UNE CERTAINE IDÉE DU CONGO M’AMÈNE À…, par Alexis Bouzimbou

 Voilà plusieurs années, en désaccord avec François Mitterrand s’agissant de la guerre du Golfe, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de la Défense, démissionna avec fracas, en publiant un best seller resté célèbre: »Une certaine idée de la République m’amène à… ».

Deux axiomes fondaient sa décision: se taire en avalant des couleuvres pour plaire au Prince (un ministre ça ferme sa gueule, ou sa démissionne), ou bien rendre le tablier pour être en harmonie avec sa conscience. 

S’agissant du Congo, rien n’est pire que de se taire. Démissionner, c’est-à-dire renoncer, c’est accepter de se résigner, cautionner le chaos généralisé dans le pays, et voir chaque jour les inégalités se creuser. 

Une certaine idée du Congo m’amène à m’interroger sur les errements de la norme juridique et ses conséquences. Socle d’une Nation, « le droit n’est rien d’autre que l’ensemble des règles régissant une Société ».Or cette règle de droit censée réglementer la Société est sans cesse bafouée, par ceux qui auraient pu l’incarner. 

Juriste de formation, j’avoue connaître deux membres dans l’actuel exécutif. L’un à la Faculté de droit de Brazzaville, et l’autre à l’université de droit de Reims-Champagne-Ardennes. 

Actif militant et dévoué au sein de l’UJSC d’alors(Union de la jeunesse socialiste congolaise) pour le premier, son « juridisme » est quasi-excusable, peu surprenant. Il s’inscrit dans le droit fil de son opportunisme. 

Quant au second, avec qui nous échangeâmes souvent, ses approximations juridiques et sa légèreté d’approche exaspèrent. Sa danse du ventre est indigne, sa propagande vouée au Prince faite de psittacisme est indigeste. Ses écarts assumés mettent hélas entre parenthèses ses qualités.

Le défi qui leur est lancé est de ne pas être des sur-hommes, mais des hommes sûrs, et des juristes crédibles.

Étudiant en droit à l’Université Marien-Ngouabi, j’avoue aussi avoir eu d’excellents enseignants. Leur compétence, leur rigueur, et leur passion pour le droit me fascinaient. 

A présent, j’avoue ne plus cerner leurs contorsions. Devenus des conseillers « influents » au près de l’actuel président de la République, ils ont éludé leurs connaissances, leur rigueur, et leur éthique, au profit de quelques expédients. De quoi motiver les jeunes étudiants en droit ! 

Il faut être sans pitié pour les manquements à l’éthique. L’irréprochable n’est pas de ce monde politique, mais il doit advenir une ère exemplaire. Parce que l’exemplarité oblige à une parfaite intégrité et exige une justice impitoyable. 

Redresser le Congo par le biais du Droit suppose de l’objectivité. Ce travail exige des convictions. Non pas la compromission, la collusion, les fables, mais la raison, la réflexion correctement conduite. L’obscurantisme, cet humus des tyrans, se combat avec la rigueur et les exigences du respect et de l’application des règles juridiques.

Un bon usage de son entendement, la conduction de son esprit selon l’ordre de la raison, la mise en œuvre d’une véritable volonté critique, la mobilisation générale de notre intelligence, l’envie d’évoluer, voilà autant d’occasions d’obtenir le recul des fantômes. D’où une exigence à l’esprit de « discernement » qui donne de la crédibilité au pays.

En lieu et place d’aiguiller quelques excités vers le respect de la norme juridique, on constate plutôt le nihilisme, le culte du rien, la passion pour le néant, la fascination pour les abîmes et les trous sans fond où l’on perd son âme, son corps, son identité, son être et tout intérêt à quoi que ce soit. Tableau sinistre, apocalypse déprimante.

L’affaire dite des « Biens mal acquis » a montré la complaisance, l’incompétence, et les limites de nos « juristes-militants ». Le commentaire d’arrêt de la cour de cassation française a donné lieu à des commentaires à la fois fantaisistes, loufoques, et pathétiques.

Récemment, les arrestations orchestrées après les explosions de Mpila, posent le problème des mandats de justice au Congo. Dans un Etat de droit, l’armée ne procède pas à l’arrestation des citoyens. Au contraire !

En droit, « le mandat d’arrêt est un ordre donné par un magistrat à la force publique de rechercher une personne à l’encontre de la quelle il existe des indices graves ou concordants, et de la conduire devant lui après l’avoir, le cas échéant, conduite à la maison d’arrêt indiquée sur le mandat, où elle sera reçue et détenue ». Ce qui est loin d’être le cas en l’espèce. 

Quand dans un pays, la Constitution, norme hiérarchiquement supérieure n’est pas respectée par le premier de ses citoyens, l’échec du droit est celui de la complaisance de « élites ». Une telle intimité avec les pouvoirs politiques est préjudiciable. Cette complicité inspirait les phrases assassines que Tocqueville adressa alors à la grande bourgeoisie, qui, « devenue gouvernement, prit un air d’industrie privée: elle se cantonna dans son pouvoir, et bientôt après, dans son égoïsme, chacun de ses membres songeant beaucoup plus à ses affaires privées qu’aux affaires publiques, et à ses jouissances qu’à la grandeur de la nation ».

 

Alexis BOUZIMBOU

Cercle de réflexion pour des idées nouvelles

www.congo-liberty.org

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