Le Niger et le coup d’État du Général Tchiani : réactions de la France face au coup d’État

La France rejette le coup d’État illégitime

La France suit les recommandations de la CEDAO (négociations + intervention éventuelle)

La France après hésitations décide d’évacuer ses ressortissants sous la menace de slogans anti-français

Par Lucien PAMBOU

            La France a lancé un ultimatum pour rétablir le président Bazoum dans ses fonctions et n’exclut pas un recours à la force en s’appuyant sur l’ultimatum de la CEDEAO (Communauté des États d’Afrique de l’Ouest) si les putschistes ne quittent pas le pouvoir. La France est au pied du mur dans ses anciennes colonies car elle n’a pas su accompagner la transformation des sociétés civiles dans ses ex-colonies françaises de l’Ouest et du centre. Elle est contrainte aujourd’hui, face à la situation au Niger, à adopter une position de force et de fermeté qui menace ses intérêts économiques grâce à l’exploitation de l’uranium nigérien par la société Orano qui a remplacé Areva. Une partie de la production de la mine de Somair exploitée par Orano est utilisée par EDF pour les centrales nucléaires et l’autre est vendue à la Suède, au Royaume Uni et aux Etats-Unis. On vient de découvrir un second gisement, celui d’Imouraren, dont les réserves estimées à 200 000 tonnes obligent la France a ne pas laisser le chaos s’installer au Niger.

Après les coups d’État au Burkina Faso et au Mali, Paris est resté comme démuni face à une rechange stratégique ; avec 1500 soldats « déclarés » et déployés au Niger, le président Macron ne peut laisser le Niger aux mains des groupes djihadistes qui aujourd’hui remportent des succès énormes au Mali près de la ville de Meneka. Ces groupes djihadistes dans l’imaginaire collectif français peuvent un jour s’attaquer aux intérêts français au Sahel et voire au-delà de la Méditerranée. Le président Macron a tenu un discours martial en avertissant les putschistes et leurs affidés d’une riposte française implacable et intraitable, si des violences étaient commises contre les ressortissants, l’armée, les diplomates et les entreprises françaises. Après avoir hésité à évacuer les 500 à 600 ressortissants français, la décision a été prise de le faire au nom du principe de précaution doctrinale et stratégique qui entoure la présence des forces extérieurs à l’étranger. Malgré le coup d’État, l’extraction d’uranium continue selon le journal « Le Monde » du mardi 1er aout 2023.

Le coup de force qui déstabilise le Sahel avec le coup d’État au Niger, met les Occidentaux et la France devant leurs responsabilités géopolitiques. Pour la France, l’éviction du président Bazoum à la tête de l’État oblige la France a repenser sa stratégie géopolitique dans le Sahel. Le président Macron a réagi brutalement au cours du conseil de défense en indiquant qu’il attendait des décisions de la CEDEAO en restant ferme face à l’attitude des manifestants nigériens qui menacent l’Ambassade de France.

Nous sommes là au cœur d’une problématique qui doit être liée à la refonte de la doctrine stratégique française en Afrique : il faut que la France qui s’inquiète des crises dans ses anciennes colonies, réfléchisse de façon précise sur sa nouvelle doctrine stratégique, politique et militaire en Afrique francophone. Après les indépendances, la France était en terrain conquis dans ses anciennes colonies. Le franc CFA, les aides budgétaires de l’agence française au développement, l’influence de ses grandes entreprises ont permis à la France de se reposer tranquillement, sans se soucier de l’influence de la Chine et surtout aujourd’hui de la Russie.

Avec François Mitterrand, la France a accompagné un modèle politique de démocratisation qui a entraîné les différences conférences nationales en Afrique. Le problème est que la France s’est désengagée du service après-vente qui devrait obliger les responsables politiques africains à contribuer au développement économique, à la juste répartition des richesses et à la promotion du bien-être social des populations en Afrique francophone. La plupart des gouvernements en Afrique francophone ont compris que la France s’arrêtait à leur souveraineté et qu’ils pouvaient développer la corruption, favoriser leurs dominations et en affamant dans la misère et la pauvreté leurs populations.

La France a regardé ailleurs alors que le terreau de la révolte pour les populations apathiques en Afrique francophone était en cours. C’est le cas en Afrique francophone de l’ouest et peut-être demain en Afrique francophone centrale. La France est au milieu du gué et elle est confrontée à la pire des solutions : intervenir pour rétablir Bazoum à la tête du Niger, ensemble avec les Américains qui ont une base au Niger, ou composer avec les putschistes emmenés par le général Tchiani. La France, à travers le coup de force au Niger, voit son influence diminuer progressivement en Afrique. Deux pays continuent de jouer un jeu en faveur de la France : le Tchad et le Niger. Pour la France, sortir de ces deux pays, comme cela a été le cas au Mali, est considéré comme un casus belli et une situation inacceptable. Voilà pourquoi, en France, mais surtout au sein de l’exécutif, on estime que le coup de force au Niger est un mouvement d’humeur de la part du responsable de la garde présidentielle. Le ralliement de l’armée nigérienne à la garde présidentielle soulève des questions sociologiques fortes.

L’ancien président Issoufou et l’actuel président Bazoum sont d’ascendance arabe. Les principaux dirigeants du coup d’État au Niger sont des nègres, noirs de peau, alors que Bazoum et Issoufou sont clairs. Cela peut faire sourire lorsqu’on introduit le phénotype dans l’explication des relations internationales, mais en Afrique cela a du sens et les ressentiments liés au phénotype entre populations sont très forts. Une partie des Nigériens négro-africains n’a jamais supporté l’ascendance arabe de certains de leurs dirigeants. Voilà un des aspects du problème qu’il faudra résoudre et le vivre ensemble tant célébré à Paris ne suffira pas pour remettre le Niger sur la voie de la cohésion sociale.

Que va faire Paris face au coup de force au Niger ?

            Paris s’appuie sur l’ultimatum de la CEDEAO pour rétablir le président Bazoum dans ses fonctions. Paris dit haut et fort qu’elle ne veut pas intervenir ,mais qu’elle ne serait pas interdite de le faire ensemble avec la CEDEAO. Or, pour les pays comme le Mali ou le Burkina Faso, le coup de force CEDEAO/France est inacceptable et obligerait ces deux pays à créer une alliance de défense face à une ennemi intérieur, la CEDEAO, et un ennemi extérieur potentiel, la France. Nous n’y sommes pas encore. Il faut que les négociations en cours évitent ce type de solution qui aurait pour but que de marginaliser encore un peu plus les sociétés civiles nigériennes qui manquent de tout. Le président Macron a décidé de suspendre toutes les aides budgétaires en direction du Niger, tout en s’entretenant au téléphone avec l’ancien président Issoufou et l’actuel président Bazoum. Il a été dit ici et là, et surtout depuis Paris et sur les télévisions d’informations (BFM, LCI,…) que c’est pour des raisons personnelles que le Général Tchiani a fait le coup d’État car il aurait dû être démis de ses fonctions par le président Bazoum.

La situation est troublée et difficile au Niger. Comment les syndicats, les oppositions politiques vont-ils agir ou non aux côtés des putschistes ? Ce qu’il se passe au Niger pose la question de la prise de conscience des jeunes militaires, les quarantenaires et les cinquantenaires qui refusent de subir la mainmise de Paris sur leurs économies respectives avec la complicité des anciens chefs d’État africain nés avant l’indépendance et qui dirigent de façon complice leur pays affilié au réseau de la Françafrique. Les Afriques francophones de l’ouest et du centre sont à un tournant de leur histoire et il faut craindre que les sociétés civiles accueillent favorablement l’intervention des militaires pour modifier ce que la France appelle l’ordre démocratique qui souvent est manipulé par certains chefs d’État d’Afrique de l’Ouest et du centre pour demeurer le plus longtemps au pouvoir en modifiant les constitutions. La réflexion de Macky Sall doit être saluée et son désir de ne pas se présenter pour un troisième mandat, alors que la Constitution le lui permettait, doit être acclamée et approuvée.

            Les relations entre les présidents Bazoum et Macron sont bonnes. Après le Mali et le départ de la force Barkhane, la France ne peut accepter que les forces françaises qui luttent contre le djihadisme au Sahel soient déstabilisées. Il y aura forcément une réponse politique, voire militaire, pour obliger les putschistes à regagner les casernes, validant ainsi le retour de Bazoum aux affaires.

Le chemin emprunté par la France qui attend la décision de la CEDEAO (communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest) est étroit car la France a de quoi être inquiète dans la mesure où la lutte contre le djihadisme et l’émigration clandestine a pour bouclier et plateforme le Niger. La France ne peut pas se permettre de perdre le Niger comme allié crucial au Sahel, sachant que le Tchad et le Niger représentent les deux boucliers et plateformes de résistance contre le djihadisme.

L’arrivée de la Russie et de la Chine dans cette partie de l’Afrique de l’Ouest (Mali, Burkina-Faso), doit être imputée en responsabilité à la France qui n’a pas su et qui n’a pas voulu revoir sa doctrine stratégique face à des territoires africains qui bénéficient de la mutation des technologies et surtout de l’influence des Etats-puissances  que sont la Russie et la Chine. La stratégie française et occidentale est en train d’être mise à mal dans le Sahel car le seul objectif était la lutte contre le djihadisme alors que les populations civiles attendaient que la France tance leurs responsables politiques sur leurs incapacités à résoudre les problèmes de bien-être social.

            Il reste à la France et à l’Occident de voir comment ils peuvent résoudre le problème nigérien sans trop de casse et espérer continuer d’exister dans cette zone désertique au sein de laquelle les Chinois, les Russes, demain les Brésiliens, vont s’installer progressivement et pousser la France en dehors des terres qu’elle considère comme les siennes, car la France a toujours estimé que l’Afrique francophone lui appartient et qu’elle n’a pas besoin de changer de doctrine stratégique validée par la seule lutte contre le terrorisme djihadiste.

Par Lucien PAMBOU

Diffusé le 01 aout 2023, par www.congo-liberty.org

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6 réponses à Le Niger et le coup d’État du Général Tchiani : réactions de la France face au coup d’État

  1. sassouland en phase terminale dit :

    POUTINE HUMILIE SASSOU: OÙ SONT LES MILITAIRES POUR DÉPOSER LE DESPOTE AVANT OU APRÈS LE 15 AOUT? https://www.youtube.com/watch?v=HslqJVPw-54

  2. delbar dit :

    Il est beaucoup plus difficile de faire un putsch contre un dictateur que contre un démocrate.
    Je ne suis pas persuadé que les chefs militaires congolais se considèrent comme mal rémunérés comme ceux du Niger …

  3. Christian Biango dit :

    Lorsque nous, nous sommes fait attaqués dans les quartiers en 1992-1993, je ne me souviens pas avoir vu un blanc français machette ou kalachnikov à la main, alors que le conflit concernait déjà le dossier brûlant de d’Elf Aquitaine en prétextant une violation par le président Pascal Lissouba de la constitution. Des semblables compatriotes, avaient donc servi les intérêts français sans mea-culpa à ce jour. Contrairement aux noirs africains francophones, la France sait ce qu’elle veut, et nous devons admettre que nous l’avons toujours cautionné. Quelqu’un semblait être serein lorsqu’il nous parlait des réseaux, c’est à mourir de rire lorsque l’on joue au caméléon. Si l’uranium nigérien est aussi indispensable à certains pays européens, le putsch au Niger aurait affolé les bourses européennes et occidentales, or, il ne s’est rien passé, c’est à croire que, tout avait été anticipé par les décideurs qui veulent quitter l’Afrique pour nous fourguer le régime bolchevik russe et chinois. La schizophrénie, c’est de se réjouir de se retrouver dans l’obscurité en France grâce à des militaires incapables de combattre l’islam politique. Il faut rappeler à certaines personnes, qu’il y a de l’uranium au Gabon, en Rdc, au Kazakhstan et en Australie, des pays toujours amis de la France jusqu’à preuve du contraire. Mali, Burkina Faso et Niger, à eux le défi immédiat de se débarrasser du franc cfa, le reste n’étant que postures et coups de menton. C’est celui qui détient le porte-monnaie, qui détient les cordons de la bourse. La Cédéao a intérêt à mettre hors d’état de nuire cette junte militaire de pieds nickelés, sa crédibilité en dépend, les soi-disant injonctions de Macron n’y feront rien. Ni les USA, ni l’Union européenne ne laisseront tomber la France économique et touristique, il faut être tordu et mesquin pour le souhaiter!

  4. R dit :

    vous navez rien dit des milliard qu il aurait recu de sassou ng lors de sa visite a brazzaville. le gl tchiani et mr mohamed bazoum ne sentendaient plus.le gl thiani est chef de la garde presidentielle depuis mr issoufou.a cette epoque mohamed bazoum etait ministre de lint. devenu president de la rep mr mohamed bazoum lavait maintenu a ce poste.mais les rapports ne cessaient de se degrader entre les deux hommes. la goutte d’eau ayant ete le projet deviction du gl tchiani par mr mohamed bazoum.

    ce schema est semblale a celui que nous avons connu au congo brazzaville avec le gl j m mokoko.il etait chef detat major des armees depuis sassou ng et mr lissouba lavait maintenu a ce poste.sauf que selon mr lissouba, le gl mokoko ne lui obeissait pas assez.

    mr bazoum a dit que le gl tchiani ne laccompagnait plus dans ses deplacements.

    la france est etrangere a ce coup d’etat.

    laissez l’armee congolaise tranquille.ce mimetisme dun autre age est desormais revolu.tombalbaye avait ete tue chez lui en 1976, les congolais avaient tue marien ng chez lui en 1977. nous ne voulons plus de ce mimetisme

  5. Lpambou Mkaya Mvoka dit :

    Cher christian Biango

    Ton discours n est pas tres clair

    .il faut aller a l essentiel et dire tout de go que la france doit continuer a etre presente au NIGER avec Bazoum comme marionette consentante comme le sont tous les satrapes dirigeants africains

    Soit je n ai pas compris ton discours car il est ambigu soit je ne sais plus lire ce que tu ecris

    Quant a ton manque de comprehension de l outil analytique du reseau ce n est plus mon probleme

    Le reseau est un outil dynamique et non statique tu en comprends le fonctionnement et la structure comme tu l entends

    le reseau francafrique fonctionne comme la France le veut et l entend

    C est la partie internationale du Reseau que tu as beaucoup de mal a conceptualiser et a expliquer car ton orientation trop ideologique de la situation congolaise t empeche un deport intellectuel pour prendre de la distance critique et analytique

  6. Samba dia Moupata dit :

    Il faut souligner le patriotisme du général Tchiàni qui veut arrêter la souffrance de son peuple qui vivent dans un pays riche en sous sol et comme par hasard le son pays serait parmi le plus pauvre de la planète ! Chose inimaginable avec Serge Oboa qui depuis vingt sept ans accompagne Sassou Denis dans la folie furieuse ! Alors qu’un vrai général patriote aurait mis au désastre dans le pays.

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