Entretien avec Dina MAHOUNGOU pour la sortie de son nouveau recueil de huit nouvelles : LES PARODIES DU BONHEUR

Entretien avec Dina MAHOUNGOU pour la sortie de son nouvel opus, un recueil de huit nouvelles, paru chez Bénévent (disponible sur amazon.fr) :

« LES PARODIES DU BONHEUR »

C’est dans un café à Paris 12ème, au « Dalou » place de la Nation que le rendez-vous a été pris avec mon confrère l’écrivain congolais Dina MAHOUNGOU, lors de mon dernier passage à Paris. De dialogue aussi qui renvoie au nomadisme de l’écrivain auteur du truculent « Agonies en Françafrique » paru chez l’Harmattan en 2010.

Après la guerre civile du Congo Brazzaville, Dina Mahoungou est revenu en France, pays où il a passé la moitié de sa vie. J’ai eu l’occasion de travailler avec lui à Télécongo. Chroniqueur littéraire, il animait une émission littéraire sur les sujets de culture et de société : « La voix du poète ».

Ce jour de printemps, temps assez maussade, c’est un homme avenant que je rencontre, facile à la conversation, fin lettré, ancien des langues’O, professeur certifié de lettres modernes.

De ses errances entre l’Afrique et l’Occident, il s’en moque avec une impertinence désopilante ; il affirme avec ce regard sémillant : « Je suis chez moi où que j’aille ».

François Bikindou :

Après lecture des « Parodies du bonheur », je constate que les huit textes, saisis un à un dans leur dynamique et leur formalité propre amènent vers la mort, la disparition, pourquoi ? 

Dina Mahoungou :

Chacun de ces écrits raconte comment naît le désespoir, aucune de mes nouvelles ne fait l’économie d’une description des marques de l’individuel. Tout citoyen vit sa vie mais contenu dans une terreur née de la guerre civile. Au bout de ce fatum, l’élément le plus cruel : la mort. 

François Bikindou :

Ces souvenirs d’enfance sont-ils autobiographiques ? 

Dina Mahoungou :

Mes souvenirs d’enfance demeurent, en deça de la description des formes de l’individuation, ici le lointain bleu est obscur, la micro-fiction prend une large part, je fais de la fatalité du destin une sorte d’appréhension esthétique. « Les parodies du bonheur » nous conduisent à travers des vies. En temps de désastre, tout citoyen sauvegarde une énergie pour sa propre liberté, chacune de ses actions est un frémissement de sa propre survie. Pendant la guerre tribale du Congo Brazzaville, on rêvait de réjouissances inutiles, le temps devenait insupportable, tout s’appréciait en capacité de nuance. Dans de tels moments, on s’endurcit à chaque fois que l’on prend des coups. Le bonheur après tant de haine, tant de massacres était déjà très loin, celui qui aurait pu nous échoir par ailleurs. 

François Bikindou :

Mon cher Dina, est-ce une façon indirecte de témoigner et d’indiquer un travail de résistance ? 

Dina Mahoungou :

Tout avait été détruit, logements et services publics, les gens jusqu’au jour d’aujourd’hui s’installent au hasard des tentatives, ils sont dans la gêne dont ils veulent s’extraire, s’insèrent dans l’étroitesse des possibles. En improvisant leur vie, des hommes et des femmes doivent dépasser leur incompréhension, une espèce de parodie du bonheur portatif et démonstratif. Bien entendu, ces textes emplis d’ironie, d’une générosité simple et désintéressée, sont un regard satirique sur la réalité de notre temps. L’écriture sert aussi à cela, l’ultime instrument nécessaire pour comprendre le monde. Les personnages, ici, sont suspendus à la visibilité du lecteur. 

François Bikindou :

Les événements contingents commencent et finissent comme des micro-récits, une cohérence à priori bien structurée, est-ce voulu ? 

Dina Mahoungou :

Toutes ces histoires sont des événements du passé, elles apparaissent dans un caractère rétrospectif du récit. Dans ces huit nouvelles, l’acte configurant consiste à prendre les actions de détail, celui-ci tire l’unité d’une totalité intemporelle. Comme dans un journal intime, le narrateur reconstruit sa propre identité, fixe le moi dans la singularité des faits et gestes, il mesure en soi le temps qui passe, le voit vieillir sous forme de bilans d’étape dixit « Paola Titi » et « La dormition de Denise ». Dans deux de mes nouvelles « Le sens du combat » et « Don Juan 98 », il ya des phrasés de l’aphorisme, des tournures oralisées. Le chaos depuis le début prend forme, l’on passe de l’éclairement à l’opacité, une mort lente apparente et immobile, la fatalité intime d’un No Man’s Land, le narrateur souligne l’ambigüité de l’imagination dans sa relation avec la réalité. Tout se défait sous les yeux du lecteur. 

François Bikindou :

Vous relatez dans une de vos nouvelles « La pauvre tribu des Zola Bantou », la vie des désespérés qui nous incite à nous interroger sur la nature de la tyrannie en Afrique noire, l’écriture sert-elle à la révolte ? 

Dina Mahoungou :

Pour être libre de corps et d’esprit, aucune perspective surplombante ne dessine sa quête de la liberté sans la lutte et aucune clôture ne peut être assignée à celle-ci sans combattre. L’écrivain a pour sa part la transgression, la fantaisie et l’intrépidité de la farce qui le subjugue.

 François Bikindou :

Votre style est fondé sur la sensualité figurale des mots, des adjectifs morbides, des éléments morticoles sont tous porteurs d’une possibilité de destruction : ces motifs de volatilité d’après vous décrivent-ils la vraie vie ? 

Dina Mahoungou :

Pendant 6 ans, de 1993 à 1999, pendant la bataille de Brazzaville, les Congolais étaient submergés par la panique, les horreurs et la méfiance devenaient une attitude mentale. Ici, le narrateur prend le lecteur à témoin. Cette sensibilité aux détails les plus nauséeux reproduit le plus grand effet d’authenticité. L’ironie et le persiflage se font principes actifs, structurants et créateurs. Ces huit nouvelles s’inscrivent dans un mouvement de ressac, une vaste et stimulante exploration de l’âme et de ses vanités. 

François Bikindou :

Et pourquoi, tout ceci se convertit-il en tragédie ? 

Dina Mahoungou :

L’enjeu fondamental de ces textes vient du fait qu’il donne à voir un effet de bi-vocalisme divergent. Sur les traits microscopiques, la maîtrise des détails formels les plus infimes dévoilent la vie au quotidien. Chez le lecteur, toutes les dimensions de l’imagination peuvent agir, le contenu du message ainsi véhiculé n’est pas forcément explicité comme chez les grands maîtres japonais, à l’instar de Kawabata et Mishima, ils jouent du littéral au figuré, cette transfiguration apparaît comme de la clameur du grand récit en murmure anecdotique. La vie n’est qu’un agrégat d’individus, des foules importunes aux abois, des errants en solitaire.

Perpétuelle source d’effroi, les hommes politiques ont transformé cette Nation en terre-cauchemar.

Dans ces histoires pleines de trompe-l’œil, des mises en abyme ; dans ces pathétiques destins, il y a la présence aveugle du chaos, dans ces vies souillées chargées de Pathos.

Les personnages principaux sont des monstres pour la plupart qui menacent chaque citoyen d’engloutissement, l’extension de la haine tribale à tout le territoire.

 Ces huit nouvelles des « Parodies du bonheur », écrites il y a plus d’une décennie sont paradoxalement d’une étonnante actualité.

Michel Mahoungou-Kandza, connu sous son pseudonyme Dina Mahoungou, est l’auteur des ouvrages suivants :

« Les parodies du bonheur » recueil de nouvelles aux éditions Bénévent (en vente sur Amazon.fr : 13,50 euros). 

« Agonies en Françafrique » Roman aux éditions l’Harmattan en vente actuellement sur Amazon.fr, Fnac ou librairies (26 euros). 

FrançoisBIKINDOU, journaliste et écrivain Au Dalou, Paris 12ème Mai 2012

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3 réponses à Entretien avec Dina MAHOUNGOU pour la sortie de son nouveau recueil de huit nouvelles : LES PARODIES DU BONHEUR

  1. Merci pour cet article La pire des choses n’est pas la méchanceté des hommes mauvais mais le silence des bonnes gens, comme le disait Lucien JERPHRAGNON Professeur émérite des universités du monde. La haine atavique des bakongos à l’égard des mbochis résulte d’une politique soigneusement appliquée afin de demeurer longtemps au pouvoir en fomentant des situations qui opposent le Sud du nord et inversement. Cette haine comme toutes les autres est douloureuse à porter en soi. C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir quel qu’il soit, est porté à en abuser. Les histoires sont remplies de guerre de clans, d’ethnie mais qu’on y prenne garde ce n’est point la multiplicité des clans, des ethnies qui a provoqué les guerres c’est l’esprit d’intolérance qui animaient et qui animent toujours ceux qui se croyaient ou se croient dominants. L’homme vaut par rapport à ce qu’il EST et FAIT et non par rapport à ce qu’il a. C’est pourquoi j’adresse ma reconnaissance à M. Mahoungou pour son laboratoire de réflexion que je salue d’avance et dont je souhaite une longue vie. Dekodias

  2. Merci pour cet article La pire des choses n’est pas la méchanceté des hommes mauvais mais le silence des bonnes gens, comme le disait Lucien JERPHRAGNON Professeur émérite des universités du monde. La haine atavique des bakongos à l’égard des mbochis résulte d’une politique soigneusement appliquée afin de demeurer longtemps au pouvoir en fomentant des situations qui opposent le Sud du nord et inversement. Cette haine comme toutes les autres est douloureuse à porter en soi. C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir quel qu’il soit, est porté à en abuser. Les histoires sont remplies de guerre de clans, d’ethnie mais qu’on y prenne garde ce n’est point la multiplicité des clans, des ethnies qui a provoqué les guerres c’est l’esprit d’intolérance qui animaient et qui animent toujours ceux qui se croyaient ou se croient dominants. L’homme vaut par rapport à ce qu’il EST et FAIT et non par rapport à ce qu’il a. C’est pourquoi j’adresse ma reconnaissance à M. Mahoungou pour son laboratoire de réflexion que je salue d’avance et dont je souhaite une longue vie. Dekodia

  3. Merci pour cet article La pire des choses n’est pas la méchanceté des hommes mauvais mais le silence des bonnes gens, comme le disait Lucien JERPHRAGNON Professeur émérite des universités du monde. La haine atavique des bakongos à l’égard des mbochis résulte d’une politique soigneusement appliquée afin de demeurer longtemps au pouvoir en fomentant des situations qui opposent le Sud du nord et inversement. Cette haine comme toutes les autres est douloureuse à porter en soi. C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir quel qu’il soit, est porté à en abuser. Les histoires sont remplies de guerre de clans, d’ethnie mais qu’on y prenne garde ce n’est point la multiplicité des clans, des ethnies qui a provoqué les guerres c’est l’esprit d’intolérance qui animaient et qui animent toujours ceux qui se croyaient ou se croient dominants. L’homme vaut par rapport à ce qu’il EST et FAIT et non par rapport à ce qu’il a. C’est pourquoi j’adresse ma reconnaissance à M. Mahoungou pour son laboratoire de réflexion que je salue d’avance et dont je souhaite une longue vie. Dekodiass

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