PERENCO, grand champion en 2020 de l’exploitation pétrolière au Congo

C’était au Palais présidentiel de Brazzaville, le 30 avril 2019. Le pas décidé et l’allure conquérante, François Perrodo, le jeune patron de Perenco, allait à la rencontre de Denis Sassou Nguesso qui l’attendait au bout du grand salon de réception. Après l’avoir salué, encore au pas de charge, il introduisit ses Généraux-directeurs, Christophe Blanc, Denis Chatelan et Louis Hannecart : futur, ancien et alors Directeur Général (jusqu’au 31 décembre 2019) de Perenco Congo-Congorep et de faire un rapide bilan de leurs activités à Sassou Dénis, le maître-absolu-propriétaire de la manne pétrolière …

Les quelques témoins présents pouvaient percevoir dans l’œil du vieil autocrate, souvent hautain et méprisant envers ses visiteurs, une pointe rare d’admiration en direction du jeune dirigeant et héritier de la compagnie pétrolière. Le tyran regrettait-il de n’avoir, dans sa très nombreuse progéniture,  un dauphin de la trempe de François Perrodo à qui léguer son royaume pour en faire un véritable empire ? Il n’avait autour de lui que tout son contraire : enfants légitimes ou adultérins et neveux compris, tous aussi incompétents les uns que les autres, qui contribuaient  inéluctablement à sa chute et à son désespoir !

Perenco opère en République du Congo depuis 2001, date à laquelle Congorep une société commune de Perenco et de la SNPC, a été créée pour exploiter le champ Emeraude. En 2006, à la disparition accidentelle de son fondateur, Hubert Perrodo, Perenco n’était qu’une petite société pétrolière. Au Congo, dans la discrétion la plus absolue, elle a particulièrement prospéré. Dès 2002, le permis de Yombo, huile très lourde tomba dans l’escarcelle de « la junior française ». En 2010, Congorep devint opérateur de Likouala ; à ce jour, ce  champ produirait encore miraculeusement, génie du savoir-faire de « la rue de Logelbach », 35.000 barils/jour ; de quoi donner des regrets aux anciens propriétaires, un temps TOTAL,  puis l’obscure Likouala SA immatriculée à Jersey pour mieux masquer le clan du président congolais.

Le 1er janvier 2017, Perenco, décidément vernie, héritait des champs de l’EX-PNGF Sud (Tchibeli-Litanzi, Tchibouela II, Tchendo II) une vingtaine de mille barils/jour, rapidement augmentée à 25.000 barils/jour. Congo-Liberty avait été à la tête de la contestation, durant l’été 2015, du renouvellement des licences d’exploitations en faveur de TOTAL et d’ENI, du fait de leur association à un « contenu local » douteux, aisément assimilable à un pacte de corruption.

Au titre du « contenu local » s’imposaient AOGC et PETRO CONGO ; Denis Gokana pour la première, ex-DG de la SNPC, Conseiller aux Hydrocarbures de l’autocrate Denis Sassou Nguesso est soupçonné d’être l’homme de paille du même dans ses participations pétrolières ainsi que son frère Maurice, l’ancien pompiste d’Hydro-Congo,  d’être détenteur de la seconde. Pareil soupçon de corruption pour KONTINENT, de Yaya Moussa, ex-Représentant Résident du FMI au Congo, devenu miraculeusement propriétaire d’une compagnie pétrolière dans le même pays.

L’alerte dont Congo-Liberty a été l’initiateur, après la signature honteuse du 14 juillet 2015 concernant Tchibeli-Litanzi, Tchibouela II, Tchendo II, avait été parfaitement relayée et même très officiellement transmise, le 03 septembre 2015, au Department Of Justice à Washington et à la SEC (Securities and Exchange Commission) à New-York ; le DOJ allait obliger TOTAL et ENI de se retirer ! Ce qui fut fait au grand bénéfice de Perenco ! Comme un fruit mûr, sans le moindre effort et sans appel d’offre, les permis de l’ex-PNGF Sud revenaient à la citadelle verrouillée et mystérieuse du 7, de la rue de Logelbach Paris XVIIème… (En quatre années près de 35 millions de barils auront été produits !)

Les conquêtes à la hussarde au Congo, pour le jeune partenaire pétrolier de Sassou Nguesso, n’allaient pas s’arrêter pour autant. En plein confinement Covid-19 au Congo, en même temps que le renouvellement d’Emeraude II était accordé au Groupe contracteur (SNPC, Congorep et Perenco Congo SA), le 9 avril 2020, (contre un bonus de 5 millions de dollars, «une poignée de cerises» au regard de l’immense réservoir, certes complexe, d’Emeraude), la Directrice des Hydrocarbures, Teresa Goma, annulait l’appel d’offres sur le permis KLL, (note 20-0418) ; et ce dernier était accordé à Perenco, encore une fois de gré à gré et complètement dans le dos de TOTAL.

Toujours en plein confinement COVID-19, un Conseil des Ministres était convoqué le samedi 18 avril, en même temps qu’une Session extraordinaire de l’Assemblée Nationale pour ratifier, toujours à la hussarde, les contrats pétroliers accordés à Perenco, l’Opérateur, ainsi qu’à ses associés dans l’exploitation du permis KLL.

Jamais au Congo, il n’a été donné de constater pareille urgence dans l’accomplissement des formalités d’attribution de permis pétroliers. Cela ne pouvait s’expliquer que par l’intérêt personnel et familial de Sassou-NGuesso dans les sociétés AOGC, PETRO CONGO (et même KONTINENT).

Tout se déroulait parfaitement, jusqu’à ce que des saisies répétées n’interviennent auprès de Perenco, tiers saisi à Paris, par des créanciers contentieux de la République du Congo ; avec, en arrière plan, un possible conflit d’intérêt du côté de la République Française du fait d’un Administrateur multiple et omniprésent dans Perenco et ses filiales ; administrateur de la société anonyme Perenco depuis sa création en 1984 au 21, avenue Victor Hugo à Paris (transférée 6 avril 1998 au 23-25 rue Dumont d’Urville à Paris et le 10 déc 2012 au 7, rue de Logelbach à Paris) et vice-président d’une banque à Genève qui vient d’être cédée, il y a peu. Très peu…

L’envie de conquêtes pétrolières au Congo allait tout de même bon train pour François Perrodo, par ailleurs  Champion de course automobile. Le 18 novembre 2020, il était de retour à Brazzaville et faisait la une des médias locaux avec l’augmentation de sa production (contrairement à ce qui a été écrit, Perenco serait plus près des 100.000 barils/jour que des 80.000) et son intérêt pour son entrée, désormais acquise, dans l’importante concession du Terminal de Djeno. Une surexposition médiatique rare à la tête de son groupe familial dont officiellement et administrativement il s’est très volontairement tenu à l’écart. Le « Boss » pourtant  c’est bien lui et personne d’autre que lui.

Lors de ce dernier voyage au Congo, le Président du Groupe Perenco était allé également se recueillir sur la tombe de Jean Robert Ippet Letembet (alors récemment décédé du Covid) proche collaborateur et numéro 2 de Perenco Congo.  Perenco c’est aussi une grande équipe, des troupes que François Perrodo pilote ; le personnel, souvent expatrié, le lui rend bien ; heureux dans des parcours-campagnes qui le mène « de filiales en filiales » de « la rue de Logelbach ».

Pourtant, depuis janvier 2020, l’objet social de la société Perenco a changé. Souci extrême « d’optimisation fiscale » ? Elle est devenue une simple société de services pétroliers … Le groupe pétrolier français, puis franco-britannique, s’est comme évaporé ou « éparpillé par petits bouts, façon puzzle. » Perenco, « une Major » qui s’ignore, pourrait bien être une première GAFA française…

En Afrique, Perenco n’a pas très bonne presse, particulièrement au Gabon. Dans un article écrit au vitriol, « Opaque comme le brut : Perenco fait main basse sur le pétrole gabonais », Perenco se fait tirer un portrait peu reluisant (et surtout Denis Chatelan) et l’attention est attirée par l’obtention du permis « KLL II » avec un minable bonus de 50 millions de dollars qui ne représenterait que le sixième de sa véritable valeur…

En réalité, un jackpot pétrolier : des centaines de millions de barils en réserve prouvée (530 millions), des installations de production en état de marche ; juste un robinet à ouvrir pour voir s’écouler le sombre cash visqueux… !

Une belle réussite, c’est beaucoup de travail et parfois beaucoup de courage pour quelques acrobaties ! Avec ou sans filet…

Certains, dernièrement se sont un peu ramassés… !

Le trader Gunvor en Suisse, sûrement grâce à sa proximité avec Poutine, était passé entre les gouttes en n’ayant à payer qu’une amende de 94 millions d’euros en partie à cause du contrat de 20 cargaisons signé avec la SNPC ; la corruption d’officiels congolais était pourtant grandement avérée.  Beny Steinmeitz, le franco-israélien, il y a quelques jours a été condamné à 5 années de prison, toujours en Suisse, pour avoir versé à la quatrième épouse de Lansanna Conté, l’ancien président guinéen entre 2006 et 2012, environ 10 millions de dollars pour l’obtention d’un permis minier.

Les associations avec AOGC et Petro-Congo, dont profite Perenco, n’ont pas été permises à TOTAL et à ENI, par le DOJ des USA, mais ne seraient pas tolérées pour autant par la législation française ; elles pourraient relever de l’ordonnance du 02 juin 2020 du Ministère français de la Justice contre la corruption internationale. Côté britannique, PERENCO ne saurait être mieux lotie avec la déclaration de guerre du Ministre des affaires étrangères, Dominic Raab, à l’argent sale et au blanchiment : “If you’re a kleptocrat or an organized criminal,” Mr. Raab added, “you will not be able to launder your blood money in this country.” * Ce qui vaut donc pour le Royaume Uni où Perenco compte quelques comptes et quelques filiales et pour les Bahamas où PERENCO a logé ses 38 filiales dont PERENCO Exploration and Production Congo Limited P.O. Box N-10051 à Nassau (presque toutes les filiales sont quasiment dans une même boîte à lettres…).

Et pour couronner le tout, le cher Wilfrid Nguesso a été reconnu, par une Cour Suprême nord-américaine, (décision devenue depuis définitive), « appartenir à une association de malfaiteurs ».

Association dont ne semblent guère s’inquiéter les complices de tous bords !

Rigobert OSSEBI

Diffusé le 28 janvier 2021, par www.congo-liberty.org

ANDELY-BEEVE, PERSONNALITÉ DE L’ANNÉE 2020 POUR SES TRAVAUX SUR LE NOUVEAU SYSTÈME POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE AU CONGO-BRAZZAVILLE.

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3 réponses à PERENCO, grand champion en 2020 de l’exploitation pétrolière au Congo

  1. Samba dia Moupata dit :

    Le congo est otage d’un fou furieux Mbochi , qui ne fait que renouveler des contrats à Oyo . Alors que la population n’en voit la couleur de l’argent . Un état qui ne respecte pas les règles du commerce internationales les plus essentielles , un état qui traite avec le traders est état voyou . Malheur à Parfait kolélas qui accompagne ce fou , dans cette politique du désastre .

  2. Prince Albert dit :

    Curieusement après cet artice RFI se réveille :

    https://www.rfi.fr/fr/podcasts/invit%C3%A9-afrique/20210129-renaud-van-ruymkeke-il-y-a-une-masse-%C3%A9norme-d-argent-sale-qui-circule-dans-les-places-offshore

    Aujourd’hui, dites-vous, les places offshores les plus protectrices pour les fraudeurs, ce ne sont plus la Suisse ou Chypre, mais ce sont Dubaï, Singapour, Hong Kong. Et vous dites que la pire, c’est peut-être Dubaï. Pourquoi ?

    Parce que Dubaï vit tranquillement, personne ne lui demande de comptes. Si vous prenez la Suisse, le Liechtenstein, le Luxembourg, ils ont des lois anti-blanchiment. Evidemment que tout n’est pas parfait, mais ils ont en quelque sorte délocalisé. On l’a vu en 2010 dans plusieurs affaires, on a vu qu’ils conservent le contact des clients, des fraudeurs, mais les comptes ne sont plus ouverts en Suisse, parce que la place n’est plus jugée sûre, donc ils ont ouvert des comptes, qui ne sont pas au nom des personnes, mais au nom de sociétés panaméennes, des Bahamas ou des British Virgin Islands, parce qu’il n’y a que des masques. Ils ont ouvert ces comptes à Singapour, on l’a vu aussi Hong Kong, parce que là, on sait que la coopération est moins aisée que dans ces pays-là. Depuis quelque temps, Hong Kong et aussi par exemple le Liban –regardez la situation du Liban aujourd’hui-, ces places quelquefois s’écroulent ou, en tout cas, elles sont jugées moins sûres par ceux qui placent l’argent. Alors qu’est-ce qui reste ? Il y a une place, on l’a vue de façon récurrente aujourd’hui, c’est Dubaï. Dubaï ne coopère pas. Vous faites des demandes de comptes dans des dossiers de fraude, de trafic, de tout ce que vous voudrez, de corruption à Dubaï, vous n’avez pas de réponse.

  3. Val de Nantes dit :

    Eh oui ,les blancs se sucrent dans le dos des congolais , lesquels qui trinquent . Cette affaire met en évidence la très haute bêtise congolaise auréolée d’un cynisme politique.
    La conservation à tout prix du pouvoir n’a pas de limites . C’est le quoiqu’il en coûte
    Sassouiste . Peu leur chaut ,la misère nationale..
    L’ exhumation de ce dossier scabreux à l’occasion de l’enquête sur la ministre Runacher est symptomatique de la mafia dans le secteur du pétrole congolais.
    L’après Sassou sera le moment de l’inventaire de toutes ces pratiques frauduleuses internationales et nationales dont le Congo a été le terrain de théâtre maléfique…
    On parle des paradis fiscaux où une jolie pactole y a atterri…
    Le Congo aura la mémoire exigeante pour réclamer son dû à qui s’en est rendu coupable.

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