LES CONGOLAIS DE BRAZZAVILLE ET LES TCHADIENS ONT TOUTES LES RAISONS DU MONDE POUR NE PAS HONORER LA MEMOIRE DE MOUAMAR KADHAFI

Christian BIANGO

C’était comme d’habitude, le début d’une matinée ordinaire en cette période de grandes vacances, mais plus tout à fait lorsque mon père, qui partait au travail, me réveilla brutalement ce matin du 19 septembre 1989. Je pensais avoir fait quelque chose de répréhensible la veille, ou alors, qu’il allait me faire une recommandation pour la journée. Ni l’une ni l’autre à ma grande surprise, mais plutôt une inquiétude de sa part au sujet d’une nouvelle qui venait de tomber : « Christian, toi qui a l’habitude d’écouter les informations des radios internationales, essaye d’avoir la confirmation de la disparition d’un vol parti de Brazzaville la veille ». Ne me souvenant pas qu’un proche venu d’Europe ayant séjourné au Congo, je lui posai la question de savoir pourquoi autant de préoccupation ? Sa réponse fut surprenante : « on annonce la présence à bord de l’appareil de quelques dignitaires du pouvoir et leurs enfants ». Ca devenait donc sérieux et l’atmosphère lourde. La nouvelle se confirma rapidement, le vol UTA s’était crashé au Niger dans le désert du Ténéré après son escale de N’Djamena (Tchad).

Les veillées mortuaires et les pleurs inondaient Brazzaville, cinquante (50) Congolais compatriotes figuraient sur la liste des passagers. Que s’était-il passé ? Chez nous, la particularité, c’est qu’après un accident de la route, l’accident d’un bateau qui chavire, d’un avion qui tombe et même des crimes de sang, les principes d’une enquête judiciaire se font selon l’importance des victimes.

Cette fois-ci, les choses allaient être différentes, la rigueur dans la recherche des causes, donc de la vérité, allait nous mettre face à une cruelle réalité : le vol UTA avait été la cible d’un attentat à la bombe. L’émotion fut encore plus grande, lorsque l’on nous apprenait la disparition d’une famille entière (7 membres) résidente en France dont les enfants rentraient pour la reprise de l’école après un séjour sans doute agréable, la famille M’Bouandji.

Pour les Congolais, les souvenirs étaient encore vivaces à la seule évocation du mot attentat,  parce qu’en 1986, Brazzaville avait été l’objet d’une série d’attentats dans les cinémas du quartier Poto-Poto, et surtout à l’aéroport Maya-Maya, faisant plus d’une dizaine de morts.

Des suspects étaient identifiés nous disait-on, et un procès allait rapidement se tenir pour condamner ces derniers. Mais tout cela tourna à la farce lorsque l’on présenta un ressortissant français entrepreneur en bâtiment et travaux publics (BTP) étant le principal accusé pour avoir fabriqué les bombes avec de la quincaillerie de ses chantiers. Chez nous à Bacongo, on préférait ignorer la dramaturgie qui se jouait pour Messieurs Jean-Pierre Tysthère-Tchikaya (feu), le colonel Ndzalakanda et le Camarade Claude Ernest Ndalla alias Graille. On préférait faire des blagues potaches sur ce Français au nom bien curieux de Monsieur Bouissou, lui-même, devant se demander ce qu’il faisait au milieu de tout ça. D’ailleurs pour l’Histoire, nous demandons à Monsieur Ernest Ndalla d’organiser des conférences-débats pour nous raconter sa vérité des faits, alors que ses échanges avec le juge Charles Madzou alias « la cour appréciera» frôlaient la vulgarité.

Contrairement à cette mascarade, les enquêteurs français pour UTA et américains pour l’attentat contre le vol de la TWA tombé à Lockerbie en Ecosse, avaient des pistes qui menaient droit en Libye et au commanditaire Mouamar Kadhafi. Malgré les évidences implacables, celui-ci commença par nier longtemps et fermement jusqu’au moment où les sanctions occidentales commencèrent à faire vaciller son régime, il reconnut sa responsabilité et indemnisa les familles (son séjour pompeux à Paris démontra le mécontentement de celles-ci en rappelant l’attente d’un procès) pour retrouver une crédibilité diplomatique.

Alors, 33 ans après cette horrible forfaiture, pourquoi des Congolais de Brazzaville sont-ils fascinés par cet odieux  personnage  coutumier du fait ? Répondre ne semble pas difficile :

 1 – le choix du silence des régimes congolais et de la Conférence Nationale Souveraine par pure lâcheté.

2 – le manque de compassion des Congolais pour des victimes innocentes et la non-culture du devoir de mémoire.

Le révélateur inattendu du positionnement géopolitique qu’est la guerre en Ukraine, son invasion par la Russie, montre que certains Congolais et de nombreux Africains justifient leur détestation de l’occident en prenant pour exemple la guerre en Libye suivie de la mort de Kadhafi.

Trouvez autre chose plutôt que de salir la mémoire des victimes de l’attentat contre le vol UTA !

« Kadhafi l’Africain » aiment dire certains… La bonne blague ! D’autant plus que la qualification officielle en République du Congo est : « l’accident du DC 10 d’UTA » et non l’attentat contre le DC 10 d’UTA ! Faut-il en rire ou en pleurer ?

Pour les personnes qui l’ignorent, il y a en Libye des Libyens de race noire, comme vous et moi, qui n’ont jamais eu droit de citer dans le régime de Kadhafi, et celui d’aujourd’hui. Arrêtons d’être aveugles à l’excès !

Pour un fait historique oublié des années 80, j’interpelle respectueusement les Congolais de se documenter sur le conflit au Tibesti de l’occupation de la bande d’Aouzou, dans le nord du Tchad, par les armées libyennes dans le but de la coloniser !

C’est parce qu’un défi peut être perdu, que mettre fin au syndrome de Stockholm doit être pour nous une obligation face au despotisme d’Etat et aux idéologies tyranniques.

On peut être humilié quelques fois !

On peut connaître le déclin temporaire !

Mais on ne doit jamais accepter d’être soumis tout le temps !

Christian BIANGO

Militant associatif

Diffusé le 11 septembre 2022, par www.congo-liberty.org

Ci-dessous la liste des 170 victimes

18 nationalités au total sont concernées :

– 54 Français

– 48 République du Congo

– 25 Tchadiens

– 9 Italiens

– 8 USA

– 5 Camerounais

– 4 Royaume-Uni

– 3 zairois

– 3 Canadiens

-2 Centrafricains

– 2 Maliens

– 2 Suisses

– 1 Algérien

– 1 Belge

– 1 Bolivien

– 1 Grec

– 1 Marocain

– 1 Sénégalais.