Congo-Brazzaville: Tribalité comme antidote au Tribalisme?

A force de tout expliquer, l’alibi « tribal » défie toute explication. Souvent invoqué en Afrique en général et au Congo en particulier comme fatalité des déchirements « ethniques », il excelle à détourner l’attention, met en évidence le cynisme orchestré par des instances politiques qui adoptent l’exacerbation des fibres « ethniques » comme recette pour gérer les « nations ». La raison du tribalisme se trouve ailleurs: dans les manœuvres politiques.

Il est regrettable… que le vocable « tribalisme » soit le nom qu’on ait donné à l’identité qu’utilisent en Afrique contemporaine les groupes qui sont en compétition pour le pouvoir.

Le « tribalisme » se réduit à une « invention pragmatique de l’administration coloniale », sans aucun rapport avec une quelconque réalité « tribale », on en vient à se demander si le vocable de « tribu » offre une portée scientifique.

A dire vrai, il en offre d’autant moins que, depuis le partage de l’Afrique en 1885, l’administration coloniale avait institué une synonymie scandaleuse entre « tribu » et « race ». Il s’agit d’une de ces pratiques recommandées avec insistance par l’anthropologie appliquée, et qui a toujours consisté à marquer dans les actes officiels(et spécialement dans les états civils) la « race » n’étant rien d’autre, en l’occurrence, que ce qu’on imagine être « tribu ». C’est ainsi qu’au total l’Afrique s’est taillée l’insolite réputation de compter de milliers de « races ».

Force est de constater que les objectifs visés sont atteints puisque le sujet africain grandit avec la certitude d’appartenir à une « race » qui n’est pas celle de son voisin immédiat. Au nom de quoi tous les affrontements sont permis: identité tribale oblige!!!

Au Congo, ce phénomène de « tribalisme » avait débouché sur la guerre civile de 1959 qui avait occasionné des milliers de victimes entre les populations du Nord et du Sud du pays. Récemment, ce phénomène tribal a occasionné les guerres civiles de 1993 et 1997, non pas entre les populations du Nord et du Sud du pays, mais particulièrement entre les populations d’une même zone géographique: le Sud divisé en catégories: les Niboleks et les Laris.

Le « tribalisme » est une « conscience » d’appartenir à une « tribu » donnée. Couvé et entretenu par le colonialisme à l’indépendance, le « tribalisme » est devenu une plaie, un poison, voire une véritable fracture sociale ouverte que les gouvernements successifs n’ont pu éradiquer. Cependant il y a des pratiques politiques qui découlent de l’exercice du pouvoir susceptible d’encourager ce phénomène.

Le « tribalisme » est un obstacle » au développement du Congo. Il est péremptoire qu’avec ce phénomène, la « conscience tribale, ethnique, clanique ou régionale » relègue au second plan la conscience nationale. Il est une menace permanente, décourage, et freine les énergies des populations victimes du « tribalisme » politique. Les nominations aux plus hautes responsabilités de l’administration sont inspirées non pas par la compétence et l’efficacité, mais plutôt sur des bases tribales ou régionales.

La question du « tribalisme » est laissée dans l’impensé. Tout le monde croit savoir ce qu’est ce poison, et que la « tribalité » en serait l’antidote.

Selon cette « doctrine » inaboutie, la « tribalité » serait la panacée qui permettrait aux populations de vivre ensemble sur le territoire national. Afin de mettre un terme aux guerres tribales et aux putschs sanglants, la clé de voûte serait la mise en place d’une présidence tournante entre les trois groupes ethniques du Congo: lingala, téké et Kongo.

S’il faut combattre le « tribalisme » de toutes nos forces, les solutions suggérées par la « tribalité » en s’inspirant de l’exemple des Comores sont peu convaincantes. Le prêt-à-porter institutionnel n’est pas un label de réussite. Le Congo a son environnement, sa spécificité et ses propres sensibilités.

La solution la plus crédible serait le retour à nos fondamentaux constitutionnels: c’est-à-dire la « réhabilitation de la constitution de 1992, qui avait réussi à trouver une formule constitutionnelle à la fois efficace et démocratiquement équilibrée. Elle avait réussi à redéfinir le contenu des attributions présidentielles et de les réinsérer dans un ensemble qui redevienne démocratique, c’est-à-dire qui soit fondé sur le contrôle mutuel des pouvoirs. Le drame de notre pays, ce n’est pas le « tribalisme », mais le manque ou l’absence d’une bonne constitution. Le « tribalisme » présidentiel a placé au dessus du Code pénal les créatures présidentielles. La faveur présidentielle a quasiment remplacé le suffrage universel comme principe constitutionnel de base.

Même si « un Saint est pécheur qui cherche à s’améliorer »(Nelson Mandela, Conversations avec moi-même), « l’homme est né bon, c’est la société qui le corrompt »(Rousseau). On ne naît pas « tribaliste ». Le « tribalisme » n’est qu’une stratégie et la « tribu une fiction. Prôner la « tribalité » pour absoudre le « tribalisme », c’est se perdre en conjectures.

 

Alexis BOUZIMBOU

cercle de réflexion pour des idées nouvelles

www.congo-liberty.org

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Une réponse à Congo-Brazzaville: Tribalité comme antidote au Tribalisme?

  1. Le projet véhiculé par la Constitution de 1992 échoua parce qu’il ne fut point tenu compte de la notion de la Tribalité qui imprègne la vision sur l’existence du Congolais. Très vite, la réalité nous a placé devant les expériences que traversa le Congo venant confirmant notre manque de perspicacité sur la lecture approfondie de la sociologie congolaise. Aucune Constitution nouvelle ne garantira la réalisation des Espérances congolaises ou africaines sans ce « paramètre » qu’est la Tribalité.

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