La chute de Bachar el-Assad. Quels enseignements ?

« On peut priver un peuple de tout, mais on ne peut l’empêcher de distinguer le Bien et le Mal ».

Par-delà les interprétations qu’elle suscite et les enjeux géopolitique et géostratégique sous-jacents, la chute de Bachar el-Assad ne pose pas moins le problème de la Nature de certains pouvoirs de par le monde, autrement dit leur mode de fonctionnement et leur rapport avec le peuple. Il apparaît sans ambiguïté qu’un pouvoir que l’on tient d’une main de fer, sans le soutien du peuple, est fragile, illusoire, quelle que soit son orientation idéologique. Il est son propre étalon et n’a aucun fondement comme le montrent les explosions de joie en Syrie, la volonté des millions de Syriens contraints à l’exil de retourner dans leur pays, mais aussi les manifestations de colère contre les symboles de l’ancien régime.

Le même peuple que l’on croit engourdi, assujetti, acquis, qui chante, par peur, par obligation ou par simulacre, les louanges du « guide éclairé » ou des dirigeants du moment, finit toujours par retrouver sa liberté de jugement dans un sursaut expiatoire. Comme quoi le peuple gagne toujours face à tout pouvoir ! Il sait se préserver pour se dévoiler le moment venu. On peut l’enfermer où que ce soit, ou le priver de tout, mais on ne peut enfermer son esprit ou l’empêcher de distinguer le Bien et le Mal. Insondable, toujours en éveil, l’esprit demeure souverain et dialogue en permanence avec le réel, avec le vécu de la majorité de la population, et rien ne peut l’en détourner, y compris toutes les formes de violence qui peuvent s’abattre sur lui.

À l’évidence, le vrai pouvoir, celui qui élève l’homme, s’articule autour de son alliance indéfectible avec le peuple, qui est le miroir de la société, en répondant à ses aspirations et non à celui d’un clan. Faire société, c’est aller à la rencontre de l’Autre et se nourrir de la pluralité des opinions, autrement dit articuler les rapports sociaux sous le paradigme de la Raison (Kimuntu, Bomoto, Ubuntu), qui suppose l’équité, la justice, l’harmonie et la solidarité.

Tout pouvoir clos, s’use, s’aplatit, s’enfonce dans l’immobilisme comme celui de Bachar El Assad. Porté par une pulsion obsessionnelle de demeurer ad vitam æternam aux commandes du pays, s’estimant irremplaçable, par instinct de survie, il se recroqueville sur lui-même, crée des ennemis imaginaires, et s’autoproclame unique détenteur de la vérité en vouant à la vindicte toute opinion aux antipodes de son catéchisme. Magnifiant le culte de la personnalité à toutes les strates sociales, il institutionnalise l’obéissance servile, le soupçon, la peur, la délation, la terreur, le népotisme, le clanisme et l’exclusion comme leviers de régulation sociale.

Ainsi perché au firmament du narcissisme et de l’arrogance, énivré par sa conception patrimoniale du pays, s’accaparant de tout de manière pathologique et s’estimant en mission divine, il n’offre à la population, dont il est radicalement distant, que la précarité, la frustration, le désespoir, l’exil ou la tombe, comme ultime issue. Voguant sur une pente insurmontable, ce genre de pouvoir, observant la société à travers le moule de son propre confort, additionne chaque jour les conditions de sa décrépitude, d’autant qu’il est par essence déshumanisant, autrement dit participant à la dégénérescence de l’homme. Et aucun peuple ne peut s’en accommoder à perpétuité : il finit toujours par s’en défaire… Rien donc d’étonnant sur la chute de Bassar el-Assad ! La réaction du peuple face à un pouvoir, dépend de la nature de celui-ci…

Gilbert GOMA

Diffusé le 15 décembre 2024, par www.congo-liberty.org

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