
Par Rigobert OSSEBI
Brazzaville, au temps du « monopartisme sous « Sassou I », avait longtemps vibré avec le feuilleton « Dallas » diffusé par Télé-Congo ; « univers impitoyable des pétroliers » qui allait servir de modèle à la mafia dirigeante au pouvoir. Après l’épisode démocratique de la Transition, et celui du Professeur Lissouba, les mêmes de « Sassou I » ou presque retrouvèrent leurs affaires, leurs délires et leurs dérives. Bruno Itoua en a donc été le premier DG de la SNPC [emblématique instrument d’appropriation du secteur pétrolier ; mis en place dès avril 1998, sur les ruines d’Hydro-Congo et les débris encore chauds et sanglants du holdup mafieux de la guerre-prétexte de 1997, par « l’organisation criminelle » qui minutieusement tissait sa toile]. Les barils et les préfinancements gonflèrent tellement « le melon » du pédant Bruno, qu’il ajouta les prénoms « Jean » et « Richard » à son patronyme pour se faire appeler « JR » par les intimes, comme le héros texan. La folie de la réalité pétrolière à Brazzaville allait bientôt dépasser TOTAL-e-ment la fiction de la série américaine !
Et la famille de l’autocrate ne s’est pas gênée le moins du monde pour accumuler d’incroyables richesses et patrimoines. Au tout premier rang, bien entendu Jean-Jacques Bouya s’est distingué, faisant oublier par sa fortune et sa bedaine celles de son incontournable prédécesseur, et parent de « Sassou I », Pierre Otto Bongo relégué dans les oubliettes du pouvoir d’Oyo/Mpila. Aujourd’hui donc, dans son désir secret d’accéder au pouvoir suprême, le tout puissant incompétent des Grands Travaux a beaucoup misé sur Dieudonné Batsimba.
Mais, ce n’est pas seulement au même Bouya détenteur d’avoirs colossaux à Macao ou à Dubaï, son ex-patron, et à lui seul que Dieudonné Batsimba doit sa récente promotion. Il a eu la bonne idée d’être le demi-frère, même mère, du « pseudo » ministre de la Défense, Charles Richard Mondjo. En nommant Dieudonné Batsimba à la tête de Brazzaville, le despote congolais a cru s’être assuré d’une bonne collaboration du nouveau maire avec ses forces armées ! Voilà qui soumettrait moins Brazzaville au bon vouloir de Ndenguet et de son donneur d’ordres Jean Dominique Okemba… ! Erreur qui pourrait s’avérer, on ne peut plus funeste pour l’avenir des Nguesso au Congo ; bientôt, nous allons comprendre pourquoi …
Une autre bonne fée s’est penchée sur la candidature Batsimba : Denis Gokana qui est son parent également. En fait, Denis Marie Auguste Gokana est le neveu de Nicolas Mondjo (qui fut durant 20 années de 1964 à 1984 Ambassadeur du Congo à Washington), l’époux de la mère du nouveau Maire de Brazzaville et de l’actuel ministre de la Défense ; et là nous entrons dans la sphère longtemps maltraitée, de la bonne ville de Boundji, par le petit village de pêcheurs d’Oyo vainqueur et conquérant … ! Batsimba Dieudonné, titulaire d’un 3ème cycle de l’Institut de l’Urbanisme de Paris (France) et détenteur d’un diplôme d’études approfondies en géographie urbaine, commença sa carrière à la Mairie de Brazzaville au début 1990, d’abord de Chef de Service Adjoint à la Mairie, déjà sous Jean-Jules Okabando, à Conseiller Spécial à l’Urbanisme sous Bernard Kolélas, Emmanuel Yoka, Benoit Moundelé-Ngollo jusqu’au premier mandat d’Hugues Ngouélendélé (février 2003) qui mit fin, du fait d’une incompatibilité d’humeur, à sa collaboration avec la Mairie de Brazzaville.
Grâce à son parent Marie Auguste Gokana, après une courte traversée du désert, il fut introduit lors d’une rencontre à Nkayi auprès de Jean Jacques Bouya, alors Délégué Général aux Grands Travaux, dont il devint le Conseiller.
Avec deux parrains de cette envergure et un frère « pseudo » ministre de la défense, Dieudonné Batsimba avait tout pour plaire au décideur suprême, Denis Sassou Nguesso, peu enclin à la moindre fleur en direction de Jean Dominique Okemba.
De plus, « l’élection » de Dieudonné Batsimba réjouit également Pékin. Bouya n’est-il pas le meilleur ambassadeur que la Chine puisse avoir à Brazzaville et il est évident que son ex-directeur de Cabinet doit y être parfaitement connu et reconnu ?
Brazzaville sera encore plus chinoise qu’elle ne l’a jamais été !
On les disait, Bouya et Batsimba, étroitement liés dans leurs affaires, notamment dans ce pays… Le parent de Gokana a soufflé à l’incompétent Bouya, qui ne savait pas comment intégrer 1000 FCFA dans ses contrats avec les entreprises chinoises, l’art et la manière de se garantir non pas 100 millions de FCFA mais 100 millions de dollars. Une construction au Congo, par la Chine, coûte trois fois plus cher qu’au Niger ou partout ailleurs ! Finalement, des milliards de dollars dont Jean Jacques Bouya a été reconnu propriétaire sont stockés entre Macao et Hong Kong, sans compter les fonds qui ont migré vers Dubaï et autres émirats. Les techniques de dissimulation du trading pétrolier et de la production pétrolière ont été transmises ainsi par Dieudonné Batsimba à son nouveau boss grâce à son engineering hérité de son parent pétrolier, l’auguste Denis !
En 2006, le Washington Post s’intéressa à l’affaire Sphinx, une société écran utilisée par Denis Gokana qui avait fait grand bruit dans le monde de la finance pétrolière et de la lutte contre la grande délinquance (impunie). Publié le 13 mars 2006, l’article était intitulé « Une French Connection de la corruption » (A corrupt French connection Un réquisitoire bien plus qu’un article, qui résonne plus encore scandaleusement quatorze années après.)
« …. L’année dernière, Gokana a comparu devant un tribunal britannique pour répondre à certaines de ces accusations. Le juge a jugé que son témoignage était criblé de mensonges. Le créancier qui a intenté cette action en justice, Kensington International, a également intenté une action de racket à New York, alléguant que BNP Paribas, une grande banque française, a été de connivence avec des responsables congolais pour cacher les recettes pétrolières. La BNP était le principal financier des accords irakiens sur le pétrole contre de la nourriture, et il a été accusé dans le rapport Volcker de fermer les yeux sur l’utilisation de sociétés écrans pour cacher la véritable identité des partenaires pétroliers de Hussein. Le BNP conteste les allégations de Kensington et a qualifié l’affaire de « maltraitance ». …
Le fonctionnement de la kleptocratie congolaise a vu le jour grâce à trois forces: les efforts antérieurs du FMI et de la Banque mondiale pour exiger la transparence; affaires judiciaires intentées par des créanciers frustrés; et les efforts d’enquête de Global Witness, un groupe de développement britannique. La vedette de l’histoire est Denis Gokana, le chef de la compagnie pétrolière d’État, qui a fait en sorte que plus de 400 millions de dollars de pétrole congolais soient vendus à des sociétés écrans détenues par nul autre que lui-même, selon les registres judiciaires britanniques. Tout comme dans l’escroquerie pétrolière en Irak, ces ventes ont été actualisées, permettant aux sociétés fictives de vendre le pétrole à un bon profit à des entreprises telles que Glencore – qui, selon le rapport Volcker, était l’un des principaux fournisseurs de pots-de-vin à Saddam Hussein sous le programme «pétrole contre nourriture…».
Sassou Nguesso, qui ne paye jamais ses dettes (« l’Etat du Congo », c’est lui !) ordonna finalement le paiement de Kensington et autres fonds vautour, et le clan mafieux put alors voler de plus belle ! Il pouvait s’attaquer, en plus des cargaisons, au « contenu local » élaboré justement par Yaya Moussa, ex-Représentant Résident du FMI à Brazzaville, consultant de l’Etat du Congo avant d’y commencer sa carrière de pétrolier (Kontinent Congo).
Dans cette « élection », ce sont les réseaux chinois qui apparaissent renforcés. Les constructions d’infrastructures au Congo vont à la Chine, comme son pétrole ! Quasiment toutes les cargaisons, la plupart du temps chargées au Terminal de Djeno sur des supertankers de 2 millions de barils chacun, prennent la direction de la Chine. Or, Gokana, Denis Auguste Marie, à la hussarde, vient de rafler au nez à la barbe de ses anciens patrons ou presque les champs KLL (Kombi, Likalala, Libondo) dans lesquels il aura 25% au travers d’AOGC et de PETRO CONGO (à partir du 22 juillet prochain). Encore une fois, il a fallu user de PERENCO, qui en sera l’Opérateur, pour évincer TOTAL et ENI de champs qui comptent 530 millions de barils en réserve. Ce fut également le cas pour Tchibelli-Litanzi, Tchibouela II et Tchendo II, pour lesquels les majors française et italienne, à cause du « contenu local » qui leur était imposé, ont dû abandonner le 1er janvier 2017, les contrats qu’ils avaient signés le 14 juillet 2015 avec la République du Congo/Nguesso. Et l’on ne compte plus les participations d’AOGC et de PETRO CONGO dans les autres permis pétroliers, notamment d’ENI de l’ami et « parent » Descalzi.
Jamais dans l’histoire du Congo, et sûrement partout ailleurs, il n’a été permis d’assister à plus rocambolesque cirque, dans le retrait de CONGOREP ( lettre n° 111-CGREP/19/LH/im du 30 septembre 2019 portant renonciation par la société Congorep de la concession d’Emeraude), approuvé en Conseil des ministres le 29 novembre 2019 et publié au Journal Officiel. Après des manœuvres que l’on ose imaginer en coulisses, CONGOREP obtint « Emeraude II » le 9 avril 2020 apparemment dans le dos de TOTAL et d’ENI, qui perdirent sans discussion possible les champs KLL (Kombi, Likalala, Libondo), pour permettre l’entrée d’AOGC et de PETRO CONGO le 17 avril 2020.
Tout cela fut entériné, en plein confinent, en Conseil des « pseudos » Ministres du lendemain, le 18 avril. Ironie du sort, c’est ce même Conseil qui décida la révocation du Maire de Brazzaville Christian Roger Okemba. Actuellement sur la paille humide de la Maison d’Arrêt, il aurait profité indûment d’environ 3 millions de dollars. Les 25% offerts à AOGC et PETROCONGO sur 20 ans pourraient rapporter 3 milliards de dollars au véritable bénéficiaire comme ce fut le cas avec Likouala SA, le Puits de Pétrole de Papa Voleur.
Toujours à la hussarde et en plein confinement, l’accord du Gouvernement complice et d’un Premier Ministre, Clément Mouamba, caution morale d’une « Organisation criminelle » version République bananière puisque les Députés réquisitionnés et masqués, ont dans la foulée et le même jour validé l’attribution des permis ; publiée dans les plus brefs délais pour recevoir bonus officiels et autres petits cadeaux discrets qui sont la contrepartie agréable du dur boulot de tyran-dictateur ! Au travers ou pas de ses faux-nez, Denis Gokana en l’occurrence dans cette affaire !
Il faut être clair maintenant. Il serait temps de savoir qui sont les véritables propriétaires du « contenu local » congolais. Une quasi-totalité des sous-traitants pétroliers, au Congo, appartiennent pour tout ou partie à l’organisation criminelle et familiale de Sassu-NGuesso.
L’autocratie choisit un individu et le nomme « Maire ». La même autocratie avait décidé, il y a plus de 20 années de confier les droits maritimes du Congo à une société privée détenue par un neveu, Wilfrid Nguesso, qui a fondé le principe d’organisation criminelle reconnue par un grand pays d’Amérique du Nord, le Canada. L’autocratie-organisation criminelle en fait de même pour l’attribution sans appel d’offres des renouvellements de champs pétroliers.
La suspicion est grande que le « contenu local » n’appartienne en réalité au dictateur en personne « Monsieur 8% » !
« Monsieur 8% dans les bureaux de vote » est en réalité « Monsieur 25% dans les champs pétroliers » !
A suivre … !
Épisode 3 : Les demi-frères Mondjo-Batsimba rafleront-ils le pouvoir de Brazzaville au nez et à la barbiche des Nguesso ?
Rigobert OSSEBI
Diffusé le 03 juin 2020, par www.congo-liberty.org
Dieudonné Bantsimba roule pour son patron Sassou. Il a été nommé et non élu. Pendant sa désignation, il n’avait pas d’opposant en face.
Merci R. Ossebi pour cet article plein d’infos utiles. Mais c est vraiment pitoyable de voir les hommes se comporter de la sorte. Malgre les richesses qu’ils ont, ils continuent a en masser. Est ce qu’ils se rendent compte que tout est vanite. Les exemples sont lesions, Mobutu, Hitler, Pinochet, Franco, Staline … Le congo est tellement corrompu jusqu’aux confins de l’univers. Nous avons atteint le point de non retour.
Le fonctionnement du réseau décrit par Rigobert Ossebi
Sans le dire, Rigobert Ossebi utilise l’analyse réseautale pour nous présenter les malversations et les pratiques qu’il qualifie de mafieuses au sein du réseau politique congolais. Sur ce site j’ai essayé, j’espère y parvenir, de vous montrer comment le réseau politique congolais fonctionne comme un paradigme en voie de constitution avec ses propres hypothèses, ses propres débats. Les acteurs de ce réseau sont les hommes politiques congolais, de l’opposition et de la majorité, qui dans un semblant d’opposition démocratique se partagent le pouvoir depuis de nombreuses années. Ces hommes de l’opposition et de la majorité congolaise confortent leurs richesses alors que la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Rigobert Ossebi montre à travers des exemples très précis que des alliances au sein du réseau sont soit matrimoniales, soit liées à la fratrie (Batsimba/Mondjo), soit liées à l’obéissance collective ou individuelle vis à vis de Sassou. Dans le réseau, la relation peut être dyadique entre un des membres du réseau et le nœud central du réseau, sans pour autant signifier que c’est la relation de référence.
L’installation de Batsimba à la mairie de Brazzaville est une victoire de Jean-Jacques Bouya sur Denis Chrystel, le fils du Président, et qui permet à Sassou de neutraliser ses enfants et ses neveux pour sa succession. C’est une neutralisation partielle car le réseau prime sur la variable homme et sur la variable fonction. Mokoko et Okombi Salissa, qui étaient des membres éminents du réseau mais de rang inférieur, n’ont pas compris la justesse de cette situation. Le réseau ne se réduit à la somme des actions individuelles, le réseau exprime une contrainte absolue sur les individus. Cette contrainte explique pourquoi le pouvoir politique n’est pas distribué selon les formes normales d’alternance démocratique. Il existe des réseaux partout dans le monde (entreprises, associations, compagnonnages). En revanche, le réseau politique est beaucoup plus spécifique, il est structuré comme un réseau d’étoiles dominées par un ego autour duquel gravitent les individus qui sont les étoiles. Au Congo, l’ego est formé par le Président de la République et ceci depuis les indépendances. La différence entre les réseaux de l’indépendance et celui-ci est liée à l’existence des ressources pétrolières et des interactions entre le Congo et les banques internationales souvent complices ainsi que les traders pétroliers.
Le réseau politique congolais repose sur une manne financière qui lui permet de tout faire pour conserver le pouvoir de façon démocratique ou non, car ce qui est considéré comme antidémocratique par les membres hors du réseau devient démocratique pour les étoiles du réseau. Quelle est la capacité du peuple à comprendre et à déstructurer le réseau, au-delà des velléités déclamatoires du type « Sassou doit partir » ? Quelle est la capacité des leaders de l’opposition à déstructurer le réseau alors qu’ils en sont les premiers bénéficiaires malgré leurs déclarations à l’emporte-pièce ? Bowao et les autres opposants, comme Kolelas, disent vouloir s’opposer au président Sassou alors qu’ils n’attendent qu’une chose : comment réintégrer le réseau pour se mettre à la table des privilèges et des ressources financières. Il faut une tonne d’imagination et d’intelligence pour déstructurer et déstabiliser le réseau.
Je conclus. Comme vous venez de le voir, le réseau n’est pas une lubie intellectuelle mais bien un outil d’analyse et de compréhension des interactions individuelles et collectives du personnel politique congolais. Sassou, dont on disait qu’il n’est pas très instruit, qu’il n’est qu’un simple instituteur, réussit à faire tourner le réseau autour de sa personne. Le dire n’est pas devenir sassouiste, mais l’analyste que je suis est obligé en présentant des faits de montrer comment le réseau congolais est à la fois facile et complexe à comprendre, mais difficile à étudier. Certains opposants le comprennent mais ils n’ont pas les moyens financiers de leurs actions éventuelles contre le réseau.
Grand merci à R. Ossebi. Votre article apporte une clarté sur le fonctionnement de l « Organisation criminelle » (d’aucuns diront « réseau »…), qui dirige le Congo depuis 1997.