Faut-il continuer à financer d’importantes bases militaires permanentes françaises en Afrique ? , Par THOMAS MELONIO

Quelle politique africaine pour la France en 2012 ? 

Voir la première partie de l’essai

Des politiques à rénover 

Troisième débat : faut-il continuer à financer d’importantes bases militaires Permanentes françaises en Afrique ?

24 avril 2011. Tchad. L’élection présidentielle permet à Idriss Déby Itno de se maintenir au pouvoir, conquis par un coup d’Etat mené de main de maître vingt ans plus tôt.

L’opposition a boycotté le scrutin, compte tenu des sévères défaillances relevées par l’Union européenne lors des élections législatives tenues deux mois plus tôt. La France, par la voix de son gouvernement, prend pourtant acte de cette « victoire ». Non loin de là, à N’Djamena,une base militaire française héberge le dispositif Epervier,provisoire depuis… 1986, qui mobilise encore près de 1000 hommes. En 2008, lorsqu’une colonne rebelle entre dans N’Djaména, l’armée française aura été plus active,apportant un soutien logistique et de précieux renseignements pour sortir Idriss Déby d’un bien mauvais pas.

Profitant de la confusion, des « militaires » tchadiens,non identifiés à ce jour, enlèvent plusieurs responsables de l’opposition démocratique. Son porte-parole, Ibni Oumar Mahamat Saleh, ne sera jamais retrouvé. La France, malgré les moyens militaires dont elle dispose sur place et en dépit des promesses faites par Nicolas Sarkozy à la famille du disparu, restera fort discrète sur la question et ne diffusera aucun élément convaincant sur cet assassinat. Une commission d’enquête sera bien constituée, sans jamais réellement progresser dans ses recherches. Est-il possible de continuer à soutenir un régime, par une présence militaire « de stabilisation »,sans assurance qu’il respecte le droit de ses citoyens à participer à la vie politique, à s’organiser et à concourir librement aux élections ?

24 août 1961. La France et la Côte d’Ivoire signent un accord de défense. Septembre 2002, la force française Licorne s’interpose entre la rébellion des Forces nouvelles et les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (armée « loyaliste ») au titre de cet accord de défense, avant qu’une résolution de l’ONU ne fournisse un cadre multilatéral à cette opération. 10 avril 2011, des hélicoptères français tirent des missiles sur la résidence du président ivoirien Laurent Gbagbo, battu quatre mois plus tôt à l’élection présidentielle, en s’appuyant sur la résolution 1975 de l’ONU, qui autorise l’ONUCI (Organisation des Nations unies en Côte d’Ivoire) à utiliser « tous les moyens nécessaires » pour « empêcher l’utilisation d’armes lourdes contre la population civile ». Il ne s’agit pas ici de contester la récente intervention française à Abidjan : à l’évidence, il était indispensable de protéger nos ressortissants, de sécuriser un espace suffisant pour les héberger ainsi que les autres personnes qui pouvaient se sentir menacées. De même, il était indispensable,devant l’urgence de la situation, de conserver l’accès à un aéroport, tant pour procéder à des évacuations que pour acheminer le matériel humanitaire indispensable compte tenu de la situation catastrophique dans laquelle se trouvait la capitale ivoirienne. Pourtant, l’image d’hélicoptères français ouvrant le feu sur un bâtiment aussi symbolique que la résidence des présidents ivoiriens laisse songeur.

Comment en est-on, une nouvelle fois, arrivé là ? Bien sûr, le jusque-boutisme de Laurent Gbagbo en est la première explication. Pour autant, il aurait été éminemment préférable que la France ne se trouve pas, une fois de plus, dans la position de l’ancien colonisateur rétablissant l’ordre dans son pré-carré. Nicolas Sarkozy déclarait d’ailleurs lui-même, en 2008, que la France ne serait plus le « gendarme de l’Afrique ». Mais en 2011 en Côte d’Ivoire, comme en 2008 au Tchad, comme en 2002 en Côte d’Ivoire, comme en 1983 au Tchad (l’histoire se répète, la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce, écrivait Marx), la France se trouve à nouveau contrainte d’intervenir pour éviter une catastrophe majeure. Chacun sent bien que ces opérations sont de plus en plus mal ressenties, mais le débat sur la présence militaire française en Afrique s’éteint dès l’urgence passée,avec la même désespérante régularité. Une solution s’impose pourtant : mettre fin aux accords de défense dans les anciennes colonies et n’y conserver que les troupes et sites logistiques strictement nécessaires à la protection et à l’évacuation éventuelle de nos ressortissants. L’Union européenne, dont le service d’action extérieur monte en puissance, pourrait d’ailleurs assurer cette mission pour l’ensemble de ses ressortissants, afin d’en mutualiser les coûts et de réduire les malaises qui ne manquent pas de survenir lorsque la France se trouve impliquée militairement sur le territoire d’un pays qu’elle a autrefois colonisé.

La France a aujourd’hui officiellement trois bases permanentes en Afrique (Djibouti, près de 3000 hommes ;Gabon, 1000 hommes, et Sénégal – en cours de restructuration) auxquelles s’ajoutent deux dispositifs théoriquement provisoires mais quasi-permanents dans les faits (Côte d’Ivoire et Tchad, 1000 hommes dans chaque cas). La France, sous le gouvernement de Lionel Jospin, avait montré qu’une autre voie était possible en supprimant deux bases en Centrafrique. Il faut aujourd’hui poursuivre dans cette direction, tout en donnant à l’Europe de nouvelles responsabilités. On ne peut que constater que les opérations de l’Union européenne en République démocratique du Congo ou sur la zone frontière Tchad/Centrafrique/Soudan-Darfour n’ont pas posé de problèmes techniques ou militaires particuliers et furent nettement moins pénibles symboliquement et politiquement que des opérations bilatérales.

Enfin, une européanisation de la présence permanente en Afrique doit permettre à la France de mobiliser davantage de moyens pour des opérations ponctuelles sous mandat de l’ONU ou de l’OTAN, alors que chacun fait le constat de l’insuffisante capacité actuelle de projection.

Le gouvernement français et l’armée nationale pourraient ainsi retrouver davantage de marges de manoeuvre mobilisables en cas d’urgence. Selon la même logique, il semble aujourd’hui important d’apporter aux pays qui le souhaitent la possibilité de renforcer leurs capacités de lutte contre le terrorisme, par des formations, le don de matériel ou une présence de ressources humaines compétentes lorsque celles-ci sont désirées. De nombreux Etats africains sont en effet engagés dans une lutte brutale contre le terrorisme, les trafics internationaux de drogues et marchandises diverses, sans compter les passeurs et exploiteurs de migrants. Cette lutte suppose de nouvelles coopérations internationales, afin que le Sahel ne devienne pas durablement une zone où le terrorisme, la criminalité et les trafics d’être humains sévissent.

 

Auteur : Thomas Mélonio , pour la Fondation Jean Jaures

Economiste, spécialiste de l’Afrique et des questions de développement, il travaille en particulier sur les méthodes de valorisation du capital humain. Animateur du cercle de réflexion « A gauche, en Europe », co-fondé par Dominique Strauss-Kahn, Pierre Moscovici et Michel Rocard. Oeuvre aujourd’hui à la structuration d’un mouvement social-démocrate au sein du parti socialiste. Il est délégué national en charge de l’Afrique au PS et représente à ce titre le PS au comité Afrique de l’Internationale socialiste

Ce contenu a été publié dans Les articles. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à Faut-il continuer à financer d’importantes bases militaires permanentes françaises en Afrique ? , Par THOMAS MELONIO

  1. IKapi Mouraka dit :

    Cette politique peu honorable de la france avec ses bases militaires en afrique est d’abord trop cher pour nos pays, parce que, ce qu’il faut savoir, ces bases sont entrenues par les pays Africains, sans que les peuples africains ne le sachent.
    En outre c’est une politique mise en place pour soutenir les dictateurs plutot que de soutenir les populations africaines, les troupes francaises sont souvent complices
    d’exactions contre nos populations.Nous l’avions vu avec chirac qui a renverse le President Lissouba pourtant elu pour ramener un sanguinaire au pouvoir en l’occurence cet incompetant,assassin, violeur et voleur sassou au pouvoir avec l’appui des troupes francaises stationnees au Gabon.Moi j’ai vu des helicopteres decoler de la ville de tchibanga pour aller tuer mes compatriotes pour le plaisir de chirac.Ces troupes permettent aux dirigeants francais de piller a mains armees les richesses de l’afrique .Ces troupes font partie du dispositif de neocolonialisme mis en place pour controler nos pays soi-disant independants.Ces troupes sont la pour dissuader les presidents qui en fait sont les prefets de la france pour les obliger a faire la volonte de la france.
    C’est vraiment un manque de consideraton de nos etats et de nos peuples, c’est le refus de la france de respecter nos independances, nos libertes. Quel est le vrai role de ces troupes en Afrique?
    Nous savons que ces troupes sont directement sous la tutelle de l’Elysee , et du ministere des affaires etrangeres qui decident de tout en lieu et place de nos populations.Ce disposif permet a la france de violer notre souverainete,parce que il y a un controle systematique de l’action de nos differents etats.Nous sommes toujours en surveillance permanente.Ou est notre souverainete? C’est quoi ce role de gendarme, tout cela signifie que la france fait ce qu’elle veut de nos pays.D’autre part, c’est un moyen de detourner la fameuse aide au developpement, qui est en fait: Une aide qui aide , celui aide. L’argent de l’aide au developpement reaprt en France sous plusieurs formes, c’est de l’argent detourne par les dirigeants francais avec l’aide des fameux presidents africains. Ces troupes permettent a la france de voler a mains armees dans nos pays.C’est avec ce dispositif que la france organise toutes les magouilles en Afrique.Tous les trafics illicites passent par ces troupes dont la moralite est douteuse, parce que composees de mercenaires.
    Il faut arreter avec ce systeme qui ne nous honore pas tous, francais et africains.
    pourquoi forcer cette amitie sale, impropre,nous n’avons besoin des troupes francaises dans nos pays. Il n’y a que la france qui y trouve son compte pendant les populations africaines croupissent dans la misere l’argent qui devait servir au developpement est detrourne en leur nom et ils doivent le rembourser aloes qu’il est vole purement et simplement par des gens comme sarkozy.

Laisser un commentaire