Les Évêques dressent le bilan chaotique de la gestion de Sassou-NGuesso

Réunis à Brazzaville du 8 au 9 mai 2018 en session extraordinaire, Nous, Evêques du Congo, avons examiné la crise socio-politique et économique préoccupante que vit notre pays. Fidèles à la mission de l’Eglise depuis les commencements, qui est d’annoncer la Parole de Dieu à temps et à contretemps (Mt.28,19) et d’accompagner les fidèles chrétiens à être dans le monde, selon le commandement du Seigneur, véritablement et continuellement «sel de la terre et lumière du monde» (Mt.5, 13-14), nous délivrons, au terme de notre rencontre, au Peuple de Dieu ainsi qu’aux femmes et aux hommes de bonne volonté, le message suivant.

  1. Dans le présent message, nous voulons partager notre conviction profonde sur les origines du mal de notre pays et sur les perspectives de sortie de crise. Comme en témoignent nos différents messages antérieurs, notre conviction s’est forgée au fil des années et se trouve confortée par les difficultés que traverse notre pays depuis au moins trois ans. Toutes ces difficultés sont arrivées – c’est notre conviction la plus profonde – parce que le gouvernement et tous ceux à qui il incombait d’en décider, ont ignoré notre message de Noel 2014, à savoir : «en régime démocratique, aucune réforme qui suscite de fortes tensions et oppositions n’a jamais profité au peuple» et par conséquent, «un changement de la Constitution dans la division… mettrait en péril la paix sociale» (N°10). Dans le message de la 44ème Assemblée Plénière, N°31, nous appelions « au futur président de la République de s’engager à sauver la nation en imprimant un nouvel agir », comme déjà dit dans le message de la 41ème Assemblée Plénière sur les Antivaleurs.

  1. Et que dire de la crise dans le Pool? Hélas, le Congo n’en est pas à « sa première guerre du Pool». Depuis 1998, ce département est régulièrement secoué par des crises et des conflits armés, qui, à chaque fois, sont conclus par des accords de paix et de cessation des hostilités, doublés d’un programme de démobilisation et de réinsertion des ex-combattants. Mais à chaque fois aussi, les véritables victimes que sont les populations civiles n’ont pas été prises en compte.

  1. Nous, Evêques, pensons que, pour conjurer définitivement ce « mal du Pool » des accords de paix sur le papier ne suffiront pas. Il faudra aller plus loin, en intégrant l’exigence de vérité sur les origines de cette crise récurrente. Le peuple a le droit de savoir ce qui s’est passé: les causes et les conséquences, mais surtout les responsabilités des uns et des autres. Les morts et les destructions dans ce département appellent justice et réparation. Une réconciliation véritable n’est qu’à ce prix, pour permettre à notre pays de sortir de la crise multiforme qu’il vit.

  1. Comment comprendre, en effet, qu’après des années fastes de boom pétrolier, le Congo soit en récession économique ? Cette situation n’est-elle pas trop vite attribuée à la chute des prix du baril sur le marché international ? Comment s’expliquer notre manque actuel de ressources et notre endettement excessif après dix ans d’embellie au cours desquels le pays avait engrangé des richesses si énormes que même un fonds avait été créé pour les générations futures? Comment comprendre par exemple qu’au moment où le gouvernement affirmait détenir un compte à Exim Bank de Chine pour le paiement de nos infrastructures que la dette vis-à-vis de la Chine soit aussi colossale : 40% du montant total de la dette ?

  1. Et que dire de l’éternelle pratique des préfinancements pétroliers avec les traders, qui a également contribué à alourdir le niveau d’endettement ! Pourquoi avoir recouru à des préfinancements pétroliers à un moment où nous avions suffisamment de revenus disponibles pour financer notre développement ?

  1. A quand l’avènement de l’éthique dans le commerce de nos matières premières, mais aussi dans les montages financiers et les dettes qui sont contractés au nom du pays ? N’est-il pas venu aussi pour les gouvernements des pays d’où viennent les entreprises spécialisées dans l’exploitation et le commerce de nos matières premières le temps de surveiller les pratiques de corruption de leurs ressortissants qui ruinent tant notre pays ?

  1. A tous les créanciers de la République du Congo, nous adressons ce cri du prophète Amos : « Ecoutez ceci, vous qui écrasez le malheureux pour anéantir les humbles du pays, car vous dites : quand donc la fête de la nouvelle lune sera t–elle passée, pour que nous puissions vendre notre blé ? Quand donc le sabbat sera-t-il fini pour que nous puissions écouler notre froment ? Nous allons diminuer les mesures, augmenter les prix et fausser les balances. Nous pourrons acheter le faible pour un peu d’argent, le malheureux pour une paire de sandales. Nous vendrons jusqu’aux déchets de froment ! Le Seigneur le jure par la fierté de Jacob : Non jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits» (Amos 8. 4-7).

  1. A cause de la corruption, de la concussion et du vol, aujourd’hui notre pays est incapable de payer les salaires des travailleurs, les pensions des retraités, les bourses des étudiants qui sont abandonnés à leur triste sort au pays comme à l’étranger. Nos hôpitaux sont délabrés ou ferment, les malades refoulés, la mortalité ne cesse d’augmenter, les cas de suicide se multiplient, tandis que dans nos écoles l’opération du gouvernement sur les tables-bancs n’a pas eu les effets attendus. Dans les familles, même le repas unique qui était devenu la règle apparait de plus en plus comme un privilège, parce que le prix des denrées alimentaires ne cesse d’augmenter, en dehors de celui de la bière qui ne fait que baisser. Au chômage des jeunes qui était déjà endémique s’ajoute aujourd’hui celui de tous ceux qui perdent leur emploi à cause de la récession.

  1. Cette situation sociale dramatique interpelle notre conscience de Pasteurs, d’autant que certains citoyens exhibent leur richesse, acquise «miraculeusement» en un temps record, tandis que la majorité des congolais croupit dans la misère. Des scandales de corruption de concussion ont été révélés, mais la justice de notre pays peine à les élucider.

  1. Nous devons avoir le courage de parler de ces sujets de manière ouverte et sans passion. Les partis de la majorité présidentielle ont jeté un pavé dans la mare, en exigeant le rapatriement des fonds volés au Peuple. Nous nous en réjouissons, mais nous en attendons surtout des résultats concrets. Ceux qui ont pris de l’argent appartenant au Congo doivent, en effet, le rendre au Peuple qui en est le seul propriétaire. Nous en appelons pour cela au courage et à la lucidité du Président de la République, qui peut à cet effet compter sur le soutien des Evêques du Congo et du Peuple. Que le FMI tienne bon pour que la lutte contre la corruption, la concussion et la promotion de la bonne gouvernance demeurent des critères intangibles pour la signature d’un programme éventuel. Que les institutions chargées de lutte contre ce fléau dans notre pays travaillent davantage pour éradiquer ce phénomène.

  1. Fort de tous ces constats et dans le but de décrisper les tensions dans le pays, en vue de mobiliser la communauté nationale aux efforts de redressement de l’économie et pour promouvoir ainsi le bien-être de tous les fils et filles de notre pays, nous proposons :

  1. Au gouvernement et aux Personnes en responsabilités

  1. Ouvrir un dialogue politique le plus large possible en vue de discuter du modèle politique et institutionnel que nous voulons dans notre pays, qui s’appuiera sur des valeurs morales susceptibles de fonder une vie politique pérenne et stable, ce qui exige une justice équitable et indépendante. Dans ce cadre, comme déjà dit dans notre message de la 45ème Assemblée Plénière N°27, libérer toutes les personnes en prison à la suite des contentieux politiques.

  1. Travailler, avec une société civile vraiment représentative, à l’élaboration d’un nouveau système électoral dans la perspective des futures élections.

  2. Réfléchir sur les voies et moyens de résoudre de manière définitive la crise du Pool, avec une exigence de vérité, de réparation et de réconciliation.

  1. Faire un audit de la dette du Congo, de tous les projets réalisés particulièrement dans le cadre de l’accord de coopération avec la Chine et autres pays concernés ainsi que de tous les fonds obtenus grâce aux préfinancements pétroliers et de leur utilisation

  1. A vous tous, qui avez pris et prenez l’argent public, nous vous demandons de le rendre au Congo.

  1. Créer un corps indépendant, constitué de magistrats élus par leurs pairs et d’Autorités morales, chargé de réprimer la corruption. Créer également un corps d’auditeurs généraux, dont le dirigeant serait nommé par vote des deux tiers du Parlement pour un mandat de 15 ans non-renouvelable ;

  1. Aux gouvernements des pays du nord, nous disons : Aidez les congolais à recouvrer l’argent gardé impunément chez vous. Ces fonds pourraient servir ici la cause du développement.

  1. A vous fidèles laïcs, aux femmes et aux hommes de bonne volonté, nous lançons cet appel pressant :

  1. Engagez-vous par des actions citoyennes pour bâtir et consolider la démocratie et l’état de droit : faites le suivi des politiques publiques, observez les élections, refusez et combattez la corruption ;

  1. N’ayez pas peur d’aller à la rencontre des autres, de discuter avec respect et tolérance de l’avenir de notre pays.

  1. Nous appelons les Eglises sœurs du nord à porter ce message auprès de leurs gouvernements respectifs pour que les fonds détournés au Congo soient restitués aux populations congolaises. Ensemble, mutualisons nos efforts pour un monde libre, prospère et juste.

  1. Aux jeunes

  1. Face à la médiocrité, au laisser-aller et au goût de la facilité, n’attendez pas que tout vous vienne de « l’état providence », engagez-vous avec rigueur à vos études, au travail productif.

  1. A toutes et à tous, face à la crise, nous vous appelons au sursaut patriotique.

Nous implorons la bénédiction de Dieu sur tout le Congo, sur chacun et chacune de vous, sur nos dirigeants. Que Dieu bénisse notre pays, l’Afrique et le monde entier. Que notre Dame de la paix intercède pour nous !

 

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15 réponses à Les Évêques dressent le bilan chaotique de la gestion de Sassou-NGuesso

  1. Prince Albert dit :

    Depuis l’assassinat du Cardinal Emile Biayenda, l’explosion du DC10 d’UTA Sassou Nguesso et les 400 000 morts de 1997-1998, Sassou-NGuesso occupe le rang très respectable de 1er envoyé du diable…
    Alors seule comptera pour résister à ce monstre la béatification du Cardinal Emile Biayenda que les Évêques congolais ne veulent toujours pas demander….

  2. Anonyme dit :

    Ils étaient où ses P… Depuis que ce villageois et cancre de sassou jouit aux richesses d’un pays comme l’héritage que son père l’avait légué.
    PAUVRE et COMPLICE ses CATHOLIQUES.

  3. Val de Nantes dit :

    Des traîtres aux soins du grand diable congolais …Incapables de lui dire la vérité en face ..Ce réveil tardif est la conséquence des critiques viperiennes de la diaspora à leur encontre .
    Le mal du Congo ,à un nom bien connu ,c’est Sassou…

  4. Dilon Matthew dit :

    Dommage que cette déclaration des évêques ne soit relayée ni par Téléfoufou, confirmant ainsi son statut de MEDIOCRE, ni par la Pravda version sassoulandaise « les dépêches de Brazzaville ». Preuve que nous sommes bien en plein d’un PAYS DE MERDE.

  5. Anonyme dit :

    Le point N`10 de leurs constat me pose un problème à savoir je cite.
     » Nous en appelons pour celà au COURAGE et à la LUCIDITÉ du président de la république QUi peut à cet effet COMPTER sur le SOUTIENT des Évêques et du peuple congolais »
    FRANCHEMENT !! Mr les évêques Vous croyiez VRAIMENT SASSOU COURAGEUX et LUCIDE pour emprisonner 98% de sa famille et 100% de ses colaborateurs ?
    D’ailleurs c’est curieux que l’ ENMERDEUR Lucien Pambou ne viennes pas ramener ses pitres commentaires sur cet article.

  6. Anonyme dit :

    Jean Marie Dikamona dit
    Décidément, je ne nous comprends nous les Congolais.
    Dans cette lettre des évêques, tout ce quennous chuchotons y est dit à haute voix.
    Merci Nosseigneurs. J’admire votre courage et je vous soutiens. Faites ce que vous devez, advienne que pourra.
    Jean Marie Dikamona.

  7. Mieux vaut tard que jamais , Ya Milandou , victor Abagna Mossa et Urbain Ngassongo reconnu comme pro sassou , ne pouvaient plus restés dans leurs mutisme , or l’église doit rester aux côtés du peuple et non du côté de l’oppresseur .A L’instar du cinéma que nous a présenter les deux pseudos juges Mbochis Christian Oba et Michel Oniangué ,cela est révoltant .

  8. Dilon Matthew dit :

    Des « juges » MBOCHIS viennent de « juger » un MAKOUA. Demain, quels juges jugeront un MBOGHI ? Affaire à suivre.

  9. AIRMESSE dit :

    Il faut que l’église pose clairement des actes et ne se rétracte plus.Car à la chute brutale de la dictature,non seulement l’ésotérisme des pilleurs sera balayé mais il est à prévoir le vomissement de toutes ces religions qui auraient été accompagnatrices du pouvoir de fait.Il est temps qu’elle soit en action agissante pour le peuple.

  10. tebola babins dit :

    Comme on dit d’ordinaire, la messe est dite!

  11. tebola babins dit :

    Le clergé s’est exprimé.
    Si dans l’armée aussi, il y a des hommes ou des femmes qui pensent que le pouvoir devrait prendre des dispositions pour rassembler le peuple qu’ils s’expriment.
    il en est de même dans le milieu syndical, chez les universitaires, les magistrats et comme dans tous les corps de métiers.
    Sassou Nguesso ne pourra pas ni mettre en prison tout le monde ni tuer tout le monde, il suffit tout simplement de parler d’une seule et même voix.
    Le peuple congolais par le biais des organisations de masse ou des individualités devrait exprimer son mécontentement pour ramener le dictateur à la raison, s’il peut encore en avoir une.

  12. Dilon Matthew dit :

    @tebola babins. Penser qu’un dictateur peut être « ramené à la raison », je doute fort que se soit un vœu pieux…surtout quand il s’agit du Congo des NGUESSO.

  13. Anonyme dit :

    Il y a un Dieu pour les sans-voix, un Dieu pour les veufs, un Dieu pour les veuves et un Dieu pour les orphelins. Il s’avere que c’est lui qui a tout cree et c’est lui regne sur sa creation. Si le tout puissant est celui qui a cree ce monde, ce mois de mai 2018 emportera, comme dans une grande vague tous les soi-disants tout-puissants du Congo-Brazzaville.

  14. Val de Nantes dit :

    SASSOU , c’est la Nakba de notre pays ..

  15. Dieu m'a dit dit :

    Ah enfin les Évêques ont surmonté leur attentisme et leur ambiguïté pour enfin envoyer une première salve à l’endroit du dictateur parrain des catho et des Églises au Congo. Mais j’en attends un peu plus. Le peuple en attends un peu plus de l ‘Église Catholique. De tout temps dans vos prêches vous ne cessez d’ exhorter le peuple de Dieu au courage à l’image du defunt mgr Nkombo avec son célèbre.  » N’ayez pas peur ». Cette fois ci ce même peuple vous exhorte messieurs les Évêques au courage en vous disant ceci : N’ayez pas peur du dictateur de sa cour de ses armes et ses mercenaires. Vous messieurs les Évêques aviez des armes plus sophistiquées que les leurs cf ephesiens. Alors nous attendions instamment une deuxième salve pour que soit déraciné à jamais le baobab. Marie a écrasé la tête de la bête. Elle a vaincu le dragon dans le désert. N’est elle pas celle là qui a favorisé le premier miracle de Jésus son fils aux noces Cana alors que les mariés n’ avaient plus de vin ? Et que ne ferait elle pas si dans ce combat pour la liberation du Congo les Évêques l’ y associaient en invitant le peuple de Dieu à reprendre la recitation du chapelet en famille église domestique, en initiant des grandes messes de délivrance du Congo avec Marie sur toute l’étendue du territoire. N’est elle pas la patronne du Congo qui fût confié à sa protection lors de l’indépendance? Mois de Mai mois de Marie mois du chapelet pour la libération des familles pour la libération du Congo avec Marie.Le diable sera tué et sa maisonnée brûlée

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