Mars 2021 : faire ou défaire l’élection présidentielle au Congo-Brazzaville. Par Lucien Pambou

L’élection présidentielle aura bien lieu au Congo-Brazzaville en mars 2021. Pour les contempteurs de Sassou, c’est une élection gagnée d’avance. Ils avancent les arguments suivants : Sassou est resté trop longtemps au pouvoir, c’est un satrape qui travaille pour lui, pour son clan et pour les intérêts de la France. Il n’a rien à faire des souffrances et de la misère dont le peuple congolais est victime. Ses enfants s’enrichissent sans compétence professionnelle effective, son clan et ses alliances claniques avec les Makouas, les Batékés, quelques Kongos lui permettent de rester au pouvoir. Ces attaques en règle sont directes, violentes et brutales et Sassou le sait, laisse dire, laisse faire et contrôle la situation politique en permettant à ses affidés de répondre.

Les affidés, c’est à dire ceux qui estiment que Sassou est le seul à maintenir la paix, la concorde et la cohésion nationale, estiment que les membres de la diaspora sont perdus dans leur exil. Ces membres de la diaspora parlent beaucoup et, au nom du ventre, ils n’attendent qu’un signal pour rentrer au Congo et se mettre à la table du Président qui distribue postes et privilèges politiques et financiers.

Entre les contempteurs et les affidés apparaît une troisième strate : ceux qui estiment que le régime présidentiel actuel n’est pas à la hauteur des attentes des populations congolaises pour leur développement, il faut donc changer de régime politique en optant vers le fédéralisme, vers un régime semi-présidentiel, vers un régime politique hybride à construire au Congo. Nous sommes dans une gamme élargie de modèles politiques que les uns et les autres mettent en avant pour expliquer que la situation politique au Congo est difficile. Pour les contempteurs du modèle présidentiel, le Congo doit basculer vers un régime fédéraliste. On attend avec impatience les modalités de ce basculement avec un Président en exercice ou pas, si on pousse la logique jusqu’au bout avec Sassou, s’il est réélu ou pas.  Pour les affidés et partisans de Sassou, il n’y a que Sassou comme Président et rien d’autre. C’est un peu court comme analyse, mais c’est ainsi.

On est donc dans une situation de schizophrénie au Congo. C’est malheureux pour un petit pays de 4 millions, voire 5, qui n’arrive pas à sortir du chemin mental tribalo-culturel légué par la puissance coloniale qui, au nom de ses intérêts, a toujours divisé pou régner. Face à cette situation, faut-il faire ou défaire l’élection présidentielle ? La réponse est oui (Faire) pour les affidés de Sassou et non (Défaire) pour les contempteurs. Essayons de dépasser cette lourde opposition pour tracer quelques lignes-force autour du faire et défaire.

Faire

Faire, c’est acter, c’est à la fois décider et mettre en œuvre les éléments de décision. Nous sommes dans le domaine du management. En politique, faire, c’est prendre acte de ce qui a été décidé et organiser les conditions de la décision. L’élection présidentielle en mars 2021 aura-t-elle lieu ou pas ? La constitution congolaise dit oui, même si cette constitution, remaniée et discutée par les contempteurs, donne une ligne de conduite « démocratique ». Sassou a entendu les conclusions du dialogue national de Madingou. Certains membres de l’opposition, comme Munari, estiment que ce dialogue n’a servi à rien. D’autres, parmi lesquels Tatsy Mabiala, pensent qu’il faut faire l’impasse sur l’élection présidentielle et attendre 2023 ou 2024, voire plus, pour créer les conditions d’une alternance politique réelle au Congo.

Pour Tatsy Mabiala et certains membres de l’opposition, la réélection de Sassou attendue en 2021 peut créer une incertitude car le Sassou, instruit de la vie politique congolaise, fera ce qu’il veut après sa réélection assurée en 2021, sauf surprise (toujours possible en politique) concernant les membres de l’opposition qui l’auront accompagné pour sa réélection. Pour Sassou, les choses sont claires. Il démine son propre camp politique et familial en demandant à son fils, Denis Chrystel Sassou Nguesso, de ne pas se présenter à la présidentielle de 2021 car la situation politique et celle au sein du clan ne sont pas propices. En lecteur de Machiavel, le Président de la République reprend du service alors que, dans son for intérieur, il ne demande qu’à se reposer et passer la main ; mais pour passer la main, il faut que le Président soit sûr de ne pas être poursuivi pour les actes désignés comme crimes par les contempteurs de sa politique depuis plus de trente ans.

Sassou, désigné empereur par les présidents Alpha Condé de Guinée et Ouattara de Côte d’Ivoire par sa longévité au pouvoir et sa maîtrise de la vie politique congolaise, n’a rien à faire de ce titre. Sassou, après sa réélection en mars 2021, sauf évènements ou décisions imprévus, souhaite bâtir les conditions d’un renouveau politique au Congo dominé par la jeunesse. Je ne suis pas dans les confidences du Sassou à propos de la jeunesse, mais j’observe et j’analyse.

Sassou n’est pas sourd, il écoute tout ce que disent ses contempteurs. Il ne réagit pas immédiatement et il écoute, regarde et, tel un serpent venimeux, il attaque après. On peut lui faire une proposition : Monsieur le Président, une fois réélu en 2021, sauf évènement contraire, créez les conditions d’un renouveau du modèle politique congolais orienté vers le fédéralisme ou vers d’autres modèles qui éviteront au Président de la République de cumuler tous les pouvoirs et de favoriser la redistribution globale de celui-ci au sein du peuple congolais.

Monsieur Sassou, une fois réélu en mars 2021, sortez grandi par la grande porte en organisant les conditions d’un renouveau des institutions congolaises et d’un régime politique nouveau en vous départissant des dialogues nationaux et en créant les conditions d’une conférence nationale pour les institutions congolaises pendant votre quinquennat. Ainsi, Monsieur Sassou, le peuple congolais, malgré les contestations de votre pouvoir long, reconnaîtra en vous celui qui aura mis en place les modalités nouvelles d’une République nouvelle, organisée et pilotée par l’entente cordiale entre la jeunesse et les générations anciennes.

Défaire

Ne pas participer à l’élection présidentielle, c’est créer les conditions des mésententes actuelles et futures du vivre-ensemble au Congo. Dans le Faire, je propose les modalités discutables d’une réflexion, d’une conférence nationale sur les institutions politique futures au Congo. Les fédéralistes, pour un Congo fédéral, auraient là un moyen stratégique pour exposer leur point de vue. Attendre le départ de Sassou pour faire entendre leurs propositions risque d’être inopérant en termes de stratégie pragmatique car l’après Sassou se traduira plutôt par le choix des places et non pour la réflexion approfondie pour un modèle politique nouveau. A cette conférence sur les institutions, d’autres modèles de régime politique pourront être débattus.

Défaire l’élection présidentielle de 2021 est un choix acceptable et normal pour les contempteurs de Sassou. Il faut que ces contempteurs disent ce que l’on doit faire en mars 2021, car en même temps ils refusent l’élection présidentielle de 2021 et disent que Sassou sera réélu car les conditions réclamées par l’opposition ne sont pas remplies, à savoir la composition de la commission électorale nationale indépendante, la gouvernance de celle-ci et les demandes de l’opposition non respectées par le Président de la République et la majorité gouvernementale.

A propos de l’opposition congolaise, de quelle opposition parle-t-on ? Il y a un débat au Congo et au sein de la diasposra entre les Congolais qui pensent que l’opposition réelle est en prison, à savoir Mokoko et Okombi Salissa, et l’opposition de vitrine et de la mangeoire, représentée par Tatsy Mabiala, Munari, Mathias Dzon et les autres. Je ne rentre pas dans ce débat d’accusation des uns et des autres, mon métier d’analyste consiste à mettre en avant des faits cachés et implicites que les uns et les autres utilisent pour leur avenir politique et professionnel. Mon avenir à moi est en France. J’y suis depuis plus de quarante ans, j’ai fait le choix de vivre dans ce pays car, très tôt et adolescent, j’ai compris, et c’est mon malheur, que venant d’une famille pauvre, comme c’est mon cas, et volontaire intellectuellement, le pays d’accueil était la France, même si celui-ci ne reconnaît pas toujours mes mérites après avoir été et diplômé dans ses institutions académiques et d’instruction comme Sciences Po Paris.

Voici chers compatriotes un élément de débat avant mars 2021 pour les diasporas congolaises à l’étranger et pour nos compatriotes au Congo : faire ou défaire l’élection présidentielle de mars 2021.

Par Lucien PAMBOU

Diffusé le 18 janvier 2021, par www.congo-liberty.org

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13 réponses à Mars 2021 : faire ou défaire l’élection présidentielle au Congo-Brazzaville. Par Lucien Pambou

  1. le fils du pays dit :

    Cette farce que certains appellent par les elections aura naturellement des dindons dans un pays qui a longtemps perdu sa boussole.Mr Denis Sassou et ses comparses doivent partir voilà ce qui doit etre la preoccupation de tous les Kongolais.Un groupuscule de gens qui n’a aucune notion de l’interet general et qui brule toutes les chances d’un pays de s’en sortir en siphonnant cent milles millards de petro cfa ,un acte qui ne merite pas pardon ne peut plus rester au sommet de la collectivite.Il doit ceder la place aux competents et ceux qui pensent l’interet general.

  2. David Londi dit :

    @Lucien,

    L’erreur fondamentale que tu commets se résume en ces quelques mots : l’affirmation qu’il y a la démocratie au Congo Brazzaville. Valider cette option revient à dire que dans ce pays les droits humains fondamentaux sont respectés : liberté d’expression, de choix et de croyance. Pourtant tous les faits observés militent contre cette affirmation : prisonniers politiques, caporalisation des médias, coupure du média internet dans un moment critique, proclamation des résultats électoraux aux heures indues, patronage par affinités ethniques au détriment de la méritocratie … Nous avons plutôt tendance à croire que le Congo est une dictature. Tous les raisonnements que nous pouvons faire ne peuvent donc que s’inscrire dans ce cadre.
    Dans ce cas, il n’en est pas question de faire des élections sous une dictature : elles ne sont pas un instrument efficace de changement politique. Certains régimes dictatoriaux, comme ceux du bloc de l’Est sous contrôle soviétique, firent des parodies d’élections pour paraître démocratiques. Elles ne furent que des plébiscites rigoureusement contrôlés pour faire entériner par le public des choix de candidats déjà tranchés par les despotes comme c’est le cas au Congo depuis 1997. Ce pays qui n’a connu que 8 ans de démocratie d’après les publications de Sherbrooke (1960-1963 et 1992-1997). Des dictateurs sous pression peuvent parfois accepter de nouvelles élections, mais en les truquant pour mettre en place leurs marionnettes civiles au gouvernement. Les dictateurs ne vont pas se permettre d’organiser des élections qui pourraient les chasser de leur trône.
    Cela n’aurait-il pas été incongru de demander à Hitler, Jorge Rafael Videla d’Argentine, Hugo Banzer Suárez de Bolivie, Luis García Meza Tejada de Bolivie, d’Humberto de Alencar Castelo Branco du Brésil, etc. d’organiser tranquillement leur départ malgré les crimes commis ? Nuremberg, aurait-il trouvé une justification si les alliés s’étaient entendus pour le laisser partir tranquillement après 6 millions de juifs gazés ? Non, soyons sérieux, l’Empereur a les mains rougies par le sang de ses victimes qu’il a semées d’Ikongono à Pointe-Noire en passant par le Pool. Dans ce contexte, l’élection du président au suffrage universel ne fait pas sens.

  3. Samba dia Moupata dit :

    Le frère Lucien Pambou ,ne cesse de lancer des appels du pied au génocidaire Mbochi , Sassou Dénis . Le 21 Mars 2021 , Sassou va réécrire sa comédie avec ses accompagnateurs comme Parfait kolélas , Mbaya qui fraude le métro parisien de deux euros comme par hasard à trouver 38000 euros pour participer à l’autodésignation de son maître Sassou .

  4. Isidore AYA TONGA 100% Intérêt général dit :

    17 MARS 2021: POURQUOI « DSN VAUT RIEN » FERA T-IL VOTER LES MILITAIRES AVANT LE PEUPLE CONGOLAIS? https://www.youtube.com/watch?v=RIr1TN6unts

  5. akouala dit :

    ah le congo! c’est difficile et triste!

  6. Lucien PambouMKAYA MVOKA dit :

    A david Londi et a Samba dia Moupata

    j espere que vous ne prenez pas pour un naif pour penser que les criteres democratiques de vie politique sont respectes au Congo

    David je doute meme des periodes DE VIE DEMOCRATIQUE AU CONGO que tu evoques a la suite de l enquete de SHERBROOKE INSTITUTE

    les appendices du modele democratiques au Congo ne sont que de circonstance et il faut rendre un hommage posthume a Chirac qui avait dit que la vie democratique a du mal a exister en Afrique francophone.On lui est tombe dessus alors qu il avait tellement raison

    Et pourtant je fais comme si ce modele democratique existait puisque la communaute internationale donatrice des ressources financieres reconnait avec hypocrisie et interets bien compris que le congo est  » democratique »

    Je sais que le fil a couper le beurre existe , je ne l invente pas en revanche je m en sers pour faire avancer la reflexion sinon on reste comme mon compatriote Samba dia MOUPATA DANS L AIGREUR LA COLERE LA VENGEANCE ATTENDUE LA DENONCIATION DES CHOSES QUE LUI CONNAIT MAIS DONT LES JEUNES GENERATIONS AUXQUELLES JE N APPARTIENS PAS SE FOUTENT PAS MAL

    iL FAUT COnSTRUIRE UNE RFLEXION METHODICO STRATEGIQUE DONT LA DIASPORA CONGOLAISE EN FRANCE BAVARDE ET OPPORTUNISTE EST INCAPABLE DE CONSTRUIRE BECAUSE LA TRAITRISE QUI CARAACTERISE CERTAINS MEMBRES DE LA DIASPORA DONT LES REVENUS POUR LA SURVIE EN FRANCE DEPENDENT DE BRAZZA

    PLEURER ET GEINDRE C EST BIEN FAIRE CEST MIEUX LES BAVARDS DE CULTURE FRANCAISE NOUS EN SOMMES INCAPABLES IL N YA QU AVOIR L IMPOTENCE INCAPACTAIRE DE NOTRE BEAU PAYS FRANCE QUI DOMINE LE CONGO A GERER LA LA LOGISTIQUE EEET LA PROBLEMATIQUE DE LA VACCINATION
    ON BAVARDE ET ON BAVARDE

    LA DIASPORA CONGOLAISE EN FRANCE CEST LA MEME CHOSE LES RESPONSABLES CONGOLAIS AUX AFFAIRES CEST LA MEME CHOSE COMME EN FRANCE CULTURE DU BRUIT OBLIGE CAR NON FONDEE SUR LE PRAGMATISME DE TERRAIN

  7. CHRISTIAN DIAMESSO dit :

    Au delà de ce débat et insultes contre les mbochis, la vérité est que ça se passe au Congo. Il faut donc y aller.

  8. David Londi dit :

    @Lucien,
    loin de moi l’idée de te traiter de naïf. Mon propos appuie le fait que le cadre dans lequel on développe un raisonnement est important. Je pense et suis persuadé que le Congo est une dictature. Dans ce cadre on ne s’oppose pas, on résiste. Il n’y a pas d’opposition. Tout n’est qu’une lutte de positionnement dans la pyramide politique et sociale qui ne forme qu’un système. Nous nous organisons pour désintégrer ce système. C’est tout.

  9. Iwarangot dit :

    Correct cher David.

  10. Delbar dit :

    En un mot ,ce que veut dire David Londi, c’est la révolution et je partage son opinion.
    Il n’y a pas d’opposition avec la dictature.

  11. Le panafricaniste dit :

    C’est bien beau d’être analyste, soit en dit relativement neutre; mais il faut en apporter la preuve en s’efforçant d’être aussi équitable dans son jugement des faits politiques. Lorsque la balance est toujours penchée d’un côté, j’en doute de cette neutralité peu importe la qualité brillante de l’article. Et pourtant rien ne vous empêche d’assumer votre choix; c’est aussi ça être un républicain comme vous voulez bien le dire. En tout cas j’ai bien analysé vos propositions, je les respecte ainsi que votre choix subtil. Rassurez-vous, la mémoire de certains congolais s’en souviendront. La lune peut éclairer un sentier la nuit pour montrer la voie à suivre, mais au jour le soleil illumine tout le paysage et les obstacles que le malin camouflait au clair de la lune.

  12. Le dernier Kongo bantou dit :

    Bonsoir Monsieur pambou! Juste une question pour une réponse qui me permettra d’engager un débat logique avec vous qui est: est-il possible de considérer juridiquement de reprendre le processus démocratique arrêté à partir de la date du 5 juin 1997? Le moment est sans doute arrivé d’assumer un positionnement entre les anti légalistes et les légalistes pour faire valoir le droit rien que droit!

  13. Lucien PambouMKAYA MVOKA dit :

    au dernierKongo bantou

    A votre question la reponse est oui mais en mettant tout sur la table

    Mettre tout sur la table c est s interroger a haute voix sur les conditions politiques , juridiques et economiques de l arret du processus juridico politique du procerssus democratioque de 1997

    Voila cher dernier kongo bantou ma reponse car je ne me defile jamais face au debat
    cdlt

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