Franc CFA : un point sur la récente rumeur de dévaluation


1. Quelques rappels sur le fonctionnement de la zone franc

La zone du franc CFA est composée de quatorze pays. Huit dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)

: Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal Togo. Six dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) : Cameroun, République Centrafricaine, République du Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad.

Le franc CFA répond à quatre principes fondamentaux de coopération monétaire entre la France et les pays de la zone.

1. garantie de convertibilité illimitée par le Trésor français ;

2. fixité des parités : 655,95 FCFA / 1 EUR ;

3. liberté de transfert à l’intérieur de la zone ;

4. centralisation des réserves de change (avoirs en devises et autres moyens de paiements internationaux) ; les banques centrales africaines doivent déposer 50% de leurs réserves auprès du Trésor français sur un compte d’opérations (rémunéré et offrant un découvert illimité).

2. Nouvelle rumeur de dévaluation

Depuis la mi-novembre, une nouvelle rumeur de dévaluation court. Elle a été lancée par « Notre voix » un journal ivoirien.

Le quotidien a ainsi annoncé un franc CFA à 1000 FCFA / 1 EUR à compter du 1 er janvier 2012 et évoqué la crise de la dette souveraine dans la zone Euro et l’incapacité potentielle de la France à maintenir la parité du franc CFA pour étayer son propos.

Les gouverneurs de la BEAC et de la BCEAO et plusieurs autres officiels de la zone ont, cependant, démenti l’imminence d’une dévaluation du franc CFA. Et après discussion avec le responsable de la zone franc à la Banque de France, cette rumeur apparaît assez clairement comme une manœuvre purement politique orchestrée par le clan Gbagbo pour affaiblir le nouveau président ivoirien Alassane Ouattara.

Sur un plan strictement économique, un tel geste n’apparaîtrait en outre pas totalement justifié (une position partagée par le responsable de la zone franc à la Banque de France)…

3. Des raisons économiques et financières de ne pas y croire 

Le stock des réserves de change de l’UEMOA et de la CEMAC s’élevait à 19,2 milliards USD fin août. Cela représente cinq à six mois d’importations de biens et services, soit un niveau très acceptable (au regard des standards internationaux) et bien supérieur à celui juste avant la dévaluation de 1994.

Les perspectives de croissance sont dans l’ensemble plutôt satisfaisantes. Dans la CEMAC, la croissance pourrait s’établir à un peu plus de 5% cette année, avant de légèrement marquer le pas en 2012 (aux alentours de 4,5%) dans contexte internationale moins porteur. Dans l’UEMOA, la crise en Côte d’Ivoire tire le chiffre de croissance pour 2011 à la baisse.

Celui-ci pourrait tomber à un peu moins de 1,5%. L’an prochain, en revanche, le rebond ivoirien aidant, la croissance dans l’UEMOA pourrait s’accélérer à plus de 4%.

Le gain de compétitivité externe attendu d’une dévaluation serait sans doute restreint (surtout dans un contexte de ralentissement de la demande mondiale) : ces pays exportent en grande partie des produits primaires dont les cours sont déterminés sur les marchés mondiaux et les coûts de production seraient renchéris. L’effet de substitution aux importations risquerait lui aussi d’être limité, en raison de la fragilité du tissu d’entreprises, de la vétusté de l’appareil de production, du manque de main d’œuvre qualifiée, des problèmes de gouvernance… dans l’ensemble des pays de la zone.

Les finances publiques ont été consolidées au cours des deux dernières décennies ; même si c’est en partie la résultante des allègements de dette obtenus dans le cadre de l’Initiative des pays pauvres très endettés, et même si la plupart de ces pays continuent de dépendre de l’aide internationale. Une dévaluation risquerait cependant de fragiliser cette évolution en renchérissant la charge de la dette en devises et en alourdissant les subventions sur les produits de base importés.

L’inflation a été de 2,7% en moyenne dans l’UEMOA et de 3,2% dans la CEMAC sur la période 2004-2010. Alors que l’ancrage du franc CFA à l’euro n’y est pas étranger, une dévaluation mettrait sérieusement à mal cette stabilité en générant de l’inflation importée. Elle risquerait aussi, par là même, d’engendrer de vives tensions sociales.

Une dévaluation ne semble finalement ni pleinement justifiée d’un point de vue économique, ni être dans l’intérêt (immédiat) des dirigeants des pays de l’UEMOA et de la CEMAC ; et ils n’en manifestent aucun aux dires du responsable de la zone franc à la Banque de France.

Source : CREDIT AGRICOLE ILE DE FRANCE 

Direction des Etudes Economiques – Pays Emergents

Lucile Maout

Décembre 2011


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