Interview de Saturnin Boungou, co-auteur du livre MON COMBAT POLITIQUE de Nguila Moungounga Nkombo.

Jean Saturnin Boungou est docteur en chimie du pétrole et auteur de plusieurs études scientifiques et politiques

 

Congo-liberty : Dans quelle circonstance rencontrez-vous Nguila Moungounga Mkombo et comment se décide l’idée de faire un livre entretien ?

Jean Saturnin Boungou :

Je rencontre Nguila Moungounga Mkombo pour la première fois en automne 1998 dans le cadre d’un livre que j’avais entrepris d’écrire, consacré à l’influence de la production pétrolière sur la guerre de 1997, et que j’avais intitulé : La démocratie congolaise brûlée au pétrole. Il faisait partie des personnalités que j’avais décidées de rencontrer, pour une raison simple : la plupart des points de vue disponibles à ce moment émanaient principalement des cadres de la compagnie pétrolière française Elf aquitaine. Je voulais donc avoir la version des autorités congolaises pour faire la part des choses. C’est ainsi que j’ai pu rencontrer un ancien président de la République, deux anciens premiers ministres, plusieurs hauts-fonctionnaires et ministres, dont Nguila Moungounga-Nkombo.

Au cours de nos discussions, j’ai pu aborder avec lui d’autres questions, notamment celles liées aux rumeurs concernant les membres du gouvernement, dont lui-même. En m’exposant son point de vue, je remarque que celui-ci tranche littéralement avec le discours ambiant de l’époque. Je lui propose d’écrire un livre… Il ne se passe rien…

C’est 10 ans plus tard qu’il se décide enfin. D’abord, il me propose que ce soit moi qui écrive sur son action politique et qu’il se mette à ma disposition. Cela m’aurait obligé à faire un énorme travail de recoupement de l’information et de la vérification des sources. L’écriture risquait de durer plusieurs années, le livre- entretien nous ayant paru le mieux adapté.

Nous avions à peine démarré les entretiens qu’il va les suspendre pour suivre des soins médicaux. J’ignorais que je ne le reverrai plus.

Congo-liberty : Ce livre posthume n’est-il pas une fiction ? Pouvez-vous garantir à l’opinion congolaise et internationale que vous détenez des supports pouvant attester que les propos du livre sont bien ceux de Moungounga ? 

Jean Saturnin Boungou : 

Tous ceux qui ont déjà entendu s’exprimer Nguila Moungounga-Nkombo, peuvent constater que la syntaxe employée dans ce livre est bien la sienne. J’ai tenu à conserver le maximum possible son expression, même lors du passage à la version écrite. Ce fut d’ailleurs la grande discussion avec l’éditeur, laquelle a retardé la sortie de l’ouvrage.

Par ailleurs, tous les entretiens ont été menés devant témoins, ses amis et les miens, et j’ai bien évidemment en ma possession les enregistrements et les notes prises à ces occasions.

Congo-liberty : Dans la 1ere partie du livre, j’ai retenu que l’appareil militaire du PCT, qui a assassiné Marien Ngouabi en 1977, avait pour plan machiavélique d’exterminer leurs opposants politiques. Le groupe Massamba Debat fut liquidé , mais que l’assassinat de Kimbouala Nkaya épargna le groupe Lissouba. Dans quel état d’esprit fut-il lorsqu’il en parle ?

Jean Saturnin Boungou :

Il m’en parle très sereinement comme si plus rien ne l’étonne. C’est plutôt moi qui suis estomaqué. Il me rétorque que ce sontt bien là les pratiques du PCT depuis 1968 et ça n’a pas changé aujourd’hui. Il a regretté au passage le fait que certains de ses compatriotes, intellectuels et politiques particulièrement, aient oublié cela pendant la période démocratique de 1992 à 1997. Il m’a même répété à plusieurs reprises ceci : les Congolais doivent avoir de la mémoire sinon ils ne construiront jamais leur pays.

congo-liberty : Moungounga concède selon ses informations que la part du pétrole congolais, n’est plus celle du contrat de partage de production signé par le gouvernement Lissouba, c’est à dire 33%, mais qu’elle serait de 18 % environ. Sachant que vous-même aviez écrit deux ouvrages sur le pétrole congolais ; Pouvez-vous nous en dire plus ?

Jean Saturnin Boungou :

En effet, lui sait bien que l’article 8 du Contrat de partage de production, qui attribue au Congo 33% de part de pétrole, n’est plus respecté, mais les calculs sont de moi, et j’ai ajouté en outre que, dans les années 2000, en moyenne 250 millions de dollars étaient détournés chaque année par le gouvernement de Sassou-Nguesso, ce qui correspond à une année de salaire des fonctionnaires congolais. Toutes ces données ont été publiées dans mon livre paru en 2006 et intitulé : Pétrole et violences au Congo-Brazzaville – Les suites de l’Affaire Elf. D’ailleurs qui pouvait croire que, sous le régime actuel, la part du Congo augmenterait ? Pourquoi alors certains pétroliers lui auraient-ils financé sa guerre de 1997 ? Il faut bien rembourser la dette de sa guerre…

congo-liberty :Moungounga affirme que le contrat entre l’Américain OXY et le gouvernement Lissouba qui avait permis le déblocage de 150 millions de dollars était mauvais. En ayant renégocié cet accord avec le pétrolier américain, cela n’a-t-il pas fait passer le gouvernement Lissouba pour un partenaire non fiable ?

Jean Saturnin Boungou :

Il souligne que l’accord est mauvais lorsqu’il le découvre en juillet 1993, après sa nomination comme nouveau ministre de l’Economie et des Finances. Mais il ajoute aussitôt que cet accord a permis au régime démocratique de Lissouba de pouvoir financer une élection législative anticipée, née de la crise de novembre 1992, car selon lui, la compagnie Elf aquitaine complotait déjà pour ramener le général Sassou-Nguesso au pouvoir ; c’est pour cette raison qu’elle a refusé de verser au Congo une avance sur les recettes, une pratique critiquable mais inventée par Elf sous Sassou I.

Ce qui est curieux dans cette affaire, c’est que lors d’un procès orchestré par le PCT en 2001, c’est le ministre qui a renégocié l’accord qui est condamné à 20 ans de travaux forcés, mais pas celui qui a signé l’accord avec Oxy en avril 1993, Clément Mouamba pour ne pas le citer ; il faut dire qu’entre temps ce dernier a accepté de collaborer avec le régime issu du putsch d’octobre 1997.

congo-liberty : Malgré que les adversaires politiques de Moungounga n’ont jamais pu prouver l’existence de comptes bancaires détenus par lui jusqu’à ce jour, contrairement à leurs « Biens mal acquis ». N’avait-il pas sous-estimé la propagande du PCT , et ne vous a t-il pas concédé avoir mal communiqué à ce sujet ?

Jean Saturnin Boungou :

Quand je le rencontre en 1998, c’est la remarque que je lui ai faite. Il a fini par l’avouer : il y avait un problème de communication. Mais, lui considère que c’est aux journalistes et intellectuels d’éclairer les populations sur les mensonges et les bassesses politiques, et le rôle des hommes politiques est d’agir, de tenter de répondre aux préoccupations des populations, et de débattre principalement sur ces questions sans se laisser distraire.

il est clair que tout le monde a parfaitement ignoré la puissance de la machine de propagande du PCT.

Congo-liberty : Moungounga fait dans cet ouvrage ce que je considère comme une révélation, lorsqu’il parle de Sassou Nguesso qui aurait dîné chez André Milongo et dormi à la résidence de l’ambassadeur de France à Bacongo à la veille de la guerre civile du 5 juin . Vous a-t-il donné plus d’info ?

Jean Saturnin Boungou :

Ces révélations m’avaient déjà été faites, quelques années auparavant, par l’ex-premier ministre André Milongo, que j’ai par ailleurs rencontré à plusieurs reprises.

Il m’a même été rapporté que le général Sassou-Nguesso aurait été transféré à Kinshasa dès le début de la guerre d’où il suivait la progression de ses milices à l’aide des jumelles. Mais ça je ne peux pas le confirmer.

Congo-liberty : Moungounga dit ne pas être tribaliste car si c’était le cas, il aurait soutenu Paul Nkaya, Babéembé comme lui, et ajoute qu’ Opangault jacques dans les années 50 et Lissouba Pascal, tous les deux, originaires d’ethnie minotaire, avaient gagné les élections en ayant un message politique clair . Pensait-il vraiment que cela était encore d’actualité au Congo-B avec la politique ethnocentrique de Sassou Nguesso ?

Jean Saturnin Boungou :

Le PCT l’accuse souvent de tribaliste. Je lui ai en effet posé la question, il a donné cette réponse que vous rappeliez. Il a par ailleurs ajouté que la logique de la division nord-sud, inscrite aujourd’hui dans le logiciel et les pratiques du PCT, est née avec la création de celui-ci en 1968. Cette vision n’existait pas auparavant.

Congo-liberty : On apprend dans cet entretien que Moungounga n’a obtenu sa carte de séjour en France qu’en 2008 . N’avait-il pas fait un mauvais choix en s’exilant en France, sachant que la majorité des décideurs économiques et politiques français ont soutenu et ramené au pouvoir Sassou Nguesso ?

Jean Saturnin Boungou :

Je suis bien incapable de répondre à cette question, d’autant qu’on sait également qu’un pays quel qu’il soit – l’Angleterre par exemple – qui n’a pas assez d’intérêts dans notre pays, ne peut pas vraiment s’impliquer dans la résolution de nos problèmes.

Congo-liberty : A la suite de ces entretiens, que retenez-vous de l’homme ?

Jean Saturnin Boungou :

On peut retenir de Nguila Moungounga-Nkombo ce qui est rapporté sur la couverture de l’ouvrage, à savoir : c’est l’un des très rares hommes politiques de sa génération qui a eu un idéal politique et qui y est resté fidèle ; c’est un homme avec des convictions certaines. Par exemple, il a toujours refusé de collaborer avec toutes les dictatures instaurées par le PCT dans son pays, en dépit des appels du pied de ce dernier.

Pour avoir refusé, depuis 1968, et pendant quatre décennies, il sera victime d’un harcèlement sans pré­cé­­dent de ce dernier : calomnies, menaces, arrestations, emprisonnement, tentatives d’assassinat, exil politique, etc.. Ainsi, en 1977, suite à l’assassinat du président Ngouabi par ses propres amis du PCT, bien qu’innocent, il sera condamné à 10 ans de prisons. Il ne cédera jamais…

congo-liberty : Pour terminer, je souhaite que vous nous parliez un peu de vous-même, car le public congolais ne vous connait pas très bien. Après cet entretien, comptez-vous jouer un rôle dans la vie politique congolaise ?

Jean Saturnin Boungou :

En écrivant ce livre avec un homme politique aussi engagé d’une part, et ayant publié d’autres ouvrages politiques et des articles auparavant d’autre part, je joue déjà de fait un rôle politique qui, malheureusement, est limité aujourd’hui par le temps disponible que je suis en mesure d’y consacrer.

Pour l’avenir, je ne peux rien exclure. C’est un devoir pour chacun d’entre nous de sauver notre pays.

Congo-liberty : Quelle lecture faites-vous du contexte politique actuel. Sassou-Nguesso semble indéboulonnable depuis 1997.

Jean Saturnin Boungou :

A quel prix ? Il me semble que les objectifs de la lutte ne sont pas clairement posés. On lutte pour quoi ? contre quoi ? avec qui ?

Pour ma part, je pense que la ligne de démarcation est située entre, d’une part, ceux qui défendent la démocratie et les intérêts du pays et qui sont partisans d’une meilleure distribution des richesses, et d’autre part, ceux qui acceptent la dictature et défendent les intérêts des multinationales.

Celles-ci sont très fortes et auraient très facilement raison de nos groupes ethniques. Elles font les pouvoirs dans les pays Occidentaux et en Afrique. En Occident, elles financent les campagnes électorales et essayent de contrôler les médias… En Afrique, elles financent les coups d’Etat, via un valet local et le soutien d’au moins un pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

Tout le monde voit bien que l’unité des patriotes est nécessaire, sinon la lutte va rester vaine. Ne dit-on pas sous d’autres cieux que l’union fait la force.

PREFACE Sur « NGUILA MOUNGOUNGA-NKOMBO. MON COMBAT POLITIQUE »

Entretien réalisé le 8 janvier 2012 ,par Mingwa mia Biango pour www.congo-liberty.org

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Une réponse à Interview de Saturnin Boungou, co-auteur du livre MON COMBAT POLITIQUE de Nguila Moungounga Nkombo.

  1. OKOMBI BIAYENDA dit :

    Cher grand Saturnin Boungou, Si cela était possible, je crois que vous pourrez consulter le général Yombi qui risquera de partir lui aussi avec une grande partie de l’histoire de notre pays. Bien que sa vie soit marquée d’épreuves difficiles et d’échecs tout cela pourrait clarifier les génaration futures qui sauront faire la part des choses sur l’histoire géneral de notre pays.

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