Interview sans concession de Benjamin Toungamani sur son projet politique et l’opération EXODUS

Cette interview de Benjamin Toungamani, Président de la plateforme contre la corruption et l’impunité (PCCI) a été réalisée grâce aux questions des lecteurs du site www.congo-liberty.org que nous tenons à remercier. Nous nous excusons auprès de nos lecteurs qui n’ont pas vu leurs questions prisent en compte car la plupart d’entre elles se recoupent.

(MABIALA) : Que pensez-vous de l’affaire Bourgi sur la Françafrique et la PCCI pourra-t-elle se constituer partie civile dans le cadre d’un éventuel procès pour défendre le contribuable congolais, Sassou Nguesso étant l’un des principaux pourvoyeurs ?

L’affaire Bourgi n’est qu’un scandale de plus en Françafrique. La PCCI avait donc raison lorsqu’elle soulignait l’importance de l’affaire des biens mal acquis.

Je rappelle que très peu de congolais nous ont suivis pratiquement dans cette dénonciation. En témoigne notre difficulté à trouver des parties civiles à l’époque.

Les coups les plus tordus sont même parfois venus de notre ‘’ propre camp’’.

Les militants congolais semblent redécouvrir aujourd’hui la gravité de cette situation grâce à des règlements de compte entre politiciens français. C’est tant mieux.

Soulignons cependant que seules les échéances électorales, les présidentielles françaises où tous les coups sont permis expliquent ce regain d’intérêt. Monsieur Bourgi ne s’est pas mis à table pour les beaux yeux des congolais.

Ce sont les congolais eux-mêmes qui doivent se mettre en mouvement pour utiliser tous ces scandales, pour le bien de leur pays, à travers une prise de conscience, quant aux pratiques crapuleuses des politiciens qui ruinent le Congo et ses populations.

Ces affaires juridiques en Occident ne sont ni la propriété de Toungamani, ni celle de la PCCI ou tout autre organisation. Toute la diaspora est concernée et doit donner son obole en commençant par nos frères avocats que nous invitons d’ailleurs très nombreux à l’audience du :

lundi 10 octobre 2011, à 14 heures

Cour d’appel de Paris, Chambre d’instruction

Chambre 2-Pôle 7,

dans le cadre de la plainte de la PCCI contre BNP Paribas, Christel Nguesso et Denis Gokana pour blanchiment d’argent sale. Celle-ci avait été rejetée en première instance.

 

(MATONGO) : Comment expliquer vous que des membres de la diaspora congolaise et des partis politiques qui se déclarent de l’opposition acceptent de participer aux législatives de 2012, en sachant que les maux qu’ils ont décriés pour les présidentielles sont toujours les mêmes ?

Voilà un marché de dupes. Nous ne pouvons pas être de deux stratégies contradictoires à la fois. Comment voulez-vous participer à des élections dans un pays qui n’a ni institutions, ni véritable constitution, puisque cette dernière, taillée sur mesure après le génocide de1997-2000, est réduite à l’état de paillasson par celui qui nous l’a imposé.

La dernière « élection présidentielle » a montré l’inefficacité de la stratégie des urnes dans l’étape actuelle.

Les populations nous ont fait une sacrée démonstration de stratégie politique en boycottant les urnes sans avoir besoin du mot d’ordre de l’opposition dite classique.

De vous à moi, nous savons tous que, même avec une voix, la sienne, le président actuel aurait quant même été élu.

Les tripatouillages législatifs passés ont donné lieu à des situations qui font la honte de notre pays. Des chefs miliciens comme Willy Mantsanga député, me laisse sans voix.

Je pense que notre pays le Congo, reconnu jusque là comme un bastion du mouvement progressiste, méritait mieux.

Avec un tel désaveu, si des membres de la diaspora congolaise et des partis politiques se réclamant de l’opposition acceptent encore d’aller aux législatives de 2012, c’est que ces derniers refusant notre stratégie de l’Exodus -Conférence Nationale-, ont d’autres objectifs inavouables.

Sommes-nous donc de la même opposition ?

C’est à nous de tirer les conséquences sans le moindre sentimentalisme, à savoir que nous ne partageons peut-être pas les mêmes valeurs pour l’après Sassou.

(BOUNGOU) : On connaît votre combat contre la corruption et l’impunité depuis la conférence nationale, est ce que comme la majorité des congolais, vous comptez saisir les biens, meubles, immeubles et comptes bancaires au Congo et à l’étranger de tous ceux qui se sont enrichis illicitement ?

Le règlement de cette situation dépendra de la suite de notre combat. Si nous prenons le pouvoir, le nouveau fisc règlera la question de l’enrichissement illicite.

Les rouages officiels de l’Etat suffiront pour cela.

Au Congo, les impôts des fonctionnaires et autres salariés sont prélevés à la source. Il suffit alors juste de les comparer avec le patrimoine et autres comptes en banque. Le même traitement sera appliqué aux entreprises bidon qui ne s’acquittent jamais de leurs taxes.

Le travail des redressements fiscaux pourra alors commencer dans toute sa rigueur avec des agents de l’Etat.

Pas de vengeance, la justice, rien que la justice et toute la justice.

Nous pouvons projeter les résultats par expérience. Après la conférence, combien de nouveaux riches ne se sont pas retrouvés dans les rues de Brazzaville et Pointe-Noire en ‘’moussounia bata’’, la source frauduleuse ayant tari.

En tout état de cause, le pays aura besoin de rapatrier les fonds planqués à l’extérieur pour son développement économique et financier.

Les dirigeants Africains actuels sont les rares à ne pas comprendre que tout argent planqué dans les circuits occidentaux est un manque pour les économies africaines. Ces fonds spoliés aux populations permettent de résoudre le déficit des banques occidentales sans laisser de traces, ils reviennent difficilement au bercail (cas de l’argent de Mobutu ou autre Bokassa).

Pour ce, il faudra retrouver toutes ces traces, intenter des procès, utiliser les véritables amis du Congo pour des investigations poussées.

En résumé, ce qui appartient au peuple lui reviendra sous une forme ou une autre.

(MAKAYA) : Comment expliquer vous l’attrait des congolais à la franc-maçonnerie et pouvez-vous nous dire si vous êtes vous-même franc-maçon ?

Je ne suis ni maçon ni d’une tout autre fraternité et n’aspire pas à l’être.

Je n’ai rien contre la franc-maçonnerie en général dont certains combats en occident comme celui pour la laïcité ont été profitable à toute la société, encore que des non maçons -plus nombreux- ont souvent participé à ces initiatives.

Mais comment expliquer que chez nous, plus il y a des francs-maçons, plus notre société s’émiette et se détruit ?

Dans un pays où l’Etat se résume à une famille, à un clan ou à des groupes mafieux plus ou moins tous maçons, tout technicien ou cadre qui échappe au contrôle de ces groupes, devient un danger potentiel…Le ventre creux, il lui faut une grande capacité de résistance, de véritable patriotisme pour ne pas répondre à l’appel des sirènes anti nationales que représentent ces francs-maçons d’un genre tout à fait nouveau..

Tant que les références de nos petits francs-maçons seront De Brazza, Kipling et autres, comme les lions, ce sont les chasseurs qui écriront leur histoire. Il y a d’ailleurs un symbole très fort qui nous humilie en permanence à savoir le musée de la recolonisation qui fait la honte de l’Afrique.

De Brazza est donc devenu le mythe fondateur de la jeune nation congolaise, au placard les Matsoua, Tchicaya U’tamsi, Makoko…et autres figures emblématiques congolaises.

Un mausolée qui a couté des dizaines de milliards alors que des élèves sont assis à même le sol…

Il ya assez de spiritualité dans notre culture pour ne pas être obligés de singer des modèles étrangers

Il nous faut être nous-mêmes, personne ni aucune autre civilisation ne le sera à notre place.

(MOUKOUBA) : Notre armée est à 80% composée de ressortissants du nord du pays, allez-vous faire un rééquilibrage de pour corriger cette injustice ?

Le problème n’est pas qu’il y ait 80%, qui gonflent les rangs des troupes de notre armée, Il est d’ailleurs préférable d’avoir 90% des militaires issues des régions du Nord avec une véritable qualité militaire que de rééquilibrer juste pour ne pas faire grogner les autres régions.

La question est de savoir à quoi sert l’armée au Congo ?

Apparemment elle ne sert qu’à la conservation du pouvoir en terrorisant en permanence les populations civiles qu’elle est censée protéger.

Beaucoup de « nos » soldats actuels presque tous issus de milices criminogènes, sont des drogués, tueurs à gage, à la gâchette facile et à peine lettrés. L’impunité et l’indiscipline venant combler ce monstre. Le recrutement se faisant préférentiellement autour de la famille. Il y a pléthore des officiers par tête de soldat, quand nos frontières restent des vraies passoires.

La restructuration doit être qualitative et quantitative. Il ya quelques années, l’APN avait des missions économiques (boulevard des armées, imprimerie militaire, TP dans les régions…) et les campagnes de recrutement avaient lieu dans toutes les régions. Les avancements se faisaient presque exclusivement par promotion…

A titre de rappel, la Conférence Nationale avait déjà dénoncé la situation actuelle (discours du Pari), un colloque à l’armée aurait dû avoir lieu après le forum politique. Hélas, un puissant lobby militaire a fait reculer le premier ministre de la transition en faveur du statu quo…

Tout est à refaire pour avoir une vrai armée patriotique..

(TATY) : Le Congo a accordé l’hospitalité à de nombreux étrangers. Beaucoup d’entre eux se croit aujourd’hui en territoire conquis. Les congolais sont devenus des étrangers chez eux. Les étrangers bafouent nos lois, nos coutumes, nos traditions et piétinent notre identité.Si demain, vous devenez un décideur politique, qu’est ce vous préconisez pour arrêter ce scandale ?

Historiquement notre pays a toujours été un pays d’accueil, la coexistence avec d’autres nationalités africaines n’a jamais vraiment causé de véritables déséquilibres sociaux ou économiques. De nombreux étudiants d’Afrique centrale y séjournaient, des commerçants maliens, sénégalais, togolais ou béninois avaient même pris la nationalité congolaise (ils étaient nés chez nous)

Mais depuis, la situation a dégénéré car beaucoup de congolais ne se sentent plus chez eux. Ils pensent à juste titre qu’il vaut mieux avoir un compte à régler avec un congolais qu’à un étranger.

En fait, il ya plusieurs raisons à cela :

Toute la société est devenue affairiste au sens négatif du terme. Tout le monde veut escroquer tout le monde.

La corruption est passée par là, beaucoup d’étrangers vivant chez nous sont des hommes d’affaires, ils ont chacun leur protecteur pour ne pas payer les taxes et autres impôts. Ces hommes d’affaires étrangers peuvent transférer des fonds considérables impunément.

Ils accèdent au crédit bancaire facilement pendant que les congolais n’y accèdent pratiquement pas, le gouvernement n’ayant aucune politique en la matière qui aurait donné une chance aux congolais qui ont de bons projets.

Ce sont les dirigeants congolais qui favorisent cet état de fait, la faute n’incombe pas aux étrangers. Respectons nos lois et les étrangers feront de même.

Développer un esprit xénophobe n’est pas la solution. Il faut organiser une véritable guerre contre la corruption et ceux qui l’entretiennent.

A Brazzaville, tout le monde sait qui prélève les taxes des boutiques de l’avenue de la Paix…

(LEKOBA) : Certains internautes vous reprochent d’être dans votre planque en Europe et de donner des leçons à ceux qui sont sur le terrain ?

D’autres estiment que l’idée de ‘’Exodus’’ avait déjà été proposée.

Si nous avions été en planque en occident nous n’aurions pas proposé cette opération ou d’autres d’ailleurs, comme l’opération BMA (Bien Mal Acquis) ou la plainte dans l’affaire des disparus du Beach. Le danger n’est pas toujours là on le pense.

Je profite de cette question, puisque interpellé ici, pour rappeler que je ne suis pas l’arbre qui cache la forêt, je ne suis qu’un élément peut-être plus visible que d’autres, appartenant à des structures militantes parmi tant d’autres, qui essaient à travers le monde de faire entendre leurs voix. Toutes ces organisations constituent une toile qu’il faut densifier.

Je me suis toujours donné comme discipline militante de ne jamais critiquer l’opposition en public.

Je sais seulement une chose : c’est qu’au Congo il y a aussi des hommes politiques courageux et responsables mais les conditions du travail politique sont extrêmement difficiles (pas de medias, pas de moyens financiers, tracasseries policières, corruption généralisée, quasi impossibilité d’organiser des meetings d’envergure…)

C’est bien pour cela que la diaspora doit travailler étroitement avec le mouvement démocratique intérieur, elle n’est pas confrontée à ces handicaps.

Loin de moi l’idée de m’accaparer d’une quelconque idée. Vous savez en politique, il n’y a vraiment rien de nouveau, toute l’opportunité est de choisir l’idée, le moment et la présentation. Pour le reste, c’est juste un problème de convaincre ceux qui nous écoutent.

Je pense avoir modestement essayé, toute ma vie, d’être du côté des opprimés.

Il ne faut pas regarder le doigt qui vous montre la lune, mais la lune elle-même.

Le défi de ‘’Exodus’’ est ouvert, il faut le relever.

(TSIBA) : Pouvez- vous résumer l’opération ‘’Exodus’’ en quelques mots clés et donner la séquence du déroulement de l’opération ?

L’état de la nation est déplorable :

Notre pays le Congo traverse une crise dramatique qui hypothèque son avenir pour plusieurs décennies tant sur le plan économique que sur la volonté des hommes à construire cette nation. Les populations n’ont plus foi en rien.

Les solutions :

Seul le retour au bercail de la diaspora dans toutes ces composantes en synergie avec le mouvement démocratique et progressiste intérieur peut permettre un nouveau pacte entre le peuple et ses bâtisseurs.

L’opération ‘Exodus’’ :

Le retour au Congo, est philosophique et pratique pour tous ceux qui veulent mettre leur savoir-faire au service de l’Afrique et du Congo. Il ne s’agit pas seulement des politiques. Il n’est nullement question pour tous de repartir mais de mettre sur place des conditions d’égalité de traitement pour tous, particulièrement pour ceux qui veulent entreprendre et innover. Ce qui n’est pas le cas en ce moment

Conditions sine qua non :

Pour que ce mouvement de la diaspora s’opère positivement, il faut que les états généraux aboutissent sur une nouvelle politique au service des citoyens. Politique de redressement des infrastructures de base pour assurer la rétention sur place de la jeunesse. Transparence dans la gestion financière et dans la répartition des richesses, partage et décentralisation du pouvoir, pour que chaque congolais où qu’il soit, ait sa parcelle de ce pouvoir.

Séquence :

La première étape consiste à parcourir le monde pour expliquer et discuter du projet.

A ce propos, il faut préciser que les équipes de l’opération ‘’Exodus ‘qui se déplacent à travers le monde le font sur invitation des congolais.

Si vous voulez organiser une rencontre à travers le monde sur ce projet ambitieux contactez-nous à l’adresse suivante

[email protected]

Ensuite doit avoir lieu une conférence de la diaspora qui permettra à cette diaspora de présenter l’esquisse de son projet par rapport aux grands sujets de l’heure à savoir les instruments de la gestion du pouvoir politique et économique adaptés à l’état réel du Congo dans le monde moderne.

Le but ultime de l’opération est la tenue des états généraux de la nation à Brazzaville.

Notre proposition est une main tendue au pouvoir actuel et à toute la nation. Elle peut permettre une sortie de crise honorable et profitable pour tous. Elle n’écarte pas le fait que la justice doit passer, elle seule scelle le pardon.

 

Mon dernier mot ira en direction des hommes politiques du pouvoir en leur disant ces quelques phrases :

Le moment est venu d’être des grands hommes à l’instar des Mandela, Martin Luther, Lumumba et autres qui n’ont pas hésité à marcher parfois à contre courant.

Beaucoup de mal a été fait et continue à l’être au profit de nos égoïsmes.

L’homme politique africain n’est il qu’un ventre? Apprenons à aimer nos pays.

Il y a un temps pour tout, pour la violence, pour le dialogue et pour la construction.

Que choisissons-nous pour les générations futures au moment où notre continent est la risée du monde entier ?

Cette interview a été réalisée et diffusée par www.congo-liberty.org

Le 30 Septembre 2011

 

 

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