Congo-Brazzaville : Mercantilisme Présidentiel de Sassou-NGuesso

Une entreprise liée au président congolais pourrait empocher des millions de dollars en imposant de nouveaux frais

Global Witness révèle qu’une entreprise liée à la famille présidentielle congolaise tirerait près de 6 millions d’euros annuels grâce à une nouvelle prime imposée aux tankers pétroliers ; il pourrait s’agir du dernier montage illicite de la famille Sassou-Nguesso.

Ces révélations font surface à quelques mois de l’élection présidentielle de 2021 à laquelle Denis Sassou-Nguesso, président en exercice pendant 36 des 41 dernières années, se représentera.

En juillet dernier, Global Witness a retracé la façon dont Denis Christel Sassou-Nguesso aurait volé des millions de dollars à la société pétrolière nationale SNPC avant de les dépenser en biens immobiliers et autres articles de luxe aux États-Unis, en France et ailleurs dans le monde. En 2019, nous révélions déjà que Denis Christel et sa sœur Claudia auraient blanchi et dépensé jusqu’à 70 millions de dollars de fonds publics détournés.

La République du Congo frise le surendettement depuis les années 1980, et a reçu son quatrième plan de sauvetage financier du FMI en 2019. La chute des cours du pétrole en 2020 et la pandémie de Covid-19 ne font qu’aggraver la crise économique en accablant davantage un système de santé déjà largement sous-financé.

Une manne maritime

Cette fois-ci, l’entreprise concernée est la Congolaise des prestations maritimes (Copremar), dirigée et majoritairement détenue par Wilfrid Nguesso, un neveu du président Sassou-Nguesso. En France, la société est dirigée par Nanette Nadine Sarlabout, une belle-nièce du président.

Pasteur et pilote de profession, Wilfrid fait l’objet d’une enquête en France depuis 2017 pour blanchiment de fonds publics détournés. Il est le premier membre du clan Sassou-Nguesso à avoir été ciblé dans l’affaire des « biens mal acquis ». En 2015, un juge français a ordonné la saisie de deux biens immobiliers à Paris que Wilfrid aurait acquis et entretenus grâce à des fonds publics congolais détournés. En 2013, il a été interdit d’entrée sur le territoire canadien, où résidaient sa femme et ses enfants, en raison de son implication dans une affaire de criminalité financière organisée.

D’après une note de service du 20 août 2020 que nous avons pu consulter, Copremar, dont le siège est situé à Pointe-Noire, a unilatéralement annoncé aux agents maritimes qu’à compter du 7 septembre 2020, tous les tankers VLCC et Suez Max en escale au terminal pétrolier congolais de Djeno seraient facturés d’une nouvelle « prime de veille de sécurité de remorquage » de 69 500 euros.

Copremar nous a informé qu’en septembre 2020, elle avait repris à son compte les activités de remorquage au terminal de Djeno, jusqu’alors assurées par l’opérateur du terminal, la major française Total. Cette attribution a eu lieu au cours de négociations entre le gouvernement congolais et Total sur le renouvellement du contrat d’exploitation du terminal de Djeno, expiré au 17 novembre 2020, et a incité Copremar à annoncer la nouvelle prime.

Selon trois experts maritimes indépendants interrogés par Global Witness, le montant de cette prime serait largement supérieur à la norme appliquée pour ce genre de service. Selon nos estimations basées sur des données disponibles, cette prime serait entre six et neuf fois plus élevée que la prime de veille de sécurité appliquée au port voisin de Pointe-Noire (voir note 3).

D’après les données de Refinitiv Eikon sur les mouvements de navires, sept tankers en moyenne ont été approvisionnés à Djeno chaque mois entre octobre 2014 et octobre 2020 ; Copremar pourrait donc encaisser jusqu’à 5,84 millions d’euros par an grâce à cette nouvelle prime.

Copremar détient le monopole des opérations de remorquage à Djeno, ce qui signifie que les sociétés désireuses de mettre à quai et de charger leurs tankers de pétrole brut (le premier produit d’exportation national) n’ont d’autres choix que d’accepter ses services et ses tarifs.

En réponse à nos questions, l’avocat représentant Copremar et Sarlabout (qui a compté parmi ses clients la République du Congo) déclare que la société ne pratique pas une tarification « entre six et neuf fois plus élevée » que ce qui serait facturé par d’autres prestataires, et précise que le montant de cette prime est « pleinement justifié par la nature même des prestations de haute qualité techniques et humaines fournies par la Copremar à ses clients ». L’avocat affirme qu’à la différence des autres prestataires, Copremar déploie trois navires pour la veille de sécurité plutôt qu’un seul, et choisit des bateaux de qualité supérieure. Il ajoute que Copremar est la seule entreprise capable de fournir de tels services, qu’elle « est particulièrement attachée au respect de la règle de droit ainsi qu’à la confiance sans cesse renouvelée par ses clients », et qu’elle agit en toute transparence.

Total affirme cependant à Global Witness que contrairement aux propos de Copremar, sa filiale TEP Congo n’a jamais pris part à la moindre activité de remorquage ou de « veille de sécurité ». Elle ajoute n’avoir eu aucune autorité sur la décision de Copremar de percevoir cette prime de veille de sécurité, ni aucune information directe sur l’entité qui l’a habilité à le faire. De son côté, Copremar affirme avoir reçu l’autorisation du Port Autonome de Pointe-Noire, mais ne produit aucun document permettant de justifier ses propos. 

Global Witness a contacté Wilfrid Nguesso par l’intermédiaire de ses avocats mais n’a reçu aucune réponse.

Un air de déjà vu ?

Copremar a beaucoup en commun avec la Socotram, le principal canal de détournement de fonds publics de Wilfrid Nguesso d’après les juges français et canadiens.

Les deux sociétés partagent la même société-mère (World Global Shipping, voir infographie), les mêmes propriétaires réels (Wilfrid et sa femme), les mêmes directeurs (Wilfrid et Sarlabout) ainsi qu’une même adresse parisienne.

Le rôle de la Socotram dans l’industrie pétrolière est remis en cause par Global Witness et la société civile congolaise depuis des dizaines d’années. Depuis sa création au Congo en 1990, cette société minoritairement détenue par l’État a collecté des millions de dollars de taxes maritimes qui n’ont jamais atteint les caisses de l’État, d’après des rapports de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). Les armateurs étrangers s’acquittent de cette taxe auprès de la Socotram puis refacturent la somme correspondante aux sociétés pétrolières, qui à leur tour se font rembourser par l’État.  L’État est donc doublement perdant : de par les revenus des taxes non perçus, et en raison des remboursements aux sociétés pétrolières. En effet, l’État rembourse à une entreprise privée détenue par un membre de la famille présidentielle des taxes initialement destinées au trésor public.

En janvier dernier, nous révélions comment les sociétés pétrolières se faisaient rembourser de nombreux frais par la République du Congo, y compris les frais de scolarité des enfants de leurs dirigeants ou les bonus de signature destinés à l’État – il est même arrivé qu’elles réclament des intérêts sur ces derniers.  La taxe maritime de la Socotram peut s’ajouter à la liste, qui contribue à faire gonfler la dette publique au beau milieu d’une profonde crise économique.

Nous ne sommes pas parvenus à vérifier si la prime prélevée par Copremar sera, à l’instar de la taxe maritime, remboursée par l’État. En effet, nos sollicitations auprès du ministère des Transports et de la marine marchande ainsi que des autorités du port de Pointe-Noire (qui auraient, d’après Copremar, autorisé le prélèvement de cette prime) sont restées sans réponse.

Total nous a toutefois informé que les frais liés à la prime de veille de sécurité n’étaient pas refacturés à TEP Congo, qui ne peut donc pas prétendre à un remboursement de l’État.

La Socotram n’a pas souhaité répondre à notre appel à commentaires. Lire l’intégralité de l’aticle sur le site de Global Witness…

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4 réponses à Congo-Brazzaville : Mercantilisme Présidentiel de Sassou-NGuesso

  1. Samba dia Moupata dit :

    C’est triste qu’aucun universitaire mbochi ne dénonce la gabegie folle de la famille Sassou Nguesso . Ils se contentent à faire des chiffons de bouquins pour vénérer le roi Sassou Dénis et ses enfants . Comme disait Montesquieu . Quant dans un royaume , il y a plus d’avantage à faire sa cour , qu’à faire son devoir , tout est perdu . Les autres comme parfait Kolélas, Munari , Tsaty Mabiala sont des paumés qui n’ont aucune qualification professionnelle et prennent du plaisir à jouer à ce sale jeu avec Sassou Dénis .

  2. Val de Nantes . dit :

    Eh oui , toujours le même mot  » présidence , »
    Enlever ce mot du pays et le Congo sera le Congo . Il sera tel qu’il sera fait . C’est a dire il est ce qu’il est où tout simplement le vrai Congo …
    Nous ne savons pas en maîtriser le fonctionnement ,car nos passions tristes affectent notre élan patriotique ,d’où ce nécessitarisme présidentiel doit nous déshabiter pour nous retrouver nous mêmes …
    La présidence au Congo ,c’est open bar de tous les possibles .
    La croyance en un démiurge a montré ses bornes .

  3. ANDRE GRENARD MATSOUA dit :

    Le problème ce n’est pas la fonction présidentielle, mais c’est  » LE PRESIDENT « .
    En clair le problème tient de la nature humaine profonde de la personne qui exerce le pouvoir.
    Dans de nombreux pays même africains, des personnes dignes et responsables exercent cette fonction avec clairvoyance et efficacité.
    Pour ne pas trop m’étendre sur le sujet je citerais des hommes comme Paul KAGAME qui fait aujourd’hui de son pays un de paix et de développement.
    D’autres présidents africains aussi exercent avec plus ou moins de brio cette fonction présidentielle à l’instar des pays exemplaires comme le Botswana, le Nigéria, le Ghana etc, etc.
    Même le jeune Tshisekedi en face exerce cette fonction avec plus de discernement que le vieil croco sassou de l’alima.
    Ce que fait Macky SALL au Sénégal aussi est sans commune mesure avec le clan sataniste d’Oyo et ses affidés.
    Chez nous, MASSAMBA-DEBAT a su montrer l’exemple pendant sa mandature en multipliant de nombreuses usines et infrastructures….
    Et si LISSOUBA a été débarqué par Chirac et Satan Nguesso, c’est bien parce qu’il avait une vision nationaliste du développement de son pays.
    Et on peut aussi penser que si JMMM eut accéder au pouvoir à Brazza, il aurait pu conduire notre pays vers des destins meilleurs.

    On peut toujours opposer et argumenter que l’homme providentiel n’existe pas : Mais les KAGAME, SALL, RAJOELINA, MOKGWEETSI, Nana AKUFO-ADDO existent bel et bien.

  4. VAL DE NANTES dit :

    @ANDRE MATSOUA
    Désolé ,vous êtes dans la croyance d’un être parfait au CONGO ,mais je reste attaché au principe de précaution qui me met à l’abri de ce sentiment infantilisant .
    Chercher une aiguille dans une botte de foins ,c’est pénible ,quand il s’agit de trouver ,pour un pays , cet homme idéal .
    Les présidents que vous citez ne transforment nullement les conditions de vie de leurs citoyens . C’est une illusion mentale .
    le bonheur d’un peuple n’est nullement consubstantiel à la présence d’un président actif au sommet d’un pays .
    Le CONGO en a fait l’amère expérience depuis son départ de la caverne coloniale .
    De quoi se disputent KABILA et FATCHI est ce des idées d’accès à la prospérité économique ou le narcissisme présidentiel ?
    Si la FRANCE avait opté pour un pape pour diriger un pays ,toutes ses colonies en auraient fait autant . Le panurgisme cérébral ,peut être ..
    L’expérience politique de ce poste suffit à nous en débarrasser pour une forme allégée et crédible de conduite des affaires publiques …

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