Le 17 mai, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution plaçant la Polynésie française sur la liste des territoires à décoloniser, malgré la défaite des indépendantistes aux dernières élections territoriales et les pressions de Paris. L’occasion de revenir sur la prise de position du Burkina de Thomas Sankara pour l’indépendance de la Nouvelle Calédonie et les conséquences qui s’ensuivirent.
Dans la résolution (voir http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/67/L.56/Rev.1&Lang=F) l’Assemblée générale rappelle que « comme les anciens Établissements français de l’Océanie, la Polynésie française faisait initialement partie des territoires considérés comme non autonomes dans la résolution 66 (I) de l’Assemblée générale en date du 14 décembre 1946 » et que le « gouvernement français n’a communiqué aucun renseignement sur la Polynésie française depuis 1946 ». Elle affirme « le droit inaliénable de la population de la Polynésie française à l’autodétermination et à l’indépendance », « reconnaît que la Polynésie française reste un territoire non autonome », « rappelle l’obligation de le France de communiquer des renseignements sur ce pays », « demande au comité spécial d’examiner la question de la Polynésie et de faire un rapport, et prie le gouvernement français d’intensifier le dialogue avec la Polynésie française, afin de faciliter et d’accélérer la mise en place d’un processus équitable et effectif d’autodétermination ».
La France n’en a pas fini avec ses colonies
La Polynésie n’est, pour la plupart d’entre nous, qu’une destination touristique et nous n’en connaissons que quelques photos d’hôtels et autres sites de rêve. Mais ce fut aussi un centre d’essais nucléaires français aux conséquences désastreuses. Ainsi selon Wikipédia : « Le rapport d’une commission d’enquête publié en février 2006, montre que chacun des essais de 1966 et 1967 a provoqué des retombées radioactives sur les archipels habités de la Polynésie française; même Tahiti aurait été touché le 17 juillet 1974 par l’essai Centaure (avec des taux de radioactivité de six à sept fois supérieures à la normale). De plus de nombreux récifs coralliens ont été touchés. Une étude de l’INSERM montre qu’il existerait une relation statistique entre le risque de cancers de la thyroïde et la dose totale de radiations reçues à la thyroïde du fait des 46 essais nucléaires atmosphériques en Polynésie. » (voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Essais_nucl%C3%A9aires_fran%C3%A7ais).
Les indépendantistes sont électoralement très représentatifs en Polynésie française. Leur leader, Oscar Omaru, a dirigé l’assemblée territoriale, avant que les dernières élections ne redonnent la majorité à Gaston Flosse, cofondateur du RPR, un ami de Jacques Chirac. Il n’a pu se présenter que parce qu’il avait fait appel alors qu’il venait d’être condamné à quatre ans de prison avec sursis, 125 000 euros d’amende et trois ans de privation des droits civiques pour prise illégale d’intérêts et détournement de fonds publics dans une vaste affaire d’emplois fictifs. Gaston Flosse n’aura donc pas eu la chance de Jacques Chirac qui a pu éviter les procès.
Situation tendue en Nouvelle Calédonie dans les années 80
En Nouvelle Calédonie, autre colonie française, les indépendantistes sont mieux connus pour être passés à l’action, dans les années 1980, afin d‘obtenir l’indépendance, faisant même parfois les titres de l’actualité en métropole. Les premières revendications d’indépendance étaient apparues en 1975. Mais la création le 24 septembre 1984 du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS), rassemblant différentes composantes du mouvement indépendantiste, créée les conditions du développent d’actions mieux structurées et concertées dans l’Ile. La situation politique va se tendre rapidement à l’occasion des élections territoriales en novembre de la même année. Les Kanaks appellent au boycott et l’île connait une situation quasi insurrectionnelle. Les affrontements se multiplient. Elio Machoro, un autre leader indépendantiste, est tué par le GIGN, ainsi qu’un autre Kanak Marcel Nonnaro, par deux tireurs du GIGN en janvier 1985.
Le Burkina demande l’indépendance de la Nouvelle Calédonie dès 1984
Dans un communiqué, envoyé par Thomas Sankara à Paris, pour justifier sa non-participation au sommet franco-africain de Bujumbura en décembre 84, il affirme « être aux côtés du peuple kanak en lutte pour son indépendance totale» et ajoute « Là où la France a refusé l’indépendance, les armes l’ont arrachée »[1]. Le Burkina avait été élu membre du conseil de sécurité pour deux ans en novembre 1983. Sankara profite de cette position de son pays pour exprimer haut et fort sa solidarité avec les palestiniens et les militants anti-apartheid d’Afrique du Sud, appelant les autres pays à faire de même. Lors d’un échange, devenu mémorable, avec François Mitterrand en novembre 1986, (voir www.thomassankara.net/spip.php?article32) il dénonça la complaisance de la France avec les dirigeants d’Afrique du sud en des termes particulièrement sévères : « Nous n’avons pas compris comment des bandits, comme Jonas Savimbi, des tueurs comme Pieter Botha, ont eu le droit de parcourir la France si belle et si propre. Ils l’ont tachée de leurs mains et de leurs pieds couverts de sang. Et tous ceux qui leur ont permis de poser ces actes en porteront l’entière responsabilité ici et ailleurs, aujourd’hui et toujours. » Un premier incident qui, s’il peut sembler avoir amusé un temps François Mitterrand, selon les images, a très certainement été bien mal pris par son entourage. Notamment M. Guy Penne, tout juste débarqué de son poste de Monsieur Afrique de l’Elysée, au profit de Jean Christophe Mitterrand. Guy Penne a toujours voué un haine farouche pour Thomas Sankara, avant de se transformer en tête de file du lobbying pro Blaise Compaoré, après l’assassinat de Thomas Sankara. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir sur notre blog. Sans parler des diplomates et autres réseaux françafricains de droite, Jacques Foccart en tête, tout juste revenu aux affaires à la faveur de la première cohabitation.
L’indépendance de la Nouvelle Calédonie à l’ordre du jour à l’ONU
En décembre 1986, la résolution 41/41 de l’ONU, qui inscrit la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires non autonomes et reconnaît ainsi son droit à l’indépendance, est mise en débat au sein de la commission de décolonisation de l’ONU. Non seulement le Burkina vote pour la résolution, mais Thomas Sankara, fait campagne pour son adoption. Sans succès pour ce qui concerne les pays du « pré-carré » ! De son côté, la diplomatie française s’est en effet employé à s’assurer l’opposition à ce texte de ses anciennes colonies, sans trop de difficulté d’ailleurs.
Basile Guissou, alors ministre des affaires étrangères du Burkina écrit à ce propos : « … dans ce cadre des relations africano-françaises, le comble de l’audace fut le vote du Burkina Faso à la commission de décolonisation de l’Organisation des Nations Unies pour le droit à l’autodétermination de la Nouvelle Calédonie en 1986. On connait la suite : une note du premier ministre français à son ministre de la coopération exigeant des représailles économiques contre le Burkina. Ce problème de la nouvelle Calédonie avait été jusque là un tabou pour lequel la France avait obtenu le silence total des pays africains de son pré carré. Et pourtant pour le gouvernement burkinabè, c’était le moins que l’on pouvait faire pour les frères Kanaks. Jean Marie Tjibaou, le leader kanak, en a été profondément ému »[2]. Lire l’intégralité…
Source : Bruno Jaffre