Après la proclamation de l’indépendance le 15 août 1960,quels sont les problèmes ?

Par Dieudonné ANTOINE-GANGA

L’article « Proclamation de l’Indépendance, quels sont-ils (les problèmes) » ci-joint publié dans la Semaine Africaine n° 413, 9ème année, du dimanche 31 juillet 1960, il y a 62 ans, reste d’actualité. Je me permets de nous le faire partager.

« Problème du chômage d’abord, qui condamne à la misère toute une jeunesse élément vital et essentiel pour l’émancipation sociale et économique d’un pays. Problème de la faim qui est non seulement une conséquence du premier, mais encore celle des salaires trop bas pour les masses laborieuses. Sur le plan agricole, rien non plus ne va. Certes, un pas peut-être a été franchi, mais n’y avait-il pas lieu d’en faire deux ? C’est cela précisément que nous souhaitions… L’argent manque. C’est également vrai. Pourtant nous rappelons qu’un sage a dit : « Si j’avais le peu que vous avez, je ferais des merveilles » … Il pouvait bien avoir tort, mais le tout n’est-il pas de savoir employer ce qu’on possède ?

Certains critiques trouvent que nous avons fait plus de politique que de travail. Il ne nous appartient pas de discuter les affirmations. Tout ce que je peux dire est qu’un travail en profondeur eût été préférable à certaines initiatives qui ont vécu le temps d’une propagande…

Beaucoup de services appartenant à l’intérêt public restent encore tels que nous les avons trouvés. En France, pays capitaliste, des services comme les transports ont été nationalisés. Non pas que l’économie du pays d’emblée s’en ressente, mais l’intervention a au moins le mérite de corriger certaines erreurs…

Le gouvernement ne gagnerait-il pas à prendre en main certaines entreprises d’intérêt public, dont le monopole laisse trop de place aux fantaisies et pèse sur les usagers ? Fantaisies quand nous nous rappelons qu’au Congo par exemple le service de transports : Sata, R.T. doublent leurs tarifs la nuit, parce que c’est la nuit, comme si la nuit, les distances s’allongeaient… Nous n’avons pas fait des études de comptabilité pour y comprendre quelque chose. Mais avouons que ce genre de calcul choque la logique, surtout la logique simpliste…

Tout cela changera peut-être. D’ici là toutefois, nous ne devons pas perdre de vue que la mentalité de nos populations comporte deux caractères essentiels souvent imprévisibles dans leurs manifestations : la passivité et le fatalisme.

Nous saluons avec joie notre indépendance. Mais est-ce que tout le monde sait que nous serons bientôt indépendants ? On a l’impression que seuls les groupes intellectuels sont avertis. Dans certains Etats d’ailleurs, toutes les régions ne reçoivent pas la même sollicitude de la part de ceux qui sont « les pasteurs du troupeau. » Que craint-on ? Ce n’est pas pourtant le fonds patriotique qui manque à ces populations abandonnées. Bientôt, nous serons indépendants, et ces régions ne connaissent pas encore leur « Chef » …

Il y a au seuil de notre indépendance, des mécontentements, plus ou moins fondés. Nous n’avons pas cherché à les corriger. Mais il ne fallait pas non plus les étouffer sans autre explication… Avec l’indépendance, les Constitutions se devront d’être retouchées. Des coups de ciseaux sont pareillement nécessaires dans les équipes politiques constituées. « Que les couturiers retournent à la couture » disait un confrère de l’enseignement que j’aimais beaucoup en fait justement du sens qu’il avait fait du choix positif….

Nous célèbrerons l’indépendance dans l’allégresse. Il n’en sera pas autrement. Les rues seront pavoisées non pas de cadavres, mais de drapeaux, battant au vent. Il n’en sera pas autrement. Car nous, nous comprenons ce qu’est l’indépendance…

Quelle sera notre attitude vis-à-vis des puissances étrangères ? Notre présence dans la Communauté l’explique en partie. En partie seulement car nous ne devons pas nous méprendre. Si nous avons décidé de rester avec le bloc occidental, nous n’y restons non pas comme des sujets d’un ensemble de puissances économiques qui nous exploiteraient, mais parce que nous avons constaté que la culture occidentale, inspirée du christianisme demeure, malgré les abus dont nous avons été victimes, la seule manière de vivre qui respecte la personne humaine et permette de vivre dans la liberté.

Nous pourrons peut-être signer des accords culturels et commerciaux avec les puissances qui se réclament soit du neutralisme, soit du socialisme avoué, mais nous ferons en sorte que ces accords n’aliènent pas notre ligne de conduite politique. Il y aura ces accords parce que nous ne pouvons pas vivre en dehors du marché mondial. Et ma foi, ce marché mondial est desservi par toutes les puissances sans distinction de doctrine ou d’idéologie. »

Décidément, comme disaient les Romains « nihil novi sub sole », c’est-à-dire qu’il n’y a rien de neuf sous le soleil. En 63 ans de République et en 62 ans d’indépendance, les mêmes problèmes demeurent de manière récurrente. Faisons le bilan pour savoir si nous avons développé notre pays, ou si nous avons stagné, ou encore si nous avons régressé. En tout cas, je nous laisse, nous les Congolais, y répondre, chacun en conscience, que l’on soit du Nord, du Sud, du Centre, de l’Est ou de l’Ouest ; que l’on soit de tel ou tel autre parti politique ; que l’on soit croyant, chrétien ou athée. Car les problèmes évoqués dans cet article nous touchent tous, sans exception : « le problème du chômage qui condamne à la misère toute une jeunesse, élément vital et essentiel pour l’émancipation sociale et économique d’un pays ; le problème de la faim qui est non seulement une conséquence du premier, mais encore des salaires trop bas pour les masses laborieuses ; sur le plan agricole, rien non plus ne va. » A ce propos, qu’est-il advenu de nos entreprises comme l’Office de Commercialisation des Produits Agricoles (l’O.N.C.P.A.), l’Office National de Commerce (l’OFNACOM), la Régie Nationale des Travaux Publics (R.N.T.P.), le Chemin de fer Congo-Océan (C.F.C.O.), jadis épine dorsale de l’économie de notre pays, l’usine textile de Kinsoundi (SOTEXCO), l’Huilka, l’usine du foufou de Mansumba, Socavilou, Chacona, l’usine des allumettes de Betou, etc. qui nous ont été pourtant légués et que nous avons pourtant construits et pris en mains ?

 Certains sujets évoqués dans cet article nous interpellent donc. Faisons-en des pistes de réflexion qui pourront nous amener à rectifier le tir afin de trouver des solutions adéquates aux problèmes épineux que notre pays et notre peuple connaissent. Nous avons trop donné la priorité à la politique politicienne, et non au Congo. Nous n’avons pas empêché la politique de contrecarrer la bonne marche de notre pays. A ce propos, qu’il nous souvienne ce qu’avait affirmé le Président Alphonse Massamba-Débat « quand la politique empêche l’administration de fonctionner, le pays stagne. » Comme nous avons oublié aussi que l’engagement politique est au service du bien commun et non de son bien propre. Comme nous avons enfin foulé aux pieds, le principe cardinal de fructifier l’héritage légué par nos aînés.

D’autre part, pour garder nos privilèges et autres avantages acquis grâce à la politique, nous avons favorisé la culture du mensonge, de la calomnie, de l’exclusion, du tribalisme, du clientélisme, du régionalisme et de la violence ; nous avons fissuré l’unité nationale, détruit le tissu social, abattu des arbres fruitiers et du bétail, saccagé et détruit des villages, les gares du C.F.C.O., des infrastructures administratives, sanitaires, scolaires et religieuses ; nous avons détruit la paix, condition sine qua non pour le développement de tout pays ;  enfin nous avons laissé se développer les anti-valeurs dont la corruption qui risque de devenir une ‘’gangrène’’ et que l’Etat et l’Eglise dénoncent heureusement et inlassablement avec vigueur.

Pourtant l’argent ne nous a pas manqué. Par exemple, Il nous a servi à construire certaines infrastructures, (reconnaissons-le). Mais avons-nous construit en même temps l’homme congolais et consolidé la Nation qu’avaient commencé à construire, les Président Abbé Fulbert Youlou et le Vice-Président Jacques Opangault ?

 En conclusion avec l’auteur de cet article de la Semaine Africaine « rappelons qu’un sage a dit : « Si j’avais le peu que vous avez, je ferais des merveilles. Avait-il tort ? Mais le tout n’est-il pas de savoir employer ce qu’on possède » et de fructifier l’héritage que l’on nous a légué afin d’en faire bénéficier les générations futures et la jeunesse, la pépinière de notre pays ?

Dieudonné ANTOINE-GANGA

Ancien Ministre des Affaires étrangères du Congo-Brazzaville

Diffusé le 26 août 2022, par www.congo-liberty.org

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8 réponses à Après la proclamation de l’indépendance le 15 août 1960,quels sont les problèmes ?

  1. Pambou lucien mkaya mvoka dit :

    De qui et de quoi parle t-on monsieur le MinistreMr sans manquer d egards a vous l homme et a votre ancienne fonction permetez moi de faire les remarques suivante

    1: en vous lisant sur congo liberty on a l impression que vous avez peur d exprimer les solutions credibles et reelles pour sortir le congo de son marasme

    2/Vous esquissez des analyses qui s inspirent du passe /quelle est votre reelle position sur les institutions actuelles et sur la gouvernance economico politique/rien de neuf sous le soleil et on ne peut secontenter de declamations

    3: vous reproduisez ce que nous aimons pas tous le bavardage pour rien

    4: le president Sassou connait les sachants congolais specialistes de bavardage et il en en rigole
    cdlt et bonne soiree

  2. Samba dia Moupata dit :

    Merci beaucoup ,ya Nganga pour cette démonstration comme quoi le projet État Nation mis en place par Youlou Fulbert et Massamba Débat a été définitivement enterré par Sassou Dénis qui prône l’état nation Mbochi ! Tenez Youlou avait comme vice président Opangot et comme directeur de cabinet Letembet Ambili , Massamba Débat avait comme ministre des finances de Mossaka Ebouka Babakas et un chef d’état Major de Ouesso Ebadpe Damas ce dernier a était créé des usines jusqu’à Betou dans la Likouala , chose inimaginable avec le Mbochi Sassou Dénis et son idéologue Obenga Théophile neveu d’Opango .

  3. Anonyme dit :

    M. Pambou Lucien,
    Le ministre Ganga, dans cet article nous démontre que nous n’avons rien fait depuis l’indépendance; Les questions que s’étaient posées la Semaine Africaine en 1960, demeurent ou se sont empirés. Oui rien de neuf sous le soleil, car les problèmes demeurent. C’est pourquoi le Ministre Ganga nous invite à réfléchir afin de trouver des solutions pour développer notre pays en enrayant le tribalisme, le népotisme, la misère, la pauvreté, etc.
    Non je ne pense pas que le Ministre Ganga ait peur d’exprimer des solutions crédibles. Il écrit tout haut ce qu’il pense. Vous vous illustrez dans la critique facile. Proposez-nous une stratégie sûre pour évincer Sassou.
    Mes félicitations, monsieur le Ministre Ganga pour votre courage et pour vos opinions. Né vous occupez pas des trompettes de Jéricho, comme M. Pambou qui viennent nous divertir. Continuez à dire ou à écrire ce que vous pensez.
    Meso ma Nkombo;

  4. Samuel Noko dit :

    Le pays n`a jamais eu l`indèpendance. Le nom est toujours Congo Brazzaville. Qui n`arrive pas a comprendre cela ? Le colon à tout juste changer sa tenue en uniforme policiere et militaire. Les chaines en fer ont ètè remplacè en Franc CFA. Un pays indèpendant produit sa propre monnaie chez-soi. Une monnaie d`une valeur comme le dollar Americain ou l`Euro. Si Fulbert Youlou avait quittè le titre prèsidentiel, c est parce que il etait en conflit avec Charles de Gaulle. Fulbert Youlou voulait etablir la production monnetaire dans la nation. Charles de Gaulle n etait pas d`accord. Parce que il voulait garder le Congo Brazzaville en etat de colonie Francaise. Allez-y comprendre.

  5. le fils du pays dit :

    Comment voulez vous que les choses changent si vous avez un pantin a la tete du Congo qui est la pour servir les interets de ses maitres et s’enrichir lui meme de facon illicite.Ils ont fait assassiner le president Massamba Debat,l’unique qui pensait travailler pour le bien du Congo entier.Regardez comment le systeme de Mr Sassou et ses caciques ont transforme le tresor public en moulin a foufou qu’ils vidangent systematiquement.Il faut etre mauvais dans la gestion de la chose publique et etre habite par l’esprit diabolique pour siphonner cent milles milliards de petrocfa.Brulant ainsi toutes les chances du Congo d’avancer

  6. le fils du pays dit :

    Un pays de deux millions d’habitants puisque la majorité sont les étrangers qui gonfle le faux chiffre de quatre millions.Bref en réalité la population Congolaise n’est que de deux millions de personnes.Donc,avec les revenus de cent milles milliards bien gérés et bien alloués pour les projets d’intérêt général tel qu’un programme annuel de construction sur tout l’ensemble du pays de cent milles logements sociaux.On aurait logé les populations dans les conditions dignes et on aurait réduit les soixante ans de déficit en logements.Voila un groupuscule de pirhanas -Oyocrates qui brûle toutes les chances du pays d’avancer.
    Ils ont transformé le trésor public en moulin à foufou qu’ils vidangent systématiquement.

  7. christian Biango dit :

    Congo – Brazzaville, dis-moi de qui tu es le nom et je te dirais d’où est l’origine de tes malheurs?
    Je rappelais à un juriste congolais, que les grandes entourloupes que furent le référendum de la communauté française du 28 septembre 1958 et la proclamation de la République du 20 novembre 1958 imposées par le général De Gaulle, sont les causes principales méconnues à dessein par les congolais. L’ignorance couplée à la naïveté est le pire des cauchemars dans le cadre d’un projet collectif de celui de construire une Nation. Savons-nous pourquoi sommes-nous congolais et que voulons-nous assumer dans l’exigence des Droits et des Devoirs? Je suis convaincu que les congolais se fichent de l’avenir tout simplement parce qu’ils n’ont jamais eu un passé commun, l’idéologie Marxiste – Léniniste ayant finit de liquider tout espoir dans les violences et les intolérances.
    Le seul salut passera par une fête de la Libération, et non plus par la fête de l’indépendance du 15 août 1960!

  8. Val de Nantes dit :

    Grosse validation@ Christian.Décidement ,tu es très en forme.Comme dirait mon grand penseur Kant  » : c’est bien ‘ ».
    En effet , c’est l’une des explications causales de la perdition du Congo dans son parcours de développement économique..
    Ces institutions surannées ont désorienté le Congo dans sa quête efficiente des solutions économiques susceptibles de s’appuyer sur un paradigme économique cohérent ,qui réponde aux potentialités des richesses éparses dont disposent les territoires congolais…
    L’idée d’unifier une gestion des ressources économiques , financières et humaines d’une nation est synonyme de prison dont la clef de sortie est détenue par une personne qui n’est autre qu’un président de la république. .
    Voilà l’illusion monumentale qui a caractérisé l’ensemble de la pensée post coloniale… Nous devons en changer pour retrouver notre idéal humain ou le  » kimutu ».
    Aux juristes congolais de se mettre à jour des nouvelles obligations institutionnelles , tournées vers le besoin économique d’une nation .seul critère objectif d’un progressisme réel…
    J’adore ta tendance à transgresser l’ordre préétabli .Merci , frangin tu me remontes souvent le moral …

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