LE TRANSFERT DE LA DEPOUILLE DE PIERRE SAVORGNAN DI BRAZZA, Par Pietro di Serego ALIGHIERI

DEUXIÈME PARTIE : LE TRANSFERT DES DÉPOUILLES

L’exhumation à Alger

Le 30 septembre, en qualité de représentants de 15, le journaliste Christian Campiche et Pietro di Serego Alighieri partent pour Alger. Un dépistage orchestré par le personnel Congolais et Français à l’aéroport de Paris empêche Christian Campiche de prendre l’avion qui transporte les autorités Françaises à Alger.

Pietro di Serego Alighieri voyage de façon autonome jusqu’à Alger, où un envoyé de l’ambassade du Congo essaye de l’empêcher de se rendre au cimetière Bru ;cependant, il arrive au cimetière où il rencontre Nicole Leghissa, une réalisatrice qu’on a fait ‘infiltrer’ parmi les journalistes qui arrivent avec le vol de Paris.

Depuis janvier 2006, Mme Leghissa travaille avec la collaboration de Pietro di Serego Alighieri à un documentaire sur l’histoire de Brazza et sur l’affaire du transfert de ses dépouilles.

L’exhumation a lieu dans une atmosphère de tension, en présence de trois héritiers de Brazza, de Pierre-Antoine de Chambrun, de Jean Paul Pigasse, d’un groupe d’autorités Congolaises, Gabonaises et Algériennes, parmi lesquels l’ambassadeur Congolais Jean-Baptiste Dzangue et le consul de France en Algérie, Francis Heude, ainsi que d’un groupe de personnalités inconnues ; on apprend qu’il s’agit d’un « commando » d’éminences grises, vraisemblablement liées aux loges maçonniques et à certains financeurs du mausolée. La tombe a visiblement été l’objet d’entretien récent ; les briques qu’en ferment l’entrée sont de fabrication récente. Pendant l’exhumation, les opérateurs du cimetière empêchent le public de se rapprocher de la tombe pour observer l’état des dépouilles, et communiquent qu’une « infiltration d’eau » a endommagé le cercueil et qu’il faut extraire les restes de Brazza, de sa femme et de ses enfants, en morceaux qui sont introduits dans des sacs en plastique. On indique un crâne comme appartenant à l’explorateur ; Roberto Pirzio-Biroli demande et obtient d’avoir un échantillon de cheveux pour le faire analyser dans le but de connaître la vérité sur la thèse de l’empoisonnement soutenue par la femme de l’explorateur.

Le jour suivant, la délégation qui accompagne les dépouilles de l’explorateur se retrouve à l’aéroport d’Alger ; un retard d’environ 4 heures permet à ses membres de parler de la vie et de l’œuvre colonisatrice de Brazza. Evidemment, la connaissance du personnage par la majorité des membres de la délégation est limitée au faite que Brazza avait exploré le Congo et fondé la colonie Française.

Quand la conversation touche l’organisation du transfert, Pietro di Serego Alighieri cite les négociations entre les héritiers et Sassou-Nguesso ; dès que les ambassadeurs du Gabon et du Sénégal, présents à l’aéroport, s’intéressent à la question, il leur donne une copie de l’accord. Roberto Pirzio-Biroli et Jean Paul Pigasse cherchent de minimiser l’importance de l’accord, en refusant de reconnaître sa valeur. De plus, M. Pigasse déclare que Pietro di Serego Alighieri est « l’un de nôtres », vraisemblablement en faisant référence au réseau maçonnique qui a joué un rôle important dans l’organisation du transfert. M. di Serego Alighieri s’oppose à l’idée de cette affiliation. Vers midi la délégation s’embarque sur un vol spécial.

Première étape : Franceville

Après avoir accompli en quelques heures le voyage auquel Brazza avait consacrée plusieurs années de sa vie, les restes de l’explorateur atterrissent à Franceville,petite ville fondée par Brazza même, proche des sources de l’Ogoué et première étape de son dernier voyage en Afrique Sub-Saharienne. Les coffres qui recueillent les dépouilles de l’explorateur et de sa famille sont à la tête d’une parade militaire dans les rues de la ville ; les célébrations se déroulent dans une grande place à la présence de nombreuses autorités Gabonaises et Congolaises,parmi lesquelles Omar Bongo, Denis Sassou-Nguesso et Jean-Marc Simon,ambassadeur de France au Gabon. Dans les jours précédents, Franceville a été le siège d’un colloque, au cours duquel de nombreux académiciens Gabonais et Congolais ont remarqué le rôle de Brazza comme « agent de l’impérialisme colonial » et le caractère paradoxal de ces célébrations autour de la figure d’un colonisateur blanc. A l’occasion de discussions avec Pietro di Serego Alighieri, les académiciens soulignent le caractère utopique du projet des 15 héritiers de faire de l’histoire de Brazza une occasion pour une réflexion critique sur la période coloniale, en remarquant la difficulté de parler de l’œuvre de Brazza comme différente de celle d’autres colonisateurs; cet utopisme, comme celui de Brazza lui-même, est peut-être la conséquence d’une idéalisation de la France. De plus,les 15 ont sous-estimé l’importance de l’héritage colonial dans les relations franco-africaines; en effet, l’image de Brazza est pour les autorités Françaises et pour les hommes politiques des anciennes colonies africaines un instrument parfait pour renforcer leur liens à travers une « apologie du colonialisme ».

L’intégrité de Brazza et l’oeuvre de « colonialisme doux », qu’il avait conçus, sont utilisés dans le cadre de la pédagogie coloniale et postcoloniale pour cacher les horreurs commises par les compagnies concessionnaires et par les administrateurs leur complices. Comme aux temps de la décision du parlement Français de ne pas publier les résultats de l’enquête de 1905, les contrastes entre Brazza d’un côté et les administrateurs et les compagnies de l’autre sont un chapitre de l’histoire qui se voit confinée dans les archives et dans la recherche académique.

Pendant la soirée, des représentants des autorités Gabonaises, proches du peuple Téké du quel Bongo fait partie, expriment leur gratitude pour l’engagement des 15 et leur succès qui a permis la reconnaissance du pouvoir traditionnel Téké par les autorités Congolaises et la participation de la cour royale aux cérémonies de Brazzaville. L’atmosphère montre le fait que l’affaire du transfert a provoqué des tensions entre Bongo et son beau fis Sassou-Nguesso; le pouvoir Gabonais s’est trouvé face aux ambitions internationales du pouvoir Congolais, qui menace son rôle de puissance régionale et de principal dépositaire africain de la relation entre les états de l’ancienne Afrique Equatoriale Française et la métropole.

Brazza à Brazzaville

Le 2 octobre la délégation arrive à l’aéroport de Brazzaville. Le cercueil de Brazza,couvert par un drapeau Français, est porté par un groupe de marins Congolais; ils sont habillés comme des soldats coloniaux, ce qui fait bien comprendre le caractère de l’initiative. Les membres de la délégation sont accueillis par les autorités Congolaises et par les invités arrivés de Paris à Brazzaville avec un vol Air Maroc. Ces invités incluent 8 représentants des signataires de l’accord,34 Corrado Pirzio-Biroli, son enfant Federico, Ginevra Serego Alighieri et Speronella Savorgnan di Brazzà.36 Un groupe de représentants de la cour royale Téké, guidé par le premier vassal37, est présent à l’accueil mais exclu des événements ; les représentants des 15 signataires se rendent de leur gré à rendre hommage aux représentants des Téké.38 Les soldats de la marine Congolaise, en chantant leur hymne officiel, déposent les cercueils de Brazza, de sa femme et de ses enfants sur un véhicule. Une parade de voitures parcourt les boulevards de Brazzaville, remplies par une foule de curieux, parmi lesquels certains qui montrent de ne pas être particulièrement heureux, et par des groupes de danseurs en fête. On apprendra qu’un grand numéro de Brazzavillois a été payé pour participer à ce chaleureux accueil. Des grands panneaux montrent des images de Brazza, de Sassou-Nguesso et du Makoko Mbandiélé (successeur d’Ilo I), évidemment confondu avec Ilo I. D’autres panneaux montrent Chirac, Bongo et Sassou-Nguesso dans le moment de pose de la première pierre du mausolée. Au deuxième plan apparaissent les tours de TotalFinaElf qui se trouvent à Brazzaville et à La Défense.

Les cercueils sont amenés à l’église du Saint Esprit, là où une messe est célébrée par le nonce apostolique au Congo, Monseigneur Andreas Carrascosa Cosa. Dans l’atmosphère joyeuse qui caractérise les célébrations religieuses Congolaises, le nonce ne manque pas de souligner que Brazza a passé quelques années « en dehors de la grâce de Dieu », mais qu’il a su se repentir ; évidemment, il fait allusion à l’engagement de Brazza dans la franc-maçonnerie, terminé avec ses démissions de l’organisation en 1904, motivées par la complicité des francs-maçons dans les brutalités des compagnies concessionnaires au Congo. Ensuite,les cercueils sont déposés devant la mairie centrale, à côté du mausolée.

Pendant le reste de la journée les héritiers Brazza ont la possibilité de se déplacer dans la ville. La majorité n’a aucune expérience de Brazzaville ni de l’Afrique Subsaharienne, et peut enfin remarquer l’absence de quelconque forme d’investissement publique finalisé à garantir les services essentiels pour la population. Cependant, la population ne manque jamais d’exprimer son respect pour la « famille de Brazza » ; on apprend que l’arrivé du Makoko à Brazzaville,événement historique à cause la prohibition traditionnelle pour le roi de se déplacer de Mbe, a été fêté par un grand numéro de Téké le 1er octobre. Le soir,un concert a lieu devant le mausolée ; les héritiers de Brazza occupent leurs places mais bientôt on se souvient que les Brazzavillois attirés par la musique de plusieurs artistes congolais et franco-congolais sont séparées des « VIP » par un cordon de policiers. En provoquant quelques tensions avec la police, les jeunes de la famille Brazza insistent pour passer de l’autre côté du cordon; bien que le mécontentement provoqué par le mausolée soit tangible, l’accueil des brazzavillois est chaleureux. On parle de l’accord et de l’importance de faire connaître à la population les engagements pris par le gouvernement. Cependant,en se promenant à Brazzaville pendant la soirée, on s’aperçoit que la ville est dans un curieux état de couvre-feu, vraisemblablement une ultérieure expression du fait que pour les Congolais l’inauguration du mausolée n’est pas une occasion à fêter.

De plus, une contre-propagande souterraine mais bien orchestrée par des opposants politiques ne manque pas de se faire entendre à travers la diffusion d’articles, pamphlets et émissions radio.

Pendant les jours des célébrations, les représentants des 15 ont l’occasion de répondre aux questions des medias locaux et internationaux; lors de ces entrevues, il cherchent de répondre aux critiques en expliquant que les héritiers étaient sensibles aux problèmes soulevés par l’initiative ; ils soulignent l’engagement des 15 héritiers et diffusent le contenu de l’accord signé par Sassou-Nguesso. Cependant, ils s’aperçoivent de plus en plus que l’accord n’a pas eu le résultat de modifier la perception de l’événement auprès des Congolais et de l’opinion publique internationale. En effet, la Fondation Brazza et le gouvernement Congolais ne se sont pas montrés intéressés à rendre publiques les engagements prévus par l’accord, afin de démentir les critiques des medias.

L’adoption de l’idée de célébrer l’originalité de l’alliance pacifique et égalitaire entre Brazza et le Makoko plutôt que la figure du colonisateur se révèlent au-delà des intérêts des organisateurs du transfert, malgré le fait que ce changement aurait pu calmer au moins le criticisme de la presse internationale. Evidemment, on craint que remarquer l’originalité de l’approche de Brazza puisse souligner son opposition aux compagnies et impliquer un débat sur les méthodes de la colonisation française.

1ere PARTIE: CHRONIQUE DU TRANSFERT DE LA DEPOUILLE DE SAVORGNAN DE BRAZZA D’ALGER A BRAZZAVILLE : La préparation du transfert

3e Partie : L’INAUGURATION DU MAUSOLEE PIERRE SAVORGNAN DE BRAZZA, Par Pietro di Serego Alighieri

 

 Par PIETRO DI SEROGO ALIGHIERI

Diffusé le 16 juillet 2012, par www.congo-liberty.org

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Une réponse à LE TRANSFERT DE LA DEPOUILLE DE PIERRE SAVORGNAN DI BRAZZA, Par Pietro di Serego ALIGHIERI

  1. eggbox dit :

    La France n’a pas reconnu la Colonisation et la Traite des Noirs et voilà des Marins Congolais portés le Drapeau Français.

    C’est proprement n’importe quoi.

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