Election législatives truquées du 15 juillet 2012: couvre-feu illimité sur la politique, par le constitutionnaliste Félix Bankounda Mpélé

INTERVIEW EXCLUSIVE: DIX QUESTIONS DE FOND à Félix BANKOUNDA-MPELE, Juriste, diplômé de science politique, chercheur et membre de l’Association Française de Droit Constitutionnel.

Congo-liberty : Comment définirez-vous l’opposition actuelle « mcddi, upads… » à Sassou Nguesso et leur participation aux élections législatives de 2012 ?

Félix BANKOUNDA-MPELE : Vous avez bien dit opposition ! Cela n’engage que vous car, dans le contexte congolais actuel, l’usage de cette expression, au-delà de sa constitutionnalisation, est très impropre, discutable et insolite parce qu’elle participe à la légitimation du pouvoir autocratique qui, dans cette confusion, peut bien se frotter les mains et s’exclamer « stratégie réussie ».
En effet, il ne faut jamais oublier le mode d’établissement du régime actuel.  C’est très important. On l’a déjà dit, et c’est un truisme de le rappeler, l’origine et le mode d’exercice du pouvoir au Congo, depuis 1997, est essentiellement autocratique. Parce que, s’il est vrai qu’on ne peut un seul instant envisager l’efficacité du droit et  l’exercice du pouvoir sans la force, au contraire, la force et le pouvoir en dehors du droit, comme il en est le cas du régime actuel, c’est la dictature. L’analyse politique déduit de ce mode de gouvernement non seulement le laminage du droit, mais aussi celui de la politique. Autrement dit, le recours à la force dans la conquête et l’exercice du pouvoir, c’est la fin du politique dans son sens noble.
Si, au regard de leur attitude depuis 1997,  les autorités actuelles du Congo en sont conscientes et l’assument, au-delà d’un discours démocratique incantatoire, il semble  que ceci ne soit pas très évident auprès des autres forces politiques, abusivement appelées opposition parce que, objectivement, dans l’impossibilité d’assurer l’alternance démocratique.
Dès lors, la question qui se pose est celle du rôle et des intentions des forces politiques qui, ouvertement, ne se prévalent pas du pouvoir établi, par essence autocratique, avons-nous dit.
Vous avez dit MCDDI et UPADS ? Il me semble que, au-delà d’un positionnement  déroutant, parce qu’instable, officiellement, le MCDDI se réclame ouvertement du pouvoir en place et l’on a du mal à comprendre le classement que vous en faites. Se pose plus particulièrement le rôle de l’UPADS et des autres entités politiques. Un regard rétrospectif sur la vie et l’histoire politique congolaises est édifiant à cet égard.
L’avènement du pouvoir actuel, avions nous dit, c’est ‘l’ancien régime ressuscité ‘ et celui-ci, à l’image des autres systèmes de l’époque en Afrique, comme vous le savez, ne tolérait pas l’opposition. Le général Mobutu ne qualifiait-il pas les opposants d’ « enfants égarés de la nation » ! Au Congo, je ne vous apprends rien, les opposants étaient clairement qualifiés de « réactionnaires ». C’est parce que le contexte mondial depuis le début des années 90 contraint au discours démocratique que ‘l’ancien régime ressuscité’ se doit de sauver les apparences, tolérer ‘l’opposition’, sans évidemment, vous vous en doutez, permettre le fonctionnement réel du jeu politique dont la conséquence serait, tout naturellement, l’effondrement de la dictature.
Comment définir ‘l’opposition’ actuelle et sa participation aux prochaines élections législatives, me demandez-vous ?
Sur la base de ce que je viens de vous expliquer, la réponse s’impose d’elle-même, il me semble.
Le pouvoir, par la force, ne pouvant plus, comme par le passé, se prévaloir du socialisme pour masquer la   dictature, tout comme il ne peut permettre le jeu démocratique pour des raisons évidentes, ‘l’opposition’ ne peut de ce point de vue qu’être postiche. N’existerait-elle pas qu’il aurait fallu la créer de toutes pièces. Au Congo, le pouvoir joue sur les deux tableaux. Usant à la fois de la force, des manipulations et de l’argent, il a réduit les autres forces politiques, ou ce qui en est l’apparence,  en marionnettes soit par des intimidations, soit en multipliant le nombre de partis politiques.
Ainsi, c’est clair, le seul rôle de ‘ l’opposition’ ou de ce qui s’en prévaut aujourd’hui au Congo, c’est de créditer le pouvoir en place, de lui donner une apparence démocratique et, manifestement, l’ensemble de la classe politique l’a bien intériorisé, assez facilement, puisque la réminiscence au regard des pratiques sous l’ancien système monopartite a bien joué. La dictature a besoin de faux opposants pour se maintenir et ceux-ci ont besoin de la dictature pour survivre ou vivre tout simplement car, la vie au Congo, en dehors du pouvoir et de ses relais, n’est pas une sinécure. C’est la nouvelle entreprise et une entreprise florissante. Plus que jamais, se trouve illustrée aujourd’hui, la théorie, discutée par certains, de ‘la politique du ventre’ d’un auteur français, Jean-François Bayart…
Illustrent cela certaines pratiques et déclarations desdits ‘opposants’ : à l’occasion de l’affaire des ‘biens mal acquis’, affaire on ne peut plus grave, mais superbement ignorée par les pouvoirs publics congolais, c’est un membre de l’opposition qui a fait le tour des chaines de télévision africaines d’Ile-de-France pour contester la compétence de la juridiction française, sans préjudice de menaces pour le moins saugrenues ! Par ailleurs, plusieurs éminents représentants desdits partis de l’opposition ont ouvertement reconnu et démontré, pièces à l’appui,  que le système électoral est de bout en bout maitrisé par le régime dictatorial, sans que cela ne les empêche de briguer ! Comme s’il pouvait en être autrement ! Il est mille fois plus facile de réussir une manipulation électorale que de réussir un coup d’état qui est, par essence, la négation d’un vote transparent. L’esquive, jusqu’ici, par le pouvoir en place, aussi bien de la Déclaration de Bamako sur la démocratie dans les pays francophones que des autres conventions sous-régionales et régionales, dont la Charte panafricaine sur la démocratie, conforte l’institutionnalisation de l’état d’exception et la persistance de l’esprit du coup d’état au Congo-Brazzaville.
Ceci dit, peut-on réduire toutes les forces politiques en pantins ? Pas dans l’absolu. Aucune des parties en présence n’est dupe. Ni le pouvoir, ni les autres forces ne sont tout à fait convaincus de la bonne foi et de la fidélité de l’autre partie. La situation de l’heure est, bien entendu, le résultat des rapports de forces non pas politiques mais militaro-financiers et de certains soutiens  extérieurs qui sont ouvertement en faveur du pouvoir. Ainsi, tout rendez-vous politique, les prochaines législatives en l’occurrence,  est l’occasion pour les parties de se jauger, de vérifier leur force ou la fidélité de l’autre, d’user de tous les stratagèmes, non pas politiques mais de tous les autres imaginables dans un état de nature pour, soit maintenir le système, soit l’accabler ou éventuellement pousser l’autre à l’erreur. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre, localement, l’intérêt du rendez-vous des prochaines législatives, sans préjudice d’une opportunité d’enrichissement pour certains.
Il faut se rendre à l’évidence. En ayant accédé au pouvoir par la force, et en maintenant cet esprit par le refus obstiné tant du retour à l’ordre démocratique que de la ratification des diverses conventions du continent sur la démocratie, le pouvoir de Brazzaville a, tout naturellement, laminé les règles du jeu politique, opté pour la force brute,  et donc, délibérément, banni la politique au profit du plus vieux système politique au monde : l’état de nature où tout est  dicté par le plus fort. Ce n’était, on s’en doute, pas gratuit. Ce choix pour le moins grave, avec ses lourdes conséquences, n’a pu s’opérer que parce que ses instigateurs étaient convaincus de l’impossibilité d’accès au pouvoir par la voie rationnelle qui est celle des urnes. De ce point de vue, il n’est point besoin d’être un as de la science politique pour comprendre que le principe, le seul valable pour l’accès au pouvoir au Congo ou gagner une quelconque élection, sauf à croire à la main invisible en politique ou à faire preuve d’une naïveté exorbitante [ndlr : cf. « L’incroyable naïveté électorale », en ligne, de l’auteur, sous le pseudonyme, L’éclaireur], c’est celui que le pouvoir établi a défini, et que le reste n’est que diversion, manipulation, cafouillage et stratégie. Toute la classe politique congolaise le sait puisque les fraudes électorales massives et répétées sont manifestes. La pérennisation et l’affermissement de ce système a entraîné sa déconcentration qui n’oblige plus nécessairement le pouvoir central à se ‘mouiller’, à intervenir pour imposer la mise en veilleuse du droit et de la politique. Désormais des organes secondaires dictent et imposent les comportements nécessaires à la sauvegarde du système : c’est  le couvre-feu illimité sur la politique… corollaire de l’état d’exception institué, dont les restrictions régulières à certaines manifestations, meetings et réunions,  pourtant constitutionnellement reconnus, en sont les symptômes…

Voir la 1ere partie INTERVIEW EXCLUSIVE: Dix questions de fond au juriste et constitutionnaliste congolais Félix BANKOUNDA-MPELE

Interview réalisé par Mingwa mia Biango pour www.congo-liberty.org

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2 réponses à Election législatives truquées du 15 juillet 2012: couvre-feu illimité sur la politique, par le constitutionnaliste Félix Bankounda Mpélé

  1. loko DIA MOUKOUBA dit :

    MR BANKOUNDA merci pour ces analyses très pertinantes , comment croire à mr DZON qui veut participé à une élection , organisé par sassou nguesso ? lui qui vient faire la diversion en france, surtout que sa garde est assuré par sassou , le fameux lieutenant NGAMBOU qui le payé? non mefiants nous des contrefaçons , encore grand merci le frère BANKOUNDA SURTOUT NE VOUS FATIGUEZ pas à denoncé ces manoeuvres diabolique .
    r

  2. pourquoi ce constitutionaliste n est il pas contredit par les conseillers juridique du monstre qui sont pret à nous pondre une autre constitution, quand aux faux opposants la liste est connu ces poules moullées

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