LES DEVOIRS DE L’AMITIE EN RELATIONS INTERNATIONALES (Non à la guerre au Niger)

Il n’en est visiblement pas de l’amitié entre nations comme de l’amitié entre individus. Par exemple dans le privé, la véritable amitié a besoin d’estime, de franchise, d’exigence. En tout cas, « quand un homme se conduit mal, qu’il manque la parole donnée, qu’il se montre dur ou égoïste, le devoir de celui qui est son ami est de le lui dire, et, le cas échéant, de prendre parti pour sa victime contre lui » dixit Jean Dutourd.

La France, les Etats-Unis, la Russie et les Etats membres de la CEDEAO et de l’Union Africaine sont des amis du Niger. Et c’est très bien. Qui n’en était pas heureux jusqu’à ce qu’un coup d’état ait été perpétré au Niger ? Nul n’est besoin de rappeler, urbi et orbi, que des liens profonds, historiques, culturels, sentimentaux, se sont tissés entre leurs Etats et leurs peuples. Mais ce n’est pas la raison, lorsque les Etats de la CEDEAO projettent attaquer militairement le Niger pour en déloger les militaires ayant perpétré le coup d’état contre le Président Mohamed Bazoum, de ne pas le leur reprocher. Loin de moi l’idée de faire l’apologie des coups d’état qui ne sont que l’illustration de la loi du plus fort. Mais ce qui me choque, c’est l’entêtement avec lequel, les Etats de la CEDEAO « affûtent » leurs préparatifs pour une éventuelle intervention militaire au Niger, tout en ignorant les conséquences désastreuses de ladite intervention tant sur le Niger que sur tous les pays de la région. Être l’ami de quelqu’un, c’est être l’ami de son honneur. Il n’est et ne sera pas à l’honneur des États de la CEDEAO d’intervenir militairement au Niger, leur État ami et voisin, non pas, à ce que je sache, sauver et protéger le peuple nigérien, mais pour rétablir dans ses droits, le Président élu Mohamed Bazoum. La vie de ce dernier serait-elle plus importante que celle de tous les nigériens ? Le Président Mohamed Bazoum serait-il indispensable au Niger ? Serait-il, comme ce qu’est en musique, une note blanche par rapport à une note noire ? L’après lui, doit-il être le déluge ? Ou encore, pour un individu, fusse-t-il président élu, doit-on appliquer la politique de la terre brûlée ?

D’autre part, « les Chefs d’État de la CEDEAO en activité, forment-ils une sorte de club de princes complices ? Y’aurait-il entre eux compréhension, intérêt attentif et donc complicité ? » dixit Jean Daniel.Moi, en ma qualité de diplomate, je dois toujours me considérer comme un vecteur, un artisan, un apôtre de la paix. Car par essence, tout diplomate est un ministre de paix. Son premier devoir, est de se comporter toujours en conciliateur, en agent de concorde et d’apaisement. C’est pourquoi j’encourage les démarches de l’Algérie pour tenter de contrer une intervention, en privilégiant la « négociation ». Je suis d’accord avec les diplomates algériens qui indiquent « qu’une intervention au Niger aura des conséquences naturellement désastreuses non seulement sur le Niger, mais aussi sur les pays de la Région. Le retour à la force a toujours été un élément de complication et non de solution. Laissons le temps politique emprunter ses voies, utiliser ses ressources. » Car, comme l’a affirmé Gorbatchev, « les rencontres face à face constituent le meilleur moyen de rechercher les points de contact, de rapprocher les positions concernant des affaires concrètes. Dans ce cas, il est nécessaire non seulement de savoir parler, mais aussi celui d’écouter. Et pas seulement d’écouter, mais de se comprendre, de rechercher en commun des solutions aux problèmes extrêmement complexes de notre temps. » Et comme le disait, le Président Abbé Fulbert Youlou « il faut toujours négocier avant d’en venir aux mesures de violence. »

J’ai l’impression que les récentes guerres en Ukraine et au Soudan ne nous ont toujours pas édifiés, nous qui avons été élevés aux biberons de la paix, de la non-violence et du non alignement et qui avons cru que grâce à la charte des Nations-Unies prônant la paix, qu’en ce XXIème siècle, des instruments seraient créés pour garantir la solution pacifique de tous les conflits. N’est-il pas dit : « Qui sauve une vie, sauve le monde entier. Qui ôte une vie, détruit l’ordre de ce monde ?»

En conclusion, je me permettrais d’inviter les partisans de l’intervention militaire au Niger à faire d’une part, leur, cette noble pensée du Président Félix Houphouët-Boigny « Il faut faire l’économie d’une guerre. Car, aucun conflit ne trouve solution sans le passage obligé par le dialogue et la négociation, seuls en mesure de refermer les blessures. En d’autres termes, la guerre n’arrange jamais rien » et d’autre part, cette affirmation du Pape Jean-Paul II « Il ne faut pas oublier que la guerre et la violence ne constituent pas seulement des forces de dislocation qui affaiblissent ou détruisent les structures familiales ; elles exercent aussi une influence néfaste sur les esprits, allant jusqu’à proposer et presqu’à imposer des types de comportement diamétralement opposés à la paix. » Car le refus du dialogue est en fin de compte toujours stérile. Intériorisons dans nos cœurs, le message suivant : plus jamais de violence, plus jamais de guerres ni de tueries.

Dieudonné ANTOINE-GANGA

Ancien Ministre des Affaires étrangères du Congo-Brazzaville

Ancien Ambassadeur du Congo-Brazzaville à Washington aux USA

Diffusé le 31 août 2023, par www.congo-liberty.org

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Une réponse à LES DEVOIRS DE L’AMITIE EN RELATIONS INTERNATIONALES (Non à la guerre au Niger)

  1. Lpambou Mkaya Mvoka dit :

    OUI , Monsieur,le Ministre pas de guerre au Niger?

    Mais que fait on concretement au dela des discours pour contenir les fougues de la cedeao que le president Macron veut accompagner pour une intervention militaire au Niger

    Malgre la convention de Vienne du 18avril 1961 qui etablit les rapports diplomatiques clairs entre le pays accreditaire( le niger) et le pays accreditant ( la france); la France pour des raisons geopolitiques et de redressement de son statut ecorne en Afrique francophone veut intervenir au niger pour retablir un pion de la strategie francaise au Sahel

    Pour l instant l intervention na pas lieu car les americains s y opposent
    Mais jusqu a quand et qui pourrait s opposer a la france si elle passe en Force au Niger

    Au gabon la France estime que ce n est pas le Niger et pour cause( pas d intervention francaise ou de menace d intervention) c est un faux coup d etat qui n est que la nouvelle configuration du systeme reseautal de la Francafrique qui n est pas morte malgre les discours lenifiants de Paris

    Ainsi va la Francafrique avec des diplomates et presidents africains aux ordres de Paris et qui doivent obeir au maitre sinon on supprime les aides et on les remplace: Bongo ali en sait des tonnes

    Oui monsieur le ministre pas de brutalite dans les relations internationales au nom des universaux democratiques et pourtant dans la realite des individus et des Etats ce sont les rapports de force qui l emportent

    voici

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