A quoi servent ces banques qui exhibent les devantures de leurs sièges sociaux dans le centre de Brazzaville ?

Lorsqu’on débarque à Brazzaville, on est frappé par une série de phénomènes qui vous sautent aux yeux. Parmi ces phénomènes, la pollution sonore et olfactive et la saleté sont maximales. La densité de la population au m2 paraît extravagante. Il suffit d’observer le nombre de personnes qui sortent de chaque parcelle tous les matins pour s’en apercevoir. Les files d’attente devant les stations-services offrent un spectacle désolant. Il faut corrompre un employé ou un responsable pour espérer pouvoir se servir en carburant. On croit rêver ! Toutes les rues des quartiers populaires sont devenues des marchés et des ateliers à ciel ouvert et à déchets débordants. Pas une seule parcelle ne manque d’exposer devant elle, en pleine chaussée, son étale de charbon, de beignets, d’huile, de poissons fumés ou salés… ou son atelier de mécanique, de soudure ou de fabrication de casseroles.  Les marchés de la ville n’ont plus de périmètre défini. Ils s‘étendent sans limite tout au long des rues qui les entourent et bien au-delà dans un désordre et un fracas indescriptible.

A côté de ces phénomènes liés directement à la dureté de la vie quotidienne des gens, il y en a un qui défie l’entendement : la prolifération des établissements bancaires. Et donc fatalement on s’interroge, mais à quoi servent-ils tous ces établissements bancaires ?  Cette question renferme en réalité une série d’autres questions. De quoi vivent-ils ces établissements bancaires ? Comment financent-ils leurs frais de structure ? Quelle rentabilité réalisent-ils ou espèrent-il réaliser dans un pays ruiné où la majorité peine à manger une fois par jour ?

Sans prétendre à l’exhaustivité et sans citer les banques centrales et celles dites de développement, au centre-ville de Brazzaville vous rencontrerez la Banque postale du Congo, la Congolaise de banque (LCB), la Société générale Congo, la banque congolaise de l’habitat (BCH), le Crédit du Congo, la Congolaise de microfinance, l’Eco Bank, le KIMEX International, le Groupe Charden Farell, l’United bank of africa (UBA), la Banque commerciale internationale, la BGFI Bank, la Caisse congolaise d’épargne et de crédit, la Société d’épargne et de crédit du Congo (SODECCO), les Mutuelles congolaises d’épargne et de crédit (MUCODEC), le Crédit MUPROCOM, la Banque espirito Santo Congo (BESCO) et, la fameuse Banque sino-congolaise pour l’Afrique (BESCA).

Alors, encore une fois, à quoi servent toutes ces banques ?

Dans un pays normal, les banques constituent un instrument de l’économie. Elles financent les ménages et les entreprises. Elles créent de la monnaie en faisant circuler les capitaux. Elles sécurisent et valorisent l’épargne des particuliers et des entreprises. Au Congo le taux de couverture bancaire des ménages est très faible. Les habitants ne disposent pas, dans leur écrasante majorité, d’un compte bancaire. Les seuls qui devraient posséder un compte bancaire de façon systématique se sont les fonctionnaires et autres supplétifs de l’Etat. Dans la réalité, cette population n’est pas davantage intégrée dans le circuit bancaire. De fait, l’activité bancaire de dépôt est quasi inexistante. Les mamans qui vendent sur les marchés ne déposent pas leurs recettes sur des comptes de dépôt bancaires. Au final, l’activité de dépôt bancaire ne peut pas générer suffisamment de flux de liquidités pour la multitude des établissements présents.

Les entreprises ne sont pas plus intégrées dans le circuit bancaire. Les entreprises du secteur informel qui sont les plus nombreuses et qui emploient le plus grand nombre de personnes ne bénéficient d’aucun mécanisme bancaire adapté. Celles du secteur formel restent dans leur grande majorité exclues du système bancaire. Curieusement, même lorsqu’elles participent à des appels d’offres de l’Etat et de ses satellites, le paiement de leurs factures se fait devant le seul guichet du trésor public.

En plus de ne pas attirer beaucoup de clients qui pourraient leur assurer des dépôts, les banques installées au Congo surprennent par leur attitude à l’égard du crédit bancaire. Ni les ménages, ni les entreprises ne bénéficient du crédit bancaire. Même les entreprises qui présentent des garanties économiques et financières solides ne peuvent prétendre au bénéfice d’un crédit pour leurs investissements. Et, pour celles qui y parviennent, c’est au prix d’une corruption active au profit des agents et des dirigeants de ces établissements bancaires. La maxime semble être la suivante : celui ou celle qui ne connait personne dans une banque et qui ne peut corrompre en rétrocédant une partie (10%, 20%, 30%…) du crédit escompté ne peut bénéficier d’un crédit bancaire.

Cette situation est économiquement aberrante. Des banques qui n’ont pas de clients pour assurer des dépôts et qui dissuadent ceux qui pourraient prétendre au bénéfice d’un crédit bancaire. De façon très cynique et présomptueuse, Patrick Obamby, directeur général adjoint de la banque à capitaux officiellement mixtes chinois et congolais, la BSCA, annonçait dans une interview à l’agence de presse chinoise Xinhua publiée par Chine Magazine le 21 août 2018 que « nous avons lancé les produits qui permettent à n’importe quel Congolais d’avoir un compte en banque ». Monsieur Obamby, comme tous ceux de son espèce, énonce des choses totalement déconnectées de la réalité, dans une sorte de masturbation intellectuelle dont ils ont déposé et détiennent jalousement le brevet. En effet, combien de congolais sont aujourd’hui titulaires d’un compte bancaire ?

De quoi vivent alors ces banques sans clients et sans activité ? Elles présentent pourtant le visage d’institutions opulentes. Leurs sièges sociaux sont flamboyants devant des routes éventrées et des caniveaux marécageux et puants. Mais comment font-elles ces banques ? A cette question, il n’y a qu’une seule hypothèse valide. A l’évidence, elles ne font pas de la banque. Elles font autre chose. Elles font du circuit parallèle, de l’économie souterraine et du blanchiment. Elles servent à dissimuler les flux de la criminalité organisée, de la corruption, du détournement de fonds publics, du trafic d’influence et de la prise illégale d’intérêts. Elles servent à réinjecter dans les circuits financiers légaux et réguliers internationaux les butins des transactions mafieuses qui ont ruiné le quotidien et l’avenir d’un peuple. Ces banques ne sont que des lessiveuses !

Serge-William Tonga

Diffusé le 16 aout 2022, par www.congo-liberty.org

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6 réponses à A quoi servent ces banques qui exhibent les devantures de leurs sièges sociaux dans le centre de Brazzaville ?

  1. Oléli dit :

    Au frère Tonga

    Merci de cet article dense que j’ai lu avec gourmandise (et colère). J’attendais de lire la réponse à la question posée dans le titre: à quoi servent ces banquet?
    La conclusion de l’article dit tout. Ce dernier paragraphe du texte étale tout le mal profond congolais: le crime organisé, la mafia, la corruption sciemment organisée et entretenue, les detournements des fonds publics (et privés , comme ces 10% , 20% de retro en cas d’obtention d’un credit par un particulier dans l’une de ces banques). Les auteurs et Organizateurs de ces faits sont les mêmes bourreaux et gangs en costumes-cravates qui ont pris le Congo en otage à ciel ouvert (avec des tonnes d’armes importées de Chine, d’Ukraine, d’Israel, de France, …)

    La description du décor de vie dans les rues de Brazzaville ma ville de residence quotidienne donne à ce texte une profondeur ivresque. Je croyais lire un bouquin de pure fiction, pourtant William Tonga décrit ici des réalités de tous les jours ici au Congo Brazzaville.
    Grosse validation à ce texte.

  2. Delbar dit :

    Le rôle des banques est le même que dans tous les pays qui ne sont pas des états de droit et où la corruption règne.
    Elles sont les complices de ceux qui pillent les deniers publics et appauvrissent la population.
    Dans un état de droit, elles sont devenues les alliées de l’administrations qui traquent
    l’argent sale ( exemple en France : Tracfin)
    Pour vous indiquer ma situation en tant qu’avocat : lorsque je reçois des fonds sur mon compte tiers de la part d’un adversaire, je dois justifier à la banque la provenance et éventuellement les décisions de justice, avant qu’ils soient transmis à mon client.
    Les Notaires Français ne peuvent plus recevoir d’espèces, ni de chèques mais seulement de virements !

    Mais avant de rendre les banques vertueuses, il faut que le pouvoir le soit.

  3. Prince Albert dit :

    Avec cet excellent article, congo-liberty apporte une contribution essentielle à la compréhension du système mafieux qui a été imposé au peuple congolais. Dans les enquêtes policières aux USA, il y a un principe de base : follow the money ! A Brazzaville, il ne faut pas aller bien loin !
    Encore une fois « Bravo à l’auteur  » !

  4. Samba Dia Moupata dit :

    Mais rien ne fonctionne au Congo ! Ces banques ne sont que des lessiveuses des transactions mafieuses vers l’Occident , a l’instar de la BGFI qui a pour président du conseil d’administration Jean Dominique Okemba un analphabète notoire ! D’ailleurs cette fameuse banque n’accorde des crédits qu’aux jeunes Mbochis affairistes mafieux comme Okessi Richard, Yela Ngakosso colonel dans la milice de Sassou, Colonel Iloki, Evariste Odongo, Guy Bouala, Romy Oyo ou encore Ngassakis Ferolles ect …Surtout interdiction de crédits aux jeunes affairistes koongo !

  5. Xavier dit :

    Excellente analyse qui en fait n’est que le reflet de la realite

  6. Anonyme dit :

    Une banque sert à financer l activité économique le fait qu elle soit informelle au Congo cela ne peut permettre a une banque de prendre de l expansion au Congo les banque géré l épargné et les comptes courants des ménages le crédit et très faible produits majeur des banques.je voulais dire que la République c est le respect des valeurs communes avant l idéologie.

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