LA METAMORPHOSE DE L’ARRONDISSEMENT 2 BACONGO

Par Dieudonné ANTOINE-GANGA

Bacongo, alias Bac-City, est l’une de ces Brazzavilles noires dont a parlé Georges Ballandier. Il est aussi la première agglomération fondée par Pierre Savorgnan de Brazza. Il est enfin, l’un de ces arrondissements populeux de Brazzaville, la verte. Il sied aussi de signaler que c‘est grâce au Bacongolais Félix Tchicaya, alors député du Moyen-Congo à l’assemblée Nationale Française, que   l’arrondissement 2 Bacongo a pu rester à son emplacement actuel. En effet, les Européens voulaient le déplacer au-delà du pont du Djoué. Selon eux, la cité européenne devait s’étendre jusqu’à Bacongo, quartier sain et non marécageux qui par-dessus le marché, abritait la Case de Gaulle, l’actuelle résidence de l’Ambassadeur de France.

Aujourd’hui, Bacongo grâce ou à cause de nouveaux riches animés d’un engouement innommable voire d’une furie dans l’achat des limousines de luxe, des véhicules 4 X 4, dans la construction des hôtels, des immeubles, de somptueuses villas et autres villas et maisons à étages, sur des terrains qu’ils achètent à vil prix aux pauvres Bacongolais alléchés par les liasses de millions de francs CFA qu’ils trimbalent dans leurs ngiris ou mallettes, n’est plus le même. Il a complètement changé de physionomie. Malheureusement l’architecture de ces nouveaux immeubles et villas semble avoir gommé l’histoire de Bacongo d’antan dont les parcelles entourées de clôtures enchevêtrées de gaulettes, de bougainvilliers, d’hibiscus et de lantanas ont cédé la place aux mus en parpaings, hauts de deux à trois mètres, de véritables bunkers ou forteresses. Le Bacongo actuel me rappelle tristement le village décrit par le Président Alphonse Massamba-débat, dans son poème ‘’Mon village’’ : « …L’on se groupait par faille et construisait son mbongui particulier et, dans la colère on menait vie morne, chacun dans son palais repoussant la joie et aimant la misère.

Que fallait-il de plus ? Que fallait-il de moins ? L’homme dans un temps n’est-il pas synonyme de bête ? Il veut fuir comme il peut, bien loin, à la recherche de la fausse paix, l’égoïsme. Et maintenant à voir ces villes nouvelles, fruit de l’orgueil, d’égoïsme et de vanité ; à contempler leurs pauvres et tristes ruelles où coudoient des cases frustes, tout à fait pitié… »

Vanité des vanités ! Ils oublient que ce qu’ils construisent avec acharnement, les vers peuvent le manger, la rouille les ronger et les voleurs le dérober.

D’autre part, les flamboyants qui bordaient jadis l’avenue Général Leclerc, aujourd’hui avenue Simon Kimbangu et qui en faisaient le charme et la beauté, ont été abattus un jour par un quidam, par mesure de sécurité. A la place, ce sont maintenant des façades en béton armé pour échoppes, boutiques et ngandas.

Quand l’on se promène à l’intérieur de Bacongo, toute personne y déambulant, est on ne peut plus frappé par le contraste entre une grande villa cossue entourée par des murs comme une forteresse et les maisons en désuétude autour. Un ilot de bonheur en sorte, entouré par un océan de misère et d’enfer auquel s’ajoute l’insalubrité. Les délestages d’électricité et les coupures d’eau font maintenant partie du modus vivendi des Bacongolais, avec des groupes électrogènes qui polluent l’air autant qu’ils ronronnent. Les personnes qui n’ont pas de forage d’eau chez eux vont en acheter dans des bidons jaunes. Dans les centres de santé et dans les hôpitaux de base, la pénurie de médicaments est légion voire chronique. Bref, dans la population, la misère demeure aussi galopante que persistante, pendant que les nantis se la coulent douce.

Enfin on rencontre à Bacongo, un autre phénomène : la dépravation des mœurs. C’est comme à Sodome et Gomorrhe de la Bible. Bacongo a tronqué sa qualité de quartier puritain au profit de la prostitution visible et notoire dans les rues. Des hôtels dits de passe y ont poussé comme des champignons. L’on ne se gêne plus de faire l’amour pour de l’argent. La femme y est utilisée comme un jouet sexuel. Elle est purement et simplement chosifiée. Elle n’est plus la femme de valeur faisant la joie de son mari. Elle est carrément humiliée. Pourtant, à ce que l’on sache, personne, quel que soit son rang dans la société, n’a le droit d’humilier la femme qui est à la fois mère et sœur. Comme l’a dit Aragon, « elle est l’avenir de l’homme ».

 En revanche à Bacongo, les chiens sont devenus plus pudiques que les humains ; On ne les voit plus s’accoupler en plein jour, dans les rues. On dirait qu’ils attendent la nuit. Ils se cachent comme pour appliquer la maxime des hommes « se cacher pour mieux vivre. »

Jusques à quand, Bacongo alias Bac-City suivra-t-il la pente morale actuelle ?  N’est-il pas encore temps de se ressaisir pour lui redonner ses lettres de noblesse d’antan ?

Dieudonné ANTOINE-GANGA

Diffusé le 12 juin 2023, par www.congo-liberty.org

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2 réponses à LA METAMORPHOSE DE L’ARRONDISSEMENT 2 BACONGO

  1. Samba dia Moupata dit :

    Ya Dieudonné , si t’occupes pas de la politique, la politique s’occupera de toi . Sodome et Gomorrhe nous y sommes ! Bacongo frôle les 100% d’une jeunesse abandonnée elle même et sans perspective , ajouter à cela des conflits familiaux souvent causés par les parcelles laissées par les parents et la justice Mbochi laisse pourrir les situations pour envenimer la dislocation des familles. Voilà encore un genocide indolore .

  2. Val de Nantes. dit :

    @Grosse validation,mon grand Samba .DM .
    C’est clair et net Ya DiaG , longtemps , nous détourne de l’essentialité congolaise au moment où nous avons besoin de ses avis sur les sujets brûlants du Congo Brazzaville. Son expérience aurait été utile à l’appréhension de la réalité objective du pouvoir de Sassou.Mais que nenni !!. Sa prudence de sioux nous confine à la périphérie des problématiques diverses auxquelles font face les congolais..
    Sauver Bacongo suppose une réflexion politique approfondie sur sa désintégration physique actuelle.. Le diagnostic est avant tout politique avant de se pencher sur le mal social qui régit l’être Bacongolais.
    Maintenant,chers compatriotes , vous aurez compris pourquoi cette constitution de 1992 est caduque au regard des urgences du moment…
    La maison Congo brûle ; il nous faut des canons à eau et non des bouteilles d’eau.

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