CONGO: Les errements du Procureur de la République dans l’affaire NTSOUROU.

TsourouIl y a quelque chose de préoccupant dans la manipulation et le piétinement du droit au Congo. Ces errements, ces manquements à l’objectivité et à l’honnêteté intellectuelle relèvent presque du pathos.

Jadis admiré, respecté et apprécié par la qualité de ses cadres, le Congo n’est plus qu’un creuset d’incompétents, avec la mauvaise foi en plus. Tous n’ont qu’un leitmotiv: plaire au Prince, à sa tribu et à ses courtisans, dans la perspective d’être « arrosés » par des enveloppes contenant quelques billets de francs CFA. Le discernement, l’objectivité la réflexion et le bon sens ont cédé devant la pression de la danse du ventre et de l’inconstance. Toutes les digues (à commencer par l’éthique) ont volé en éclats devant la puissance de l’argent.

Si la Justice « est l’ensemble des règles régissant la Société », ses fondamentaux sont continuellement bafoués avec la complicité bienveillante de certains thuriféraires.

La crispation autour de l’arrestation de Marcel NTSOUROU est d’abord le révélateur des angoisses d’un pays dépourvu de repères et des certitudes fragiles et antagonistes avec lesquelles le Congo essaie de se rassurer.

Si les déclarations de l’épouse de Marcel NTSOUROU, tenues au micro de la radio Forum FM le 15 janvier 2013 sont fondées, elles sont révélatrices d’un profond dysfonctionnement, et d’un amateurisme regrettables de la part de ceux qui sont sensés mettre en mouvement  la Justice au Congo. Elle dénonce « la séquestration de son époux, victime d’un accident cardio-vasculaire, suite au harcèlement moral du Procureur de la République ».

Elle ajoute en substance, sans être démentie:  » Le Procureur de la République s’est rendu dans la cellule de son époux le 7 janvier 2013, muni d’une copie de la lettre qu’il (Marcel Ntsourou) avait adressée au Procureur Général, son supérieur hiérarchique ».

Deux observations s’imposent :

La première, est de faire remarquer qu’un courrier adressé à une autorité judiciaire(le Procureur Général en l’espèce) par une personne détenue ne peut être censuré, encore moins intercepté ou détourné. Si tel est le cas, le Procureur de la République a tout simplement violé le secret de la correspondance, acte délictuel, condamné par la loi.

La deuxième observation, de mémoire de tous juristes sérieux, le Procureur de la République ne se déplace pas dans un établissement pénitentiaire aux fins d’enquêtes ou d’interrogatoires. Une telle démarche relève à la fois d’une aberration et d’une ineptie.

En droit, le rôle du Procureur de la République est de défendre les intérêts de la société, l’ordre public et l’application de la loi.

Sur le plan pénal (sujet de cette controverse), le Procureur de la République représente les intérêts de la société en exerçant l’action publique, c’est-à-dire les poursuites en tant que demandeur, en intervenant durant le procès (s’il a lieu un jour) comme une partie principale. Le Procureur agit tant pendant la phase d’instruction que pendant celle de jugement.

Les services de la police judiciaire sont à la disposition du Procureur de la république pour la recherche des infractions, ce qui lui permet ensuite de décider ou non le déclenchement de l’action publique.

Le Procureur de la République dispose (enfin) quand il a eu connaissance d’une plainte ou d’une dénonciation, trois possibilités:

Soit d’engager des poursuites ;

Soit de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites ;

Soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient. Ce choix est appelé « opportunité des poursuites ».

Si le Procureur de la République choisit de déclencher l’action publique, il aura la charge de requérir l’application de la loi. Il disposera des voies de recours au même titre que le prévenu ou les parties civiles. Il est également chargé de l’exécution des peines une fois que celles-ci sont définitives.

Clairement défini par le Code de Procédure Pénal, le rôle du Procureur de la République est malheureusement édulcoré, tronqué et vidé de sa substance par celui qui aurait dû l’incarner au Congo.

Au moment où tous les repères moraux et intellectuels sont en perdition, il conviendrait de méditer sur ce que disait Amadou Hampâté Ba:  » Celui qui me conseille, je le préfère à celui qui me loue, car le louangeur peut me hisser là où, en vérité, je ne suis point parvenu ».

 

Alexis BOUZIMBOU

Cercle de réflexion pour des idées nouvelles

www.congo-liberty.org

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Une réponse à CONGO: Les errements du Procureur de la République dans l’affaire NTSOUROU.

  1. J. NIGER dit :

    Des propos qui auraient eu une meilleure écoute dans un Etat de droit. Ce que l’auteur de l’article décrit est le fonctionnement naturel d’un pays dirigé par un despote.

    L’ordre, l’équité et l’éthique ne sont pas à rechercher ici. Par ici,tout n’est que corruption,brutalité et mauvaise foi!

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