Emmanuel Macron suivra-t-il les récriminations d’Idriss Deby sur le terrorisme en Afrique ? Par Lucien PAMBOU


Dans un entretien au Monde (RFI, TV 5) Idriss Déby Président du Tchad estime que son pays est celui qui contribue le plus à la lutte contre le terrorisme en Afrique noire francophone. Pour Déby, on demande trop à son pays sur le plan militaire et financier. Il rappelle que le Tchad est un petit pays qui rencontre actuellement des problèmes économiques et financiers importants. Mais, au nom de l’unité africaine et de la lutte contre le terrorisme, le Tchad a des soldats au sein de la MINUSMA (Mission des Nations Unies au Mali) et au sein du G5-Sahel formé par la Mauritanie, le Niger, le Tchad, le Burkina Faso et le Mali. On peut se demander pourquoi le Nigéria ne fait pas partie de ce G5 qui doit devenir le G6. Macron, au nom de l’efficacité et du réalisme politique et économique, doit demander au Nigéria d’apporter sa contribution à la lutte contre le terrorisme. Idriss est aussi confronté à un autre problème politico-militaire, à savoir la République Centrafricaine. Sur ce terrain, il y a des tensions implicites entre le Congo et le Tchad. Pour des raisons politiques et de bonne entente, ces tensions ne sont pas mises sur la place publique. C’est bien ainsi pour ne pas exacerber les tensions sur la scène africaine. Malgré tout, le Tchad se plaint d’être seul au niveau de la sous-région de l’Afrique centrale qui lutte contre le terrorisme. Le Tchad estime que le terrorisme va devenir important et que les autres pays de la sous-région, le Congo Brazzaville, le Gabon, le Cameroun, la Guinée équatoriale  n’ont pas d’armées organisées et formées au combat contre le terrorisme. Le Tchad estime que les pays comme le Congo, le Gabon ou le Cameroun sont des passagers clandestins dans le train de la lutte contre le terrorisme.

Confronté à une baisse du prix du baril de pétrole (100 dollars à 50 dollars), comme au Congo Brazzaville et en Guinée Equatoriale, Tchad demande que les autres pays de l’Afrique prennent toute leur part à la participation contre le terrorisme. Il faut espérer que le Cameroun, le Congo Brazzaville, la Guinée Equatoriale prennent acte des revendications légitimes du Tchad pour réfléchir à des mécanismes de créations de fonds structurels pour lutter contre le terrorisme à long terme. Une réflexion est nécessaire sur le financement de ses fonds structurels.

Dans son interview à TV5, le Président Déby annonce que le Tchad a déboursé sur ses propres ressources plus de 300 milliards de FCFA, soit plus de 457 millions d’euros pour la lutte contre le terrorisme sans un soutien quelconque de l’extérieur. Pour Idriss Déby, c’est assez, le Tchad, à lui seul, ne peut pas être le bailleur de fonds et le pays qui fournit le plus de troupes au G5 -Sahel. Il est donc important de proposer au G5-Sahel et au Président Macron quelques pistes de réflexion pour dynamiser un nouveau G5.

Quelques pistes pour crédibiliser le G5-Sahel : passer du G5 au G7

Le Président Macron, en se rendant au Mali, doit tenir un discours ferme en direction de ses partenaires africains. La France n’a plus les moyens budgétaires de son action militaire pour défendre les pays du G5 et ceux de l’Afrique qui  vont être confrontés au terrorisme. Il vaut mieux prévenir que guérir.

Macron doit demander que le G5 devienne G7 en incluant le Nigéria et le Cameroun qui sont les deux pays visés en ligne directe par Boko Haram. Macron doit établir une architecture globale en termes d’objectifs, de financement et de mobilisation des Africains.  Il faut exiger la création d’une caisse commune abondée par les pays membres du G5 ou du G7 qui doivent prélever un pourcentage de taxes à définit sur les exportations et les importations partant des pays membres du G5 ou G7 Sahel. Macron doit être intransigeant sur les objectifs nouveaux de cette rencontre au Mali.

Macron doit profiter de cette rencontre pour lancer quelques pistes concernant la nouvelle politique africaine de la France

Macron est un jeune Président. Il ne sait rien de l’Afrique, si ce n’est qu’une présence au cours d’un stage de l’ENA au Nigéria. Comme il apprend vite, et il l’a montré avec maîtrise et stratégie en décomposant-recomposant le paysage politique français, on attend de lui qu’il fasse la même chose pour instaurer les nouvelles relations entre l’Afrique francophone, anglophone, maghrébine, lusophone. De façon précise avec l’Afrique noire francophone, saura-t-il se départir des réseaux liés à la Françafrique ? Saura-t-il être ferme sur la gouvernance politique, la démocratisation réelle, les alternances politiques en Afrique Noire francophone ? La France considère l’Afrique noire francophone comme des sous-Etats incapables de se gouverner, à la différence des Etats anglophones. La question du franc CFA est un réel problème pour certains économistes africains et pas pour les chefs d’Etat. Le Franc CFA pour certains économistes africains est un obstacle au développement économique. D’autres économistes, dont modestement je suis, estiment qu’il faut introduire des nuances et on attend que les commissions économiques de l’Union Africaine, la CEDEAO, l’UEMOA et la CEMAC organisent des débats contradictoires sur le rôle de la monnaie dans le développement économique. Pour Macron, il faut lier lutte contre le terrorisme et développement. Il sait, par son instruction, que le développement est un processus long et que l’exigence immédiate c’est la lutte contre le terrorisme dans la zone Sahel et, peut-être demain, dans toute l’Afrique.

Par Lucien PAMBOU

Diffusé le 28 juin 2017, par www.congo-liberty.org

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10 réponses à Emmanuel Macron suivra-t-il les récriminations d’Idriss Deby sur le terrorisme en Afrique ? Par Lucien PAMBOU

  1. Classique dit :

    Vieux tyran au pouvoir depuis des lustres, Idriss Déby a muselé son opposition et exporte des mercenaires chez son vieil ami Denis Sassou-Nguesso. Je ne vois en quoi son point de vue est fondamental pour instaurer la paix en Afrique puisque si, justement, la sous-région est instable c’est à cause de ces vieux dinosaures qui s’agrippent aux affaires avec la complicité de la France depuis de Gaulle jusqu’à Macron, en passant par Chirac, Sarkozy et le très cruel Hollande.

  2. VAL DE NANTES , dit :

    DEVALUER LE CFA peut se révéler catastrophique pour les africains non producteurs des équipements à haute valeur ajoutée ;;; .
    Le défi de l’évaluation d’une monnaie , c’est la maitrise de la courbe en J …..L’Afrique n’en est pas capable ;;;;
    Quand au terrorisme , notre pays est mal placé , pour endiguer le phénomène , car il en crée dans son propre territoire , pour allonger un bail politique , honni par le peuple ;;; .
    Le terrorisme est devenu un allié objectif , pour ces dictatures exotiques de signer tacitement un contrat à vie sur les têtes de ces pays ;;;
    L’interview de DEBY , est une mise en scène , et n’appâte que ceux , dont la myopie politique est très avancée ;;;;.
    Ce dont l’Afrique centrale a besoin , c’est le respect des règles démocratiques issues des urnes .

  3. GDK dit :

    Crise des dettes souveraines, crise de la zone euro, parité eurodollar, réforme du système financier international, rôle du FMI, rôle de l’Europe , réglementation prudentielle, stabilité financière, comportement des banques. Tous ces thèmes complexes, mais pourtant essentiels pour l’économie mondiale, sont abordés sans tabous et les spécialistes en apportent, de façon limpide, leur point de vue éclairé dans « La guerre des monnaies ». Pour ainsi, mieux cerner les enjeux économiques de la sous-région notamment la zone subsaharienne et sahélienne puisqu’il s’agit, ici du FCFA.

  4. Bulukutu dit :

    Concernant le FCFA, la futur dévaluation devrait nous faire réfléchir pour de bon. Avec 1 Euros pour environ 1 300 FCFA, je crois qu’on peut dire que l’on a plus rien à perdre en sortant de cette monnaie. Sortant de cette monnaie de singe au propre comme au figuré.

  5. GDK dit :

    Il s’agit ici de l’Europe de Maastricht, lieu de naissance de l’Union européenne, de la citoyenneté dans l’Union européenne et de la monnaie unique qu’est l’euro. Une Europe sociale aurait été nettement meilleure et fédératrice et aurait pris en compte la problématique du FCFA qui mine nos économies et, qui plus est , nous plonge dans le chaos permanent .
    Le traité de Maastricht promeut tout simplement le libéralisme qui sévit par son caractère inégal, voire partial. Ces inégalités sont flagrantes et sans cesse grandissantes. La corrélation n’est plus à démontrer.

  6. Bulukutu dit :

    Le Tchad fait-il la guerre au terrorisme, sur injonction d’un pays tiers (chacun a bien-sur sa petite idée sur la question)? Le Tchad a t-il réfléchi au coût final de cette guerre et comment renflouer ses caisses, une fois la guerre gagnée? Les occidentaux se servent sur la bête, à la fin des hostilités. Que doit faire le Tchad? Se servir aussi sur la bête avec le risque de générer des conflits inter état? Le Tchad ne pourra se servir sur les territoires libérés du terrorisme qu’à une seule condition: c’est que ces états soient considérablement affaiblis après la guerre, pour ne pas avoir d’autres choix que de céder une partie de la richesse de leur sous-sol afin de rembourser l’effort de guerre. Oui, la guerre est un business comme les autres. Tout action militaire libératrice d’un pays tiers (surtout les occidentaux), est une dette qu’il faut rembourser.

  7. Faed Arloun dit :

    J’ai apprécié la franchise d’Idriss deby dans ses déclarations sur TV5, c’est un dictateur certes, mais il dit des choses de façon directe sans trop de détour, pas comme Sassou tjrs ridicule et vide dans ses dires. Il (Idriss Deby) a bien rappelé les causes du terrorisme depuis 2012 suite à la chute de Kadafhi et il accuse la France sans avoir froid aux yeux, il va même jusqu’à rappelé la phrase fameuse d’alpha Condé « coupons le cordon ombilical… »; donc je comprends bien dans quelle mouvance il se trouve pour le changement et le développement en Afrique. Si le Tchad a participé dans la lutte contre le terrorisme dans le Sahara et en Afrique centrale, c’est à but avant-gardiste comme le fait la Russie contre l’Etat-Islamiste pour empêcher ces terroristes de traverser ses frontières; puis a profité aussi à faire une propagande de son armée forte. Mais la crise économique et la baisse du prix du baril de pétrole a changé la donne. Le Tchad à l’image du Congo BZV n’a pas su profiter du boum pétrolier d’avant la crise, ça me gène quand il accuse la France; c’est ça le comble des dirigeants africains camouflant leurs incompétences et manque de bonne gouvernance en cherchant des boucs émissaires. Le Gabon, le Congo-BZV ou la Guinée équatoriale n’ont pas besoin de participer aux opérations de lutte contre le terrorisme pour la simple raison qu’ils n’abritent pas l’islam culturel dans leurs pays plutôt l’islam religieux sans trop de conviction; ils peuvent apporter un soutien financier ou logistique ou même technique s’ils ont en aussi la capacité. Le Tchad n’a qu’a faire comme le Cameroun ou le Nigéria; c’est-à-dire combattre le terrorisme dans son propre territoire puisqu’ils savent très bien que le faire à l’extérieur exige des moyens financiers très colossaux; donc le Tchad s’est fait berné dans son euphorie. Il faut laisser les occidentaux s’occuper de ce problème du terrorisme car ils ont en des moyens et nous les africains on doit être vigilants car derrière ce terrorisme se cache tellement d’enjeux qu’ils peuvent nous apporter encore le chaos. Le Cameroun a bien organisé sa lutte contre Boko-harram autour de son armée d’élite appelé les BIR, et ça marche bien; le Nigeria a enkysté Boko-harram sur son territoire avec une politique de négociation, ça semble marcher aussi. Donc les tchadiens doivent faire aussi au tant sur leur territoire. Sur la question du Franc CFA, les africains sont déterminés à quitter du CFA, la BEAC et BCAO ont déjà lancé des offres pour batir la nouvelle monnaie, d’ici 2018 ça va se réaliser, même s’il y a une nouvelle dévaluation du Cfa qui nous guette à l’horizon, mais on fera avec car les sacrifices sont nécessaires avant de l’autodéterminer.

  8. GDK dit :

    Le sort de l’Afrique, et du FCFA en l’occurrence, dépend de MAASTRICHT. Comprendre autant que faire se peut, les grands enjeux économiques et monétaires qui en découlent est primordial pour toute éventuelle résolution.

  9. Bulukutu dit :

    Le sort de l’Afrique francophone, pas de l’Afrique. Cette précision à son importance.

  10. GDK dit :

    Bulukutu !

    Yes, all right ! Mais dans la mesure où nous parlons du FCFA et de tout l’espace francophone, tout y est , on ne peut plus,clair.

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