Une méthode innovante pour la gouvernance économique future au Congo. Par Lucien Pambou

Au moment où les Congolais de la diaspora réfléchissent sur les institutions politiques au Congo (ordre du jour de la table ronde de ce 23 novembre à laquelle je n’ai pas assisté pour des raisons familiales – je m’en excuse auprès des organisateurs-), il est intéressant de continuer la réflexion vers des outils autres que politiques, à savoir la gouvernance économique.

Après la conférence de La Baule et l’ouverture vers le multipartisme et l’économie de marché dans la plupart des pays africains, dont le Congo, on peut constater avec regrets que de nombreuses privatisations ont été effectuées ou sont en cours et qui malheureusement favorisent le bradage de nombreuses richesses issues des secteurs économiques entiers (pétrole, mines, agriculture, ports maritimes). Ce bradage s’explique par la nécessité d’introduire la concurrence comme véhicule économique pour promouvoir la croissance économique dans les pays africains dont le Congo. La réalité des résultats est nette, le rapport de force imposé par l’Occident et l’incapacité institutionnelle et professionnelle des responsables africains à défendre techniquement et politiquement leurs richesses naturelles valorisent les positions de monopoleurs, voire d’oligopoleurs des entreprises occidentales, chinoises et d’Amérique latine sur le sol africain. Il faut donc revoir la genèse intellectuelle du concept de concurrence dans le marché pour adopter celui de la concurrence pour le marché qui permet à l’État souverain de faire prévaloir ses obligations et la défense de ses intérêts pour le bien-être de sa population.

La concurrence pour le marché longtemps ignorée par la science économique doit être privilégiée à la concurrence dans le marché.

La concurrence pour le marché est très peu connue par la science économique classique, même si ses méthodes sont utilisées grâce à la privatisation en cours dans la plupart des pays africains.  La concurrence pour le marché a été théorisée par l’économiste anglais Sir Edwin Chadwick en 1859. Ses travaux ont été repris par d’autres économistes américains, Tullock en 1965 et Demsetz en 1968. Ils estiment que la concurrence pour le marché définie comme une pratique consistant à mettre aux enchères l’exploitation des secteurs économiques d’un pays à cause de l’insuffisance d’entreprises et de compétences professionnelles (humaines, techniques, technologiques, financières) doit être valorisée.

Pour ces économistes, les Etats, en utilisant la concurrence pour le marché et non dans le marché, doivent être capables de définir les structures optimales des secteurs, les modalités de concurrence, les partages de la production, les conditions d’arbitrage de l’exploitation des ressources entre entreprises concurrentes pour le bien-être des populations. On constate que dans la plupart des pays africains, dont le Congo, ces questions et ces pratiques sont absentes et participent d’un modèle réseautal à la française du service public qui favorise la privatisation sans que la puissance publique s’assure des retombées financières pour le bien-être des populations. En France, ce fut le cas lors de la privatisation des autoroutes avec Vinci.

En Afrique les problèmes sont beaucoup plus criants et inacceptables car les entreprises occidentales agissant en position de monopoleurs en obligeant les Etats africains à accepter l’inacceptable. La concurrence pour le marché est donc un moyen qui doit permettre aux Etats africains, dont l’État congolais, de gérer les questions nombreuses qui ne manqueront pas de se poser comme les rapports entre le type de contrat et les ressources financières attendues, la nature des cessions concessionnelles des secteurs d’activité et le retour concernant les différentes ressources. Il faudra mettre en évidence la durée des contrats, leurs renégociations en éliminant les problèmes possibles de hold-up, en définissant la structure optimale des marchés sectoriels concernés à long terme et des bénéfices que doivent en retirer les populations congolaises. Le Congo comme les autres pays africains doivent se préoccuper de la formation des ressources humaines dans ces domaines de la concurrence pour le marché pour éviter d’être les dindons de la gouvernance économique avec leurs partenaires occidentaux. Il faut que les pays africains sortent d’un modèle réseautal dans lequel ils sont passifs, gentils, souriants, naïfs et acceptent les vicissitudes de la compétition économique mondiale (dominée par la compétence, l’efficacité technique et professionnelle).

Sortir de la notion naïve de réseau pour adopter une gouvernance économique nouvelle.

La plupart des dirigeants africains, dont les dirigeants congolais, sont dans une approche réseautale et naïve des affaires sur le mode  de la Françafrique. La concurrence pour le marché est un modèle anglo-saxon qui s’est appliqué, selon la Banque mondiale en Suède, en Argentine, en Colombie, au Kenya, au Rwanda pour la privatisation de la distribution de l’eau, les chemins de fer et la distribution des licences d’exploitation (téléphonie mobile de troisième et quatrième génération). Les résultats obtenus sont bons, même s’il y a des nuances, selon la plupart des études économiques et pratiques sur le terrain.

Il faut que la nouvelle gouvernance économique au Congo articulée autour de professionnels regarde et s’inspire des avantages de ce nouveau modèle de la concurrence pour le marché. Il faut être réaliste, nous n’avons ni les finances, ni les compétences professionnelles et techniques. Il ne sert à rien de hurler au loup et de renverser la table au nom d’une souveraineté nationale amoindrie par les réalités de la mondialisation. La question de la concurrence pour le marché est un outil parmi d’autres de valorisation de notre gouvernance économique nouvelle au même titre que les problématiques évoquées par la table ronde de ce 23 novembre sur les institutions politiques au Congo.

Au total, il nous faut retrouver le goût de la théorie, mais surtout la pratique de la pratique par un travail organisé et méthodique. Les tables rondes organisées par Congo Libery doivent nous y contraindre.

Par Lucien Pambou

Diffusé le 24 novembre 2019, par www.congo-liberty.org

ANALYSE POLITIQUE DE LA CONSTITUTION DU 2 MARS 1961 DU CONGO-BRAZZAVILLE. Par Mingwa BIANGO

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5 réponses à Une méthode innovante pour la gouvernance économique future au Congo. Par Lucien Pambou

  1. Joseph dit :

    , ça me fait rire…
    La visibilité à tout prix peut vous conduire à des égarements conceptuels ou théoriques, parce que tiut simplement la pertinence laisse à désirer. Il est parfois plus sage d’adopter une attitude réservée plutôt que de venir faire la démonstration qu’aucune substance ne peut être tirée des assertions qui sont débitées. Personnellement ça m’énerve, mais je préfère en rire. Je rappelle à notre économiste que le Congo ne decouvre pas le marché aujourd’hui. Il y a toujours eu au Congo un secteur public qui coexiste à côté du secteur privé. Une doctrine qui a cours en Chine aujourd’hui, alors que le Congo la pratique depuis fort longtemps… Bref, je préfère m’arrêter là… Mais s’il le faut ou si on m’y contraint, je reviendrais sur le fond. Comment ?

  2. David LONDI dit :

    Bonjour Lucien,

    merci pour ce papier qui replace au centre une des problématiques qui structure les économies de certains pays africains dont le Congo est un exemple emblématique : la primauté du politique sur l’économique ou vice-versa.
    Les faits montrent que les privatisations sont une pompe à fric pour les proches du pouvoir et non un outil de régulation économique susceptible de dynamiser le tissu économique congolais. Je ne ferai pas, ici, la liste des entreprises privatisées qui, à leur tête, trônent des responsables qui brillent par leur incompétence et leur habileté à voler pour aller enrichir les paradis fiscaux. Au Congo, le politique commande l’économique parce que toutes les institutions qui pourraient service d’outils de contrôle sont aux mains du pouvoir. Les postes stratégiques de ces entreprises privatisées sont pourvus par un patronage par affinités ethniques au détriment de la méritocratie qui instaure l’incompétence comme mode de gouvernance. Nous savons tous que les avantages éthniques ainsi acquis seront de court terme et l’affaiblissement inexorable des entreprises privatisées par incompétence et manque de contrôle. Pourtant les conséquences sur l’économie et la société en général seront pernicieuses et durables. Les pays qui ont sainement gravi les marches du développement depuis la Deuxième Guerre mondiale, particulièrement ceux de l’Est asiatique, ont travaillé sur l’implication d’une large palette de la population, pas seulement sur un groupe ethnique ou sur une élite. Au Congo, où seule une petite élite, basée sur l’ethnie ou la région ou une faction politique, la situation a entraîné une généralisation de l’incompétence résultant d’un patronage éhonté dans les secteurs les plus stratégiques du pays et ceci fait écho à la fameuse « obumitrisation » des grandes fonctions régaliennes de l’état et de l’armée dénoncée par les compatriotes du M22.
    La privatisation des richesses par un petit clan hétéroclite composé de quelques spécimens de l’éthnie dominante trustant les postes, les fonctions les plus importantes et les plus stratégiques et laissant le reste à des corrompus des élites des autres éthnies a contribué à réduire le panel des consommateurs à fort pouvoir d’achat, contraire à la stratégie développée dans les pays l’Est asiatique, hypothéquant les chances de développement.
    En effet, la mauvaise répartition des richesses agit directement sur la consommation. Les entreprises et les commerces se trouvent ainsi confrontés à la baisse de leur chiffre d’affaire impactant de ce fait leur capacité d’investir. La conséquence directe est la désindustrialisation et la fermeture successive des sociétés des services.
    Même la reconstruction de l’Europe occidentale au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale avait pour prémisse un contrat social qui voulait sortir tout le monde de la pauvreté en même temps et pas seulement quelques heureux élus « ethniques ». C’est en fait le fondement de l’État-providence d’Europe occidentale : chacun dans la société doit être protégé, peu importe son affiliation ethnique ou politique.
    Tout ce développement pour dire que le politique est éminemment politique qui rejaillit sur l’économie avec des impacts directs que nous connaissons. Ce pays est un « OVNI » économique qui n’obéit à aucune règle du marché telle que définie dans les ouvrages universitaires.
    Le libéralisme économique repose sur une conception simple : lorsque chaque individu œuvre dans son propre intérêt, la somme de ces actions concourt à l’intérêt général. C’est donc la poursuite des intérêts égoïstes qui permet le bon fonctionnement général de l’économie : l’ordre naturel est donc économique car les liens sociaux permettent la régulation automatique de l’activité économique. Pour assurer la liberté des actions individuelles, les libéraux cherchent donc à favoriser la défense des libertés économiques, comme des libertés fondamentales. Le libéralisme économique s’est donc attaché à libéraliser le marché, et à offrir d’importantes libertés aux individus afin de favoriser la libre entreprise. C’est bien donc, à la base, l’exercice plein de la démocratie qui permet la performance de toutes les activités économiques. Or, la plupart des pays africains ne sont pas dans cette réalité puisqu’à la tête de beaucoup d’entre eux se trouvent des dictateurs autocrates, spécialement en Afrique centrale.
    L’un des points à mettre sur la table du débat, c’est l’absence du « peuple » et de la « nation ». Ces pays sont une mosaïque de populations qui restitue un ensemble faible capable de défendre les règles de régulation, de contrôle et de soutien de la démocratie. Lors de la première ouverture à démocratie, après la conférence nationale, nous avons assisté à la création de multiples partis politiques basés sur l’éthnie par manque de souffle national. La nation et le peuple congolais n’existent pas, d’où l’urgence de concrétiser ces deux notions par des systèmes politiques qui tissent des solidarités entre ces populations.
    En conclusion, sans sentiment national fort et un peuple uni, la démocratie ne pourra pas s’installer durablement dans ce pays donc l’économique sera toujours à la remorque du politique dont le clientélisme ethnique n’est plus à démontrer. Que se passera-t-il le jour où les chinois se mettront à revendiquer leurs droits fondamentaux ? Peut-on, réellement développer une économie libérale dans une dictature ? Sur quoi va aboutir la situation qui se développe à Hong Kong ? Pour ma part, je suis convaincu que l’on ne peut connaître un développement économique et social harmonieux que dans une démocratie. C’est donc mon premier champ de bataille.

  3. Lucien Pambou dit :

    A Joseph
    Désolé il ya une subtilité dans ce que je dis.bien sur le Congo ne découvre pas le marché mais la procédure de gestion de la mise aux enchères par les pouvoirs publics.le recours à la concurrenec basique éliminé les capacités du régulateur.C est un débat nouveau a l heure actuelle sur le renouveau des problématiques de la concurrence.Désolé pour cette info

  4. Pamboumkaya mvoka dit :

    A Joseph
    Bien sur secteur privé et secteur public coexistent.le renouveau théorique et pratique-lis mon papier au fond sans le survoler-portent sur la méthode et les nouveaux enjeux
    Voici

  5. Pamboumkaya mvoka dit :

    Merci David pour cette réponse.je suis d accord avec 99pour centdes remarques que tu fais
    Sur la fin préséance entre démocratie et économie on peut discuter mais avec des dirigeants politiques responsables
    Pour

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