SASSOU NGUESSO FACE A L’APRES SASSOU , Par Pascal Malanda

Travaillez, prenez de la peine

C’est le fonds qui manque le moins

Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,

Fit venir ses enfants, leur parla sans témoin.
Gardez vous, leur dit-il, de vendre l’héritage,
Que nous ont laissé nos parents
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l’endroit; mais un peu de courage
Vous le fera trouver, vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’oût
Creusez, fouillez, bêchez; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse
Le père mort, les fils vous retournent le champ
Deçà, delà, partout; si bien qu’au bout de l’an
Il en rapporta davantage.
D’argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer avant sa mort
Que le travail est un trésor.

Jean de Lafontaine

Nul politicien n’a marqué l’histoire du Congo moderne avec autant de force que Sassou-Nguesso. Je ne m’aventurerai pas en ces quelques lignes à évaluer son complexe bilan économique et sociopolitique. D’autres, mieux placés que moi l’ont fait, le font et le feront encore à loisir avec plus ou moins d’objectivité. L’objet de cette réflexion se limite à son action politique et aux perspectives de l’après-Sassou. Et même dans ce cadre, je me limiterai à l’héritage global. Ma préoccupation fondamentale étant ce que deviendra le Congo, une fois Sassou parti de la scène politique.

La longévité politique de Sassou n’est pas un hasard. Certains la mettent déjà sur le compte du divin, affirmant que tout pouvoir est d’essence divine et par voie de conséquence sa longévité ne peut être que du ressort de Dieu. D’autres au contraire affirment que le pouvoir de Sassou est diabolique, satanique ; qu’il y a accédé comme exécuteur testamentaire de la malédiction que l’abbé Youlou, premier président du Congo indépendant proféra sur son pays suite à sa destitution. La longévité politique de Sassou est alors perçue comme la nécessité de purger ce mal profond que le Congo porte en lui. Qu’en est-il exactement ? Je pense que nul n’est capable de tirer une conclusion définitive en la matière. Libre donc à tous les Congolais de se faire leur propre idée.

Le Congo qui sortira des élections législatives du 15 juillet 2012 est un pays à la croisée des chemins. A la fin du mois de juillet 2012, Sassou aura dirigé le Congo pendant près de 28 ans sur les 52 de son indépendance. C’est plus de la moitié de ce temps. Le poids de l’âge, les contraintes de la vie, l’usure politique, le contraignent à préparer le bilan de son action et surtout à une prospective de ce que deviendra son héritage politique. Entre les mains de qui va-t-il laisser ce lourd héritage ? Entre les mains de la nation, de la région, du clan ou de la famille ? Dans quelle mesure son entourage immédiat permettra une transmission apaisée de cet héritage? Quelle sera la réaction de la population aux actes que Sassou posera dans ce cadre ? Voici quelques questions qui devraient préoccuper l’ensemble de la nation au moment où le spectre de la passation de témoin se dessine. Ce message a donc pour but essentiel d’engager une réflexion en profondeur (pendant qu’il est encore temps) de l’ensemble des acteurs impliqués dans ce processus: le peuple comme destinataire principal de ce processus, les politiciens en tant que catalyseurs ou inhibiteurs du processus et enfin Sassou (et son entourage politique et familial immédiats) en tant que noyau du processus.

Je vais avoir 19 ans lorsque le hasard me place pour une première fois en cette fin de janvier à quelques mètres de Sassou au Boulevard des armées où l’on nous a envoyés soutenir les premiers meetings de ce qui deviendra le mouvement du 5 février. Ce que j’ai retenu à cette occasion, c’est ce sermon (le même qui fut lu à Ngouabi) que lui adresse l’armée :

« Si tu avances, nous te suivons

Si tu t’arrêtes, nous te pointons

Si tu recules, nous t’abattons. »

J’ai 32 ans, lorsque je me retrouve face à Sassou dans son palais du Plateau. Je ne suis plus dans une masse anonyme et juvénile, mais dans un petit groupe qu’il a invité. Je découvre alors un homme aux antipodes de l’homme public que j’ai jugé médiocre lors de mes années estudiantines. La CNS s’est achevée, l’homme, politiquement diminué, partage le pouvoir avec Milongo sous une transition houleuse. Les élections présidentielles auront lieu dans moins de 6 mois. J’ai donc en face de moi l’homme à qui quelques uns de nos avis sont arrivés indirectement pendant la CNS. Il avait le choix entre mettre le feu à la baraque ou accepter de mettre l’intérêt supérieur de la nation au-dessus de son amour-propre. D’aucuns diront qu’il n’avait pas le choix, étant donné que mettre le pays à feu et à sang aurait signifié son suicide politique. Je persiste à croire qu’il a longtemps hésité entre ces deux options. Quand Edem débarque à Brazza et participe à la rédaction du discours du président à la clôture de la CNS, je retrouve avec un grand plaisir quelques idées que nous avons soutenues avec acharnement dans ce qui deviendra le fameux « J’assume… » de Sassou.

Qu’ai-je donc retenu de la rencontre susmentionnée ? Que l’homme était profondément conscient des grands maux du pays. Il nous parlera de sa tristesse de voir comment les jeunes Congolais négligeaient les activités économiques et privilégiaient le divertissement. Il ne s’épargnait pas en affirmant: « Ecoliers à Poto-Poto, le soir, en revenant du cinéma, nous passions nous approvisionner dans des boutiques qui étaient tenues essentiellement par des Ouest-Africains » Il nous parlera des faiblesses économiques structurelles du pays, faiblesses qui avaient été mises à jour dans une étude qu’il avait commandées auprès des instances des Nations Unies et qui soulignait l’impact de la faible densité démographique du pays, etc.  Il évoquera enfin la fascination malsaine des Congolais pour la chose politique conçue non comme un sacerdoce, mais comme moyen d’assouvir les besoins matériels. « Chaque Congolais veut être chef, il est incapable de supporter l’autorité de l’autre, d’où la prolifération des partis et groupements politiques… »

A la fin de la réunion, mon opinion avait évolué de la mésestime vers un début de respect envers un acteur patriote (cela n’engage que moi) qui comprenait les enjeux nationaux, avait fait de son mieux pour les surmonter, mais avait buté sur un mur colossal : l’homme Congolais.

Je m’étonnais cependant de constater que malgré cette conscience aiguë qu’il avait des choses, la situation socio-économique et politique du pays avait très peu évolué sous sa direction. Malgré quelques réalisations dans les grands centres urbains, l’arrière-pays que je parcourus l’année précédente m’avait donné l’impression d’un pays à l’arrêt, d’un espace où le temps s’était figé. L’homme avait-il baissé les bras face à l’immensité d’un défi insurmontable ?

J’ai 37 ans quand nos chemins se croisent une dernière fois, de façon indirecte. Sassou vient de reconquérir militairement le pouvoir. Ma collaboration à son gouvernement lui a été proposée, par un concours inouï de circonstances que je préfère taire ici. Il a hésité avant de donner son accord. Informé, je décline l’offre pour des raisons personnelles d’abord puis de conviction politique. Je ne me vois pas élever mes enfants dans un pays qui détruit avec une légèreté insoutenable les prémices de son développement. Je ne crois plus en l’avenir d’un pays où les différends politiques ne se résolvent systématiquement que par une violence grandissante. Je ne suis pas un défenseur du pouvoir de Lissouba auquel je reproche beaucoup de choses, mais j’estime que malgré les erreurs flagrantes de ce dernier, la fragile démocratie naissante n’a pas bénéficié de l’intelligente protection de tous ceux qui avaient le devoir de le faire: Lissouba, Sassou et Kolelas. Ces protagonistes ont fait montre d’un incroyable égoïsme politique.

Je suis particulièrement déçu de ne pas reconnaître le Sassou de 1992 qui m’avait surpris par sa grandeur d’esprit. Octobre 1997 sonne donc pour moi la fin d’une grande illusion démocratique. Je quitte le pays avec une grande tristesse, mais sans la moindre rancune. J’ai refusé une main tendue, mais avais-je les coudées franches pour apporter ma contribution au développement du pays dans pareil contexte ? Je sais que les temps seront difficiles et je cherche donc pour cette patrie meurtrie toutes les circonstances atténuantes possibles et impossibles qui lui permettraient de se ressaisir. Mes espoirs sont toutefois copieusement déçus lorsque les tristes événements de 1998 éclatent, qui vont mettre la région du Pool à feu et à sang.

Des années plus tard, lentement, mais sûrement, le pays s’est remis à panser ses plaies, à se reconstruire timidement, à essayer de se moderniser. Si l’on considère la paix comme l’absence de guerre, le pays connaît aussi une paix et une stabilité relatives. Peut-on cependant affirmer que le spectre des confrontations meurtrières est définitivement éloigné? La lecture du paysage politique congolais incite plutôt à la réserve. Si les armes se sont tues, la paix des cœurs est loin d’être une réalité. Sommes-nous condamnés à retomber dans nos travers belliqueux?

Je pense personnellement que la réponse à cette question dépend en grande partie de Sassou-Nguesso. Fera-t-il preuve de la sagesse des visionnaires ou se laissera-t-il enfermer dans le jugement de quelques conseillers à la vision limitée? Entrera-t-il dans l’histoire comme l’homme qui a su redonner de l’espoir à l’ensemble des Congolais du Nord au Sud, d’Est en Ouest, ou plutôt comme l’homme qui n’a pas su mettre sa longévité au pouvoir au service d’un grand projet national: la construction des fondations d’une nation prospère et d’un Etat de droit moderne?

On reconnaît les grands hommes d’Etat par leur capacité de transcendance. Parmi leurs caractéristiques essentielles, il y a ce sens aigu de l’intérêt supérieur de la nation. J’ai cru le percevoir chez le Sassou que je croisai en 1992. Cette même année, je m’étais retrouvé en Afrique du Sud. Ce pays, comme le nôtre achevait sa transition politique. Nous étions pleins d’espoir tandis que les oiseaux de mauvais augure prédisait l’avenir le plus noir à une Afrique du Sud qui allait sombrer dans la violence et la revanche des opprimés. Avec quelle élégance Mandela accéda au pouvoir en 1994 ? Avec quel panache il transmit le témoin 5 ans plus tard, non pas à son fils, mais à Thabo Mbeki, le fils de son compagnon de lutte et de prison Govan Mbeki ? Pendant ce temps, nous avions réussi à ruiner tous les espoirs de notre pays.

Après le 15 juillet 2012, Sassou-Nguesso sera en face d’un véritable dilemme: préparer la transmission de son héritage politique dans un vrai cadre national apaisé ou semer les germes de ce qui détruira le travail de toute une vie. Aura-t-il la sagesse visionnaire d’un Nelson Mandela ou privilégiera-t-il notre vision étriquée congolo-congolaise? Optera-t-il pour un destin national glorieux ou cédera-t-il aux petites sirènes claniques et partisanes de l’ultra court-terme ? L’avenir nous le dira et cet avenir se décline déjà sous forme d’un futur très proche. Trop proche?

J’ai commencé cette réflexion par une fable célèbre, je souhaite la finir par une prière non moins célèbre mais souvent négligée et que les initiés sauront décrypter:

Cantique de Syméon

Maintenant, ô Maître souverain,
tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix selon ta parole.
Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples :
Lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël.
Gloire au Père, et au Fils et au Saint Esprit,
pour les siècles des siècles, Amen

Dr Pascal Malanda [email protected]

Vuurbloem : Centre flamand de la communication non-violente

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2 réponses à SASSOU NGUESSO FACE A L’APRES SASSOU , Par Pascal Malanda

  1. eggbox dit :

    Bonjour,

    Félicitations pour ce ticket ainsi que pour le partage de cette réflexion.

    Je ne suis pas d’accord avec un certain nombre de réflexions, outre le fait que l’auteur fin connaisseur de la politique congolaise ne propose aucune solution à la suite d’une si brillante analyse.

    Comment envisager un avenir (croisée des chemins pour reprendre l’expression), eu égard aux élections truquées du 15 juillet 2012 par un pouvoir représenté par un président (avec petit « p ») qui lui même n’a pas été élu en réalité?

    Le Congo ne sera pas à la croisée des chemins, mais poursuivra sa route macabre pour les 3/4 de ses habitants?

    Sassou Nguesso a t-il le choix aujourd’hui comme en 1992 et l’avait-il vraiment à cette époque? L’opposition est inexistante, la gangrène dépasse sa personne et s’est enracinée profondément dans le pays du moins dans sa classe politique, les divisions sont nombreuses dans son propre camp…?

    Qui doit-il choisir, son fils « Kiki »? Jdo? Adada?Ndzon (est-il vraiment opposant?)? Le Congo est semble t-il condamné malheureusement?

    Faudrait-il par conséquent avoir une analyse schumpétérienne qui prône la destruction créative pour qu’enfin ce pays puisse se relever?

    Pour revenir avec les réflexions de l’auteur auxquelles j’apporte quelques controverses intellectuelles (l’intellect n’étant pas la chose la mieux partagée des politiques congolais):

    – je pense qu’il ne faut pas accorder plus d’importance en la personne brillante ou minable comme chacun de nous par ailleurs de M. Sassou. La longévité couronnée macrabrement par les événements du 04/03/2012 (et je ne veux pas faire injure aux massacres génocidaires dans la partie sud de 1998…) ne peut pas permettre de mettre en exergue un quelconque talent de ce monsieur. Peut-être un talent à enrichir ponctuellement sa famille? Nous le verrons à leur chute et après son départ, si kiki et sa bande sont si capables que ça. Mongounga a failli en dépit de ses frasques, eux pourront-ils faire mieux. Voilà le niveau de la politique congolaise dans le cynisme et la bêtise de mes mots. Nous en sommes réduits à ça?

    – C’est le Président Lissouba qui par son imbécilité a ramené Sassou au pouvoir.
    Il s’est passé quoi moins de 25 ans entre les frasques de son pouvoir et la mort de nombreux d’entre eux, ce qui démontre la vision courtermiste de nos politiques

    – vous dites Sassou conscient des maux du pays et une inertie maladive inextinguible à agir ==> pourquoi a t-il pris le pouvoir ou pourquoi ne l’a t-il pas laissé à d’autres plus capable si la transcendance ou le bien commun ou encore l’intérêt supérieur est une notion respectable pour ce monsieur?

    Bref, parler de la transcendance pour un homme politique congolais, c’est faire injure à ce mot, à ce qu’il est et à ce qu’il porte.

  2. Félix BANKOUNDA-MPELE dit :

    Mon cher Pascal,
    Parce que c’est toi, j’essaie de répondre à ton papier qui peut émouvoir, comme l’est le plus souvent tout écrit sincère et honnête. Malheureusement, tu n’as pas réussi à prendre du recul par rapport à tes bons sentiments pour observer et analyser froidement la situation, c’est-à-dire les paroles, faits et comportements. Surtout, de nombreux écrits sur le profil des dictateurs et tyrans, dans l’histoire et à travers le monde, ne semblent t’être curieusement d’aucun secours. Ceux-ci, de façon unanime, démontrent que tout dictateur est d’abord et avant tout un fascinateur, un prédateur qui sait tenir un discours sage et mielleux quand il le faut avant de donner le coup de grâce à ses concitoyens. La lecture de plusieurs biographies, de Pinochet, Bokassa, Amin Dada et Mobutu notamment, qui bien qu’extrêmement dangereux, restent des enfants de cœur par rapport à notre cher général, relatent les signes de vrai-faux patriote que tu as éprouvé lors de tes rencontres.
    Mais allons progressivement à ta petite note.
    Tu soulignes d’emblée que « Nul politicien n’a marqué l’histoire du Congo moderne avec autant de force que Sassou-Nguesso » et tu as raison. Ce que tu n’accroches pas illico à cela est que pour un dirigeant, un homme d’Etat étant par définition un homme public, son premier apport s’attend d’abord et avant tout, au-delà des hypothétiques réalisations économiques et autres, dans la morale politique, reflet de son désintérêt personnel et de sa probité par rapport à la collectivité et à la chose publique. Être homme politique c’est fondamentalement se mettre au service de la nation, de l’intérêt public. Sur ce critère universel, tu auras du mal à trouver un début de preuve de celui que tu as considéré comme « un acteur patriote ». A ce propos, tu remarqueras que si un président comme Marien Ngouabi a eu dans son exercice du pouvoir quasiment tous les défauts qui étaient ou restent dans l’air du temps en Afrique et au Congo notamment, il serait difficile de lui discuter son profil patriotique qui s’est vérifié particulièrement dans les rapports politico-économiques avec la France. Souvent, et consciemment, au détriment de son pouvoir, il a très peu transigé sur les intérêts du Congo. La comparaison à cet égard avec les comportements et pratiques économiques de « l’acteur patriote » ou d’autres de sa génération sont sans équivoque. Soyons clair, il se place sous cet angle aux antipodes d’un patriote. En connais-tu un seul, dans l’histoire et dans le monde, qui aura traqué, c’est-à-dire fait tuer, piller et violer sur plusieurs années ces concitoyens par des forces armées étrangères, comme par hasard les plus féroces de la sous-région puisqu’aussi bien l’armée tchadienne que l’armée angolaise avaient plus d’un quart de siècle d’expérience de guerre sauvage!
    Il faut par ailleurs laisser de côté les considérations métaphysiques sur la longévité de notre cher général au pouvoir. Il n’a pu ainsi régner, et les faits sont macroscopiques, que parce qu’il a toujours su marchander le maintien au pouvoir avec les énormes ressources du pays. Autrement dit « servez-vous comme vous voulez à condition de me garantir la longévité du pouvoir et des revenus personnels conséquents. Si vous ne le faites pas, vous aurez beaucoup du mal à trouver quelqu’un d’aussi serviable que moi ». Tel est son credo et son secret de longévité , cher Pascal. Loïc Le Floch Prigent, ancien PDG d’Elf, son protecteur patenté, ne s’est pas gêné d’affirmer clairement que « le Congo est sous le contrôle d’Elf »!
    S’il « comprenait les enjeux nationaux » comme tu le dis, et « avait fait de son mieux pour les surmonter, mais avait buté sur un mur colossal: l’homme congolais », la question logique qu’il se serait posée c’est évidemment celle du pourquoi! Et, à cette question, il va de soi, qu’il ne peut être innocent. Et c’est un euphémisme. La description du pays végétant et croulant dans la misère après treize ans d’exercice du pouvoir en 1992 c’est clairement l’aveu d’incompétence et d’irresponsabilité et il semble que tu as du mal à admettre cette évidence! Au sortir de son pouvoir, en 1992, au moins 1,2 milliards de frs français, soit 120 milliards de FCFA avaient été planqués dans ses comptes français (EDJ, du 22 au 29 mai 1997)! Comment penses-tu que le commun des Congolais puisse se comporter face à un pouvoir, un chef dont l’anti-patriotisme, le mercantilisme est avéré. Il est établi mon cher Pascal qu’il y a une intimité entre les anti-valeurs de la majorité des citoyens et leurs dirigeants. C’est là la principale marque du long séjour au pouvoir du général. Une marque fondamentalement négative qui aura consisté à enraciner les antivaleurs, c’est-à-dire le pillage obscène et éhonté, les inégalités territoriales, le dédain national, le recul multiforme… Aujourd’hui, le crédo de la majorité des Congolais c’est, selon leur secteur d’activité, l’enrichissement rapide et impudent à l’image du chef et de l’élite. Comment peux-tu expliquer que l’article 48 de la Constitution du régime qui esquisse un début de transparence des élites par la déclaration des biens avant et après l’exercice des fonctions n’est toujours pas pris la forme d’une loi, dix ans après, alors qu’il n’avait, lui, cessé de le revendiquer dans l’opposition!
    Le semblant de paix dont tu parles c’est la résultante de la soumission de la grande majorité à un pouvoir foncièrement militaire. J’espère ne pas t’étonner en te disant qu’il est une équation ou plutôt un chantage qu’il a toujours opposé au peuple: la dictature ou la guerre, c’est-à-dire accepter son régime obscur et vous courez peu de risque ou, au contraire, vous le contestez et c’est la guerre assurée car, il omet de souligner qu’il aura été, de tous les événements du genre au Congo, le principal protagoniste militaire. Les luttes de pouvoir, même violentes, comme celles de 1993, n’auraient pas duré aussi longtemps ou fait autant de ravages si le protagoniste n’était pas militaire ou ne bénéficiait d’énormes moyens financiers et de soutiens puissants étrangers.
    Alors, mon cher Pascal, pas trop d’angélisme sur ce monsieur et, crois-moi, celui qui te parle n’est pas un radical mais quelqu’un qui a observé et analysé pendant longtemps avant de conclure. Je peux, à cet égard, te dire qu’il ne faut pas rêver sur son souhait après lui. On ne peut pas avoir saigné aussi sauvagement son pays pour lui souhaiter ou lui laisser une liberté qui lui permettrait de faire tout de suite le procès d’un régime qui aura, de façon indécente et permanente, pillé, tué, nargué, humilié. De façon générale, les dictateurs méprisent et ignorent l’histoire, avant de se rendre compte, tôt ou tard, que le peuple lui est éternel et a toujours le dernier mot alors qu’eux ne constituent qu’une parenthèse globalement négative et répugnante…
    Bien à toi, et pas trop d’équilibrisme ou d’angélisme je répète

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