Congo : La prise en charge sanitaire des détenus dans une maison d’arrêt ; par Alexis Bouzimbou

Dans le fascicule de propagande à papier glacé tiré à des milliers d’exemplaires, concocté au coin d’une table par des technocrates de service animés par l’esprit de Cour et intitulé: « Le chemin d’Avenir, de L’Espérance à la Prospérité », Sassou-Nguesso prétend, à la page 11: « moderniser l’Administration Publique ». « L’effort de modernisation », y lit-on, relancé en 2002, devrait « équiper, année après année, les différentes administrations pour une plus grande efficacité ».

Au delà des incantations et des vœux pieux, trois fonctions revêtent une importance particulière au sein de l’administration, selon René Chapus: »contrôler, conseiller, concilier ». Aujourd’hui, ces trois fonctions fondamentales sont inexistantes, en l’occurrence au sein de l’Administration Pénitentiaire. Elle est à la fois éloignée de son époque, et n’est guère au goût du jour.

Le décès de notre compatriote, Giscard Lolo, survenu le 13 décembre 2011 à la maison d’arrêt de Brazzaville, pose avec gravité le problème de l’organisation et de la prise en charge des soins aux personnes détenues. En principe, si Le Congo ne marchait pas sur la tête, pour paraphraser Hegel, il existerait au sein de la maison d’arrêt de Brazzaville, une unité de soins ambulatoires, dans laquelle interviendrait une équipe du service public hospitalier rattachée à l’hôpital le plus proche, en l’espèce l’hôpital militaire. La prise en charge sanitaire des détenus implique une étroite collaboration entre les équipes médicales et pénitentiaires, dans le respect des missions de chacun.

A la différence des personnes libres, les détenus n’ont pas le libre choix de se faire soigner. Ils le sont, en principe, au sein de l’unité médicale de la maison d’arrêt, sauf si les médecins estiment que leur état de santé justifie une consultation ou une hospitalisation. Aussi, le personnel pénitentiaire peut également s’adresser aux médecins afin qu’ils rencontrent le ou les détenus.

La prescription médicale quant à elle, relève de la seule responsabilité des médecins. La distribution des médicaments est assurée quotidiennement, et si nécessaire, plusieurs fois par jour par le personnel habilité des structures médicales intervenant au sein de la maison d’arrêt. Dans les cas où des précautions particulières doivent être prises, soit pour des raisons de sécurité, soit en raison de la personnalité de la personne détenue, les médicaments doivent être absorbés devant l’agent hospitalier qui les distribue.

Par voie de conséquence, si l’état du détenu définitivement condamné le nécessite, il peut être hospitalisé pour une consultation ou pour des soins, sur avis médical et après autorisation du directeur de l’Administration Pénitentiaire. A l’inverse, pour les prévenus(détenus en instance d’être jugés), l’autorisation d’hospitalisation suppose l’accord préalable du juge d’instruction. En cas d’urgence, il peut être procédé à l’hospitalisation avant réception de l’accord des autorités judiciaires, auxquelles il en est rendu compte immédiatement. Les détenus sont hospitalisés dans un hôpital le plus proche. Pendant l’hospitalisation, les détenus restent écroués(pour cela il faut un greffe au sein de la maison d’arrêt) et sont soumis aux règles de la détention.

Enfin, un détenu peut être libéré pour raison de santé. Lorsque le médecin estime que l’état de santé d’un détenu n’est pas compatible avec la détention et hors le cas où une hospitalisation est nécessaire, il en avise le chef de la maison d’arrêt qui en réfère aux autorités judiciaires compétentes: juge d’instruction pour les prévenus, juge de l’application des peines pour les condamnés(s’ils existent au Congo).

Qu’on soit libre ou détenu, la Santé fait partie des fonctions régaliennes de l’Etat. La démission des pouvoirs publics dans ce domaine (les hôpitaux congolais sont de véritables mouroirs) expliquerait vraisemblablement le désintérêt de ceux-ci pour les personnes détenues. Au lieu de gloser sur un hypothétique et improbable chemin d’avenir qui nous fait penser au mythe de la caverne, commençons par tracer le chemin du respect, et de la dignité de la vie humaine. Chaque année, le Congo, avec l’argent du pétrole, envoie en formation à Agen et à Bordeaux, des « cadres » du Ministère de la Justice, ou supposés comme tels, pour des formations de complaisance. L’incompétence, l’amateurisme, et le clientélisme annihilent la réflexion. A moins de vouloir sciemment tiré le pays vers le bas et de le plonger dans un coma dépassé, il est impérieux, pour les pouvoirs publics de rétablir l’Ethos, gage d’une véritable Justice. A moins que la classe dirigeante ait délibérément choisi la voie du suicide collectif.

 

Alexis BOUZIMBOU 

Cercle de réflexion pour des idées nouvelles 

www.congo-liberty.org

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