Le Fonctionnaire: Naguère respecté et envié…le roman d’Edouard KALI-TCHIKATI

A travers le portrait d’un agent de l’Etat que dresse le roman d’Edouard Kali-Tchikati, se définit le côté sombre du destin du fonctionnaire africain. Un destin on peut plus sombre que nous découvrons par l’intermédiaire du personnage de Vang’sy qui est quasi présent presque tout au long du récit. Le fonctionnaire, un récit sans rebondissements, sans intrigue, sans suspense car se voulant didactique. A un certain moment, le narrateur qui présente Vang ‘sy spécialiste en aquaculture, nous pousse à penser à l’auteur du roman présenté, lui aussi, fonctionnaire congolais évoluant aussi dans l’aquaculture. Problème de biographie sous entendu ?.

Intégré dans la fonction publique après ses études à l’université de son pays, Vang’sy et quelques-uns de ses collègues vont travailler au ministère des Eaux et Forêts. Bien acceptés par la hiérarchie, Vang’sy s’aperçoit qu’il peut réaliser son rêve : aller se perfectionner en Europe. Commence alors pour le héros une vie agréable de fonctionnaire malgré quelques difficultés d’insertion dans la structure. Une bourse des Nations Unies l’emmène à l’étranger pour une spécialisation en aquaculture qui lui permet au retour au pays d’être affecté au projet de développement de la pisciculture au centre de Bizinga. Avec des experts blancs, il va mettre en pratique ce qu’il a appris à Delta. Vang’sy fait une bonne carrière dans son domaine avec des voyages d’études à l’étranger. Mais tout commence à se gâter quand il se confronte à la magouille dans certains organismes internationaux et aux antivaleurs que lui révèle sa société. Après une trentaine d’années de service, Vang’sy constate que son état de fonctionnaire ne lui a rien rapporté socialement ; la fonction publique, une machine de destruction de l’homme au service de l’Etat gangréné par des antivaleurs. Le héros réalise que la réussite sociale ne passe pas forcément par la réussite universitaire. Et son fils qui s’intéresse au football de le lui rappeler. Déprimé et touché par la réflexion  pertinente de son fils, Vang’sy pense à d’autres hypothèses de réussite dans la vie. Devant la cruauté du destin il voit son salut dans la prière. Dans ce texte qui fait l’autopsie du fonctionnaire d’un pays imaginaire africain, se découvre le doigté de l’auteur dans la manière de peindre  la réalité dégradante de l’administration africaine. Aussi, quand on se sert de la critique sociologique pour lire ce roman, il n y a qu’un pas à franchir pour penser que Bouala n’est autre que le Congo, le pays de l’auteur.

Vang’sy : ce que devait être le fonctionnaire

Vang’sy est un agent de la fonction publique qui se respecte. Il a évolué dans sa carrière en respectant les principes élémentaire de la déontologie du fonctionnaire.  Un comportement qui fait de lui un modèle de travailleur qui, hélas, se sent déprimé en fin de carrière quand un doyen de la fonction publique lui rappelle le temps glorieux des agents de l’Etat.  Des avantages (congés payés, dotations en équipements de travail, traitement des situations financières par l’administration…) qui jadis faisaient le bonheur du fonctionnaire n’existent plus.  Pour sa dignité et son intégrité, Vang’sy, au seuil de la retraite, refuse le prolongement de ca carrière qu’on lui propose : « Cette proposition [de prolongation] lui fut faite, mais il refusa (…) malgré la pression de ses chefs hiérarchiques » (p.148).Aussi réalise-t-il d’autres hypothèses pour réussir le reste de sa vie. Mais son destin semble être aléatoire car tous ses projets vont presque échouer malgré sa bonne volonté. Et devant la cruauté du destin, il se confie à Dieu pour vivre sa pauvreté dans la paix et la dignité.

La fonction publique clouée au pilori

Malgré l’enthousiasme que manifeste Vang’sy au début de son intégration dans la fonction publique car bénéficiant de quelques avantages à travers les voyages d’études à l’étranger, il découvre la face cachée de l’administration publique, quelques années après. Dans la fonction publique, il se confronte à tous les antivaleurs de la société, lui qui est habitué à bien se comporter ; il vit l’absentéisme et la nonchalance des autres. Beaucoup de fonctionnaires s’illustrent dans la magouille en percevant  frauduleusement plusieurs salaires : « (…) certains percevaient le ou les salaires de leurs collègues morts (…). A chaque fin de mois, il y avait des gens qui empochaient ainsi deux, trois ou quatre salaires » (p.139). A cela, il faut ajouter la malhonnête, la concussion, le tribalisme dont est victime Vang’sy : « Les choses étaient ainsi à Bouala. Soit vous payez, pour être reçu avec gentillesse et avoir un service rapide et soigné, soit vous vous appuyez sur l’argument de la tribu, pour être élevé et se faire ouvrir les postes » (p.126). Trente ans de services loyaux dans la fonction publique, Vang’sy réalise que ses diplômes ne lui ont pas servi pour bien vivre dans la société. Aussi tombe-t-il dans l’amertume et la déprime quand son fils, qui s’intéresse au football, lui rappelle son passé médiocre de diplômé intègre : « Papa ! (…). Lorsque je regarde ce qui se passe dans la vie, je ne suis pas encouragé à poursuivre des études (…). Les footballeurs professionnels (…) n’ont pas de diplômes, [ils] engrangent des millions (…) je préfère tenter ma chance comme footballeur » (p.145-146).

Le fonctionnaire, un roman didactique

Le destin de Vang’sy, envoie un message politique qui pousse à la réflexion. Un message qui devrait interpeller les politiques des pays dont les fonctionnaires publiques laissent à désirer à l’image de celle de Bouala. Des déprimés comme Vang’sy se rencontrent presque dans toutes les fonctions publiques au sud du Sahara où, après les indépendances le népotisme, le tribalisme, l’ethnicisme sont à l’origine des antivaleurs. Ce roman d’Edouard Kali-Tchikati peut être considéré comme une dénonciation sévère de ces administrations africaines qui participent largement à la déchéance du continent.

Avec ce roman, l’auteur nous demande à philosopher sur le destin de l’homme qui, souvent, ne dépend pas de sa réussite scolaire ou universitaire, mais du choix qu’il s’impose dans le « comment gagner parfaitement sa vie ». A la fin de sa carrière, le héros s’aperçoit de la réussite de certains de ses amis qui étaient moins brillants que lui sur les bancs de l’école. L’auteur, par son regard pertinent et critique sur la fonction publique du pays de son héros Vang’sy, pourrait être une personne ressource dans le redressement des fonctions publiques du continent.

Noël Kodia, Critique littéraire et Analyste pour Libre Afrique

  1. Le Fonctionnaire, éd. L’Harma ttan, Paris, 2010, 154p.

 

Le Fonctionnaire: Naguère respecté et envié…le roman d’Edouard KALI-TCHIKATI

 

Vang’sy, un jeune étudiant, venait de terminer brillamment son premier cycle universitaire. Il fut, malgré lui, et contre toute attente, engagé, comme fonctionnaire, dans la fonction publique de Bouala, son pays d’origine.

Après quelques moments de joie et d’euphorie, il travailla longtemps et acquit lui-même une grande expertise dans son domaine d’activités. Par la suite, la situation se dégrada considérablement pendant des années, que chaque fonctionnaire, à Bouala, mit en place sa stratégie de survie.

D’années en années, le lot quotidien de Vang’sy et des autres fonctionnaires n’était que soupirs et lamentations, jusqu’à ce que survînt la retraite, le moment de quitter la fonction publique. Vang’sy considéra tout son parcours, dans la fonction publique… Il se consola, parce que, devenu chrétien, il avait mis sa confiance en DIEU.

Monsieur Edouard KALI-TCHIKATI est né en 1955 à N’yaya, tout près de Pointe Noire, au Congo- Brazzaville. Il est marié et père de trois enfants.

Ingénieur des eaux et forêts, spécialiste en aquaculture depuis plus de 25 ans, il occupe actuellement les fonctions de directeur de l’aquaculture marine au ministère chargé de la pêche et de l’aquaculture au Congo.

En dehors de ses fonctions administratives, il est pasteur dans une communauté évangélique de Brazzaville.

Ce roman est le premier qu’il écrit

Diffusé le 17 février 2012, par www.congo-liberty.org

La rédaction apporte son soutien à tous les auteurs congolais et africains, afin de promouvoir nos talents.

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