L’HONNEUR PERDU D’UN CHEF DE GANG : l’excellent Sassou N’Guesso, maître-chanteur du Congo-B , par Dina Mahoungou

A la mémoire de tous les disparus suite aux graves incidents du 4 mars 2012 à Brazzaville

 

 

En trente-trois ans de pouvoir sans partage, depuis qu’il était patron de la sécurité d’Etat, c’est la première fois que je l’ai vu pleurer.

A une très élégante dame qui le harcelait de questions, pour s’enquérir de la situation à Brazzaville, (nos deux interlocuteurs sont voisins dans le quartier de M’Pila), le pauvre désespéré lui répondait calmement.

C’est un colonel de gendarmerie, les deux pieds dans le plâtre, sorti tout récemment de l’enfer de M’Pila qui assistait à une veillée de prières à Paris 16ème où je fus invité en ami. L’officier répondait à cette élégante et respectable personne qui n’était autre que sa nièce.

Notre brave officier surenchérit : Eh oui, Mesdames et Messieurs, je l’ai vu à l’hôpital militaire de Brazzaville, de mes yeux, j’ai vu pleurer le Général Président la perte de tous ses grands officiers, la perte de toutes ses armes qui lui ont coûté des millions de dollars, la perte de son bunker qui a volé en éclats. Il n’a plus de trésor de guerre, peut-être des subsides et un peu de matériel léger dans son village natal mais ça ne mange pas de pain, avec ça comment préparer une prochaine guerre ?

Notre brave colonel, dans toute sa carrière, a couvert quelques malversations financières du régime. Neveu par alliance, il est issu du clan et est originaire de la cuvette Ouest. C’est un grand intendant, un banquier militaire.

A ladite veillée de Paris 16ème, notre brave homme, la cinquantaine à peine, parlait beaucoup, racontait les anecdotes de son patron.

Soudain, tout énervé, il ne se saisissait plus. Bon Dieu de Bon Dieu ! dit-il, ce gredin doit être aux arrêts, trop c’est trop. Ici, en Europe, on demande toujours les preuves, et tous ces cadavres toujours dissimulés dans les décombres ! Ici, la mort doit être d’abord juridique. Un pays d’embrouilles oui !

Par l’extrême torsion de la langue qui implique une double volonté de convaincre, notre héros d’un jour était prêt à tout déballer. Ne faisait-il pas partie lui-même de ce carrefour du pourrissement du Congo Brazzaville ?

Le justicier connaissait la musique. Les yeux visqueux, le paradoxe supplémentaire, c’est que son rire sonnait faux. Deux Messieurs qui lui servaient de gardes du corps l’avaient installé sur un grand fauteuil de cuir râpé, il remuait sans cesse la tête.

Vous voulez des preuves ? Toujours des preuves ! Ajouta-t-il tout en colère : Emile Zola avait-il toutes les preuves quand il a lancé l’affaire Dreyfus ? Et le grand Voltaire avec l’affaire Calas hein ? Il doit payer cet abruti ! Nous autres enfants du Nord on le connait trop bien, il va en chier c’est promis !

Les exécuteurs de basse besogne commencent déjà à parler. Des documents circulent. Trente ans de fiasco, tout le reste de travers.

Trop c’est trop, ceux qui lui ont sauvé la mise ne tiennent plus le coup. Toutes les preuves contre lui sont à la portée de toutes les juridictions.

Les latins avaient bien compris la nature de l’intelligence, « Inteligere » : lier les choses entre elles. Au Congo, leurs liaisons ne sont que terreur et persécution.

Drôle d’enjeu pour des hommes politiques. Le faquin lui-même sait qu’il n’en a plus pour longtemps : l’honneur perdu d’un chef de gang.

Même dans l’abstraction d’un instant, le Général Président ne se voit pas à la retraite. Son jugement si rigide, si apparent, n’empêche pas qu’il parle à son cœur.

Dans tout contradicteur le Général écrase l’infâme, c’est un loup, un dangereux animal politique. Tout en lui relève de la prédation, cette volonté farouche de s’imposer au peuple. La férocité y compte autant que la manière.

In situ, on devine la décadence d’un personnage délavé, c’est un soudard brutal dans la concision la plus extrême, un exterminateur hors pair.

Mais personne pour l’abattre, cet impératif reste lettre morte. Mais Dieu veille ! Et, les vérités se survivent jusqu’à la nuit des temps.

Le Congo Brazzaville dans une frénésie carnassière faite de pillages, de haine, d’atrocités, d’abandon, de frustrations. Toutes nos espérances sont dans les desseins de la providence et, nos amertumes qui débordent de tous leurs cœurs ; la Nation outragée.

Le Général Président, qu’espérait-il depuis tant d’années de mésalliance d’avec le Congo ?

Une présidence à vie peut-être ? Que nenni !

Ce faux soldat dans un bunker installé, soigne toutes ses activités passives : la névrose, le trouble primitif et le stress au quotidien qui le tenaillent, les jeux sont faits, c’est un malotru en fin de règne.

Ce tyran débonnaire, irrité jusqu’à la stupidité, ce n’est qu’après les graves événements du 4 mars 2012 qu’il s’aperçoit enfin de la brusque désaffection de tout un peuple. Mais enfin, dans quel pays vivait-il ?

Cet ostracisme rigoureux contre la parole de l’autre, cette froideur dévouée pour la répression. Le Général Président cherche à travers la punition une hébétude, une sorte de compensation dictée par des schèmes préconstitués.

Chaque matin qui se lève, le chef de l’Etat croit se défendre contre une conspiration, celui-ci est obsédé par les complots et les cabales. Ce minus entend des voix, pire, des chuchotements. Il se méfie des infiltrations morbides qui pourraient infecter le clan ; donc la perte du pouvoir par la confrérie.

Le maestro est tout le temps nerveux, le chef de l’Etat s’entoure d’experts en explosifs : des artilleurs, des démineurs, des artificiers, des cartomanciens.

Sa tension est d’ordre spécifiquement névrotique, c’est un grand malade, un véritable dégueulasse, un fumier.

Tout ce sectarisme qu’on lui reproche devient une affaire personnelle, une accusation calomnieuse ; donc on l’a souillé.

Les délires de son âme soupçonneuse le mettent sur la défensive et ses rapports avec la réalité sont ambigus, une espèce d’intuition brouillée.

Comme tout dictateur dans son panache, il est sûr de gagner son procès en appel. Il a des amis partout croit-il.

S’ignorant tranquillement dans des projets funestes, il demeure toujours dans la pénombre. D’une mauvaise foi consternante, le Général a érigé une machine infernale qui épie et terrifie le citoyen jusqu’à la mort éventuelle. Criminel depuis bien longtemps, il patauge dans sa folie tel un petit Néron de brousse. Godillot particulier et inique, le soldat n’est à l’aise que dans la méchanceté. Ce pirate des temps modernes s’acharne laborieusement à détruire l’unité de son propre peuple. L’on doit sérieusement rechercher cette compréhension dialectique à partir de son passé, son éducation, son caractère.

Individu opaque, nuisible, dissimulateur, jaloux, il a élevé en lui le concept de la vengeance au rang d’absolu. Heureux dans le malheur du prochain, tonitruant, il s’émousse de plaisir, satisfait, il adore la chute de l’autre.

Chers lecteurs, chères lectrices : mon devoir d’écrivain est d’orienter les opinions … De lui dire la vérité en face à ce goujat.

Le Président du Congo Brazzaville le sait depuis sa tendre enfance que le monde est cruel, violent, obscur, sadique, imprévisible, trouble. Des années plus tard, c’est juré, il deviendra le seul homme-lige de son territoire.

S’il le faut, pour défendre sa stature, tous ses opposants seront écrasés, détruits, perforés, abandonnés, affaiblis, torturés, empoisonnés, exilés. Mais n’est pas Machiavel qui veut !

De sa petite voix mielleuse, troublée par la négation de l’autre et par des pratiques sado-sataniques, ses amis d’enfance se souviennent et racontent : il avait des chiques et des pucerons partout aux orteils, un enfant bâtard et pauvre qui se grattait souvent, pleurait pour avoir un gâteau de manioc. Nous l’humiliions chaque matin. Fouetté aux orties , bastonné à la cour de récréation, l’école pour ce bougre était une sorte de colonie pénitentiaire, le bagne au prix fort payé.

Etre le plus fort, le gredin a retenu la leçon, aujourd’hui il est le roi, tout lui sourit même les grosses bêtises.

Dans son hilarité vengeresse, il ordonne, les autres n’ont qu’à faire le sale boulot : zigouiller à sa place, faire le ménage.

Tout puissant, il a donné le meilleur de lui-même, un vaste travail de transsubstantiation qu’il s’est édifié. Bravo Maestro ! Vous pouvez vous frotter les mains, le bonheur vous sourit.

Sa virilité est au bout du fusil, trente ans déjà, les hommes du général ont escamoté tout le pays, la vie là-bas est un long mensonge, un chemin de croix.

Au lendemain de cette veillée de prière à Paris 16ème, je me retrouvais au Château-Rouge à Paris 18ème, les ressortissants du Congo Brazzaville, colériques et impulsifs vociféraient, criaient vengeance avec des sautes d’humeurs violentes.

Un des survivants de cet enfer, fils d’un chanteur célèbre, pour faire baisser la tension dans le café-tabac où nous nous étions rassemblés, nous raconta cette blague à la Audiard : « Si tous ces imbéciles en Afrique dégageaient de la lumière, depuis longtemps déjà il ne ferait plus nuit dans le continent, y compris au Congo Brazzaville ».

Et notre comique troupier d’ajouter : « là-bas les hommes ont peur des sévices grand frère, me dit-il en vis-à-vis, ce sont des poltrons, ils ne réclament rien, donc ils n’auront rien ».

Tout ce peuple en courroux, pour ne rien faire.

A bientôt mes naïfs ! Souffrez dans votre insupportable cri de solitude !

Priez toujours ! Et dormez sereinement mes beaux congolais indécis, bien sapés bien parfumés mais incapables de choisir honnêtement votre voie royale.

Adieu Vat !

Quelle bande à badernes.

Et oui ! Chers compatriotes, demain sera un autre jour.

 

Dina Mahoungou                                                                          Arpajon, le 14 mars 2012

Ecrivain congolais et journaliste free lance.

Dernier ouvrage paru : « Agonies en Françafrique » aux Editions l’Harmattan dans la collection Ecrire l’Afrique (Roman).

Prochain ouvrage à paraître, vente à la FNAC et dans toutes les bonnes librairies : « Les parodies du bonheur » aux Editions Bénévent, recueil de huit nouvelles (environ 150 pages, 13.50 euros) livraison fin mars début avril.

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Une réponse à L’HONNEUR PERDU D’UN CHEF DE GANG : l’excellent Sassou N’Guesso, maître-chanteur du Congo-B , par Dina Mahoungou

  1. biloba loba dit :

    Cet un très bel article, qui me redonne espoir. Voilà un intellectuel, qui n’a pas froid aux yeux, et qui dit les choses comme elles sont.
    Les autres intellectuels , et universitaires, parce que espérant toujours avoir un poste au pays, se taisent, au lieu de dénoncer le pouvoir mortifère de sassou.
    Le jour où les congolais briseront le mur de la peur, le pouvoir moribond de sassou tombera.
    Alors mettons nous tous au travail de la mobilisation des vraies forces d’opposition.

    A Dina Mahoungou, une fois de plus merci, le peuple congolais, le congo ta terre natale, te seront reconnaissant.

    Continue à nous étayer sur la sémantique de ce pouvoir.

    Vive tous les démocrates congolais

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