28 Novembre : Problématique de la réhabilitation d’une fête nationale commémorant la proclamation de la République du Congo

Malgré la promulgation depuis l’année dernière de la Loi N°18-2010 du 27 Novembre 2010 décrétant la date du 28 Novembre de chaque année journée fériée, chômée et payée sur toute l’étendue du territoire national congolais, en commémoration de la proclamation de la République du Congo survenue un certain 28 Novembre 1958 à Pointe-Noire, alors capitale territoriale du Moyen-Congo sous tutelle coloniale française. Force est de constater aujourd’hui, avec le recul du temps que, la célébration de cet événement stipulé à l’époque par la Loi N°42-59 du 02 Octobre 1959, abrogé depuis le changement d’orientation politique découlant de « la révolution des 13-14 et 15 Aout 1963 » et, longtemps occultée par les vicissitudes de l’histoire politique tumultueuse de notre pays, demeure encore méconnu et  ignoré  dans la conscience individuelle et collective nationale.

Sur la base de quelques documents d’archives officiels inédits, nous allons tenter de rendre hommage à l’antériorité et de faire œuvre utile a la postérité, en procédant à la restitution de la quintessence du contexte historique ayant prévalu a l’époque de la proclamation de la République du Congo, qui avait précédé  l’investiture de l’abbé Fulbert Youlou d’abord en qualité de premier-ministre, chef du gouvernement provisoire avant son élévation à la magistrature suprême, dans la perspective de l’accession du Congo-Brazzaville à la souveraineté, suivi de l’adoption par l’assemblée territoriale alors érigée pour la circonstance en assemblée législative, d’une série de lois constitutionnelles portant notamment sur l’organisation des pouvoirs de la République du Congo et le  transfert à titre provisoire de la capitale politique et administrative de la République du Congo, de Pointe-Noire à  Brazzaville.

Suite à l’avènement de la Loi-cadre relative à l’autonomie interne des colonies française d’Afrique  et, dans la perspective de la modification du statut des différents territoires relevant des fédérations de l’AEF et de l’AOF appelés a accéder devenir des Républiques en prévision des indépendances, le paysage politique congolais à l’origine dominé par le coq socialiste du MSA de Jacques Opangault, la panthère du PPC de Jean Félix-Tchicaya et le caïman de l’UDDDIA de l’Abbé Fulbert Youlou, connaitra une profonde recomposition, avec la constitution de deux grands blocs antagonistes représentés d’une part par:

Ø  La coalition MSA/PPC & apparentés regroupant les deux anciens adversaires traditionnels locaux aux élections législatives française, à savoir : Maitre Jacques Opangault, président du MSA affilié à la SFIO et Jean Félix-Tchicaya, député a l’assemblée nationale Française, président du PPC à l’origine section locale du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) au Moyen-Congo;

Et d’autre part par :

Ø   L’alliance UDDIA-RDA/UMC dirigé par l’Abbé Fulbert Youlou, qui supplantera le PPC au sein du RDA, en tant que section locale du Moyen-Congo, suite à la défection du député Jean Félix-Tchicaya.

Au niveau institutionnel, la répartition des sièges était quasiment paritaire entre les deux principales forces politiques de l’époque aussi bien à l’Assemblée Territoriale, dans les proportions de 23 pour la coalition MSA/PPC & apparentés et 22 pour l’alliance UDDIA-RDA/UMC, sur un total de 45 sièges, qu’au Conseil de gouvernement issu de la Loi-cadre, dirigé par Maitre Jacques Opangault en qualité de Vice-président, secondé par l’Abbé Fulbert Youlou (Ministre de l’agriculture, des eaux et forêts chargé de la météorologie), avec 5 ministres MSA et apparentés pour 5 ministres UDDIA-RDA et alliés, la présidence étant dévolue de droit et a titre honorifique au Gouverneur Chef de Territoire.

Dans le cadre de la campagne référendaire sur la communauté proposée par le General Charles de Gaulle en date du 24 Aout 1958 à Brazzaville, les leaders politiques de tous bords mènerons activement campagne pour un « oui » massif des populations de l’AEF et du Moyen-Congo, qui accueillerons avec  enthousiasme  cette nouvelle promesse de modification du statut des différents territoires du grand empire colonial français d’Afrique, sur le droit file des recommandations de l’historique conférence de Brazzaville de 1944.

Du coté du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), un manifeste  entre autre signé par l’Abbé Fulbert Youlou, Stéphane Tchitchelle et l’ancien sénateur Pierre Goura, pour le compte du Moyen-Congo fut rendu public dés le lendemain 25 Aout 1958, stipulant entre les lignes que :

« …Considérant que la déclaration du General de Gaulle offre aux territoires pour leur nouveau statut, face aux options qui leur sont ouvertes, l’éventail de tous les choix possibles, y compris l’indépendance immédiate ou à terme, prend acte de….Et, en conséquence, s’engage à demander aux populations africaines de voter massivement « oui » au referendum ».

Dans  le même ordre d’idée, un protocole d’accord sera signé à Pointe-Noire entre le MSA et le PPC, en vue de recommander ensemble le « oui » au referendum. Ainsi donc, il sera consensuellement constitué à Pointe-Noire, un comité d’action civique en faveur du referendum réunissant sans distinction tous les principaux leaders politique de l’époque, dont Jean Félix-Tchicaya, Jacques Opangault, Pierre Kikounga-Ngot, l’Abbé Fulbert Youlou, Stéphane Tchitchelle, Pierre Goura, Aubert Lounda, Jean Malonga, Emmanuel Dadet, etc…

De leurs coté, le Makoko, Roi des Batéké et le Maloango, Roi des vili prendront également position, à titre symbolique, pour le « oui ». D’où, au regard de ce qui précède tous les ingrédients étaient réunis pour permettre aux populations du Moyen-Congo d’approuvé par un « oui » massif le régime de la  communauté proposé par le General Charles de Gaulle, à l’appel unanime de leurs différents leaders politiques. Donnant ainsi libre cours à l’Assemblée Territoriale du Moyen-Congo, d’entériné les résultats de ce scrutin référendaire, au cours de sa séance plénière du 28 Novembre 1958, par l’adoption quasi unanime de la délibération portant création de la République du Congo, que voici :

DELIBERATION N 112-58

ERIGEANT LE TERRITOIRE DU MOYEN-CONGO EN ETAT MEMBRE DE LA COMMUNAUTE

ET PORTANT CREATION DE LA REPUBLIQUE DU CONGO

L’ASSEMBLE TERRITORIALE DU MOYEN-CONGO, DELIBERANT EN SA SEANCE PLENIERE

 A POINTE-NOIRE, LE 28 NOVEMBRE 1958, A 11 HEURES 30.

Vu le décret du 25 Octobre 1946,

Vu la loi N°52-130 du 6 Février 1952,

Vu le décret N°57-460 du 4 Avril 1957.

Prenant acte de l’approbation unanime donnée par les populations du Moyen-Congo à la Constitution du 4 Octobre 1958, exprimée lors du referendum du 28 Septembre 1958 par 339 436 suffrages contre 2 131.

Conformément a la dite Constitution, et notamment a son article 76.

Conformément à l’Ordonnance d’application N°58-913 du 6 Octobre 1958.

Consciente de ses hautes responsabilités envers les populations qu’elle représente.

Soucieuse de décider, par acte de libre détermination, des institutions nouvelles offertes par une Communauté fondée sur l’égalité et la solidarité des peuples qui la composent.

Certaine de répondre au vœu des populations du Moyen-Congo pour une évolution démocratique, dans le respect des droits de chacun.

A DELIBERE ET ADOPTE :

Article 1er : Le Territoire du Moyen-Congo manifeste sa volonté de devenir un Etat membre de la Communauté, créée par la Constitution du 4 Octobre 1958.

Article 2 : L’Etat Autonome du Moyen-Congo prend le non de REPUBLIQUE DU CONGO.

Article 3 : La République du Congo se déclare prête à établir, en accord avec les Territoires ou Etats de l’AEF et de la Communauté, les liens nécessaires a une solidarité commune et a une harmonieuse coordination.

Le Président,

Christian JAYLE.

DETAILS DU SCRUTIN DU 28 NOVEMBRE 1958

RELATIF A LA PROCLAMATION DE LA REPUBLIQUE DU CONGO

 

POUR LES VOTANTS

Messieurs; Abele, Bany, Batchy, Bazinga, Bokangue, Boungou, N’Deko, Djouboue, Fourvelle, Gaboka-Lheyet, NGamissimi, Gandzion, Garnier, Goyi, Ibalico, Jayle, Kerherve, Kiafouka, Kibanghou, Kibath, Kikhounga-Ngot, Koumbou, Langevin, Mahe, Makaya, Malanda, Malonga-Nkounkou, Mampassi, Mobambi, Mougagny, Mouanda, Nardon, Niamankessy, Obongui, Okomba, Opangault, Pouy, Sevely, Tchitchelle, Tsoumou, Vial, Yambot, Youlou, NZonzi.

Fait à Pointe-Noire, le 28 Novembre 1958

Le Président,

Christian JAYLE.

 

 

 

 

Après avoir participer unanimement au vote de la délibération N°112-58 portant création de la République du Congo, avec leurs collègues députés de l’UDDIA-RDA et alliés, les députés de la coalition MSA-PPC et apparentés déciderons de pratiquer  la  politique de la chaise vide, pour contester le basculement de majorité survenu suite au ralliement du député Georges Yambot au groupe parlementaire UDDIA-RDA/UMC et alliés, au point d’occasionné des remous, rixes et autres bagarres entre les militants des deux forces politiques mobilisés autour du siège de l’Assemblée, alors situé à Pointe-Noire, dans les bâtiments abritant de nos jours l’École Paramédicale Jean-Joseph LOUKABOU jouxtant la boulangerie Gerbe d’or.

Ce qui n’empêchera pas outre mesure la poursuite sans désemparé des travaux de la séance plénière de l’Assemblée, jusqu’à  l’adoption des délibérations N°2 et N°3 suscitée, couronné par l’investiture de l’abbé Fulbert Youlou, comme premier ministre chef du gouvernement provisoire de la République du Congo et, la nomination séance tenante du député- maire de Pointe-Noire, Stéphane Tchitchelle au poste de ministre de l’intérieur, en l’absence notoire des députés du groupe parlementaire MSA/PPC et apparentés, qui viderons délibérément la salle en guise de protestation contre ce qu’ils qualifieront de « débauchage illégal » du député Georges Yambot, élu à Mossendjo dans le département du Niari, sur liste GPES (Groupement pour le Progrès Économique et Social) parrainée par Simon-Pierre Kikounga Ngot, un ancien membre du PPC coopté aussi par le MSA  au temps fort de l’adversité légendaire Tchicaya/Opangault.

 

EXTRAIT DU PROCES-VERBAL RELATIF A L’INVESTITURE DU PREMIER MINISTRE

DE LA REPUBLIQUE DU CONGO

Le Président de l’Assemblée Législative du Congo, communique l’extrait du procès-verbal relatif à l’investiture du Premier Ministre de la République du Congo.

« …Monsieur le Président déclare que, conformément a l’article 5 de la Loi Constitutionnelle N°1, l’Assemblée doit procéder à l’investiture du Premier-Ministre.

« M. Mahé : Il convient de provoquer les candidatures.

« M. le Président : Une seule candidature est déposée, celle de Monsieur l’Abbé Fulbert Youlou.

« Y’ a – t-il d’autres candidatures?

« Aucune autre candidature n’étant déposée, l’Assemblée passe au vote.

« Vingt-quatre Députés sont en séance; vingt-trois prennent part au vote. M. l’Abbé Fulbert YOULOU est investi Premier-Ministre à l’unanimité des vingt-trois votants. »

Le Président de l’Assemblée Législative du Congo

Christian JAYLE.

.

 

DECRET N 58-1 DU 28 NOVEMBRE 1958

PORTANT NOMINATION DU MINISTRE DE L’INTERIEUR

LE PREMIER MINISTRE DE LA REPUBLIQUE DU CONGO,

Vu la Loi Constitutionnelle numéro 1  du 28 Novembre 1958 portant organisation des pouvoirs de la République du Congo et déterminant les conditions de préparation et d’approbation des Lois Constitutionnelles de la République du Congo,

DECRETE

Article 1er : Monsieur Stéphane TCHITCHELLE est nommé Ministre de l’Intérieur.

Article 2 : Le présent décret sera publié au Journal Officiel de la République du Congo.

Fait à Pointe-Noire, le 28 Novembre 1958.

Le Premier Ministre de la République du Congo

Abbé Fulbert YOULOU.

 

Prés d’un demi siècle après, soit 52 ans plus tard, comme par ironie de l’histoire,  les autorités municipale et départementale actuelles de la ville de Pointe-Noire, décideront sous l’autorité du Député Maire Roland Bouity-Viaudo, de procéder à la débaptisassions de certains édifices publics, tel que l’ex avenue de la révolution en Avenue de la République et le carrefour des 7 chemins situé à la lisière du siège de l’arrondissement N°1 Emery Patrice Lumumba et du centre-ville, en Place de la République, dans le cadre de la réhabilitation des festivités commémoratives de la proclamation de la République du Congo, mis en veilleuse depuis les changements d’orientation politique adoptés dans le pays, suite à  la révolution des 13, 14 et 15 Aout 1963.

Au demeurant, il ne serait pas anodin de rappeler  pour l’histoire que  la ville de Pointe-Noire, considérée à juste titre comme le berceau de la République du Congo, avec pour premier Maire autochtone élu démocratiquement au suffrage universel indirect Stéphane Tchitchelle (1956-1963) fut la capitale territoriale du Moyen-Congo jusqu’à  la date du 28 Novembre 1958. Tandis que Brazzaville qui avait pour premier Maire autochtone  l’Abbé Fulbert Youlou fut  d’abord la capitale de la France Libre désignée après Alger  par le General Charles de Gaulle, sous l’emprise de la 2e guerre mondiale, puis capitale fédérale de l’AEF, avant de devenir « provisoirement » à partir du 28 Novembre 1958 jusqu’à nos  jours, la capitale politique et administrative de la République du Congo, sur la base du texte de loi suivant :

 

LOI CONSTITUTIONNELLE N°2 DU 28 NOVEMBRE 1958

FIXANT PROVISOIREMENTA BRAZZAVILLE LE SIEGE DE L’ASSEMBLE LEGISLATIVE ET DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE LA REPUBLIQUE DU CONGO

L’Assemblée Législative du Congo

A DELIBERE ET ADOPTE,

Le Premier Ministre de la République du Congo promulgue la Loi dont la teneur suit :

Article 1er : Le siège de l’Assemblée Législative et du Gouvernement Provisoire de la République du Congo est fixé provisoirement à Brazzaville.

Article 2 : La présente Loi sera exécutée comme Loi d’Etat et publiée au Journal Officiel de la République du Congo.

Fait à Pointe-Noire, le 28 Novembre 1958.

Le Premier Ministre de la République du Congo

Abbe Fulbert YOULOU.

 

En définitif, au regard de ce qui précède et tenant compte de l’élan de révisionnisme historique que connait actuellement notre pays suite au transfert et à la ré-inhumation des restes de l’explorateur Français d’origine Italienne Pierre Savorgnan de Brazza dans un somptueux mémorial construit à Brazzaville, l’érection des monuments de haute facture en mémoire des  principales icones de l’histoire politique du Congo-Brazzaville, tels que :  Maitre Jacques OPANGAULT, l’Abbé Fulbert YOULOU et le Commandant Marien Ngouabi à Brazzaville, du Député Jean FELIX-TCHICAYA et de Joseph POUABOU (premier Président de la Cour Suprême  du Congo assassiné en 1965 avec Matsokota et Massouemé) à Pointe-Noire, d’ André-Grenard MATSOUA à Kinkala, etc… Ponctué par la récente réhabilitation de la fête nationale commémorant la proclamation de la République du Congo, le 28 Novembre de chaque année, sur toute l’étendue du territoire national.

Sera-t-il possible à la longue d’envisager  un jour,  le retour de la capitale de la République du Congo de Brazzaville à Pointe-Noire?

Ou, l’organisation tournante délocalisée dans chaque chef lieux de département des festivités commémoratives de la proclamation de la République du Congo, comme c’est actuellement le cas pour la fête nationale de l’indépendance?

Ne serait-t-il pas intéressant, pour des raisons d’équité et par devoir de mémoire historique pour la postérité, d’envisagé également l’érection d’un monument d’envergure à la stature du patriarche Robert Stéphane Tchitchelle à Pointe-Noire?

Tel est le contenu de la problématique, qu’il nous a paru nécessaire de soumettre à débat, en guise de contribution citoyenne à la commémoration du 53e anniversaire de la proclamation de la République du Congo, ce 28 Novembre 2011.

 

Par Wilfrid SATHOUD, jeune acteur et observateur averti de la scène politique congolaise

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