale de la « sapologie » dans la pacification des moeurs et des esprits belliqueux dans notre pays.
    En revanche, il y a des espaces sociaux où elle a pu se mettre en mouvement en la résolvant directement ou en déplaçant les conditions de sa réalisation vers d’autres espaces sociaux sur un mode contractuel.
    Ainsi donc,
    – nous serons emprunts à l’exercice de la violence aussi longtemps que nous ne nous reconnaîtrons pas dans une monnaie nationale et que le FCFA sera loin de nous, de notre intimité collective, de notre souveraineté. La monnaie a été inventée, entre autres fonctions, pour limiter, sinon éviter les conflits.
    – nous resterons dans cette violence multiforme aussi longtemps que le taux d’activité salariée (le nombre de chômeurs) sera aussi élevé ou qu’un diplômé Bac+5 connaitra le syndrome de Tanguy jusqu’à sa mort. Le contrat de travail aide à pacifier les rapports sociaux parce qu’il oblige au dialogue autrement que pas les armes à feu, celles de l’égocentricité, celle de ceux qui restent enfermés dans la séquence oedipienne de la nature, contre la culture.
    Autant d’espaces sociaux où la loi républicaine par le contrat peut trouver à se déployer pour le mieux vivre ensemble, souhaitable. Une exigence.
    Ce qui suppose, à l’évidence, accepter de sortir de la loi de la nature, au profit de la culture.
    Merci et une bien heureuse année 2022 à vous et à toute l’équipe de CONGO-LIBERTY.

  4. KIKADIDI LEO dit :

    MR PARFAIT KOLELAS GAGNAIT AUTANT D ARGENT EN TANT QUE MINISTRE? LA FRANCE A AIDE SASSOU PEUT ETRE MAIS COMMENT EXPLIQUER L OFFENSIVE DE L ARMEE ANGOLAISE AVEC DES CUBAINS A SA TETE?ETAIENT ILS SOUS LES ORDRE DE LA FRANCE OU DES RUSSES?

  5. KIKADIDI LEO dit :

    JE ME DEMANDE COMMENT

  6. Samba dia Moupata dit :

    Le faux Kikadidi d’Oyo arrêter avec vos affabulations des coups d’état imaginaire ! Bakongo ba bomi Ngouabi . Parfait kolélas est mort de sa pure naïveté , Sassou Dénis le croyait affaibli au niveau du pool , la dernière compagne électorale à montrer combien , il était encore populaire dans le pool et ça été une menace pour la barbarie Mbochi et surtout pour la succession de son fils Kiki qui a eu 47 ans il y’a trois !

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