L’ÉLITE CONGOLAISE ET LA DÉMOCRATIE, Par Brice NZAMBA

Lorsqu’un peuple entend faire un saut qualitatif dans l’histoire, il est crucial que son élite ait réfléchi, préparé, accompagné, et réalisé pleinement ce saut, tout en organisant les moyens de protéger ce saut qualitatif dans le temps.

Dans les nations organisées, toute évolution de la société, qu’elle soit politique, économique ou sociale est le fruit des courants de pensée de l’élite qui constituent en quelque sorte l’œil au sommet de la pyramide en mesure d’anticiper et de concevoir les métamorphoses de la conscience des populations lorsque celles-ci sont rendues nécessaires par l’histoire.

C’est dire que le rôle de l’élite d’un pays est donc de concevoir, de réaliser, et d’assurer dans le temps les changements de conscience nécessaire au sein des populations pour asseoir un ordre politique, économique ou social donné.

Ce rôle que joue l’élite des nations organisées en ce qu’elle est souvent une force de propositions et d’influence de la vie politique dans le cadre des valeurs qu’elle partage tous, semble ne pas être le cas de l’élite Africaine en général et congolaise en particulier.

Tout semble indiquer que les avancées de l’histoire dans notre continent soient plus le fruit de la volonté de l’élite occidentale qui en maîtrise les contours que la résultante d’une réflexion mûrie, accompagnée, et réalisée par notre élite. À commencer par l’indépendance de notre pays, qui peut nous dire aujourd’hui que cette indépendance était pensée, prospectée, et préparée dans le cadre des institutions solides en mesure de la préserver ?

Tout nous a été donné, tout, à commencer par le mode d’organisation politique (L’Etat selon le droit constitutionnel français), le droit réglementant les rapports entre les citoyens congolais est essentiellement issu des principes du Code napoléonien, la monnaie conçue par la France, l’hymne dans une langue étrangère…

Toute chose qui nous enseigne que l’élite congolaise, tant est qu’il existait une élite, n’avait pas pensé l’indépendance et tout ce que cela impliquait. Pour elle, l’indépendance se résumait au contrôle de l’appareil de l’Etat et à tous les avantages que cela procurait sans pour autant comprendre qu’une indépendance après plusieurs années de domination exige avant tout de poser des remparts susceptibles d’empêcher le retour de cette domination par d’autres formes en édifiant une nation soudée autour de ses intérêts vitaux et non une simple juxtaposition d’ethnies divisées.

Un peuple avance lorsqu’il pense sa révolution, prévoit les moyens d’asseoir cette révolution et de la préserver. Une élite qui n’a aucune capacité d’anticiper, de concevoir, et d’accompagner les avancées historiques que traversent son peuple tout en prévoyant les moyens de préserver ces avancées dans le temps, et qui préfère se jeter corps et âme sur les prêt-à-penser  conçus par d’autres sans pour autant en vérifier les tours et contours pour son peuple, n’en est pas une.

Il est étonnant de voir comment le vent démocratique a été accueilli avec enthousiasme en Afrique sans que l’élite ait pris soin d’examiner dans quelles conditions ce système politique pouvait être bénéfique pour les nations africaines encore en construction. En effet, la démocratie n’a un sens bénéfique que lorsque la conscience de la cité et de l’intérêt général a triomphé aussi bien au sein de l’élite dirigeante qu’au sein des populations.

Lorsque l’individu est conscient de sa citoyenneté et a su dépasser les considérations communautaires ou communautaristes pour viser l’intérêt général, la démocratie devient un pilier de développement comme c’est le cas dans des sociétés organisées.

La démocratie pour être bénéfique doit être considérée comme un système, c’est-à-dire un tout qui implique  un système éducatif de nature à provoquer le surgissement d’un citoyen capable de choisir selon les idées en mesure de faire avancer l’intérêt général.

Or, la démocratie telle qu’elle est en cours dans notre pays comme dans la plupart des pays africains, se résume aux élections. Il suffit pour le régime en place d’organiser des élections, qu’elles soient transparentes ou non, pour ensuite se prévaloir du statut d’Etat démocratique.

Pourtant, comment asseoir une démocratie saine dans des sociétés où la conscience des individus qui les peuplent est encore en chute dans l’ethnie ?

Dans ces sociétés, le vote des populations n’est pas souvent l’expression d’un choix citoyen mais plutôt un vote à caractère ethnique loin de se soucier de l’intérêt général. La démocratie dans ces conditions devient un piège par lequel les tensions ethniques s’exacerbent et la violence politique qui se cristallisait jadis au sein des dirigeants politiques se déporte au niveau des populations par la mobilisation des militants ethniques.

Comment ne pas comprendre qu’une telle démocratie est source d’instabilité et participe à renforcer le sentiment ethnique au détriment du sentiment national ?

Une démocratie minimaliste, qui se limite à des élections, en ce qu’elle se fonde sur le vote ethnique, consacre le règne des ethnies dites majoritaires et interdit à jamais des individus issus des ethnies minoritaires, sauf alliance avec d’autres ethnies, d’accéder à la magistrature suprême quelle que soit la pertinence de leurs idées au service de l’intérêt général.

Il est donc nécessaire d’asseoir tous les outils de la démocratie pour que celle-ci nous soit profitable : un système éducatif axé sur le surgissement du citoyen, une classe syndicale en mesure de défendre les intérêts des travailleurs, une justice impartiale….

Il est nécessaire que surgisse un citoyen libre des pesanteurs ethniques, et en mesure de discerner ses intérêts dans le cadre de la cité, pour que le vote ne soit plus ethnique.

C’est dire que l’élite doit réfléchir sur les mécanismes susceptibles de transformer le vote ethnique en vote citoyen exigeant une métamorphose de la conscience des individus.

La question de la démocratisation de l’Afrique pour bénéfique qu’elle puisse être devait faire l’objet d’une réflexion intense de notre élite pour éviter les pièges que celle-ci peut comporter lorsqu’elle n’est pas appliquée dans sa globalité.

Nous disons que la démocratie pour être viable en Afrique doit être comprise comme un système, un tout  accordant une place prépondérante à l’éducation et au surgissement du citoyen. Il est nécessaire pour  ancrer la démocratie de façon vertueuse en Afrique de provoquer par un programme éducatif précis le surgissement de la citoyenneté.

La citoyenneté place l’individu comme étant porteur des droits et devoirs dans le respect de l’intérêt général. Il n y a pas de citoyenneté lorsque le choix politique est fait sur la base de l’ethnie et non sur la base des idées susceptibles de servir l’intérêt général. La démocratie qui se limite à des élections sans assurer des mécanismes institutionnels de surgissement d’une conscience véritablement citoyenne, est un facteur d’instabilité dans des sociétés à conscience ethnique. Ceci est un point capital sur lequel nous devons réfléchir, la démocratie oui, mais toute la démocratie.

Nous comprenons l’importance de l’œuvre de RUPTURE qui est le défi de notre génération en ce qu’elle conçoit, prépare, et va proposer un modèle de société, ainsi que des mécanismes pour préserver ce modèle de société en accord avec les intérêts vitaux de notre peuple.

 

MAÎTRE BRICE NZAMBA

PRÉSIDENT DU CERCLE LA RUPTURE

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