DEVANT LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
(9ème Chambre civile, 2ème section)
L’AN DEUX MILLE TREIZE ET LE 13 MAI
A la requête de :
Conseil Représentatif des Associations Noires de France dit CRAN
Association régie par la loi du 1er juillet 1901,
Ayant son siège social : 26, rue de LAPPE – 75011 PARIS
Représentée par son Président en exercice, Monsieur Louis-Georges TIN
Ayant pour Avocats :
Maître Alain TAMEGNON HAZOUME et Maître Norbert TRICAUD
Avocat Avocat
49, rue de Châteaudun – 75009 PARIS 151, boulevard Haussmann – 75008 PARIS
Tél. : 01.40.16.46.09 – Fax : 01.45.96.06.61 Tél. 09.64.38.99.16 – Fax : 01.30.71.13.87
D 60 C2200
Et élisant domicile au cabinet de Maître Norbert TRICAUD, à l’adresse ci-dessus
JE
Huissier soussigné,
AI ASSIGNE :
1. CDC ENTREPRISES, Société par Actions Simplifiée au capital de 4.709.520 €,
immatriculée au R.C.S. de PARIS sous le numéro 433 975 224, dont le siège
social est sis 137, rue de l’Université 75007 PARIS
Représentée par son Président du Conseil d’Administration en exercice,
Monsieur Philippe BRAIDY, es qualité de CODEFENDEUR,
2. CDC INFRASTRUCTURE, Société Anonyme au capital de 793.082.347,47 €,
immatriculée au R.C.S. de PARIS sous le numéro 450 055 090 dont le siège social
est sis 56, rue de Lille 75007 PARIS
Représentée par son Président du Conseil d’Administration en exercice,
Monsieur Philippe BRAIDY, es qualité de CODEFENDEUR,
3. La Caisse des dépôts et consignations (CDC), personne morale de droit public
sous contrôle de l’Etat français, enregistrée auprès de l’INSEE sous le numéro
SIREN 180 020 026 00019, ayant son siège au 56 rue de Lille 75356 PARIS 07,
représentée par son Directeur Général, nommé par l’Etat, Monsieur Jean-Pierre –
PIERRE JOUYET, es qualité de CODEFENDEUR,
4. L’Agent Judiciaire de l’Etat, anciennement Agent Judiciaire du Trésor,
représentant l’Etat français, demeurant 6, rue Louis Weiss 75013 PARIS, es
qualité d’APPELE EN CAUSE article 327 CPC.
Où étant et parlant,
Je vous fais connaître,
Qu’un procès vous est intenté devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS, sis au Palais de Justice de PARIS – 1 Boulevard du Palais 75001 PARIS, à l’audience et pardevant
Mesdames, Messieurs les Président et Juges composant la 9ème Chambre civile,
2ème section.
TRES IMPORTANT
Dans les quinze jours de la date indiquée en tête du présent acte, sous réserve d’un allongement en raison de la distance, conformément aux articles 643 et 644 du Nouveau Code de Procédure Civile, vous êtes tenu de charger un avocat au Barreau de PARIS de vous représenter devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS.
Il est toutefois précisé que vous pouvez dans ce délai charger de vos intérêts n’importe quel avocat inscrit à un Barreau situé en France ou hors du territoire français mais à l’intérieur des limites de l’Union Européenne, en ce cas, l’avocat devra, préalablement à toute constitution, élire domicile chez un avocat inscrit au Barreau de PARIS.
Si vous ne le faites pas, vous vous exposez à ce qu’une décision soit rendue à votre encontre sur les seuls éléments fournis par votre adversaire.
Vous trouverez ci-après l’objet du procès, les éléments de fait, moyens de droit ainsi que raisons pour lesquelles ce procès vous est intenté.
OBJET DE LA DEMANDE
En l’espèce, la demanderesse à l’instance est le CRAN, association relevant de la loi de 1901, crée le 26 novembre 2005. Elle a notamment pour objet, conformément à l’article 2 alinéa 8 de ses statuts, la défense de la mémoire des populations issues de l’esclavage et de la traite négrière, ainsi que les intérêts matériels et moraux de leurs descendants (pièce n°1, statuts du CRAN).
Cette association comprend des membres, personnes physiques et personnes morales sans but lucratif de droit français, ayant la qualité de contribuables français.
L’action en responsabilité civile délictuelle et quasi-délictuelle de la demanderesse à l’encontre des défenderesses ainsi que de l’Agent Judiciaire de l’Etat, appelé dans la cause à titre de garant financier, repose sur le fondement d’une double action en réparation du préjudice causé, en France et dans d’anciennes colonies françaises, par la traite négrière et l’esclavage :
a) Action en réparation d’atteintes arbitraires à la liberté individuelle et constitutives de crimes ou bien de complicité et recel de produits civils de crimes imprecriptibles contre l’humanité;
b) Action en réparation d’un enrichissement sans cause des défendeurs au préjudice tant de tous les descendants d’esclaves que de quelques descendants des colons ainsi qu’au détriment de l’ensemble des contribuables français.
Il est sollicité de voir votre Tribunal accueillir favorablement les demandes du CRAN pour les raisons de fait et de droit exposées ci-dessous.
I. EN FAIT
Il sera tout d’abord souligné l’évidence implacable du rappel, non exhaustif, de la chronologie historique qui suit :
– 1777 : abolition de l’esclavage dans l’Etat américain du Vermont ;
– 4 février 1794 : la Convention révolutionnaire proclame la 1ère abolition totale de
l’esclavage en France ;
– 1er janvier 1804 : indépendance de l’ancienne colonie française de Saint-
Domingue, aujourd’hui Haïti ;
– Loi du 29 mars 1815 : l’Empereur Napoléon 1er supprime la traite des noirs ;
– 28 avril 1816 : création de la Caisse des dépôts et Consignation (CDC) ;
– 17 avril 1825 : le Roi Charles X signe son ordonnance par laquelle l’article 2 stipule « Les habitants de la partie française de Saint-Domingue verseront à la Caisse fédérale des dépôts et consignations de France, en cinq terme égaux, d’année en année, le premier échéant au 31 décembre 1825, la somme de 150 millions de francs,destinés à dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité. » (pièce n°2);
– 12 juillet 1846 : le Roi Louis-Philippe 1er abolit l’esclavage dans les seuls domaines royaux de Martinique, Guadeloupe et Mayotte ;
– 27 avril 1848 : le Conseil du Gouvernement provisoire de la République signe le décret organisant la seconde abolition totale de l’esclavage « dans toutes les colonies et possessions françaises » ; l’esclavage étant qualifié comme « un attentat contre la dignité humaine… détruisant le libre arbitre de l’homme » ; l’article 5 du décret dispose : « l’Assemblée nationale règlera la quotité de l’indemnité qui devra être accordée aux colons. » (pièce n°3) ;
– 30 avril 1849 : loi d’indemnisation coloniale devant être suivie de nombreux décrets et mesures d’application (pièce n°4) ;
– 24 novembre 1849 : décret de répartition de l’indemnité coloniale aux colons (pièce n°4) ;
– 17 novembre 1852 : décret portant création de l’agence centrale des banques coloniales avec l’obligation pour celles-ci d’ouvrir des comptes courants en les livres de la Banque de France (sans intérêt) et à la Caisse des Dépôts et Consignations (avec intérêts) ; l’article 8 du décret stipule : « Au crédit de ce compte courant seront portées les sommes retirées de la Caisse des Dépôts et Consignations … Le débit du compte courant se composera des traites ou mandats émis en Europe par les banques coloniales au profit de la Caisse des Dépôts et
Consignations. » (pièce n°4) ;
– Convention du 15 novembre 1854 : signature entre le Ministre de la Marine et des Colonies et le Directeur Général de la Caisse des Dépôts et Consignations en vertu de laquelle « une somme de 115,020 francs a été mise par cet établissement à la disposition de la Banque de la Guyane, pour lui servir de provision en Europe. » (pièce n°4) ;
– 16 janvier 1865 : pendant que la France se préoccupe de la seule indemnisation des colons, anciens maîtres « privés » de la force de travail gratuite de leur esclaves, les Etats-Unis d’Amérique, par l’ordonnance du Général Sherman accordent une réparation foncière et financière aux anciens esclaves par l’attribution de « 40 acres et une mule » à chacun d’entre eux;
– 1952 : Accord de Luxembourg par lequel l’Allemagne accepte de verser des réparations aux survivants juifs de la déportation installés en Israël ;
– 1971 : Les Etats-Unis d’Amérique allouent aux populations natives d’Alaska 1 milliard de Dollars et 44 millions d’acres de terres ;
– 2000 : vote d’une loi en Californie obligeant les entreprises du secteur financier
travaillant avec l’Etat, au titre de marchés publics, à révéler si elles ont bénéficié par le passé de la traite négrière ;
– 21 mai 2001 (136 ans après l’ordonnance Sherman) : promulgation par la Vème
République française de la « Loi n°2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité », dite
« Loi TAUBIRA du 10 mai 2001 » (pièce n°5) ;
– 2005 : contrainte par la loi en vigueur dans l’Ohio, la banque JP MORGAN CHASE reconnaît avoir possédé des esclaves et met en place un programme de réparations de 5 millions de Dollars pour financer les études de jeunes noirs de Louisiane ;
– 23 février 2005 : promulgation de la loi française n°2005-158 du 23 février 2005 « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés » (d’Afrique du Nord) dont l’article 6 prévoit : « pour le versement, en lieu et place de l’allocation de reconnaissance, d’un capital de 20.000 € » (pièce n°6);
– 23 mai 2005 : assignation de l’Etat français devant le T.G.I. de FORT DE FRANCE en réparation du préjudice d’esclavage en Martinique, RG : 05/01955 (pièce n°7) ;
– 8 janvier 2008 : ordonnance rendue par le juge de la mise en état près le T.G.I. de FORT DE FRANCE relevant que « le juge judiciaire est dès lors seul compétent pour apprécier la responsabilité de l’Etat » dans cette affaire de réparation du préjudice causé par l’esclavage et la traite négrière, RG : 05/01955 (pièce n°8).
L’ensemble de ces faits contribue à établir, de façon certaine, en toute vérité
législative et historique au profit des victimes, les esclaves et leurs descendants ou bien associations, les graves atteintes à la liberté individuelle qu’elles ont subi ainsi que leur appauvrissement corrélatif d’un enrichissement sans cause de la CDC et du Trésor.
Cette chronologie met en exergue le fait que depuis l’ordonnance de Charles X du 17 avril 1825 (pièce n°2), la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a participé en tant que complice ou bien comme co auteur en recevant des fonds litigieux pour indemniser des colons, anciens maîtres d’esclaves et auteurs d’un crime contre l’humanité violant les libertés individuelles les plus élémentaires.
Ces fonds litigieux furent injustement perçus par la CDC puis l’État français afin d’indemniser des colons auteurs d’un crime contre l’humanité sur le territoire haïtien. Ces fonds ont permis à la CDC de prospérer au préjudice des victimes du Crime contre l’humanité (cf. Abdoulaye Ly, La compagnie du Sénégal, Thomas Hugues, La traite négrière).
De plus, la CDC s’est enrichie de par les avances remboursables qu’elle faisait aux banques coloniales et par le différentiel des intérêts créditeurs sur comptes courant qu’elle conservait. La CDC a notamment financé l’accaparement des terres appartenant autrefois aux anciens esclaves ; ce par les banques coloniales et leur clientèle de grands planteurs. A juste titre, cet état de fait est dénoncé par Madame la Ministre de la Justice (voir infra page 7 la référence à la pièce n° 10).
L’ordonnance de Charles X prévoyait, en son article 2, que l’ancienne colonie de Saint-Domingue-Haïti verse à la Caisse des dépôts et consignations « la somme de cent cinquante millions de francs, destinée à dédommager les anciens colons ». Ainsi, cas unique dans
l’Histoire, ce furent les victimes de l’esclavage qui indemnisèrent les responsables de ce crime.
Bien que ramenée à 90 millions de francs en 1838, au nom du « Traité de l’amitié » (sic), cette somme considérable obligea Haïti à s’endetter jusqu’en 1946, et le pays fut durablement entraîné dans la spirale infernale du surendettement, de l’appauvrissement et de l’instabilité. Forcés en cela par leurs interlocuteurs, les dirigeants haïtiens durent contracter leurs emprunts auprès de banques françaises, qui pratiquèrent des taux usuraires. Ils mirent en place des mesures d’austérité absolue,augmentèrent les impôts de manière drastique, imposèrent le travail forcé aux paysans pour augmenter les revenus de l’Etat et rembourser une dette injuste qui devait être remise à la CDC.
A l’époque, la CDC se chargea de redistribuer les fonds aux anciens planteurs de Saint Domingue, mais beaucoup d’entre eux, ayant quitté l’île dans l’urgence, n’avaient plus de titre de propriété, et ne pouvaient prouver leurs prétentions à obtenir « réparation ». Par conséquence, la CDC conserva une bonne partie des fonds extorqués à Haïti, se retrouvant ainsi en situation d’enrichissement sans cause.
Le vendredi 10 mai 2013, interrogé par les journalistes de l’Agence France Presse (AFP) sur le présent projet d’assignation du CRAN, un porte -parole de la CDC, sans démentir les faits,renvoyait vers le Trésor en déclarant : « Légalement, les sommes qui sont consignées à la Caisse des dépôts sont reversées au trésor au bout de 30 ans » (pièce n°9). Qu’il convient donc de prendre acte du fait que la CDC incite clairement la demanderesse à appeler dans la cause l’Etat.
Enfin, le 12 mai 2013, dans les colonnes du Journal du Dimanche, la Ministre de la Justice,Madame Christiane TAUBIRA a déclaré : « Il y a en outre un sujet spécifique qui concerne les territoires d’outre-mer. Là – bas, il y a eu confiscation des terres ce qui fait que, d’une façon générale, les descendants d’esclaves n’ont guère accès au foncier. Il faudrait donc envisager,sans ouvrir de guerre civile, des remembrements fonciers, des politiques foncières. Il y a des choses à mettre en place sans expropriation, en expliquant très clairement quel est le sens d’une action publique qui consisterait à acheter des terres. En Guyane, l’Etat avait accaparé le foncier,donc là, c’est plus facile. Aux Antilles, c’est surtout les descendants des « maîtres » qui ont conservé les terres donc cela reste plus délicat à mettre en oeuvre » (pièce n°10).
TELECHARGER L’INTEGRALITE DE L’ASSIGNATION DU CRIN CONTRE L’ETAT FRANCAIS
Par Norbert TRICAUD
Diffusé le 16 mai 2013, par www.congo-liberty.org
Lisez cet article et bravo pour la plainte: http://www.centrefrancilien.com/2013/05/la-france-doit-payer-pour-les.html