Le 4 avril 2016, une dizaine de jours après la réélection contestée de Denis Sassou Nguesso à la Présidence de la République, les premiers bombardements s’abattaient sur le département du Pool au Congo Brazzaville. Le 4 avril 2017, deux hélicoptères de combat bombardaient la localité de Missafou. Bilan provisoire : 4 morts, 7 blessés. Depuis un an, dans l’indifférence générale, le pouvoir congolais multiplie les atrocités, meurtres, pillages, incendies de villages, viols, arrestations arbitraires, y compris de femmes et d’enfants. En octobre 2016, l’IVERIS s’interrogeait déjà : « combien de temps encore les exactions commises par l’armée et les milices du Président congolais pourront-elles être cachées sous le tapis de la « communauté internationale » et des organisations humanitaires ? Combien de temps encore Denis Sassou Nguesso pourra-t-il rester à la tête d’un Etat qui s’enfonce inexorablement dans une profonde crise militaire, politique, économique et sociale ? » (1) Le temps passe, les questions restent, rien ne change…
Le rapport accablant du département d’Etat
Le 3 mars dernier, le Département d’Etat US publiait un rapport sur la situation des droits de l’homme au Congo Brazzaville (2). Ce document fait état de « disparitions », de « torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » ; il relate la façon dont le gouvernement « a déplacé de force des milliers de civils », a « systématiquement brûlé et détruit environ la moitié des maisons de certains villages de cette région. » Ce rapport reprend le chiffre de 13 000 déplacés donné par le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR), un nombre qui paraît fortement sous-évalué compte tenu de la multiplicité des exactions commises dans la durée ; il n’estime pas non plus le nombre de décès survenus dans le Pool au cours de cette année. Mais qu’importe, cette publication sans concession du Département d’Etat a le mérite d’exister. Lors de sa sortie, elle représentait un grand cri qui déchirait le silence et entrouvrait la porte du huis-clos dans lequel se trouve cette région qui comptait avant les événements environ 300 000 habitants. Elle laissait espérer qu’avec une telle litanie des atteintes aux droits de l’homme, la presse allait reprendre ces informations et sortir enfin du cercle infernal : pas de médias, pas d’humanitaires pour soulager les populations et relayer les horreurs. Elle laissait aussi à penser que les chancelleries occidentales, si promptes à reprendre les positions de l’ami américain, allaient, elles-aussi, dénoncer la situation dans le Pool. Il n’en est rien. Un mois après la publication de ce rapport, après quelques brèves reprises dans la presse : RFI, Libération et l’Opinion, l’espoir est retombé et le manteau épais du silence recouvre à nouveau ce département.
Entre mutisme mortifère et cynisme…
Les ONG et les organisations internationales ne peuvent toujours pas travailler dans ce pays, mais contrairement à leurs habitudes et à leurs attitudes dans d’autres endroits de la planète, elles restent silencieuses et ne publient pas de communiqué pour dénoncer cette situation.
Paris, si rapide pour dégainer les résolutions au Conseil de Sécurité, lorsqu’il s’agit des droits de l’homme en Syrie, reste également étrangement muette sur la situation dans le Pool et plus largement sur les atteintes aux libertés dans tout le pays. Mieux, « la France entend soutenir le Congo en 2017 » (3) ; Jean-Yves le Drian maintient la coopération militaire de défense entre les deux Etats (4). Le ministère de l’Intérieur aussi ; ainsi l’ambassadeur de France à Brazzaville, Bertrand Cochery, a indiqué le 11 janvier dernier que « son pays est prêt à former les policiers congolais dans le cadre de la police scientifique en vue de les aider à parfaire leurs connaissances dans les enquêtes et analyses policières réalisées aux laboratoires. » Dans un pays où les prisonniers décèdent toujours de « mort naturelle » dans leur geôle, où les cadavres des victimes sont jetés à la rivière ou brûlés, gageons que l’utilisation de l’analyse ADN, sera, sans aucun doute, une avancée formidable. Si Paris pouvait mettre la tête dans le sable et faire semblant d’ignorer les exactions de l’armée et de la police congolaise, cela n’est plus possible depuis la publication du rapport du Département d’Etat américain, puisque les responsabilités de ces forces sont clairement dénoncées dans ce document.
Comme la France, l’Union européenne se tait et agit, mais pas pour apporter son soutien aux populations qui se cachent en forêt dans le dénuement le plus total depuis un an. L’UE privilégie l’économie en continuant ses partenariats. Elle vient de lancer la deuxième phase de son projet « renforcement des capacités entrepreneuriales et commerciales », huit milliards de francs CFA sont alloués à 6 000 entrepreneurs (5). Et pour montrer son dynamisme et sa créativité, la délégation de l’UE à Brazzaville lance également un grand concours « Jeunes ambassadeurs du partenariat UE-Afrique 2017 » (6). Gageons que la jeunesse du Pool sera conviée aux festivités.
L’Afrique aussi est muette. Que les chefs d’Etat du continent ne trouvent pas judicieux de s’exprimer sur le sujet n’est guère étonnant. En revanche, que les partis d’opposition d’Afrique centrale comme d’Afrique de l’Ouest n’aient pas publié un seul communiqué pour apporter leur soutien, pour dénoncer les arrestations d’opposants et les massacres au Congo Brazzaville est au mieux incompréhensible, voire consternant. Le panafricanisme, très tendance dans tous les débats actuellement, est une conversation de salon, son drapeau est en berne.
Quant à l’Union Africaine, elle a nommé le Président congolais à la tête du Haut comité de l’UA sur la Libye. En médiateur de la crise libyenne, il souhaite réconcilier le général Haftar et le Premier ministre, Fayez el-Sarradj. Le chemin vers l’entente cordiale à Tripoli est encore long, mais il a mené Sassou Nguesso à Alger où il a eu un entretien avec le Président Abdelaziz Bouteflika. A la suite de cette rencontre, l’homme fort de Brazzaville a déclaré à la presse : que « l’Union africaine soutiendrait une solution inclusive de paix et de sécurité, qui se base sur un fonctionnement normal de l’Etat et sur la reconstruction.» Paix, sécurité et fonctionnement normal de l’Etat… des vœux pieux ?
Enfin pour parfaire cet inventaire des combattants engagés dans la lutte pour la paix et les droits humains, il se murmure que le Pape François s’apprêterait à se rendre début mai dans la capitale de la République du Congo. Après avoir refusé de rencontrer le Président de RDC, Joseph Kabila, mais accepté de recevoir au Vatican, le Président du Rwanda, Paul Kagamé, « grand démocrate » devant l’éternel, le Saint-Père viendra-t-il absoudre Denis Sassou Nguesso ? Qu’à Dieu ne plaise…
Leslie Varenne
Directrice de l’IVERIS
(1) https://www.iveris.eu/list/notes_danalyse/205-afrique_centrale_limpossible_alternance lire aussi « Les massacres du Pool et la politique des trois singes » https://www.iveris.eu/list/tribunes_libres/165-les_massacres_du_pool_et_la_politique_des_trois_singes
(2) https://www.state.gov/documents/organization/265456.pdf
(3) http://www.adiac-congo.com/content/elections-et-securite-la-france-entend-soutenir-le-congo-en-2017-60008
(4) https://cg.ambafrance.org/Signature-de-la-convention-de-gendarmerie
(6) https://eeas.europa.eu/delegations/congo-brazzaville_fr
(7) http://www.rfi.fr/afrique/20170328-congo-brazzaville-algerie-rencontre-sassou-bouteflika-libye
*******************************************************************************
Sauf erreur, bien entendu, il y a fort à parier que la photo ci dessus n’a jamais été prise au Congo.
Un des problèmes justement est l’incapacité des Congolais à démontrer par l’image (ou vidéos) aux yeux des opinions internationales les atrocités commises par la mafia d’Oyo.
Regardez ce qui se passe en Syrie, la vidéo diffusée après l’attaque chimique à déclenchée un tollé international.
C’est ‘BIEN’; jouez toujours, les SINGES con-go-laids de Brazzaville.
Mais croyez-le ou non (comme ceux des IGNORANTS et des petits jaloux paumés qui osaient nous taxer naguère de ‘récupérateurs’; risible), nous vous mettons sérieusement en GARDE:
Le président Donald John Trump n’est PAS le passif tout petit Barack Hussein Obama !
A bon entendeur, cramponnez-vous encore pour un peu. Il n’y a là plus pour très longtemps, cette fois-ci.
Vous n’aurez plus qu’à corrompre vos féticheurs. Allez-y comprendre !
Cette situation est intolérable et insupportable mais tant que nous serons dans le bricolage dans notre stratégie de communication, nous en serons toujours au même point.
Sur le terrain il y a 2 acteurs principaux. Le boucher de Brazzaville et Ntumi. Le premier impose un black-out sur les atrocités qui se déroulent dans le pool. Il connaît l’impact des images sur les opinions publiques nationales et internationales. Il déploiera donc toutes les stratégies possibles et inimaginables pour imposer un huis-clos sur ce qui se passe dans le pool. Il est militaire donc il connaît l’importance d’un département de communication en temps de guerre. La guerre du Vietnam a été en partie perdue lorsque le monde entier a vu cette petite fille brûlée au napalm courir dans les rues de saïgon. Lopinion publique américaine a développé des mouvements de protestation relayés par des stars du cinéma et de la musique. Nixon a été obligé de mettre fin à cette guerre devenue très impopulaire. Nous avons aussi vu l’impact qu’a eu le « vrai – faux charnier » de Timisoara en Roumanie sur la communication des opposants de Nicolas Ceausescu en 1989. La révolution tunisienne n’était-elle pas partie de cette image du jeune homme qui s’était immolé par le feu. Les exemples sont légion. Le bourreau de Brazzaville a donc raison de s’en méfier et d’y accorder la plus grande attention.
Le deuxième acteur c’est Ntumi qui évolue sur le terrain, victime et combattant. Quelle que soit la justesse de son combat il ne prendra pas Brazzaville les armes à la main dans une guerre aussi asymétrique que celle-ci en sa défaveur. Il n ‘a pas le rapport de force en sa faveur, esseulé dans la forêt à la tête d’une résistance composée de combattants sous-équipés et certainement pas au faîte de l’art de la guerre. Sun Tzu ne dit-il pas, je cite, « il ne faut jamais attaquer son ennemi par son point fort. Cela fait plus de 20 ans que Sassou prepare son armée et mercenaires à coup de milliards. Il est fin prêt pour parachever l’oeuvre d’extermination débutée en 1998 (projet Mouebara). Alors Ntumi, au lieu de nous envoyer des selfies, étant sur le terrain devrait nous envoyer des images d’écoles, de dispensaires et des villages brûlés. Il a accès aux médias parce qu’il donne des interviews (Élie Smith et d’autres) et les cartes postales qu’il envoie de temps à autre. Les images participent de la communication de guerre. Celle-ci peut être aussi efficace que les canons surtout à l’heure des smartphones. Les opinions publiques de cette fameuse communauté internationale peuvent faire changer les orientations parfois néfastes de leurs Dirigeants.
Le blâme est donc à mettre sur nous-mêmes si notre cause ne trouve pas l’écho qu’elle mérite (plus de 15 % de la population victimes d’un barbare). Le rapport américain est une publication sur l’état des droits humains dans le monde entier qui leur permet de définir et dimensionner leurs aides. Il est annuel. Nous devons l’amplifier pour le cas du Congo Brazzaville surtout en cette période électorale et la concommittence avec l’actualité syrienne. C’est aux citoyens de chaque pays concerné d’en faire un outil de communication. Il y a un manque criard d’informations et d’images vérifiées et exploitables sur la situation du pool. Ce n’est donc pas surprenant que la couverture soit moindre. Il y va parfois de la crédibilité des médias qui couvrent ce genre de situations.
Sans les images et une communication forte nous n’existons pas !