Pour une nouvelle politique de la France en Afrique francophone

Depuis que les Etats africains ont acquis leur indépendance, la France n’a cessé d’être aux côtés de ses anciennes colonies. Cela a pris la forme d’accords de défense pour sécuriser leurs frontières, d’une coopération technique nombreuse et diversifiée afin d’accompagner la transition, d’un financement du développement substantiel, d’accords monétaires permettant un change fixe entre le Franc CFA et le Franc puis l’Euro, de bases et d’interventions militaires dans plusieurs pays, de centres culturels essayant d’apporter une ouverture sur le monde, et plus récemment d’une lutte sans merci contre les groupes terroristes au Sahel. La liste est déjà longue et certainement incomplète.

Malgré ou peut-être à cause de toutes ces actions, la France n’a toujours pas su se dégager d’une image néocoloniale, celle d’une puissance qui essaie par tous les moyens de maintenir son influence dans son pré-carré, c’est-à-dire dans ses anciennes colonies. Il faut dire que cette image trouble qui lui colle à la peau n’est pas usurpée.

Elle incombe en partie à la France elle-même qui, juste après les indépendances, et sous l’autorité du Général de Gaulle, a tout fait, coup tordus compris, pour rester sur place, n’hésitant pas à interférer directement dans le maintien ou l’éviction de régimes politiques plus ou moins fréquentables, au gré des circonstances.

Pour ces pays nouvellement indépendants, il n’y a donc pas eu de rupture franche avec l’ancienne puissance coloniale, en réalité pas d’indépendance effective tant l’accompagnement de cette phase de transition, incroyablement longue dans la durée et d’une certaine manière toujours en cours, était orchestré par une France omniprésente et omnipotente.

La France souffre aujourd’hui d’un syndrome d’occupation permanente de pays pourtant officiellement indépendants et souverains depuis 1960. Cette occupation permanente prend la forme d’une présence militaire continue, de l’existence du Franc CFA accroché à l’Euro, ce qui fait qu’une partie des réserves de change de ces pays sont gérées à Paris par le Trésor français. Comme si nous n’étions pas sortis de l’ère coloniale.

Impopularité

La France conserve toujours auprès des populations cette image de puissance tutélaire qui peut tirer les ficelles à tous moments. Quand tout va bien, pourquoi pas. Mais quand tout va mal, quand le gendarme de l’Afrique échoue dans sa mission, comment ne pas rendre la France co-responsable d’une situation qui se délite, notamment sur le plan sécuritaire ? Au Sahel, d’une posture de libérateur au Mali avec l’opération Serval en 2013, l’armée française est passée à un statut d’armée d’occupation dans tout le Sahel avec Barkane à partir de la mi-2014.

Or, aujourd’hui, pas grand-chose ne va dans de nombreux pays d’Afrique, de l’est à l’ouest, et au sud du Sahara. Le djihadisme essaime un peu partout et fait des ravages. La sécurité et le développement ne sont toujours pas au rendez-vous. Alors « dégage ! », semble dire à la France une partie croissante de la population locale, manipulée ou non.

Paris représente ainsi un bouc-émissaire idéal, même si la Françafrique n’est plus ce qu’elle était. Une partie de l’opinion publique de ces pays veut essayer autre chose, quitte à tomber de Charybde en Scylla en basculant sous la coupe des Russes ou des Chinois.

Dans un tel contexte, rien ne justifie pour la France la continuation d’une telle débauche de moyens pour des pays qui n’arrivent toujours pas à amorcer un développement économique, pour des pays qui s’éloignent de plus en plus des droits de l’homme (Centrafrique, Mali, Burkina Faso, Guinée-Conakry, Tchad), pour des pays où certaines élites détournent à leur profit une partie des richesses locales, pour des pays qui ne sont plus nos alliés à l’ONU au Conseil de sécurité et qui pour certains instrumentalisent le problème du terrorisme.

Car les interventions tous azimuts de la France en Afrique coûtent cher sur le plan économique et politique. Les retours espérés – développement effectif de ces pays, sécurité, droits humains – sont extrêmement faibles. Le bénéfice politique va déclinant.

Même la volonté de continuer à vouloir peser sur les affaires du monde dans sa zone d’influence n’est plus porteuse de gains politiques pour la France car elle trop perçue comme le fait d’une puissance post-coloniale quelque peu sur le déclin.

A l’inverse, débarrassée des oripeaux du néocolonialisme, la France renforcerait son rayonnement sur le plan international comme défenseur des droits de l’homme et de la solidarité nécessaire envers les pays pauvres au sein des instances multilatérales ou en tant que puissance d’équilibre suffisamment autonome entre un Occident souvent perçu comme arrogant et des pays non-alignés qui souhaitent faire entendre leurs voix.

Une pause, pas un abandon

Alors comment faire évoluer notre politique africaine ? En acceptant peut-être de se retirer franchement de ce pré carré d’Afrique puisque le besoin de France s’est évanoui avec le temps. Cela signifie accepter de renoncer à la protection quelque peu anachronique prévue par des accords de défense d’un autre temps entre ex-puissance coloniale et pays indépendants.

Cela signifie redéfinir sa politique en Afrique en tirant les conséquences de l’échec de la stratégie des trois DDD (Défense, Diplomatie, Développement), en abandonnant le volet défense, en admettant qu’il est impossible de faire du développement dans des zones où l’insécurité demeure, en évitant d’être lié et même piégé sur le long terme par des accords avec certains régimes devenus infréquentables.

Cela ne veut pas dire couper les ponts pour toujours mais plutôt faire une pause en matière militaire, en matière de lutte contre le terrorisme, en matière politique. Si certains pays d’Afrique, leurs gouvernements et/ou une majorité de leur population, souhaitent à présent faire sans la France, notamment pour assumer leur sécurité, pourquoi ne pas accepter de se retirer en laissant le champ ouvert à d’autres expériences : assurer eux-mêmes leur sécurité ou, plus risqué, s’en remettre à d’autres protections comme en République centrafricaine avec les Russes de Wagner ? Lire la suite sur Alternative-économique.fr

Stéphane Madaule

Economiste spécialisé dans le développement

Ce contenu a été publié dans Les articles. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

6 réponses à Pour une nouvelle politique de la France en Afrique francophone

  1. Samba dia Moupata dit :

    Cher Stéphane Madaule , cette situation de servilité ne peut plus durée ! Les jeunes générations Africaines reprochent à la France son soutien aux dictatures comme Sassou Dénis qui est incapable de procurer l’eau potable aux populations pourtant aux affaires depuis Février 1979 . J’avais mon directeur de mémoire qui me disait l’expérience est productrice de la pensée, mais hélas chez Sassou Denis ça n’a rien produit sinon la médiocrité en pire la barbarie avec le soutien des bases militaires sur le continent , ces pseudos accords de défense qui maintiennent les dictatures en place. Mais cependant les VRP comme Bolloré , Jean Yves Olivier primes sur la diplomatie française.

  2. Val de Nantes dit :

    La France vit de l’Afrique ,mais l’inverse n’est pas vrai… C’est la notion de l’universalité des droits de l’homme ,qui est souvent foulée aux pieds par cette petite puissance qu’est la France.
    L’ aide au développement ( ADP ) est un auto – financement des économies africaines.
    Le mécanisme est connu des initiés : C’est le compte d’opérations africain qui finance les économies africaines..
    En gros : c’est l’Afrique qui finance l’Afrique.
    Voilà le petit tour de passe passe magique auquel se livre la France.
    Exemple : Si le compte de la cote d’ivoire est positif ,on y prélève un dîme pour prêter au demandeur africain.
    Voilà c’est fait !!.

  3. Val de Nantes dit :

    Ce n’est pas à la France de dire aux Congolais de construire des véritables infrastructures routières dans la région de la Likouala.
    D’où le relativisme de reproche qui doit présider à la responsabilité de la France dans le marasme congolais…
    Les solutions disruptives doivent congolaises au moyen d’une réflexion sur le modèle économique adapté aux besoins de ces territoires abandonnés par le jacobinisme tribaliste ..
    C’est aux Congolais d’avoir confiance dans les génies de nos territoires…La construction des routes ne requiert nullement un visa français…
    Les congolais et notamment les faux politiques du Congo n’ont aucune excuse sur les deux tableaux : défaillance politique ou impact négatif de l’influence française..
    D’où la convocation du fédéralisme au Congo Brazzaville.

  4. Val de Nantes. dit :

    Lire , doivent être congolaises.
    Même si la France a une conception équivoque de la démocratie , c’est aux Africains d’assumer et surtout de garantir leur bien être au moyen de l’usage de la raison..
    Savoir distinguer le bien du mal relève de l’exercice de l’éthique,donc en soi un esprit bien affûté et donc éduqué ne peut se tromper de l’objectif qui anime tout être vivant ,de surcroît ,un être humain ,celui d’atteindre le bien..
    On ne va pas sans cesse édulcorer la responsabilité des tyrans inconscients des attendus que requiert une fonction présidentielle….
    La France aura toujours bon dos en Afrique si l’inconscience politique est la norme de la gouvernance publique….. Elle se greffe sur des politiciens hors sol dont l’existence politique est une entorse récurrente aux règles démocratiques…
    C’est aux Africains et notamment aux Congolais de prendre le taureau par les cornes afin d’y mettre fin…il suffit d’y mettre de la volonté et les moyens institutionnels conséquents..
    Quand Platon parlait  » de la nécessité pour un politicien d’être rompu à la géométrie et à la philosophie pour exercer l’art politique ,il en parlait en sujet connaissant..
    La géométrie symbolise l’ordre de la pensée et la philosophie , c’est la raison. Associer les deux vertus vous donnent un régime idéal . Point n’est besoin de pleurnicher tout le temps pour camoufler notre incapacité congénitale à gérer la res publica ….
    Sur quel logos s’appuie sassou ?.. rien.
    C’est quoi ce logos antique ?…
    C’est l’ordre de la pensée c’est à dire la justice pour atteindre le bien…
    Il est temps d’ euphéminiser l’impact de la France dans le chaos congolais au risque d’innocenter sassou de la décadence congolaise..
    Sartre aurait dit aux congolais « : vous êtes responsables ,car vous êtes des êtres libres »…Point barre..

  5. Val de Nantes. dit :

    L’ argent obtenu , sous Sassou , nous aurait permis de lancer le Congo dans une trajectoire de développement économique irréversible.
    42 ans de règne , c’est le retard accumulé par le Congo pour s’émanciper de la condescendance française…
    La seule alternative à cette inertie politique reste le balayage de cette saleté politique pour faire advenir un dynamisme économique structurant , ventilé sur tous les territoires du Congo…
    Que pouvez – vous attendre d’un homme qui , pendant sa jeunesse n’a pu rien faire pour le Congo ,est devenu un vieillard ,avec des facultés intellectuelles et psychologiques diminuées ?.
    L ‘âge est devenu un facteur régressif dans la gestion optimale de la gouvernance publique…
    L’homme ne préside plus aux destinées du Congo ,il est téléguidé par des conseillers dont il ne comprend pas les conseils du fait d’une perte progressive de mémoire…
    Nous sommes dans un cercle vicieux dont nous avons du mal à nous échapper. D’un côté ,un homme fatigué par l’usure du temps et de l’autre un pays , inexorablement ,en voie de sous – sous développement…
    Donc , en plus de l’incompétence innée ,s’y ajoute le vieillissement des cellules humaines , qui engendre des difficultés d’appréhender de façon objective les problématiques cruciales que connaît le pays …
    Ce pays vit au rythme de la respiration de sassou tant son existence en dépend.
    À 80 ans passés , le discernement est aussi réduit que la traversée des urines dans le tube prostatique…Il s’égoutte.
    La conception du pouvoir politique sous l’idée d’ad vitam aeternam est une pure folie…Se servir d’une fausse démocratie pour exercer un pouvoir volé au peuple est une injure à l’ensemble de l’humanité….
    Se sachant désaimé par ses compatriotes , et y opposer une désinvolture diabolique relève du tribunal du Nuremberg…
    Aucune raison humaine ne justifie la présence continue de sassou au pouvoir.Le temps devient le premier ennemi objectif de sassou ,car il lui rappelle les bornes de la bêtise bestialo – humaine.
    C’est le cynisme au pinacle congolais….

  6. leo kikadidi dit :

    le jour ou un candidat a la presidence francaise decidera de convaincre la communaute internationnale d instaurer le R>S A> revenu de solidarite africaine de 100 dollar par mois conditioner par des factures et quittances mensuel loyer transport epicerie energie ect par des soocietes agree par les municipalites la provenance de ces fond sera une taxe sur toutes mantiere premiere quttant le continent africain sa distribution par une agence internationnale compowsee de tout les concernes.les municipalites pourront imposer des taxes sur les societes agrees par elles et donc avoir les moyens d investir et d epargner.la france retrouvera sa oplace quel a faillit retrouver a la baule par mitterant.

Laisser un commentaire