Congo: La quadrature du cercle, par l’écrivain Dina Mahoungou

Durant les vingt dernières années du XXème siècle, ainsi que la première décennie du XXIème siècle, le débat autour du concept de tribu dominante est entré en résonnance immédiate dans les officines des leaders d’opinion congolais, avec ses enjeux politiques.

Après la bataille de Brazzaville, une victoire à la Pyrrhus du général Denis Sassou-N’guesso et ses acolytes a méthodiquement séparé le pays en trois blocs majeurs.
Le bloc du chef de l’Etat lui-même : les nordistes qui se situent dans la Likouala, la sangha, la cuvette ouest, la cuvette et une large partie au nord des plateaux.
La base du professeur Président Lissouba comprend la Lékoumou, le Niari, la Bouendza (le fameux Nibolek). Le fief de l’ancien maire de Brazzaville comprend le sud des plateaux, le Pool avec Brazzaville la capitale politique.
Quant au Kouilou, capitale économique avec Pointe Noire comme chef-lieu, c’est un vivier de toutes les tribus Kongo, les loangos appelés communément Vilis, y sont majoritaires.

Pour éviter la prochaine guerre qui couve déjà, il est urgent et indispensable qu’un changement s’opère dans les mœurs et sur la façon de gérer les affaires publiques.
Pourquoi ne pas suivre le modèle de l’Afrique du Sud, après le départ de De Klerk et l’arrivée de Mandela aux affaires de l’Etat. Asseoir au palais du Parlement une commission claire, compétente, multi-ethnique sur « la vérité, le pardon et la réconciliation », axée sur l’époque de l’Apartheid. Toutes les représentations de cette commission étaient mandatées pour le bien de la Nation arc-en-ciel.

Après 1999, la fin effective de la guerre civile au Congo Brazzaville, une discrimination et des exactions pratiquées à l’encontre des gens du Sud sont intolérables. Au jour d’aujourd’hui, des petits exécutants de basses besognes, ces chenapans malpropres qui ont tué d’innocentes personnes lors des funestes événements, se promènent dans les villes avec panache, en toute impunité.
Parfois, ils occupent de hautes responsabilités : député ou commissaire de police, voire même magistrat.

Les fédérés du Nord voient en ce peuple Bakongo, les gens du sud : des usuriers tenaces en affaires, des commerçants nés ayant l’esprit du clan, des petits crésus à croissance rapide, donc manifestement nuisibles.
Les fédérés ont mis en marche une entreprise ethnicide pour éliminer dans les hautes fonctions de la Nation les cadres du Sud, pensent-ils par prudence et nécessité, dans une transgression latente et permanente. C’est leur héritage commun aux compradors du Nord dominant, une politique éliminationiste.

Le Bled pour le général Président est une unité psychique, le produit d’une réunion, d’un rassemblement : la conception même de la tribu sacrée et de ses symboles. Mais lui-même reste un homme creux, terne, glauque.
Selon « le protocole nordiste », ces agents malveillants les Bakongo, des puissants, des dangereux qui doivent se dissoudre dans l’assimilation.
Ceux du Sud, les jeunes en particulier préfèrent être apatrides, se terrer à l’étranger, tant bien que mal, une invisibilité qu’ils tiennent pour allant de soi.

La part d’opportunité pour le général Président à entretenir pareil clivage est de faire accroire à ses affidés que les autres, ceux qui ne sont pas originaires du Nord, sont les boucs émissaires de leurs peurs.
Denis Sassou N’Guesso, un Président dur pour la fausse vertu, sectaire, concupiscent et avare. Celui-ci garde tout pour lui, tout pour son entourage. Parfois, il se vêt d’un artifice assez transparent dans ses meetings, un sourire vaniteux et, cette sérénité stoïque du goujat devant les titres, les honneurs officiels, les décorations.
D’odieux mensonges qui lassent le peuple, trois décennies déjà. Un peuple moutonnier qu’il manipule à sa guise, comme pour le dressage des chevaux de peine. Un Président insensible et médiocre, léger et imprévisible. Il aime à s’impressionner des chantiers incongrus qu’il conduit.
Une politique de gribouille, un fourre-tout et un amateurisme hallucinants, c’est un quidam imprécis dans ses buts à atteindre. Le pays est conduit dans une déchéance, un lourd fardeau, un long supplice aux générations qui nous suivrons.

Autour de Sassou, des bouffons, des fous à marotte furieux dans leurs égarements agités, dans leur rage dévorante gèrent minutieusement les institutions de la mise à mort.
Ces gens de saines convictions tribales participent à la lamination des autres ethnies en les traitant comme des citoyens de seconde zone, avec leur petit statut de séquestré.
Ceux des Bakongo ne sont pas libres de leurs faits et gestes, les plus lâches, névrosés se dénoncent mutuellement. La seule alternative à ces judas est un don de soi à la pauvreté, au désespoir. Ils exploitent la détresse et leur vulnérabilité communes.

Au Congo, tout est dans l’économie informelle. Dans toutes les petites cellules actives, il y a de la délation organisée. S’il y a un nombre colossal d’indicateurs dans tout le territoire, il faut bien croire que le recrutement de ces petits soldats est bien utile auprès des oligarques du Nord.
Un modus operandi qui est très efficace, grâce aux moyens ultras-modernes de communication et de déplacement, du reste la répression est très structurée.
Une organisation hiérarchisée, pyramidale, un phénomène prostitutionnel de type mafieux se sont accaparés du pays. Des libertés limitées, un système d’interdiction et de censure omnipotents, les Congolais supportent le poids croissant des inégalités, c’est d’une violence endémique, ajoutée à la paupérisation de la population active. Les pauvres fonctionnaires devenus aides domestiques pour le bon plaisir des potentats au pouvoir.

Dix ans après la sale guerre, les survivants traînent en eux, pour la plupart d’entre nous, des dommages mentaux irréversibles et souffrent d’un stress post-traumatique ou de troubles anxieux. Certains sujets revivent en permanence les événements sous forme de cauchemars.
Le ver est toujours dans le fruit.
Nos pauvres gamins rescapés de la drôle de guerre ont peur de l’obscurité, du bruit soudain, ils végètent dans une désadaptation sociale importante.
Les filles-mères qui ont subi des viols en réunion sont sans attaches, des souvenirs affreux les poussent à l’insomnie, à l’irritabilité, parfois même au suicide.

Pour les rapaces étrangers et cosmopolites, les excités du business, organisateurs des réseaux criminels, ce pays est un salutaire défouloir. Dans la violence de tout ordre, là-bas tout est permis et envers tous, à condition qu’on y mette le prix. La torture, l’enlèvement, la séquestration sont des phénomènes polymorphes que le petit congolais subit au quotidien.
Pour la sécurité intérieure, tous les moyens d’action pratiqués sont autorisés de façon légale.
Depuis toujours pour le Congolais du Nord fanatisé, l’épouvantail c’est tantôt Monsieur Lissouba avec sa clique et ses partisans ou alors feu Monsieur Bernard Kolélas, leader charismatique et ses adorateurs.
Par le pouvoir sanguinaire en place, ces deux chefs de clan ont toujours été considérés comme des spectres démoniaques. Ceux du Nord et leurs commandos partisans, dans les excès, les ivresses, les outrances s’attendent fermement à un combat proche … il faut que ça saigne !

Le prochain massacre sera impossible à éviter et ce sera dans une terreur généralisée.
Des idéaux éliminationistes d’une telle cruauté, d’une telle absence de pitié germent dans l’esprit de ces nouveaux conquistadors. Les gens du Nord n’ont nul besoin de coercition, la bête fauve est connue, le bouc émissaire est nommé.

Chez ces gens-là, la haine tribale est longuement incubée. Des partisans virulents, mobilisés par un régime criminel à l’idéologie fascisante. Tandis que ceux du Bacongo sont dans un renfermement, une exubérance décorative, ils ne servent à rien, des sans-emplois à la merci de la contingence.
Les fonctionnaires du Sud sont employés aux bons vouloirs des patrons du Nord Congo comme rigolos en titre d’office. Leur existence est de danser et de faire rire. Des petits artistes comiques dans le besoin. Leurs têtes vides remplies d’air, à l’image d’un soufflet de forge, de vrais fous de cour.

Dans la bravoure, l’endurance, la pugnacité, le Congolais le plus humble est en voie de transmutation et le combat pour la grandeur de la liberté est un processus illimité.
Chers frères, chères sœurs ……. Indignez-vous et souvenez vous-en : la fée du logis n’existe pas !

Dina Mahoungou

Ecrivain et journaliste free lance

Dernier ouvrage paru : Agonies en Françafrique aux Editions l’Harmattan

Diffusé le 31 janvier 2012, par www.congo-liberty.org

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Une réponse à Congo: La quadrature du cercle, par l’écrivain Dina Mahoungou

  1. natty- congo dit :

    texte pertinent et trés veridique, felicitation de cette preuve de courage car les choses doivent dites et denoncées tant que ces goujats continuerons à nous montrés leur anus dénudé point d avoir peur nous ferons le boulot de l ausculté convenablement

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