LITTÉRATURE ET POLITIQUE : Notre « maison commune » le Congo pour une cohésion nationale

Souvent la littérature congolaise nous présente le monde politique par le biais des œuvres de fiction. Peu d’acteurs politiques s’expriment ouvertement à travers des réflexions qui mettent à nu certaines tares du sociopolitique. Avec Notre « maison commune » le Congo, Jean-Pierre Heyko Lékoba (2) tente de nous présenter une réalité sociopolitique de son pays. Pour cela, il s’appuie sur l’évolution politico-sociale, de l’indépendance à la deuxième expérimentation du multipartisme en passant par l’ère du marxisme-léninisme des décennies 70-80. Cette réalité n’est autre que l’ethnocentrisme qu’il essaie de combattre pour que le Congo soit véritablement une nation, une maison commune pour ses enfants.

De la proclamation de la République en 1958 à nos jours, les acteurs politiques ont joué et jouent encore un rôle très important pour réaliser le vivre-ensemble qui devrait rassembler toutes les sensibilités socio-ethniques du pays en vue de la consolidation de leur symbiose, facteur de naissance d’une nation. Aussi, dans cette réflexion, combien pertinente, on peut remarquer trois principaux segments historiques dans la relation politique-ethnocentrisme.

Politique et ethnocentrisme : avant et après l’indépendance

Pour Pierre Heyko Lékoba, le multipartisme des années 90 a fait resurgir les configurations ethnocentristes de la politique d’avant les indépendances. Aussi, nous rappelle-t-il  la fièvre ethnique qui a secoué les Congolais avec quelques incidents regrettables : « Depuis la naissance du Congo à la république, cette impuissance [d’éradiquer l’ethnocentrisme] confortée par des crises identitaires à répétition, domine la vie politique nationale » (p.38). Heureusement, qu’avec leur volonté de vivre en communauté, nos pères de l’indépendance avaient mis l’intérêt du pays commun dans le vivre-ensemble au-dessus de l’ethnocentrisme dont ils portaient encore des gènes en eux. Et cette maturité politique de braver l’ethnocentrisme doit être attribuée à Fulbert Youlou et Jacques Opangault pour avoir éteint à temps l’incendie de février 1959. Et les années qui vont suivre imposeront aux Congolais un vivre-ensemble en divorçant d’avec la première expérience du multipartisme pour expérimenter le parti unique, comme on va le constater après la Révolution des 13, 14 et 15 août 1963. Aussi, pour une vie en communauté interethnique, et pour freiner, tant soit peu, le pouvoir ethnocentriste, les Congolais ont décidé d’affronter quelques pans « égoïstes » de leur tradition, comme le mariage tribal : « Les mixités par le mariage sont un exemple du désir de vie ensemble, par delà les traditions particulières et les origines revendiquées » (p.42).

Une longue marche vers la naissance d’une nation sur fond d’ethnocentrisme

Avec cette volonté de donner naissance à la nation où le vivre-ensemble serait le leitmotiv des Congolais, on remarque que l’ethnocentrisme devient un drame. Aussi, on constate une réalité regrettable : le présent politique se voit gouverner par le passé, une situation que vivent « les élites successives, bizarrement [qui] sont incapables de s’en libérer, et pour cause, l’identité tribale décide des carrières » (p.59). Pour l’auteur, l’élite africaine en général et congolaise en particulier, devra transcender les enjeux ethno-politiques qui paralysent actuellement le continent. Mais comment peut-on espérer une nation sur la seule base des idées et convictions politiques si des discours ethno-bellicistes continuent à être divulgués par quelques éléments de la classe politique ? Et l’on remarque, excepté quelques aventuriers en politique, qu’il y a des cadres qui, eux, peuvent bien servir le pays autrement : « Et au lieu de se perdre à nouveau dans les aventures politiques sans lendemain, ils investiraient leurs métiers d’origine, y donneraient le meilleur d’eux-mêmes » (p.66). L’ethnocentrisme sur fond de tribalisme combattu par le parti unique des années d’après la Révolution des 13, 14 et 15 août 1963, et surtout au cours des décennies 70-80, s’est curieusement réveillé au début des années 90 avec le retour du multipartisme.

Démocratie pluraliste et ethnocentrisme

Dans cette réflexion, Jean-Pierre Heyko Lékoba met en valeur la deuxième expérience du multipartisme que le Congo et la plupart  des états africains doivent affronter après le fameux discours de Mitterrand à la Baule. L’ethnocentrisme qui était vécu dans un seul parti avec un seul idéal, celui du vivre-ensemble, se confronte malheureusement à l’ethnicité. Les nouveaux partis politiques sont crées en majorité sur des bases ethnocentristes. Et cette situation provoque un drame national au niveau sociopolitique. Et l’auteur de se poser une question capitale : « Et si on ajoute les intonations ethno-bellicistes qui disent tout le contraire des propos entendus, comment pourrait-on espérer des rassemblements nationaux sur base des idées et convictions politiques ? » (p.62). Mais Jean-Pierre Heyko Lékoba ne désespère pas : les Congolais doivent obligatoirement vivre ensemble car « ils peuvent (…) s’obliger à regarder cette réalité en face et convenir de nouvelles modalités d’une vie ensemble qui fassent éclore une ambition nationale » (p.66).

Notre « maison commune » le Congo : une pédagogie politique

S’il y a un écrivain qui essaie de conscientiser politiquement les Congolais, c’est aussi Jean-Pierre Heyko Lékoba dont la pédagogie politique se manifeste par  son raisonnement dialectique : sa réflexion avance par une série de questions-réponses à travers laquelle il dévoile son patriotisme dans le vivre-ensemble congolais. Il a confiance à son peuple même si « l’ouverture démocratique [a été] mal engagée dans les années 90 (…) dans la majorité des pays africains [où] elle n’a produit que crises et drames » (p.101). Il n’est pas raisonnable pour lui de laisser l’intrigue ethnocentriste se développer longtemps dans l’espace public. Il fait sienne cette interrogation ci-après de l’écrivain Gabriel Mwènè Okoundji : « Sommes-nous à ce point incapables de récréer nos liens disloqués et distendus par les tumultes de notre histoire ? » (p.80). Mais c’est surtout dans les réalités de son terroir de la Cuvette Ouest que l’auteur réalise son optimisme du vivre-ensemble, imaginant l’ethnocentrisme mourir de sa propre mort dans l’espace et dans le temps. Ci-après une pensée mbéré qui nous est traduite par l’auteur lui-même en français : « Les contingences venus d’ailleurs peuvent déborder les rites et traditions du clan et ralentir sa marche, mais elles ne peuvent ni obstruer son horizon, ni limiter sa détermination à retrouver son chemin, encore moins, réduire sa volonté d’y arriver » (pp.102-103). Une pensée qui pousse à la réflexion sur le vivre-ensemble, sur la cohésion nationale.

Notre « maison commune » le Congo, une analyse sociopolitique qui doit interpeler tous les Congolais ; elle nous révèle l’un des rares écrivains qui essaie de traiter les problèmes sociopolitiques de son pays. Un écrivain qui voudrait voir ce pays se transformer en une maison commune pour tous ses enfants en essayant d’éteindre la flamme de l’ethnocentrisme.

Noël Kodia-Ramata

  • Jean-Pierre Heyko Lékoba, Notre « maison commune » le Congo, éd. L’Harmattan, Paris, 2018
  •  Acteur politique de son pays car député à l’Assemblée nationale de 2002 à 2007, il est aussi l’auteur de La problématique démocratique au Congo-Brazzaville, éd. L’Harmattan, Paris 2015 et La Congolité, une quête, éd. L’Harmattan, Paris, 2018

Source : https://www.editions-harmattan.fr/livre-notre_maison_commune_le_congo_jean_pierre_heyko_lekoba-9782343136639-58800.html

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6 réponses à LITTÉRATURE ET POLITIQUE : Notre « maison commune » le Congo pour une cohésion nationale

  1. VAL de NANTES dit :

    Une maison commune avec des inconscients existentiels est une pure hérésie . Cette maison commune n’aura de sens que que lorsqu’on aura divisé les chambres sous forme des régions fédérées . C’est son ultime survie .Car j’ai bien peur que cette douce rhétorique finisse en eau de boudin .
    La littérature , à ce niveau de misère collective ,risque d’être comparée à l ‘opium du peuple .
    Hier ,l’inventeur de la « petite vérole « nous a abandonnés sur le chemin de la reconquête , il est impossible que vous nous y preniez pour une deuxième fois .

  2. Samba dia Moupata dit :

    Noël Nkodia-Ramata , veux toujours faire plaisir à ses maîtres Mbochis ! Souvent j’ai rencontré ce garçon dans l’avion en partance pour Brazzaville . La réalité factuelle est que le Congo devient un faux pays . Sassou Dénis a atteint son paroxysme de l’état Mbochi . Je l’ai encore vécu la semaine dernière au port de Pointe-Noire où les hommes de Sassou Dénis appliques des montants exorbitants aux kongos qui ramènent des voitures occasions d’Europe pour mieux tuer davantage le secteur informel qui font vivre nos jeunes chauffeurs taxi kongos . Tenez une voiture occasion payé en Europe 1000 euros la douane Mbochi taxe 3800 euros aux jeunes kongos pour la dédouanée , alors que le jeune Mbochi , un rare Douanier sous couvert de l’anonymat m’a raconter qu’il a trois mois environ le jeune Mbochi Elenga Dominique dit Doudou Copa est vénus récupérer un gros véhicule monospace audi Q7 couleur gris sans payé .

  3. Val de Nantes dit :

    Lire , ,,,n’aura de sens que lorsqu’on en aura divisé les chambres..

  4. Val de Nantes dit :

    De telles réflexions doivent être destinées à ceux qui prétendent diriger le Congo au nom , semble – t’il ,du peuple congolais…
    Difficile de calmer la colère des uns et l’irresponsabilité des autres . Il faudrait savoir situer les responsabilités pour mieux appréhender les réalités que connaissent les congolais au quotidien…
    Quand vous prenez l’exemple de l’ex préfet de la likouala ,Mr Gilbert bomondjo, vous vous rendrez compte que ce pays doit être entamé une révolution mentale pour tenter de le réorienter vers un horizon où tout le monde serait gagnant.
    Comment pouvez comprendre que le comportement irresponsable de ce préfet puisse échapper aux autorités politiques ,et ceci pendant 25 ans ?..
    Ce comportement est à l’image de la gouvernance des affaires publiques du Congo . D’où l’idée fédérale de diviser l’économie nationale en plusieurs parties lesquelles seront gérées de façon autonome par les régions fédérées.
    C’est exactement comme un puzzle..Le but est de sécuriser l’économie nationale contre une crise généralisée du fait de la verticalité nocive du pouvoir étatique.
    Il y a une chose que nos compatriotes doivent se mettre dans leur tête : l’économie locale sera la garantie de la sécurité de l’emploi local et donc la résolution de toutes les problématiques que connaissent nos territoires..
    Le fédéralisme, c’est l’économie qui va vers les citoyens où qu’ils se trouvent …
    Chers compatriotes ,
    Les ambitions des uns peuvent s’avérer les faiblesses des autres .
    Explications :
    Vous avez des personnes qui sont devenues riches sous Sassou, et il leur impossible de laisser cette ambition sous couvert de la loyauté ou de la sincérité patriotique.. Ils s’y plaisent ,quoiqu’on en dise . .
    L’ambitieux malveillant marche sur les valeurs du vivre-ensemble….et les non ambitieux broient la tasse … Telle est la situation sociopolitique qui prévaut au Congo….
    Regardez autour de vous et posez vous la question d’où vient leur richesse ,alors qu’aucun d’eux n’a hérité d’une fortune colossale de leurs parents ….

    Voilà où nous en sommes sous le régime de Sassou fait d’un entrelacs de corruption,de vols ,de mafia contre l’économie nationale….
    Les faibles d’aujourd’hui peuvent devenir des riches de demain,en utilisant le même procédé que ceux employés par les profiteurs sous Sassou .
    Alors si on continue sur cette série de criminalités économiques, c’est le Congo qui , toujours,en paiera le prix …
    Cette course à la richesse individuelle produit plus des morts des congolais que des produits à écouler sur le marché…..
    Donc il faudrait y mettre fin afin de donner la chance économique à tout le monde ,au moyen du travail, c’est à dire des efforts personnels …
    L’ agriculture, l’exploitation des compétences individuelles, ou capital humain,etc sont autant des atouts que chaque Congo pourrait exploiter pour trouver la place qui lui revient dans la république.

  5. VAL de NANTES dit :

    l’heure est grave pour qu’on sombre dans la littérature politique . Le feu menace la maison commune ,il faudrait l’en sauver au lieu de nous réenchanter ce CONGO devenu introuvable .
    La question ,c’est :
    Pourquoi sommes nous nés dans ce pays et pas dans un autre , à cette époque -ci et pas à une autre?
    Qu’avons nous fait au divin pour mériter une telle poisse ?
    Ce sont là des questionnements métaphysiques qui devaient éveiller l’esprit des écrivains congolais en ce qu’ils pouvaient la moindre explication à cette situation .
    IL s’agit de sortir de l’explication pour rejoindre l’explication ,c’est à dire répondre de façon rationnelle à la première explication .
    Cette forme de littérature , dans sa forme neutralisante , qui semble excuser l’inexcusable en surfant sur un semblant vivre ensemble , plongé dans un océan d’hypocrisies , n’a pas fière allure et ne fera pas long feu .
    C’est encore une autre forme de lavement de mains sur laquelle chia SASSOU au sortir de la conférence nationale .
    Sassou est un lecteur de SADE QUI DISAIT que : » le pardon est la vertu des faibles « .
    L’IGNORANCE n’a qu’une seule amie ,c’est l’utopie .

  6. VAL de NANTES dit :

    lire ,;;; en ce qu’ils pouvaient donner la moindre explication .

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