Paulin Makaya, coordinateur du collectif UPC-Unis Pour le Congo « Sassou doit tirer les leçons de la crise en Centrafrique »

makaya paulinPropos recueillis à Londres par Pascal Benjamin

Hôtel Novotel de Euston, dans le Centre d’Affaires de Londres, un après-midi brumeux de janvier 2013. C’est dans cet endroit chic et branché qu’a lieu notre rendez-vous avec Paulin Makaya, le coordonnateur du Collectif UPC-Unis pour le Congo, pour un entretien à bâtons rompus. Confortablement installé dans un large fauteuil de style victorien, notre hôte déploie son mètre quatre-vingt-quinze, de sa démarche féline et assurée, et s’avance pour nous accueillir chaleureusement, dans l’envergure immense de ses bras ouverts.

Dix-huit mois après notre dernière interview, l’homme politique n’a pas changé. Toujours ce look soigné, dans un costume de bonne coupe, façon très british ; ce regard vif et pétillant, ce sourire gourmand et carnassier, ponctué de temps à autre par un rire sonore. Et des convictions toujours coulées dans de l’acier trempé. Car Paulin Makaya persiste et signe. Plus que jamais, « il faut chasser le tyran », c’est-à-dire, Denis Sassou Nguesso, afin de rétablir la démocratie véritable dans un état de droit, au Congo-Brazzaville.

Situation sociopolitique, économique, catastrophes naturelles, en somme, tous les sujets qui ont fait l’actualité du Congo-Brazzaville, ces derniers mois, sont évoqués. Et pour notre interlocuteur, un mélange d’optimisme et de modestie qui s’exprime volontairement par l’emploi du « nous », la première personne du pluriel comme pour affirmer que le combat est collectif et devrait à terme, mobiliser l’ensemble des patriotes sincères à travers la structure dont il s’est doté avec ses amis, le Collectif UPC-Unis pour le Congo (UPC).

AFRIQUEDUCATION: L’actualité sur le Congo est brûlante. Le président de la République vient d’augmenter les salaires de 15%. Vous lui dites « Bravo Félicitations » ?

Paulin Makaya: Non, pas du tout. La situation socio-politique et économique du Congo-Brazzaville est insupportable. Je pèse mes mots. Le système politique est totalement verrouillé depuis l’arrivée de M. Sassou Nguesso au pouvoir (je précise) par les armes le 15 octobre 1997. Il cherche à se passer pour un démocrate qu’il n’est pas et n’use que de la force pour se maintenir au pouvoir. Il est parti de la flexibilité transitoire de 5 ans au mandat de 7 ans renouvelable une seule fois. A la fin de son deuxième et dernier mandat en juillet 2016, il aura fait, en tout, 19 ans au pouvoir. Je rappelle qu’il avait déjà dirigé le Congo de 1979 à 1992, soit 13 ans. Si je totalise ces deux présidences, il aura fait 32 ans au pouvoir au terme de son deuxième et dernier mandat en juillet 2016. 32 ans, c’est largement suffisant pour qu’il jouisse d’un repos mérité pour avoir coulé le Congo.

Qui est, en fait, M. Sassou Nguesso? Il est l’alpha et l’oméga, le maître absolu. Rien ne peut se faire sans lui. Il s’est arrogé tous les pouvoirs : il est à la fois chef de l’exécutif (il n’existe ni de vice-président ni de premier ministre), le chef du parlement (il n’est responsable ni devant l’Assemblée nationale ni devant le Sénat), et le chef du système judiciaire (le procès bâclé des 353 du Beach en est une illustration, tout comme les enquêtes dans le cadre des explosions du 4 mars 2012). Il fait montre d’un grand savoir-faire en matière de manipulation. Mais trop c’est trop et les Congolais ont marre de lui. Il le sait. Voilà pourquoi, pour anticiper sur la colère des fonctionnaires, il parle de revaloriser de 15% le salaire minimum des agents de l’Etat. C’est un mensonge. Le budget 2013 a déjà été adopté par son gouvernement et voté par son Assemblée monocolore en septembre 2012, sans cette mesure. Comment va-t-il faire pour honorer cette promesse ?

Dans le rapport du PNUD de 2011, l’indice du développement humain qui est aujourd’hui le paramètre de référence concernant le bien-être social, classe le Congo-Brazzaville dans une catégorie moyenne à faible revenu, soit 137eme sur 179 pays alors que son PIB par habitant de 4.245 dollars par an, le place à la 119e place mondiale (Banque mondiale, rapport de 2010). Cette position ne reflète pas le potentiel du pays, miné par la mauvaise gouvernance, plus précisément, les détournements de fonds publics dont les dignitaires de son pouvoir se livrent comme s’il s’agissait d’une course contre la montre. Si cette augmentation de salaire était réelle, nous applaudirions parce que nous avons le souci du bien-être de notre peuple. La réalité est malheureusement autre ; cette annonce est pour nous, résistants congolais, un non évènement.

En effet, la gestion de la manne pétrolière du Congo fait l’objet de beaucoup de critiques. Concrètement, que reprochez-vous au président par rapport à l’utilisation de cette manne ?

La rente pétrolière au Congo appartient au clan Sassou Nguesso. Elle est un secret clanique, dans la mesure où la gestion de cette rente est totalement opaque et se traduit par un enrichissement indu des membres du clan au pouvoir. A l’évidence, les puits de pétrole sont devenus une propriété privée du clan de la Rive Gauche de l’Alima. Il convient de signaler que même le peuple de Loango, originaire de la région du Kouilou où est puisé ce pétrole, censé être son propriétaire foncier, n’a que ses yeux pour pleurer, car les Pétro-CFA, il n’en voit pas la couleur. Il n’y a qu’à aller voir l’état dans lequel se trouve la cité pétrolière, Pointe-Noire, par excellence, le poumon économique du pays, pour s’en convaincre. Loin de jouir de la manne pétrolière, le peuple de Loango subit plutôt les effets pervers de l’exploitation pétrolière, avec un littoral perpétuellement souillé par une marée noire). L’air y est pollué par les gaz nocifs des torchères. Les riverains sont réduits à nettoyer des galettes de goudron cancérigènes, en les enfouissant simplement dans le sable, sur place même, avec les moyens de for tune quand ce n’est avec les mains nues. C’est une véritable catastrophe écologique que subit, bouche bée, ce peuple de Loango. Sassou Nguesso, à Brazzaville, se fiche d’une telle situation. On ne peut que s’indigner de son indifférence et de son insouciance face à cette gravissime situation, qui met en danger l’environnement et la santé des citoyens.

Quatrième producteur de pétrole, au Sud du Sahara, le Congo fait jaillir de son sous-sol 300 000 barils par jour, ce qui rapporte une bonne dizaine de milliards de dollars dans les caisses (le régime cache les chiffres sur les recettes pétrolières), chaque année.

Plus de 70% des Congolais vivent sous le seuil de pauvreté avec moins de 1 dollar par jour. L’essentiel des revenus est capté par les kleptomanes du pouvoir. Le pays ne compte aucun hôpital viable : les dignitaires et leurs familles vont se soigner au Maroc ou en Afrique du Sud, et de moins en moins en France depuis l’arrivée de la Gauche au pouvoir. Au CHU de Brazzaville, les femmes accouchent par terre. Les ascenseurs sont en panne. Pour monter à l’étage supérieur, on paie 1.000 F CFA (1,5 euro) au porteur quand on est malade. Pas de médicaments dans les hôpitaux de Sassou. Tout doit s’acheter.

A l’école, les élèves sont assis à même le sol faute de tables-bancs, dans un pays qui regorge de toutes sortes d’essence, mais qui ne font que le bonheur des importateurs occidentaux et chinois. A l’université de Brazzaville, pour avoir une place assise à l’amphi, les étudiants viennent à 4 h du matin pour un cours qui démarre à 8h. Voilà comment Sassou éduque la jeunesse. Les coupures d’électricité et d’eau sont monnaie courante. Dans une ville comme Brazzaville, ancienne capitale de la France libre, on peut rester plusieurs semaines sans électricité. Chaque dignitaire dispose de son groupe électrogène. Le bas peuple s’éclaire à la bougie ou à la lampe tempête. Les baignoires, à Brazzaville, sont considérées comme des pièces de musée, à cause d’un manque cruel d’eau. Pourtant, le Congo, deuxième plus grand fleuve du monde après l’Amazone, sépare Brazzaville et Kinshasa. Le Congo vit vraiment une malédiction alors que Dieu lui a tout donné pour vivre heureux. On peut croire que je hais Sassou par simple mauvaise foi. Pas du tout. Voyez vous-même ce qu’il a fait du Congo. Le système de gouvernance qu’il a mis en place, ne peut être accepté par aucun autre peuple au monde. Il a totalement asservi le peuple congolais au point que la souffrance est devenue, pour ce peuple, une norme de vie tout à fait banale.

Le réseau routier est à l’image du délabrement général du pays. La corruption est généralisée et s’impose, désormais, dans la conscience des Congolais comme la clé de la réussite socio-économique ou politique. Ce fléau a été érigé en système de gestion d’Etat, obérant ainsi les efforts entrepris par les Congolais pour la justice et la vérité, mais ruinant également tous les espoirs de démocratisation découlant de la Conférence Nationale Souveraine de février 1991.

On vous reproche de parler de l’extérieur et de refuser de rentrer au Congo pour participer au développement du pays. On vous reproche aussi de vous être séparé de votre maître politique, Bernard Kolelas, qui, finalement, est rentré seul au Congo sans vous alors que vous étiez son plus proche collaborateur pendant l’exil. Dites-nous exactement pourquoi après avoir cheminé ensemble au Congo, en exil en Afrique de l’Ouest, vous avez préféré ne pas suivre sa décision de retourner au Congo ? Qu’est-ce qui a motivé votre choix?

Dans ma lettre de démission du parti, le 12 janvier 2007, du vivant du président Bernard Kolelas, j’avais évoqué les principales raisons qui m’avaient poussé à le quitter. Vous savez, je suis arrivé à ses côtés, très jeune, en 1991. J’avais à peine 25 ans. J’avais pris le parti d’être toujours à ses côtés pour apprendre, pour rêver avec lui, et, enfin, pour contribuer à faire de lui, le président d’un Congo prospère, uni et démocratique. Au-delà de la politique, le président Kolélas était, pour moi, un père. Sans vouloir offusquer personne, je peux affirmer que je fais partie de son héritage politique. Pour être resté très proche de lui, surtout, pendant 8 ans en exil particulièrement dur où Sassou demandait qu’on nous coupe les vivres dans les pays qui avaient la gentillesse de nous accueillir. J’ai tellement enduré au côté de cet homme et de sa femme (Ma Ngudi) que je peux, légitimement, prendre le risque de dire que je connaissais la profondeur de sa pensée politique. J’ai pratiqué le président Kolelas, tous les jours, du matin au soir, sans me lasser, dans les hôtels, les voitures, les avions, toujours à deux. Il y a des choses qu’on se disait, lui et moi. Et à personne d’autre. Cette relation a évolué au point où j’étais devenu plus qu’un indispensable confident pour lui. C’est ainsi que, quand il a changé son message politique, je me suis senti trahi et ne pouvais continuer dans sa nouvelle direction. Je n’aime pas la politique à géométrie variable. J’ai horreur de la démagogie. J’aime une politique qui se fonde sur la cohérence et la constance. Autant, il est appréciable de voir un individu incarner de nobles valeurs et de les porter sur des fonts baptismaux, autant, on est scandalisé de le voir se renier en les foulant au pied. Pour moi, un projet ou du moins une vision politique, ayant acquis l’adhésion d’une importante frange de la population, revêt un caractère sacré. Son dévoiement devient à la fois de la trahison et un sacrilège. Certes, la tonalité peut changer mais l’esprit doit rester le même. Le philosophe Lucius Seneca n’a-t-il pas dit que « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas. C’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles.» Évidemment, j’ai osé en ne le suivant pas à Brazzaville, pieds et poings liés, devant le dictateur Sassou et je crois bien avoir eu raison. Aujourd’hui, je trace mon sillon, sans me départir de sa vision du départ : me mettre résolument au service d’un peuple opprimé et non courir après des intérêts bassement matériels.

S’agissant de la distance par rapport au pays, on dit souvent : « loin des yeux, près du cœur ». Même étant en Europe, je reste très près du peuple congolais. Je suis à son écoute tous les jours. Nous avons travaillé, en exil, avec le président Kolélas. A deux, sans enfants, ni autres collaborateurs, nous avions la capacité de mobiliser à l’intérieur. Comme il se sentait permanemment en danger, Sassou nous envoyait, régulièrement, des gens pour négocier notre capitulation à Brazzaville. Souvenez-vous, en 2001, quand j’inondais de fax et de téléphone tous les grands médias nationaux et internationaux dont AFRIQEDUCATION. Résultat : toutes les frontières congolaises ont été fermées, avec à l’appui, un télex (voir facsimilé, page 28, du télex adressé par la représentation congolaise d’Air Afrique en 2001) demandant à Air Afrique de ne pas nous embarquer pour rentrer au bercail. Croyez-moi, cette fois-ci, Sassou n’a qu’à bien se tenir : nous allons, bientôt, rentrer chez nous, au Congo, après 15 ans de vie en exil.

La situation de quasi-blocage politique actuel au Congo vous donne peut-être raison d’avoir choisi de rester en Europe. Mais vous y êtes resté pour faire quoi ? Comment menez-vous votre activité en vue de l’alternance politique à la tête du Congo étant à 6.000 kilomètres du théâtre des opérations ?

Rassurez-vous, je ne suis pas un prophète. J’étais tout simplement à l’époque, le Gardien du Temple, c’est-à-dire, l’une des consciences éclairées du Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI), le parti de Bernard Kolélas. Mais depuis le 18 juin 2011, à Paris, nous avions mis en place, avec mes amis, un instrument crédible de combat dénommé : le Collectif UPC-Unis Pour Le Congo. Ce Collectif a la chance de bénéficier des conseils et de la sagesse de nos anciens encore à l’extérieur. Les Congolais de l’extérieur et de l’intérieur croient en notre projet politique. Notre engagement politique tourne autour de trois paradigmes, à savoir :

– Le libéralisme à visage humain, en y introduisant une touche bantou.

– Le développement intégral de l’homme c’est-à-dire que nous mettons l’homme au centre de notre politique. Nous avons donc la mission d’extérioriser tout ce qui est enfui en lui, dans sa trame existentielle.

– La démocratie pluraliste, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’état de droit.

Vous voyez, le collectif UPC a une feuille de route très claire pour le vrai changement dans notre pays, le Congo-Brazzaville. Enfin, le Collectif se veut être le porte-parole des sans-voix, l’éveilleur des consciences de tous ces Congolais qui souffrent de la tyrannie, de la précarité, de l’ethnocentrisme et de l’arbitraire, dans lesquels le régime de Sassou les a soumis.

Selon Radio Trottoir, le chef de l’Etat aurait acheté l’opposition intérieure qui n’est plus dangereuse pour lui. Il a infiltré la diaspora pour réduire sa puissance de nuisance car il est convaincu que c’est de ce côté que pourrait survenir le danger. Etes-vous au courant de cette information et comment vous organisez-vous pour y faire face ?

C’est vrai, les amis de trente ans de M. Sassou, les marxistes défroqués et recyclés, qui constituent en majorité aujourd’hui l’opposition dite intérieure, empêchent la vraie opposition de s’organiser et d’exister. Il n’y a qu’à voir comment ces derniers l’accompagnent à toutes ses mascarades électorales. Avec une telle opposition, on peut cependant craindre que les velléités de M. Sassou Nguesso de tripatouiller une fois de plus, la « constitution » qu’il s’est pourtant lui-même taillée sur mesure, puissent aboutir. Souvenez-vous que cette même opposition dite intérieure avait fait le déplacement d’Ewo dans le cadre de la parodie de dialogue dans la Cuvette-Ouest. Résultat : il a nommé, sans difficulté, sa chambre basse avec un taux de participation de 15% et personne n’a rien dit. Le pays continue toujours d’être dirigé par les membres de son clan qui concentrent tous les pouvoirs (politique, militaire et économique) entre leurs mains.

Aujourd’hui, la seule chance que le Congo a pour sa libération et son changement, c’est sa diaspora. Je suis convaincu que le salut viendra d’elle. D’elle seule. Voilà pourquoi, M. Sassou Nguesso n’hésite pas à l’infiltrer. Mais soyez tranquille, car j’ai acquis une certaine expérience, pour avoir gardé et protégé le président Kolelas qui, malheureusement, a été livré pieds et mains liés, après moi, au dictateur de Brazzaville, par ses propres enfants et quelques courtisans qui avaient mal assimilé sa pensée politique. Je suis mieux placé pour savoir que M. Sassou Nguesso avait attenté à la vie de M. Kolélas, à plusieurs reprises, à travers le ministère de l’Intérieur en 2000 et 2001, à Abidjan et Bamako. J’ai donc la capacité de m’auto-protéger. Le moment venu, je publierai les preuves que je détiens sur ces tentatives d’assassinat de Sassou à l’en droit de Kolelas. La prudence commande que nous fassions attention avec qui nous associer, discuter et manger. Je n’ignore pas non plus qu’il n’hésite pas à utiliser des jolies femmes pour appâter ses adversaires. Il en élimine beaucoup de cette manière.

Enfin, il ne faut surtout pas céder aux malveillances, aux mensonges et aux rumeurs du pouvoir. Sa machine du laisser-faire et de l’omerta veut broyer tout le monde. Cette machine est très forte, car elle implique divers médias (locaux et internationaux) et des courtisans acquis à sa cause. C’est un pouvoir qui ne lésine sur aucun moyen pour l’achat des consciences et des défenseurs dont il a besoin. Sa capacité de désinformation est telle qu’il peut dire d’une mauvaise chose qu’elle est bonne. Voilà ce à quoi nous devons aussi résister.

L’UPC est un ensemble de partis politiques et d’associations que vous supervisez. Pouvez-vous nous en parler ainsi que sa feuille de route en 2013 ?

Après sa sortie officielle le 18 juin 2011 à Paris, le Collectif UPC-Unis pour le Congo a entrepris des tournées diplomatiques, de mobilisation et de sensibilisation à travers l’Europe, l’Afrique, les Amériques et l’Asie, afin d’expliquer la politique du changement qui est la nôtre. Pour avoir pratiqué la majorité des leaders congolais à travers les nombreuses alliances que mon ancien parti, le MCDDI signait à travers son président M. Kolélas, avec le PCT, le parti de Denis Sassou Nguesso, l’UPADS, le parti de Pascal Lissouba et d’autres, nous avons l’obligation et le devoir de réussir coûte que coûte afin d’abréger les souffrances de notre peuple qui croupit dans la misère la plus absolue.

D’où notre feuille de route en 2013 qui est la suivante :

– Faciliter le regroupement de tous les patriotes sincères autour d’une vision claire, un projet politique pertinent pour un développement dynamique et multisectoriel du Congo Brazzaville. Et ce, au-delà des clivages idéologiques et ethniques. Une vision restaurant l’impartialité de l’« initiative républicaine de développement durable » et de l’« unité de la nation ».

– Travailler au renouvellement de la classe politique afin d’initier les changements indispensables à la reconstruction pierre par pierre d’un Congo nouveau, travailler au retour de l’« éthique » morale, républicaine dans notre pays, notamment, au niveau de la vie publique et privée des acteurs politiques.

Le retour au pays de quelques leaders du Collectif est un objectif à atteindre le plus tôt possible. Bref, il serait imprudent d’étaler de façon exhaustive nos stratégies. Je vous prie donc de bien vouloir lire notre projet politique pour en savoir plus. Au sein du Collectif, tout le monde participe au changement et apporte sa pierre à l’édifice Congo, la modernisation de la vie politique du Congo. En plein 21e siècle, nous voudrions sortir la politique des considérations ethniques et discuter des questions de fond qui affectent la vie réelle des populations comme le taux de chômage des jeunes, les rentrées fiscales du pays, le produit intérieur brut, le niveau de salaire, l’établissement d’une classe moyenne qui va soutenir la consommation intérieure. Pour cela, nous avons besoin des institutions nationales crédibles qui peuvent produire des statistiques objectives comme c’est le cas de l’Insee en France ou de « Office of National Statistics » en Angleterre.

En vous séparant de votre guide Bernard Kolelas, vous imaginiez-vous que son parti le MCDDI se désagrègerait de cette façon, après son retour à Brazzaville et se dirigerait vers sa totale disparition quelques années après sa mort ? Quels en sont les responsables et pourquoi ?

Oui, j’étais convaincu de la disparition du MCDDI avec le président Bernard Kolelas. Parce que l’option qu’il avait choisie était en porte à faux avec ses fondamentaux du départ. M. Kolélas avait toujours été du côté des opprimés et non de celui des oppresseurs. Je suis choqué de voir comment ses enfants et quelques opportunistes sans vergogne étalent aujourd’hui leurs richesses dans tout le pays au détriment de nos populations. Maintenant avec le recul, j’ai compris que le MCDDI avait une malformation de naissance. C’est-à-dire, après la Conférence nationale souveraine de 1991, le MCDDI avait reçu des « politichiens » de tout bord sans pourtant comprendre les valeurs et les principes que prônait son président fondateur. Et pourtant, le MCDDI était une conséquence positive du noble combat de M. Kolélas. Mais hélas, il s’est lui-même renié avant sa disparition en annonçant lors du meeting qu’il avait tenu, juste après son retour au bercail, au Centre sportif de Makélékélé, à Brazzaville, que le MCDDI devenait un parti du Centre. Quelle aberration ! Il avait également demandé aux militants de soutenir leurs bourreaux, à savoir, le gouvernement, et, particulièrement, le président du Parti congolais du travail, tous issus de la guerre du 5 juin 1997. Mais le MCDDI n’a jamais été un parti du Centre. Et de là, j’avais compris que le MCDDI avait le des tin d’une feuille morte. S’agissant des responsables de cette disparition, il y a d’abord la famille Kolélas elle-même, et ensuite, ces opportunistes, béni-oui-oui, qui ont du mal à quitter l’unité de production familiale après leur radiation. Malheureusement pour eux, aujourd’hui, ils utilisent le même discours que nous avions tenu depuis le 12 janvier 2007 avant la mort du vieux. N’est pas leader qui veut ! Un leader est un visionnaire et non quelqu’un qui réagit quand ses intérêts personnels et égoïstes sont menacés. Vous voyez, la vie politique est une longue marche et non une course contre la montre. Quand on a passé près de 22 ans dans la vie politique, cela m’a permis de comprendre les vicissitudes de la politique et différents épanchements de l’âme humaine. A cela s’ajoutent les épreuves du destin. Voilà pourquoi nous avons la conscience tranquille.

Quant aux opportunistes et soi-disant fils spirituels, je leur demande d’aller créer leur structure dans l’espoir de nous retrouver dans le cadre d’un espace républicain qui aura pour objectif premier, la réhabilitation de la constitution du 15 mars 1992. Et, donc, la reconquête du pouvoir. Chez nous au Collectif UPC-Unis pour le Congo, le bonheur personnel n’est pas une finalité ultime dans la vie. Surtout quand votre peuple est précarisé et clochardisé au point où il est devenu étranger chez lui.

Avez-vous gardé les contacts au sein du MCDDI ? Si oui avec qui et à quels buts ?

Pour avoir gravi tous les échelons du MCD-DI, où j’ai été tour à tour membre du Comité national du MCDDI, membre du Bureau exécutif national de la jeunesse du MCDDI (JMCDDI), chargé des questions juvéniles et activités productives, membre du Bureau exécutif national du MCDDI, chargé de la culture de paix et de l’unité nationale, commissaire politique des pays du Niari, conseiller spécial et directeur de cabinet du président Kolélas en exil. Durant toutes ces années, je n’ai ménagé aucun effort afin d’apporter ma pierre à l’édifice MCDDI, sacrifiant ainsi toute ma jeunesse à cette tâche, pendant que les autres jeunes de mon âge se livraient aux distractions de leur époque. C’est dire qu’avec un tel record, on ne peut qu’avoir des contacts au sein du MCDDI et ailleurs. Aussi, en ma qualité de commissaire politique, j’étais celui qui avait la charge d’installer toutes les structures de base et intermédiaires dans les régions de la Bouenza, la Lékoumou et le Niari et parfois même dans le Kouilou forestier. Vous voyez, je contribuais à donner au MCDDI son caractère de parti national. Il n’y a qu’à voir ce que ce parti est devenu aujourd’hui pour s’en rendre compte. Enfin, tous ces anciens compagnons me sont restés loyaux et fidèles. C’est dire, le collectif UPC-Unis pour le Congo a bel et bien une base dans toutes les régions du Congo.

Vous avez listé quelques maux qui minent le Congo. Etes-vous de ceux qui pensent que les solutions à ces différents problèmes devraient être discutées dans le cadre d’une Conférence nationale souveraine ? Si oui pourquoi ?

Je suis effectivement pour une Conférence nationale « souveraine » et non pour les états généraux comme j’entends ici et là. Les états généraux sont souvent tenus pour délibérer sur des questions d’intérêt public comme en France après la Révolution de 1789. Une Conférence nationale « souveraine » est un grand moment de rassemblement et de mobilisation de tous les Congolais du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest en passant par le Centre. Vous voyez, la Conférence nationale nous permettra de débattre de tous les maux qui minent notre bien commun, le Congo-Brazzaville, ce grand oublié de l’Afrique centrale. Ce grand moment sera le seul lieu de poser les véritables jalons qui nous permettront de sortir le Congo de son bourbier socio-politique et économique actuel. La Conférence c’est aussi le lieu de la mise en place des conditions de l’assainissement, de la stabilisation et de la relance de toute la société congolaise. On ne peut donc accepter aujourd’hui que M. Sassou Nguesso soit le seul maître à bord du bateau Congo. Sur tout que la mégestion dont il s’illustre est loin d’une orientation économique crédible pouvant conduire vers un Congo émergent d’ici à l’an 2025.

Le président de la République répond que le dialogue est permanent au Congo et que de grand-messes du genre de ce que vous réclamez ne cultivent que le désordre et la haine. N’a-t-il pas raison ? Avez-vous les moyens de l’y contraindre s’il ne veut pas convoquer la Conférence nationale souveraine ?

M. Sassou a souvent l’habitude de confondre le concept Rétribution avec celui de Réconciliation. La rétribution, c’est le fait d’acheter ses soi-disant opposants à coups de milliards afin de garantir ses intérêts personnels et égoïstes. Cependant, la réconciliation nationale est le fruit d’un dialogue national franc et véritable qui réunira tous les protagonistes de la crise congolaise depuis les évènements de juin 1997 et la société civile. Ainsi, tous les monologues qu’il a organisés à coups de milliards depuis son arrivée au pouvoir par les armes en octobre 1997, ont toujours accouché d’une souris. Le dernier en date est celui d’Ewo dans la région de la Cuvette-Ouest, tout juste avant sa mascarade électorale des législatives de juillet 2012. Vous voyez bien que ce monologue d’Ewo lui a permis de se légitimer et, surtout, de distribuer des circonscriptions électorales à son parti, le PCT, aux membres de son clan et à quelques pseudos opposants.

Résultat : son parti contrôle plus de 98% des députés à l’Assemblée nationale et de sénateurs au Sénat. C’est ce que M. Sassou Nguesso appelle, sans vergogne, dialogue permanent au Congo-Brazzaville.

Voilà pourquoi le Collectif UPC-Unis pour le Congo en appelle de tous ses vœux à la tenue sans condition d’une Conférence nationale « souveraine ». La tenue de ce « Mbongui national » (rassemblement) est impérative si nous voulons sortir le Congo de ses difficultés actuelles. Cette grand-messe nous permettra également « sans doute » de nous éloigner des pièges de M. Sassou Nguesso. En définitive, si d’aventure, ce dernier s’obstinait à ne pas offrir aux Congolais l’opportunité de ce grand moment tant attendu, alors là, le peuple souverain sera obligé d’en tirer les conséquences, à travers les consciences éclairées que sont ses dignes fils épris d’un Congo libre et véritablement démocratique.

Les Centrafricains ont créé une rébellion pour obtenir par la voie des armes ce qu’ils réclamaient sans succès par le dialogue. Finalement, le président centrafricain ne se représentera pas en 2016 pour un troisième mandat que lui interdit la constitution et il va nommer un gouvernement d’union nationale. Cela vous inspire-t-il au Congo où vous êtes confronté au même problème de limitation de mandat de votre président et de la limite d’âge pour être candidat à la présidence de la République ?

C’est là que le bât blesse. Malheureusement, Il a fallu cette rébellion pour que le président centrafricain accepte de dialoguer sans préalable avec son opposition et d’annoncer lui-même, de façon unilatérale le respect des engagements pris à Bangui en 2003 lors du dialogue national sous l’égide du médiateur international de l’époque, le président Omar Bongo père. On l’a vu pleurer sur tous les toits, en appelant à la rescousse les Français et les Américains. Quelle honte!

Pour revenir sur le cas de mon pays, le Congo, il serait souhaitable que M. Sassou Nguesso tire les leçons de ce qui se passe en Centrafrique. Aujourd’hui, avec la fin annoncée de la Françafrique, M. Sassou devrait plutôt privilégier un dialogue politique sincère et véritable c’est-à-dire une solution politique négociée en vue d’une sortie honorable du pouvoir. N’oubliez surtout pas la nature criminogène (crimes de sang et crimes économiques) du régime de M. Sassou Nguesso. De nos jours, il n’est plus possible de tripatouiller la constitution à ses propres fins. Il n’y a qu’à voir autour de nous, tous ceux de ses pairs africains, en fin de mandat, qui ont essayé de le faire, ont tous lamentablement échoué.

Somme toute, s’il m’était permis de le conseiller, je le prierais de bien vouloir donner du sens à son combat, s’il en a un, de respecter sa propre constitution taillée à sa mesure, en 2002, et je lui souhaiterais dans ces conditions-là bonne fin de (dernier) mandat 2016, Monsieur le Président Denis Sassou Nguesso: vous avez encore à passer exactement 3 ans et 5 mois avant de quitter le pouvoir.

Il ne vous a pas échappé que le peuple français a élu un président socialiste, François Hollande, qui a annoncé qu’il allait « rompre avec la Françafrique » dont votre président est le principal dépositaire en Afrique centrale. Soutenez-vous François Hollande ?

D’abord, il faut féliciter M. François Hollande, pour ses prises de positions très courageuses, vis à-vis, de l’Afrique. Il faut aussi rappeler que les bouleversements politiques arrivent souvent en Afrique francophone quand la Gauche est au pouvoir en France. Souvenez-vous du Sommet de la Baule avec François Mitterrand en 1990. M. Mitterrand avait conditionné l’aide de la France à la démocratisation des pays africains. Résultat : nous avions assisté aux mouvements des Conférences nationales souveraines en 1991 à travers l’Afrique francophone.

Aujourd’hui, l’histoire est en train de se répéter avec l’arrivée de François Hollande à la tête de la France. Les Africains doivent donc se mobiliser et l’accompagner dans cette entreprise ô combien difficile, mais louable pour la démocratisation et la liberté des peuples africains. C’est vraiment pour nous autres Africains une chance d’avoir un partenaire qui n’a jamais pactisé avec la nébuleuse Françafrique. Il y a donc lieu de profiter de son arrivée pour que le partenariat gagnant-gagnant devienne une réalité, pour l’intérêt des oubliés de la croissance africaine. Je pense aussi que, ceci épargnerait sans nul doute à nos jeunes, candidats à l’immigration, de se lancer à la recherche du bien-être vers l’Occident, parfois au péril de leur vie.

Le Congo a connu de véritables drames en 2012 : des inondations gigantesques à Brazzaville et Pointe Noire, un crash d’avion, les terribles explosions du 4 mars. Quelle lecture faites-vous de ces événements qui ont endeuillé votre pays ?

Devant cette série d’infortunes ô combien dramatiques, le collectif UPC-Unis pour le Congo par ma voix est à la fois triste et décontenancé. Nos pensées vont vers toutes ces familles éplorées, ces compatriotes qui, du jour au lendemain, ont tout perdu. C’est donc l’occasion ici de leur exprimer notre compassion et notre sympathie.

A vrai dire, les différents drames que les Congolais viennent de vivre en 2012 resteront à jamais gravés dans la conscience collective. Ces drames illustrent bel et bien l’état de mal gouvernance et d’amateurisme généralisé mis en œuvre par M. Sassou et son système. De nos jours, il est impensable de croire les Congolais qui, hier, étaient respectés et considérés hors de nos frontières, et qui sont devenus des nécessiteux, clochardisés, sans-abris, sans domiciles fixes et étrangers dans leur propre pays. Ceux, qui sont censés les protéger ont tout simplement capitulé devant leurs responsabilités. On assiste à des inondations sans précédent et des glissements de terrain dus à des pluies diluviennes, des avions cargos qui s’écrasent dans des quartiers populaires, des incendies et explosions des dépôts d’armes débouchant sur des hécatombes. Rien ne va plus dans notre pays. Les Congolais, traumatisés par des guerres récurrentes, sont soumis à une terreur permanente en raison de la militarisation du pouvoir, l’accumulation d’armes de guerre et l’existence d’une milice à Tsambitso, sans parler des multiples milices entretenues par des généraux du Nord sous couvert de sociétés de gardiennage dont les éléments utilisent carrément des armes de guerre comme des Kalachnikov. Je vous informe que le général Jean-François Ndenguet, directeur générale de la police, a enrôlé nos frères de l’Afrique de l’Ouest qui font le petit commerce, comme indicateurs. Sassou Nguesso se cramponne au pouvoir forçant les Congolais à courber l’échine et en instillant la peur dans les esprits. Jamais la logique du pouvoir au bout du fusil n’a été une réalité que sous le régime tyrannique de Sassou Nguesso. C’est ainsi que, pour se défaire de ce pouvoir criminogène, liberticide et kléptomane, et en conséquence, abréger les souffrances de notre vaillant peuple, la mobilisation et le rassemblement de toutes les forces vives s’imposent.

Votre dernier mot?

Je me suis toujours considéré comme une conscience politique éclairée. Il est vrai que j’aurais pu faire un choix facile, celui de rentrer au bercail avec mon mentor, le président Kolelas et bénéficier des avantages matériels comme mes anciens collègues qui se sont allègrement enrichis au détriment de notre peuple et de nos vaillants martyrs. J’ai préféré faire un autre choix, celui qui privilégie l’intérêt général des Congolais, auxquels je m’identifie et dont je connais les souffrances et privations. Il ne s’agit ici d’un combat personnel contre M. Sassou Nguesso, mais il est plutôt question d’une adhésion à l’espérance de liberté et d’une volonté inébranlable et indéfectible de l’érection de l’état de droit. En effet, il n’y a de cause plus noble et juste que de libérer un pays de la tyrannie et d’œuvrer à la satisfaction des aspirations légitimes d’un peuple. Il s’agit donc d’un combat ardu et de longue durée et dont j’ai l’intime conviction qu’il portera ses fruits bientôt.

Pour terminer, je dirais que chaque nation a une âme. Et l’âme du Congo, c’est la fraternité, la justice, la solidarité, le sens du partage qui demeurent de valeurs ataviques et non les antivaleurs exogènes que le pouvoir s’acharne à inoculer dans les consciences. L’enjeu de notre politique, c’est le Congo. Un Congo libre, uni et prospère qui est encore possible, où l’argent, fer de lance de la corruption, sera remis à sa place de serviteur et non de maître.

Numéro 362 – du magazine Afrique Education

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