ÉVOCATION DES PERIPETIES DES GRÈVES SCOLAIRES ET ESTUDIANTINES DES ANNÉES 70 EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DU CONGO

Par Wilfrid SATHOUD

Depuis l’accession de notre pays à la souveraineté par l’indépendance nominale solennellement proclamée le 15 août 1960, les différentes problématiques liées à la jeunesse et à l’éducation nationale ont toujours constituées une préoccupation majeure, tant pour les gouvernants successifs et les parents d’élèves et étudiants, que pour les enseignants et apprenants, qui n’ont cessé de s’impliquer chacun à sa manière dans la recherche perpétuelle des solutions idoines nécessaires au bon fonctionnement du système éducatif congolais.

Au regard des impacts consécutives aux grèves répétitives actuellement enregistrés à l’Université de Brazzaville, ponctué par des troubles estudiantins récemment survenu à l’étranger, dans plusieurs pays d’accueils, et plus particulièrement à La Havane (Cuba), exaspérés par des échauffourées entre la Police Cubaine et les étudiants congolais revendiquant violement le paiement de plusieurs arrières cumulés de bourses impayés, que le gouvernement finira finalement par atténuer dans le soucis baisser la tension qui commençait à prendre des proportions inquiétantes, il nous a paru nécessaire et opportun par devoir de mémoire historique de restituer les péripéties de la série des grèves scolaires et estudiantines successivement menées pour des raisons quasiment similaires dans notre pays, par l’UGEEC (Union Générale des Elèves et Etudiants Congolais), à l’époque dans les années 70, sous le règne du Président Marien Ngouabi, dont le nom sera par la suite attribué à la seule et unique Université Publique d’Etat que compte à ce jour la République du Congo, et qui a été créée sur les cendres du Centre d’Enseignement Supérieur de Brazzaville depuis l’époque coloniale, en nous inspirant des documents d’archives inédits, aux versions contradictoires, publiés à l’époque tant dans les colonnes du journal français « Libération », sous la direction du célèbre écrivain Jean-Paul Sartre, que dans l’organe centrale du Parti Congolais du Travail « Etumba », assortit de quelques témoignages évoqués quelques années plutard par des anciens responsables de l’UGEEC à la manœuvre pendant les dite grève des élèves et étudiants de 1974.

« Brazzaville : plusieurs lycéens tués par l’armée »

(Extrait du Journal Libération n°157 du 31/01/1974)

« La situation reste tendue à Brazzaville. L’Armée s’est retirée mardi soir des Lycées. Les combats entre militaires et élèves ont été très violents. De sources privées on confirme la mort de plusieurs élèves. Le Gouvernement congolais a démenti cette information et a rejeté la responsabilité des affrontements sur l’UGEEC (Union Générale des Elèves et Etudiants du Congo) qui avait appelé à la grève pour barrer la route à la répression.

« A Paris, la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF) et l’Association des Etudiants Congolais ont occupé mercredi matin l’Ambassade du Congo. Ils s’élèvent contre la dissolution de l’UGEEC et exigent la levée des mesures arbitraires prises contre leurs camarades.

« Pendant que l’Armée Congolaise baptisée « Populaire » encercle les étudiants retranchés à l’Université de Brazzaville et lance des ultimatums aux « voyous anarchistes », on apprenait des choses intéressantes sur le fonctionnement de l’économie « socialiste » au Congo.

« Le Congo, outre le bois exotique (exploité par des Sociétés Françaises » et la Potasse (propriété des Potasses s’Alsace) possède du pétrole. En fait c’est ELF-France qui le possède (filiale ELF-Congo). Les redevances que cette Compagnie versera au Gouvernement congolais pour l’année 1974 seront de près de 43 milliards anciens… Cela sans compter les dividendes que le Gouvernement de M. NGOUABI touchera sur les quelques actions qu’il possède dans la filiale ELF-Congo.

« Si l’on sait que le Congo ne compte que 1,2 millions d’habitants, c’est une somme rondelette… En gros l’équivalent d’un mois de salaire pour chaque foyer congolais… sans avoir besoin de travailler. Malgré ces recettes fabuleuses, le Congo subit une crise économique sans précédent, une inflation galopante, un chômage chronique : certaines régions commencent à souffrir de la faim. Ces recettes permettraient les investissements productifs indispensables. Mais le régime s’est attaché cette année à démanteler l’Usine Nationale de Textile (une des rares réalisations socialistes tenue comme leur propriété par les travailleurs pour permettre l’installation d’une Usine Boussac de textiles africains d’exportation de luxe.

« Les principaux investissements du régime « marxiste-léniniste » ont surtout servi à goudronner les pistes des quartiers riches des grandes villes, à ravaler les bâtiments officiels, à électrifier les avenues des quartiers blancs, à l’occasion des fêtes anniversaires du soulèvement populaire de 1963, et bien sùr, à payer armes et uniformes de l’Armée.

« Alors après cela quand le Président NGOUABI annonce que sur 43 milliards, 6 seront consacrés à l’assainissement des Entreprises d’Etat, cela fait sourire.

« Seulement on sourit moins lorsque ce régime, qui manie sans s’étrangler le langage marxiste, lance l’Armée contre la jeunesse qui dénonce la situation néocoloniale du pays, accuse les étudiants qui résistent de « défendre leurs intérêts petits-bourgeois » et menace de considérer ceux qui poursuivront la grève « comme pactisant avec les ennemis de la Révolution ».

SAMORY

Lettre ouverte à Jean – Paul SARTRE, directeur de « Libération »

Extrait de l’Hebdomadaire « Etumba », organe central du Parti Congolais du Travail


Jean – Paul SARTRE

Votre journal a publié le 31 Janvier 1974 sous la plume de quelqu’un qui se prend pour Samory, un article déformant les événements survenus récemment à Brazzaville.

Nous, qui croyions que « Libération » combattait la cause des classes opprimées et de ceux qui luttent contre l’impérialisme, avons été bien surpris d’étre choisis comme cible par vous.

Il est exact qu’il y a eu une contradiction entre le pouvoir en place et les étudiants. Mais est-ce à dire que tout mouvement étudiant est mécaniquement progressiste ?

Il faut avant tout laisser parles les faits.

Le 10 janvier 1974 avait lieu la rentrée académique de l’Université. Notre gouvernement a estimé qu’il était normal que l’UGEEC (Union Générale des Elèves et Etudiants Congolais) prenne à cette occasion la parole. Mieux le Parti avait pris connaissance du discours des Etudiants et de son contenu. Et malgré le caractère de celui-ci, il a délibérément laissé ses auteurs le prononcer devant les invités étrangers et devant le Chef de l’Etat.

C’est que ce discours, contrairement à ce qu’insinue l’acte de foi de Samory l’exilé, n’avait rien de révolutionnaire malgré quelques clauses d’un style dérobé aux avant-gardes révolutionnaires du monde. C’est aussi parce que nous n’avons pas peur du scandale quand nous savons le bon droit de notre côté.

Ce discours a même été diffusé intégralement sur les ondes de la Radio et de la Télévision Congolaise d’une part et dans le journal du Parti, Etumba d’autre part. C’était en fait une arme contre ses auteurs.

Et voilà le régime que vous appelez « réactionnaire » ! Un régime où tout bachelier à une bourse de 22 500 frs. CFA (3 fois le SMIG), qu’il garde quels que soient ses résultats scolaires, pourvu qu’il ne triple pas. Un régime où tout étudiant marié à une indemnité supplémentaire ainsi que par enfant à charge. Un régime où l’UGEEC participe au mouvement du personnel du corps enseignant et à la désignation des directeurs d’établissement. Un régime bref, qui consacre 21% de son budget à l’Education. S’il est un reproche que nous méritons c’est plutôt d’avoir trop gâté des jeunes gens qui ont pris des habitudes de petits-bourgeois et qui, pour défendre des intérêts de cette classe veulent s’ériger en porte-parole d’un prolétariat des villes et des campagnes, alors que celui-ci a en cette occasion, par de nombreux messages, manifesté son attachement au Parti.

Qu’il ait eu des affrontements par la suite entre forces de l’ordre et certains étudiants, c’est exact. Mais nous y avons été contraint parce que un groupe d’entre eux qui n’arrivaient pas à mobiliser la masse des élèves ont employé des méthodes qui ressemblent à celle que « Jeune Nation » et autres groupes de trublions fascistes utilisent chez nous : coups de poing et gourdins. Bilan : un proviseur, dirigeant syndicaliste, assommé et porté d’urgence à l’Hôpital.

Morts ? Aucun. C’est vrai que le bruit en a couru. On a même cité des noms. Nous avons fait parler les intéressés à la Radio, pour qu’ils prouvent eux-mêmes qu’ils étaient vivants

Mais où la malhonnêteté de Samory éclate c’est quand celui-ci ose nous reprocher d’obtenir cette année 21 milliards de la compagnie ELF-Congo. S’il avait comparé cela à notre production (2.500.000 tonnes) il aurait vite compris que cela n’est possible que parce que nous refusons de recevoir des miettes et avons obligé les pétroliers à respecter nos droits, selon le système OPEP, avant même d’étre admis dans cette organisation.

Et tout le reste de ce que raconte Samory est du même genre.

La question qu’on devrait se poser est la suivante : pourquoi un journal de la teinte de « Libération » au lieu de s’en prendre aux pays, qui effectivement collaborent avec l’impérialisme, s’en prend avec haine au Congo, qui n’a pas d’accord de défense avec la France, qui prend le monopole des Assurances en 1974, qui nationalise les circuits de stockage et de distribution des hydrocarbures la même année, qui remplace l’autorité gouvernementale dans les régions par l’installation des organes du pouvoir populaire librement élu bref, qui a réalisé déjà beaucoup dans sa lutte anti-impérialiste dont nous n’avons ni le temps ni la puérilité de dresser ici l’inventaire.

Que Samory se réveille de ses rêves ! .Aucune région du Congo ne meurt de faim. Certes nous avons encore de gros problèmes. Et nos 21 milliards ne les résoudront pas tout d’un coup. Par exemple, nous devons construire des routes dans un pays qui à 1200 kms du Nord au Sud et qui n’en avait pas un km d’asphalté en dehors de Brazzaville à l’indépendance…

Oui, nous avons encore un long chemin à parcourir dans notre lutte de libération économique. Et ce n’est ni nos voisins, ni nos cadres expatriés dans le confort d’une certaine gauche de bohême européenne qui nous permettront d’accélérer ce processus.

Pour l’heure sachez qu’ici il n’existe pas de dictature. Chaque honnête révolutionnaire qui séjourne ici le constate. Les démocrates ne sont nullement menacés. Même Samory (qui est peut-être bien Congolais) aurait toute liberté de venir aider ici le peuple congolais.

Nous sommes surs que l’honnêteté que nous vous connaissons fera que vous donnerez à cette réponse la même place et la même publicité que cet article de Samory, que vous avez eu la faiblesse de publier alors que vous connaissiez pourtant la phrase célèbre de Mao « Sans enquête, pas droit à la parole ».

MWANA MAKASSI

TEMOIGNAGE DE NOEL MAGLOIRE NDOBA, Ancien responsable de l’UGEEC

UN CHAPITRE DE L’HISTOIRE DU SYNDICALISME SCOLAIRE ET ETUDIANT AU CONGO (Novembre 1971 à Pointe-Noire, la grève générale, l’arrestation des membres du Bureau Régional de l’UNION GENERALE DES ELEVES ET ETUDIANTS CONGOLAIS -UGEEC-, l’assassinat du collégien Joachim BOUITI par la force publique).

Grâce à facebook, le 23 octobre 2017, j’ai eu des échanges très riches que j’invite les amis à lire ci-dessous en « capture d’écran » et que j’ai grand plaisir à partager avec le public. Avec les amis Gilbert, Babins, E.F.L. et Alexis, c’était un retour à l’Histoire par la voie d’une histoire. Et quelle histoire ! Tout avait commencé par une grève générale déclenchée par l’UGEEC à Brazzaville le 11 novembre 1971.

En Janvier et en février 1974 une grande grève des étudiants et des élèves du secondaire à Brazzaville avait marqué l’Histoire du Congo à sa manière avec l’incorporation d’une trentaine de dirigeants de l’UGEEC dans l’armée (Groupement Aéroporté) et avec l’affectation obligatoire de nombreux étudiants comme enseignants dans les collèges.

Vers le 11 novembre 1985 une grève générale avait commencé à l’Université Marien Ngouabi. Je me souviens que mon ancien camarade de l’UGEEC de l’époque de la grève de novembre 1971 à Pointe-Noire était à nouveau leader d’une grève, celle de ce novembre 1985 à l’Université Marien Ngouabi. Et moi, j’étais devenu le chef du Département Economie et Planification dans cette université. Le recteur Daniel Abibi et le directeur de l’Institut ( INSSEJAG), Hilaire Babassana, tous deux anciens responsables de l’UGEEC en France (dans le cadre de l’Association des Etudiants Congolais en France -AEC- m’avaient spécialement demandé d’aller au camp militaire du 15 Août, ce jour de novembre 1985, obtenir la libération de plusieurs dizaines d’étudiants qui avaient été victimes d’une répression de la part de l’armée et non de la police. J’avais alors accompli cette mission, en compagnie d’un ami de cette époque qui était aussi un responsable du syndicat du personnel administratif de l’université sur le site de Bayardelle, un site qui rassemblait alors trois établissements, à savoir, le Droit, les Sciences éco et les Lettres. Je me souviens de l’officier Morlendet s’écriant aux abords de l’amphithéâtre « Urgence » de Bayardelle:  » Le proviseur est dans le collimateur! » Evidemment, le pauvre homme ignorait qu’à l’université aucun responsable administratif n’a pas le titre de proviseur. Il m’avait fait penser à un autre Morlendet, militaire aussi, que je trouvais instruit durant les deux mois et quelques semaines que nous avions survécu à la Maison d’arrêt de Brazzaville, dans une cellule du régime 3 en tant que « prévenus » suite à nos arrestations à Pointe-Noire en février 1972 dans le cadre d’une tentative de coup d’Etat alors que j’étais élève en classe de terminale. En entendant et en voyant le militaire Morlendet de la Garde Présidentielle alors qu’il venait réprimer violemment les étudiants, je ne pouvais rire. Je ne pouvais pas non plus pleurer devant les scènes de violence. Des tirs à balles réelles, des coups de ceinturons, des coups de pied. 

Il y a quelques mois, en cette année 2017, un de mes amis sur facebook m’a appris qu’il avait été étudiant à Bayardelle. Cela m’a fait plaisir. Et à cela il a associé un souvenir qui nous rapprochera à jamais tout en faisant frémir rétrospectivement. Il m’a écrit ceci sur Messenger:  » Monsieur…. est-ce que vous savez que vous m’aviez sauvé la vie? ». Je suis resté sans réponse et il m’a alors sorti du trouble qu’il a pu deviner en moi. « C’était lors de la grève en 1985 à Bayardelle… ». Une belle histoire. … que peut mieux raconter Jean-Michel Nzikou.

En novembre 2017 ou dans les mois à venir, les étudiants et les élèves congolais pourront-ils répondre à l’appel du peuple qui leur demande de prendre leurs responsabilités historiques afin que la jeunesse change le Congo en ayant à l’esprit nos courageuses expériences du passé et les expériences de la jeunesse au Burkina Faso de 2014 et 2015 ou au Togo d’aujourd’hui? Je voudrais que les jeunes d’aujourd’hui connaissent la vérité suivante, entre autres : parmi les prisonniers politiques qui croupissent à la Maison d’arrêt de Brazzaville depuis le coup d’Etat institutionnel du référendum du 25 octobre 2015, il y a des cadres qui avaient été de braves militants syndicalistes au temps de l’UGEEC. Je cite notamment Anatole LIMBONGO NGOKA, Jean NGOUABI, Paulin MAKAYA. Et beaucoup d’autres sans doute devraient être sur cette liste. Et je dois citer le colonel à la retraite Marcel MPIKA qui était le Directeur du Centre d’Instruction où nous étions une trentaine d’étudiants et d’élèves responsables de l’UGEEC incorporés dans l’armée pour six mois et quelques jours ( de mi-janvier jusqu’au 31 juillet 1974). Les jeunes d’aujourd’hui doivent se battre pour la défense de leurs intérêts, et de ceux du peuple tout entier.

TEMOIGNAGE DE JEAN CLAUDE BEMBA-BELCAUD : Contre l’oubli…

Non, ce ne sont pas des anciens combattants de la deuxième guerre mondiale mais il s’agit bien des responsables de l’UGEEC (Union Générale des Etudiants et Élèves Congolais), arrêtés et internés 6 mois à la Base militaire et 12 mois pour certains, suite à la grande grève de janvier 1974, férocement réprimée par le pouvoir en place.

Pour la petite histoire, l’UGEEC remettait tout simplement en cause cet enseignement général qui n’était pas adapté aux réalités du pays. Dans tout le Congo à l’époque, il n’y avait que deux lycées techniques ; un à Brazzaville et un autre à Pointe Noire.

L’enseignement général ne formait que des chômeurs, destinés à rallonger les listes d’attente déjà pléthoriques, de la fonction publique.


Mon défunt frère aîné, Jean Pierre Bemba (2ème en partant de la gauche), fit partie de ces 33 élèves et étudiants arrêtés pour la circonstance. Je me souviens de ces jours sombres que nous avions vécus sur le Square du Général Gaulle, devant le Lycée Pierre Savorgnan de Brazza, quand les Commandos chargèrent sur les élèves, les frappant à coups de crosse et de ceinture… Oui je m’en souviens comme si c’était hier… Ces jambes qui se brisaient quand nous sautions de l’étage pour échapper à ces militaires qui se croyaient tout permis.

Ces soldats du peuple, sourds aux cris et à la douleur de ces filles qui les suppliaient et pour cause, ils avaient reçu l’ordre de venger M. Olassa, en frappant sur tout ce qui bougeait. 
Quant aux 33 responsables qui furent internés à la Base, à de nombreuses reprises, ils avaient reçu la visite d’un certain Aboya Pierre, qui promettait de leur tordre les boyaux.

Sources : Fonds documentaire Victor-Justin SATHOUD

  • Hebdomadaire « Etumba », organe centrale du Parti Congolais du Travail, N°315 – Semaine du 16 au 23 Février 1974.
  • Page Facebook Noel Magloire Ndoba
  • Page Facebook Jean Claude Bemba-Belcaud

Transcription et rewriter: Wilfrid Olivier Gentil SATHOUD

Contact : [email protected]

Diffusé le 03 juin 2019, par www.congo-liberty.org

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10 réponses à ÉVOCATION DES PERIPETIES DES GRÈVES SCOLAIRES ET ESTUDIANTINES DES ANNÉES 70 EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DU CONGO

  1. Nkondo Kanda dit :

    Que de souvenirs que cette grève des élèves de novembre 1985 que les étudiants ne prirent le train que tardivement. Oui, au départ , cette grève ne concernait que les élèves, collégiens et lycéens, victimes des mesures d’austérité budgétaire prises par le gouvernement de Poungui qui qualifiait les grévistes de trublions du simple fait qu’ils refusaient que les conditions d’accès à la bourse universitaire soient modifiées.

    Sassou prit ses mesures d’austérité avant la rentrée scolaire 1985-1986. Il croyait que les vacances scolaires devaient faire oublier ces mesures impopulaires. Erreur! Car le mouvement commença là où le gouvernement s’y attendait le moins.

    C’est à Dolisie que la révolte allait commencer au sein du lycée Vladmir Lenine. De façon subite, les élèves avaient décidé de boycotter les cours et entonnèrent des chansons hostiles au pouvoir. Mme Ekombond, la copine de Sassou, dont le bureau était en face du lycée, reçut l’ordre de celui-ci pour mâter les élèves. Un détachement de militaires, conduit par le capitaine Koumba, encerclèrent le lycée. L’assaut fut lancé. Les éléves n’ayant pu s’échapper furent bastonnés copieusement et humiliés. Il leur fut demandé de ramper dans la boue car, ce jour il plut à Dolisie.

    Quelques jours bizarrement, c’était le tour des élèves de Brazzaville de prendre le relai de ceux de Dolisie. Y a-t-il eu une main noire coordonnant les deux mouvements? Je l’ignore.

    À Brazzaville, le mouvement commence le 9 novembre 1985 au Boulevard des armées où étaient conviés les élèves et étudiants par le PCT. Sassou était présent à cet événement. Pour la PREMIÈRE FOIS, Sassou fut conspué par les jeunes, élèves et étudiants. Non seulement il fut caillassé, mais les tomates lui furent jetées. Pris de panique, Sassou devait être exfiltré par l’arrière du palais des congrès pour se diriger à son palais.

    Le lundi, 11 novembre 1985, les rues de la capitale étaient désertes. Il y avait seulement les élèves dans les rues et autour des établissements scolaires. C’était vraiment bizarre. Subitement, entre 9h et 10h, les élèves allaient prendre d’assault les bâtiments publics proches de leurs établissements , notamment le ministère de l’éducation nationale, la D.O.B ( direction de l’orientation et des bourses), la D.E.C, le rectorat de l’université, etc.

    Le centre ville de Brazzaville est pris d’assault par les élèves qui se déplacent d’établissement en établissements. La police est inexistante dans les rues. L’armée brille par son silence. La ville, de Bacongo à Talangaï, est entre les mains des élèves. Sassou prend son hélicoptère de Mpila pour se rendre à Oyo. Le pouvoir est dans la confusion totale car, Sassou croyait qu’il y avait une main noire derrière ce mouvement spontané des élèves.

    N’ayant vu aucune revendication des adultes, c’est vers 11h et 12h que Sassou va donner l’ordre à sa garde présidentielle de descendre dans tous les établissements scolaires pour mâter les élèves et les étudiants qui décidèrent, ENFIN, de soutenir les èlèves qui étaient venus leur demander leur appui le lundi 11 novembre 1985.

    C’est à Bayardelle que la résistance étudiants se manifesta avec virulence dans la mesure où les étudiants de 3ème année de licence en droit, économie, sociologie, psychologie, littérature journalisme prenaient leurs cours avec ceux inscrits à la maîtrise dans différentes disciplines.

    Déjà le lundi, les étudiants avaient bien caillassé les agents de la sécurité d’état et leurs indics étudiants qui étaient avec les étudiants et les professeurs. Depuis le toît de leur ambassade, les chinois filmaient les étudiants grévistes. La foule, aussitôt, les lapidèrent avec des callous.

    Face à cette situation insurrectionnelle, Sassou décida de prendre d’assault Bayardelle. Ce qui motiva cette intervention c’est quand les étudiants brûlèrent un camion militaire à la hauteur de la caserne des pompiers sur la rue Mbochi. Les militaires, qui étaient dans ce camion, furent contraints de l’abandonner sur place. Aussitôt, le feu fut mis sur le camion.

    C’est alors qu’un détachement de la garde de Sassou débarqua à Bayardelle. Ils tiraient à Balles Réelles sur les étudiants.

    Peu effrayés, quelques étudiants en droit se posèrent en bouclier pour faire comprendre à ces soldats qu’ils ne pouvaient pénétrer dans l’enceinte de Bayardelle. Vraiment, Ils étaient Très Courageux pour s’opposer à ces machines à tuer. Un d’entre est aujourd’hui Un grand Avocat à Lyon.

    Quelques minutes après l’arrivée de ces machines à tuer, c’est le Colonel Okemba Morlendet qui faisait son apparition à Bayardelle.
    À Cesar ce qui appartient à Cesar. Le colonel Okemba Morlendet est la personne qui a évité le carnage à Bayardelle. Il faut le reconnaître. Il a demandé 1) à ces machines de ne plus tirer n’importe comment; 2) aux étudiants de le conduire auprès d’un responsable de l’établissement.

    Tous les responsables avaient fui. Certains se cachaient comme des rats dans des trous. C’est Louis Bakabadio qui s’est pointé devant le colonel Okemba Morlendet. Avec le groupe des étudiants, nous avons entamé les discussions avec le colonel Okemba Morlendet et Mr Bakabadio.
    Les étudiants ont demandé et obtenu que les militaires cessent de tirer et se retirent de Bayardelle. Le colonel a obtenu de Mr Bakabadio que tous les étudiants soient regroupés en un seul endroit et se calment. Après s’être calmés, Ils doivent quitter Bayardelle.

    Les étudiants étaient regroupés dans l’amphithéâtre où Mr Bakabadio et le colonel Morlendet prirent la parole pour rassurer tout le monde. Tout le monde s’était calmé. Quelques minutes, les étudiants sont sortis dans la cour pour revoir le film de la journée. Les professeurs trouillards, qui s’étaient cachés, finirent par sortir Un à Un de leurs terriers comme des rats.

    Cette année là, la majorité d’étudiants détenteur d’une licence et d’une préinscription d’une université française furent envoyés en bagne en France par Sassou. Pour Sassou c’était Un Bon débarras. En partie, c’est vrai

  2. Nkondo Kanda dit :

    Lucien Pambou,
    Dit nous , as-tu aussi fait la révolution comme l’autre?

  3. Val de Nantes. dit :

    Nkondo@
    Grooooosse validation,frangin .
    Bakabadio reste un mythe au niveau universitaire Congolais ,quoiqu’on en pense. Un de ceux qui auront marqué une génération intellectuelle .
    J’en fais partie .

  4. Wilfrid SATHOUD dit :

    Merci Nkondo Kanda pour cette belle évocation très éloquente, il serait intéressant que d’autres acteurs et témoins de l’époque transmettent à la postérité leur témoignage sur ces événements que je n’ai personnellement pas vécu, mais auxquelles je m’intéresse néanmoins par devoir de mémoire.

  5. Nkondo Kanda dit :

    Je me rappelle bien de Jean Michel. Ce jour, il portait un polo jaune à manches longues, un pantalon kaki et des sandales appelées Mr L’Abbé. Ces événements sont inoubliables. Des camarades que l’on croyait calmes, ce jour avaient montré les lions qui somnolaient en eux. Il y avait quelque chose de magique qui s’était produite ce jour. voir des étudiants qui ne parlaient jamais de la politique se rebellaient et prendre conscience des injustices qu’il y avait au Congo était formidable. Les étudiantes étaient debout á côté des étudiants. Pas de pleurs. Rien! Tout le monde était prêt à livrer ce combat.

    Oui Val de Nantes. Mr Bakabadio était d’un calme, ce jour. Je le revois encore venir à la rencontre du colonel Morlendet tout en marchant devant les soldats surexcités et drogués.

    Bref, ce mouvement s’il était coordonné ou encadré par des adultes , le régime allait avoir de la difficulté de venir à bout des élèves et étudiants.

  6. SASSOU EST MORTEL ET MOURRA UN JOUR ET TRÈS BIENTÔT dit :

    j’ai eu du frisson en lissant cette belle histoire memorale que peu des jeunes comme moi aujourd’hui ignorent. J’ai 27 ans et je vois déjà mon avenir menacé par ceux qui dirigent notre pays et qui sont contre l’épanouissement intellectuel des étudiants ainsi que leur ouverture dans un monde libre ou quiconque peut espérer vivre en jouissant de ces efforts. Mais au Congo malgré ces propres efforts de survie, vous êtes humilier, assujettie, condamner. Oui je me demande si de nos jours on peut encore avoir des étudiants des années 70 et 80 pour réclamer leurs intérêts et l’accès aux formations de qualités et à l’ octroie des bourses. Non ! Ces étudiants comme ceux d’hier là n’existent plus, beaucoup ont été formater et ne voir l’avenir, la ,conscience et l’ intelligence ont été noyer dans la consommation abusive de l’alcool, dans la délinquance et le sexe…. Voila on peut bien raisonner ni penser à sa vie.

    je suis un finaliste, aujourd’hui sans piste pour espérer vivre une vie meilleure à cause l’incompétence et la haine que ses dirigeants ont contre des élites intellectuelles universitaires et l’éducation en générale, alors j’appelle tous de ma générale de prendre conscience et de suivre le pas des anciens pour notre liberté et épanouissement.

    Vive les étudiants Congolais !
    La patrie ou la mort!
    L’avenir ou l’aliénation!

  7. Nkondo Kanda dit :

    Ce que bon nombre de congolais oublient est ces événements de novembre 1985 sont l’acte fondateur du retour de Sassou au pouvoir en 1997.

    En effet, le 11 novembre 1985, parmi les élèves arrêtés par les soldats de Sassou se trouvait un certain Rizet, qui se trouvait au mauvais moment et au mauvais endroit. Cet élève arrêté répondant au patronyme de Rizet n’était autre que le frère cadet de l’actuel Dr Rizet, alors à l’époque des faits, l’ami de la première fille de Sassou.

    Mis au courant que le petit frère de l’ami de sa fille était parmi les élèves arrêtés, Sassou décida non seulement de maintenir ce jeune dans les geôles de la sécurité d’etat , mais jura aussi qu’il ne donnera jamais la main de sa fille au frère aîné de Rizet arrêté. C’est alors que le père sachant Albert Bernard Bongo célibataire, il allait proposer à ce dernier de lui demander la main de sa fille en mariage.

    Grâce à l’aide de sa fille, qui avait une certaine influence sur son mari, Sassou allait revenir au pouvoir en 1997.

    Si cet élève Rizet n’était pas arrêté, ce 11 novembre 1985, peut-être l’histoire du Congo ne serait pas celle que nous vivons depuis 1997

  8. Noël Magloire NDOBA Mufuka dit :

    Cinq observations
    1-Le scoop que nous livre NKONDO KANDA au sujet de la tyrannie des Rizet est peut-être éclairant, surtout quand il permet de faire de l’uchronie ( Et si les choses s’étaient passées comme ceci …….etc). Une chose au moins est certaine: lors de cette grève de 1965 beaucoup d’étudiants étaient « arrêtés » et entassés au camp 15 août. Il y avait parmi eux, mon légendaire « camarade YOBA », l’un de mes compagnons de lutte à l’époque de l’UGEEC à Pointe-Noire ( années 1970-1972). En novembre 1985 il était parmi mes étudiants de 2ème année de Droit auxquels je donnais un cours d' »Economie politique ( Monnaie , Finance, Développement »). La promotion du futur grand écrivain Alain Mabanckou, ce très brillant ami d’aujourd’hui. La promotion du futur illustre avocat Amédée Nganga… pour ne citer que ceux-là. C’était dans ce camp 15 août vers l’ « Immeuble Air France » que j’ étais allé faire aboutir la libération des étudiants . Un de mes amis de l’époque,, Gilbert Galibaka, enseignant et syndicaliste. m’accompagnait.
    Bien évidemment aucun procès n’avait eu lieu. Et peut-être d’autres étudiants furent-ils longtemps séquestrés comme ce Rizet par rapport auquel notre cher NKONDO KANDA décrit si bien une tactique classique de Sassou Nguesso.
    2- Au fond quelques questions qui déjà se posaient parmi nous en voyant Morlendet conduire la garde présidentielle pour réprimer les étudiants à Bayardelle ( contrairement à ce qu’imagine encore notre compatriote NKONDO):. Les suivantes par exemple: Comment interpréter le fait qu’un chef d’Etat mobilise immédiatement sa garde présidentielle pour réprimer un mouvement étudiant en violant si ouvertement les « franchises universitaires »? N’est-ce pas la preuve de la faiblesse de ce chef d’Etat? Ces deux questions ont trouvé leurs réponses dans la dynamique qui a débouché sur la LETTRE OUVERTE appelant à la tenue d’une Conférence Nationale souveraine en 1990, en passant par la grève générale déclenchée par la Confédération Syndicale Congolaise en septembre 1989. A posteriori, la grève des étudiants et des élèves en 1985 doit être considérée pour ce qu’elle fut dans l’Histoire: un test, le premier du genre, pour mesurer les capacités de Sassou.
    3-Une certaine tradition d’engagement des intellectuels congolais pour la défense des intérêts du peuple s’était alors réaffirmée avec le déclenchement de la grève de novembre 1985. A Bayardelle et précisément à l’INSSEJAG nous étions dans cette tradition , majoritairement. Avec Hilaire Babassana comme directeur, Louis Bakabadio comme Secrétaire académique chez les économistes ,Nestor Makounzi Wolo comme Secrétaire académique, chez les juristes, Kinzounza Kitsoro comme directeur de l’Institut de Gestion, en somme avec tous ces anciens responsables de la FEANF et de l’AEC, nous savions nous répartir les rôles, directement ou indirectement, au-delà de quelques divergences. Ainsi que Grégoire Mavounia et Blaise Kololo en droit (pour ne citer que ceux-là), tant de cadres de haut niveau avaient une conscience politique forgée à travers la lutte dans le cadre de l’UGEEC et de l’AEC. Nous étions plusieurs à ne pas appartenir au PCT et à préparer une alternative. Il est vrai que le contexte y était favorable.grâce au débat puis à l’application des mesures de politique d’austérité suivant les recommandations du FMI. Chez les économistes, des enseignants qui n’avaient pas de responsabilités administratives comme Hervé Diata, Lambert Matoko, Aimé Mianzenza, Ngolo Nkaya, Mwaziby, Ontsetseyi et quelques autres tenaient à avancer avec l’esprit d’indépendance et d’autonomie qui caractérisait la ligne de la FEANF et de l’AEC. Pour ma part, en succédant, en janvier 1985, à Louis Bakabadio au poste de chef du département Economie et planification ( ou département des sciences économiques) , lequel deviendra plus tard la Faculté des Sciences Economiques ( Louis Bakabadio en étant le premier Doyen et moi le deuxième) , j’avais à cette époque ( 1985) apprécié de retrouver le sens de l’engagement pro-démocratie de quelques aînés intellectuels à l’université, à l’instar de l’économiste Elenga Ngaporo, du mathématicien Daniel Abibi et de l’historien Dominique Ngoïe Ngalla. Ce n’est pas par hasard que dans la même perspective que ces derniers et bien d’autres de l’Université, nous serons auprès du biologiste Pascal Lissouba pour instaurer la démocratie pluraliste au Congo après avoir contribué diversement à la préparation et à la réussite de la Conférence Nationale Souveraine.
    En dehors de l’université, des cadres( dont je ne citerai pas les noms, pour des raisons de sécurité) avaient travaillé dans le même sens, y compris au sein des syndicats et dans les milieux culturels.
    Prenons au sérieux le fait que la grève de 1985 ait commencé à Dolisie avant de se sédimenter à Brazzaville comme l’indique si heureusement le cher Nkondo Kanda.
    4- « Chaque génération doit, dans une opacité relative, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir » : la citation de Fanon que nous avions étudiée. dans LES Damnés de la Terre, depuis le lycée, voilà donc quelque chose qui n’existe plus comme nous l’explique notre compatriote, l’étudiant de 27 ans, « Sassou est mortel… » Je trouve très riche la portrait de sa génération que l’auteur fait ainsi. Mais en est-on simplement à ce niveau qui revient à attendre la mort naturelle d’un chef d’Etat qui est mondialement connu et reconnu en sa qualité de dictateur et qui rêve de rester « président à vie »?
    5-Je me permets d’adresser mes félicitations à Wilfried pour cette « évocation ». C’est un document exceptionnel qu’il fournit , en effet, cette « Lettre ouverte à Jean-Paul Sartre » ainsi que l’article du PCT dans Etumba.
    Il nous faudrait revenir prochainement sur cette grève générale de 1974. Wilfried sait qu’il peut obtenir des photos et des documents auprès de J.L. Quant à mon frère cadet Bemba Belcaud, je suis heureux de voir qu’il assure ainsi la défense et l’illustration de la lutte pour la démocratie au Congo à travers « le devoir de mémoire ». « Classe Jean- Pierre » ( son frère de sang JP nous manquera éternellement. Il était un des ces collègues et amis étudiants qui pratiquait avec brio le théätre et ,devenu enseignant, il a transmis le sens de la liberté. Son expérience en Angola aurait pu servir à notre pays dans une perspective panafricaniste. Mais que de regrets partagés avec toi , le frère cadet, des regrets que j’entends sur le même ton, exprimés par « Classe Tali », par exemple, lui qui reste tout aussi exemplaire, là-bas aux Etats-Unis.

  9. Noël Magloire NDOBA Mufuka dit :

    Errata:
    Première phrase, lire: ..la tyrannie des sbires de Sassou face aux Rizet.
    Deuxième phrase, lire : 1985 , au lieu de 1965

  10. Wilfrid SATHOUD dit :

    J.L.?

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