CONGO. Quand le pétrole produit l’énergie de l’injustice dans le Kouilou

Dans le département du Kouilou, des villages entiers baignent dans le noir alors qu’ils abritent des infrastructures de production d’énergie à partir des sites pétroliers exploités par des multinationales. Il s’agit des villages tels que Tchicanou, Bondi, Mboukou, Mboubissi, Loemé Nangama, Tchikatanga, Tandou Milomba, Ntoto Siala (District de Hinda avec la compagnie Eni-Congo), Tchimbouissi, Tchikoulou, Loango, Mengo (District de Loango ayant pour compagnie pétrolière AOGC) et Djeno avec son Terminal pétrolier qui est exploité par la compagnie TOTAL Energie.

Les fonds sociaux provisionnés par certaines sociétés pétrolières dans le cadre des contrats de partage de production sont pourtant disponibles pour mettre fin à cette injustice énergétique. Mais, les pouvoirs publics trainent à les mobiliser faute de volonté politique.

Depuis 2017, La Commission Justice et Paix de l’Archidiocèse de Pointe-Noire mène un plaidoyer « Electricité Pour Tous » (1) auprès des compagnies pétrolières et des pouvoirs publics pour mettre fin à la privation d’électricité dont font l’objet depuis de nombreuses années les communautés riveraines des sites d’exploitation pétrolière. Si l’état a le devoir et l’obligation de fournir l’électricité́ aux Congolais, il revient aux compagnies pétrolières de l’accompagner, particulièrement pour les communautés riveraines de leurs exploitations. Il est donc temps de mettre fin à l’injustice énergétique que subissent certains villages du Kouilou abritant pourtant les installations d’extraction de gaz qui font fonctionner des centrales à gaz qui alimentent le pays. A titre d’exemple, une bonne partie du gaz qui alimente la Centrale Electrique du Congo vient du périmètre de Bondi, dans le district de Hinda. Nous à Pointe-Noire, nous pouvons utiliser l’électricité, alors que les villages riverains n’ont pas accès à l’électricité́ », déplore Brice MACKOSSO. Secrétaire Permanent de la Commission Justice et Paix.

Résultats insuffisants

La Commission Justice et Paix (CJP) a engagé dans le cadre de cette campagne « Electricité Pour Tous » des échanges avec les leaders des communautés concernées par cette injustice énergétique. Ces discussions s’inscrivent dans le cadre de l’évaluation de ladite campagne lancée en décembre 2017. La rencontre du 26 mars 2022 à Mboukou (district de Hinda) a permis d’apprécier le raccordement de Loango, chef-lieu du district éponyme et chef-lieu du département du Kouilou au réseau électrique national. « Cette connexion est une bonne chose, car nous estimons que c’est le résultat du plaidoyer que nous avons fait par le passé, au moment où le Kouilou et la Likouala étaient les seuls départements du Congo à ne pas être connectés au réseau électrique national. Donc, que le Kouilou soit connecté est une bonne chose. Mais ce n’est pas suffisant », souligne Brice MACKOSSO.

Le paradoxe ENI, Total Energie, SNPC, AOGC…

La multinationale italienne ENI fait partie des majors de l’exploitation pétrolière au Congo. Son site situé à Bondi est un véritable cas d’école par rapport à l’injustice énergétique que subissent les populations riveraines des sites pétroliers. Pour des besoins d’exploitation pétrolière, ENI a construit une sous-station électrique dans la base de production de Bondi. Les câbles passent par Tchibanda, pour alimenter les différentes plateformes. Mais, ce qui est paradoxal, les populations de Bondi n’ont pas accès à cette électricité disponible, en dépit de multiples interpellations de la Commission Justice et Paix. Un véritable supplice moral, mental et psychologique que vivent ces populations.

Que dire de la société TOTAL Energie qui exploite le terminal pétrolier de Djeno depuis près de 50 années ?

Pourtant, le site du terminal est électrifié tandis que le quartier entier baigne dans l’obscurité.

La Centrale Thermique de Djeno, située dans le sixième arrondissement de Pointe Noire a été construite en 2007 avec 25 MW. Cependant, le quartier du même nom n’est toujours pas électrifié.

La Société Nationale des Pétroles du Congo en sigle SNPC qui exploite les champs Mengo-Kundji-Bindji au village Tchiminzi (District de Tchiamba) et dont le site est alimenté en électricité, ne se préoccupe pas non plus de l’électrification des communautés riveraines.

Le village Loango quant à lui, premier village pétrolier du Congo, n’est pas en marge de cette injustice. Le gisement de Pointe Indienne, découvert par la Société des Pétroles de L’Afrique Equatoriale Française (SPAEF) ancêtre de ELF date de la période des indépendantes. Ces champs marginaux, récupérés par la compagnie Africa Oil & Gas Corporation (AOGC) sont toujours en production. Pourtant, les riverains ont dû attendre 2020 pour être connectés au réseau électrique grâce à la présence de la préfecture, du Conseil départemental et, certainement parce que l’actuel Préfet a décidé d’élire domicile à Loango.

L’État a le devoir de mobiliser les fonds sociaux

Face à cette injustice énergétique constatée il est urgent de la réparer. Et, ce ne sont pas les fonds qui feront défaut. Dans tous les contrats de partage de production, il y a les fonds sociaux. En 2020 par exemple, le Congo a signé avec Perenco. Le CPP avec Perenco prévoit 1 milliard de francs CFA pour les projets sociaux.

1 milliard, c’est largement suffisant pour acheter des transformateurs et connecter les villages concernés. A fortiori, ce n’est pas le seul projet social qui existe. Il y a des fonds sociaux dans plusieurs CPP : Madingou, Mokili-Mbembe, etc. Cela veut dire qu’il ne manque pas de moyens. Il manque plutôt de la volonté politique pour pouvoir connecter les riverains de l’exploitation pétrolière au réseau électrique.

Nous comprenons donc que les moyens financiers pour mettre fin à cette injustice énergétique existent. Il ne reste plus qu’aux pouvoirs publics d’activer les mécanismes sociaux en faveur des communautés directement impactés par l’exploitation pétrolière, selon les termes contenus dans les contrats de partage de production (CPP) conclus avec les entreprises pétrolières, d’une part, et, d’inciter ces compagnies à mobiliser les fonds disponibles et déjà provisionnés dans le cadre de la RSE d’autre part.

La Commission Justice et Paix de l’Archidiocèse de Pointe Noire poursuit le plaidoyer auprès des autorités gouvernementales afin que les fonds sociaux ainsi que la redevance superficiaire soient utilisés pour le financement du plan de développement local du Kouilou, l’accès à l’eau et à l’électricité étant une urgence.

Commission Justice et Paix

Archidiocèse de Pointe Noire.

Contact : +242 05 557 90 81 / [email protected]

(1) Campagne Electricité Pour Tous (EPT) / Courant samu na beto nionso

Ce contenu a été publié dans Les articles. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

4 réponses à CONGO. Quand le pétrole produit l’énergie de l’injustice dans le Kouilou

  1. Val de Nantes. dit :

    La question que se posent les congolais, c’est celle de savoir si nos dirigeants actuels sont des êtres ontologiquement congolais ?.
    Nous ne devons pas avoir du mal à dire du mal du mal de la gouvernance du pétrole.
    Feu Ta Titi avait émis le souhait de rétrocéder un pourcentage du revenu pétrolier à la région du Kouilou pour y développer une dynamique économique .
    Résultat : C’est OYO ,village des pêcheurs d’hier , qui est transformé en petite cité moderne avec les infrastructures de standing international.
    Voilà une forme détournée du fédéralisme avant l’heure…
    Nos frères nvili ont plus intérêt à travailler sur l’avènement du fédéralisme au Congo pour corriger cette maldonne économique…
    Aucune institution crédible ne saurait justifier cette forme d’escroquerie étatique…
    La vérité n’est autre qu’une traduction de la réalité physique ou objective ; les faits politiques scabreux de ce régime en sont une …

  2. Le dernier Kongo bantou dit :

    Bonjour!
    Que veulent les congolais réellement: 1- être d’éternels mendiants ou 2- être d’éternels asservis?
    Le régime de Brazzaville dans son essence marxiste-léniniste sévi depuis le 15 août 1963 dans ce qu’il a de plus brutal, la paupérisation des congolais le fusil pointé sur la tempe, alors, le choix de s’en débarrasser plus que jamais est clair et urgent!

  3. Samba dia Moupata dit :

    C’est claire et nette nous vivons une colonisation Mbochi à Pointe-Noire et dans le Kouilou ! C’est peut être ma formation de scientifique qui me différencie des autres , car j’aime bien mettre en évidence la réalité ! Mon récent séjour à Brazza et Pointe-Noire m’a conforté dans l’idée de la colonisation des kongos par Mbochis , les sous- traitants pétroliers sont tous Mbochis Etoka, Ngokana, Maurice Nguesso , Okissi. La coraf , la SNPC à 99% Mbochis . On extrait le pétrole dans le kouilou mais c’est Oyo et ses environs qui se développe . Sassou Dénis peut toujours compter sur la complicité comme Collinet Makosso un traître opportuniste habité par son destin . Un sort funeste attend ce garçon , comme Parfait Kolélas , koussou Mavoungou ect …

  4. VAL de NANTES dit :

    C’est le CONGO englouti et berné par les vieilles institutions périmées :Institutions post indépendance (cha , cha ) , institutions de 1992 (CN ) , INSTITUTIONS taillées sur mesure de SASSOU ; leur seul destin : c’est la poubelle ..
    Leurs échecs font le lit des prédateurs des finances publiques .De ce point de vue , aucun sursis ne peut leur être accordé tant l’urgence de remplacer une nouvelle offre institutionnelle est prégnante.
    La pensée institutionnelle française doit laisser place à la pensée institutionnelle fédérale pensée par la diaspora congolaise .Conformément au fameux conseil prémonitoire formulé par SOCRATE .
    « Une vie sans réexamen ne mérite pas d’être vécue « .Dixit ce dernier .
    40 ANS de ( simba – sac ) des institutions françaises , Sassoufit §
    Chers compatriotes ,
    N’ayons pas honte d’envoyer certains d’entre nous étudier fondamentalement ce système fédéral en ALLEMAGNE .
    Parce que , si nous éprouvons de la honte à assumer notre doctrine fédérale ,nous risquerons aussi de réfuter tout le savoir européen qui constitue notre valise intellectuelle .
    Tu as bien dit mon @frangin Christian , que nous n’allons pas inventer une nouvelle roue de la charrette .Et donc , au moment opportun ,il faudrait en passer par là pour mieux cimenter cette culture fédérale dans notre pays …
    Car il se profile une sorte de dialectique institutionnelle entre les talibans ,GARDIENS de la pensée institutionnelle française et les nouveaux penseurs fédéraux .C’est vrai que nos prédispositions intellectuelles constituent un atout pour la compréhension de ce système institutionnel ,mais une petite pratique sous forme de stage ne serait pas de trop …
    Mon seul objectif se résume à la réussite totale à l’instauration durable du nouveau système institutionnel fédéral au CONGO BRAZZA .
    J’aurai été millionnaire , j’aurai déjà envoyé des stagiaires appréhender ce système fédéral en ALLEMAGNE . J’y suis d’ailleurs …
    J’en ai assez de voir perdurer cette imposture institutionnelle au CONGO .
    Nb : On pourrait l’envisager dans le cadre de la formation des gouverneurs ,(proposition) .Le stage , j’en connais l’importance .

Laisser un commentaire