Pascal Lissouba, président du Congo ,se dit abandonné par Paris. «Je ne peux pas obliger la France à nous aider».

Il argue de son bon droit et de sa légitimité. Vainqueur de la

présidentielle en 1992, l’actuel chef de l’Etat, Pascal Lissouba, pourfend son prédécesseur au pouvoir, le général Sassou N’Guesso, comme «dictateur communiste» qui, après avoir régné sur un «goulag équatorial» pendant douze ans, tenterait aujourd’hui de revenir par tous les moyens «sauf la démocratie». Généticien de formation, le «professeur-président» Lissouba, 65 ans, se dit abandonné par la France.

Croyez-vous que votre appel à la trêve va être entendu?

C’est la quatrième fois que j’en appelle à un cessez-le-feu, cette fois-ci en parlant moi-même à la radio nationale. Parce que je ne peux pas rester indifférent devant tant d’atrocités, tant de misère. Les bombes sont aveugles, elles tuent n’importe qui » Mais si, en face, on continue de tirer sur mes soldats, je ne crois pas qu’ils vont se laisser tuer. Donc, je ne peux pas savoir si la trêve tiendra. Si Sassou continue la guerre, eh bien, tant pis. Qu’est-ce que vous voulez? Moi, j’ai déjà accepté, dès vendredi dernier, les bons offices proposés par le président Omar Bongo (du Gabon, ndlr).

Avant les combats, combien de miliciens avaient été intégrés dans l’armée?

Tous ceux que les chefs politiques voulaient voir intégrés dans l’armée nationale ont été pris. Nous n’avons pas imposé de limites à qui que ce soit. Seulement, Sassou a refusé d’envoyer ces gens, parce qu’il ne voulait pas les mettre à notre disposition, il voulait les garder pour prendre avec leur aide le pouvoir.

Est-il encore possible de tenir le 27 juillet une élection présidentielle?

Cette élection doit avoir lieu à la date prévue de manière constitutionnelle. J’ai été élu, j’ai terminé mon mandat, je le rends et j’organise l’élection à laquelle je me présente pour me succéder. Ça, c’est une logique sans fissures, me semble-t-il. Je n’ai pas à entrer dans des états d’âme. M. Sassou N’Guesso fera ce qu’il voudra bien faire. S’il veut être candidat, ça ne me regarde pas.

Mais, sur le plan matériel, rien n’est prêt pour le scrutin?

Je suis le protecteur d’un régime et d’une population qui souffre. Alors, j’organise l’élection comme prévu. Le reste, c’est des détails qui n’ont rien à voir avec notre problème, la misère que je pleure. Des listes électorales et du reste, nous nous en préoccuperons, je vous l’assure.

Votre soutien au président Mobutu ne vous vaut-il pas, aujourd’hui, l’hostilité de Laurent-Désiré Kabila, le nouveau chef de l’Etat en face à Kinshasa?

Je n’ai pas soutenu Mobutu. Dans une situation de crise régionale, le président sud-africain Nelson Mandela a parlé à M. Kabila, alors que moi, j’ai tenté de savoir ce que pensait Mobutu. C’est tout. D’autant que Mobutu est un malade, un grand malade. Quant à M. Kabila, je viens de le rencontrer pendant trois heures à Harare. Nous avons discuté et, je pense, nous nous sommes compris.

La France a-t-elle fait ce qu’il fallait faire?

Ce que la France a fait, pour ou contre nous, on en fait étalage aujourd’hui dans le Canard enchaîné. Je suis désolé. Je croyais que nous étions des alliés, que nous avions des intérêts communs, et je n’ai jamais trahi les intérêts de la France » La France vous a-t-elle abandonné?

Mais qu’y puis-je? Si d’autres lui offrent de meilleurs intérêts. Je ne peux pas l’obliger à nous aider, nous. Elle fera ce qu’elle a envie de faire. Le président Chirac nous aide en nous demandant de faire taire des armes. Ce n’est déjà pas mal.

La compagnie Elf, qui a des gros intérêts dans le pays, aurait-elle dû davantage contribuer à la stabilisation du Congo?

C’est évident. Elf est une grande puissance, c’est d’elle que vient tout. Mais ce n’est pas moi qui la contrôle, malheureusement. Alors, sa politique ne dépend pas de moi. Les intérêts sont différents. J’essaye de faire avec le peu que j’ai pour stabiliser le pays. C’est tout. M. Jaffré (l’actuel PDG d’Elf, ndlr) et les siens sont les puissants dans notre monde, dans la sous-région. Alors comment voulez-vous que je dise quoi que ce soit là-dessus?.

Par SMITH STEPHEN ,12 juin 1997

Source: liberation.fr

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