LE CONGO ET LA LUTTE DES ÉLITES TRIBALES POUR LE POUVOIR. Brice Nzamba

Brice NZAMBA

Brice NZAMBA

Aussi loin que remonte la mémoire de la vie politique congolaise, il est un fait qui reste constant et qui n’a jamais été démenti par la classe politique congolaise : le recours à la tribu non seulement comme base politique, mais aussi et surtout comme idée politique.

Le président Pascal LISSOUBA analysant cet état de fait, et dans la logique marxiste qui régnait à l’époque où il commença à faire ses armes politiques, en déduisit que dans le paysage politique congolais, en lieu et place de la lutte des classes qui est censée faire l’histoire, c’était plutôt  la lutte des tribus par élite interposée  qui faisait avancer l’histoire politique de notre pays.

C’est comprendre que même à un moment où une idéologie politique, celle du marxisme, triompha dans notre pays, le jeu politique ne se faisait pas entre les courants de cette idéologie mais plutôt selon les accointances tribales et régionales des uns et des autres. Cette situation était d’autant plus grave que le groupe de Diawara, une exception à la règle du Tout Tribal, qualifia les tenants du pouvoir de Marien Ngouabi, d’oligarchie bureautique, militaire et tribale ( OBUMITRI).

Il s’agit ici d’une lutte que les élites issues des tribus différentes engagent les unes contre les autres pour le contrôle de l’appareil de l’Etat et la captation des richesses nationales. Dans cette lutte, des alliances se font et se défont non pas au nom de certaines idées que ces élites se gargarisent pompeusement à travers leurs partis politiques respectifs, mais en mettant en avant l’appartenance tribale. Soyons clair, personne au Congo, en tout cas, pas au sein des partis politiques de gouvernement  ne travaille pour la redistribution des richesses entre tous les fils du pays, pour  la justice sociale, ou encore pour le financement des initiatives personnelles afin de stimuler l’apparition d’un patronat congolais, mais tous ces partis visent à conquérir le pouvoir au nom d’une Tribu pour capter les richesses nationales à son profit.

En effet, si la vie politique congolaise était rationnelle, et se faisait véritablement sur la base des idées, le MCDDI ne s’allierait pas au PCT car ces deux partis sont opposés au plan des idées qu’ils prétendent défendre.

L’UPADS, LE RDPS, le PCT qui affichent des idées de gauche, seraient tous ensemble. On verrait naitre un débat politique mettant en avant des clivages sur le plan des idées et non la tribalisation du débat politique qui manifeste clairement que le véritable moteur de l’histoire congolaise, c’est la lutte tribale par élite interposée.

Entendons nous bien, lorsque nous disons «  lutte tribale »il ne s’agit en aucun cas de toute une tribu qui s’élève contre toute une autre tribu, mais plutôt des élites de ces tribus, qui se fondent sur leurs bases tribales respectives pour conquérir ou conserver le pouvoir.  La question de savoir si la base tribale profite ou non du pouvoir conquis est sans intérêt, puisque cette même base se sent inconsciemment solidaire du pouvoir de son élite, en tire une sécurité morale, une fierté tribale, et procure à cette élite des voix en cas d’élection ou des bras en cas d’affrontement armé, lors même qu’elle croupit dans la misère .

Il y a donc un lien psychologique fort qui lie une base tribale à son élite, lequel avouons le , est souvent  irrationnel et bénéficie à l’élite qui en tire avantage matériel lorsqu’elle est au pouvoir.

Toute notre histoire politique témoigne de cette vérité, de la guerre civile de 1959, à l’épuration ethnique des quartiers sud de Brazzaville en décembre 1998.

En effet, la lutte pour le pouvoir politique opposait d’abord les tribus du Nord ayant pour leader la région de la cuvette, avec la tribu mbochi comme fer de lance aux Tribus du sud ayant pour leader la région du pool, et comme fer de lance les Kongo-Laris.

Cet état de fait est la résultante de la guerre de 1959 comme le souligne TSAMOUNA Kitongo : «  le conflit de 1959, en mettant en opposition des groupes ethniques jamais entrés en guerre dans l’histoire, permet de définir dans l’aire géographique qui sert d’Etat, un nouvel ordre social…..une nouvelle équation. » (1). Et Patrice YENGO de préciser : «  Cette équation permet l’identification des mbochis avec la région de la cuvette puis avec le nord tandis que le sud devient l’apanage des Kongos de la région du pool. »(2)

Ainsi, la structuration de la lutte politique au Congo successivement à la guerre de 1959 va être avant tout une lutte entre les élites du pool bénéficiant du soutient de façon générale des  cadres des autres régions  du Sud du pays et celle de la cuvette bénéficiant elle aussi, du soutient des cadres du Nord. Cette structuration de la vie politique dans notre pays commandait tous les actes politiques, au point où tout semblait se jouer entre les mbochis de la cuvette, et les Kongos du pool.

Cette réalité politique est tellement forte, que les élites de ces deux ethnies se sont toujours senties comme investies d’un droit divin sur le Congo, oubliant au passage que leur hégémonie n’a été que la résultante de l’alignement  des élites des autres régions de leur sphère d’influence.

Il a fallu attendre l’avènement de la démocratie en 1992, pour que se pose un problème de leadership au sein du bloc  Sud du Congo qui jusque là était dominé par la région du pool. La création de l’identité politique du NIBOLEK, réunissant des cadres de ces trois régions Sud du pays, va supplanter le leadership de la région du pool au sud à son profit.

En effet, pour la première fois, avec l’avènement de la démocratie, le jeu politique ne se joue plus entre le pool et la cuvette, mais entre l’élite du pool et celle du Grand Niari, un nouveau venu qui va remettre en cause la géopolitique telle qu’elle avait toujours existée au Congo.

Sur ce point, le professeur Ngoie Ngalla  soulignait «  Le NIBOLEK se construit d’abord contre ces ethnies qui se croient prédestinées par Dieu à commander aux autres ethnies » (3)

Et dans une interview accordée le 3 octobre 1995 à l’hebdomadaire brazzavillois « REVELATIONS », Boussoukou MBOUMBA  précise : «  Le NIBOLEK en dehors des spéculations qu’on peut faire devient une réalité. Non seulement pour les habitants de cette région, surtout des cadres à brazzaville, Pointe-noire, et Dolisie…Demain s’il y a une répartition des postes, on ne pourra plus dire, il y a quelqu’un du Niari, quelqu’un de la Bouenza, quelqu’un de la Lekoumou, on dira que ce sont des gens du NIBOLEK. »

Ainsi avec la création du NIBOLEK, il y a éclatement du bloc Sud, l’élite des trois  régions  du sud ouest  entend s’affranchir de l’hégémonie de l’élite du pool au Sud, et  à la bipolarisation de la vie politique congolaise, on assiste à une multipolarisation puisque même au nord, les élites Kouyous et tékés entendaient aussi s’affranchir de l’hégémonie Mbochi au Nord.

Or, si l’exercice du libre jeu électoral facilite la survenance de plusieurs pôles politiques au Congo marqué par le désir des élites de chaque tribu de vouloir conquérir l’appareil d’Etat, il s’avère que la confiscation du processus électoral et la mise au pas du pays par la force, cristallisent les élites qui pour survivre, se vendent à ceux qui détiennent le pouvoir pour avoir une part des richesses.

Par conséquent, en absence d’idées politiques par lesquelles les rapprochements politiques peuvent être faits, les rapprochements politiques tels qu’ils existent au Congo, sont plutôt considérés comme des ralliements tribaux, des combinaisons tribales en vue de conquérir ou de conserver le pouvoir.

L’analyse du professeur Pascal LISSOUBA sur la lutte du pouvoir au Congo demeure donc intacte et exige de la nouvelle génération politique de mettre en place un moratoire sur la manipulation de la tribu à des fins politiques.

 

Brice NZAMBA

Président du Cercle LA RUPTURE

Diffusé le 5 septembre 2013, par www.congo-liberty.org

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4 réponses à LE CONGO ET LA LUTTE DES ÉLITES TRIBALES POUR LE POUVOIR. Brice Nzamba

  1. TAÀTA N'DWENGA dit :

    Mon très Cher Confrère et Ami merci une fois de plus pour tes réflexions qui nous édifient en espérant un jour que les nouvelles générations sauront répondre judicieusement à certaines lacunes d’ordre tribal et qui nous empêchent d’aller de l’avant pour un Congo meilleur, uni, fraternel et très fier de ce qu’il possède comme richesse traditionnelle, entre autres du fait de sa diversité ethnique et au final pour véritablement créer un Etat de droit.

  2. Anonyme dit :

    Ce texte est très loin de la réalité géopolitique et stratégique dans notre pays. Le vrai problème du Congo se situe au niveau de la frilosité des cadres et de leur rapport avec le bien être. Chez les congolais la réussite est un objectif que chacun veut atteindre en passant par tous les moyens même les plus désastreux. La dignité, l’honneur ne sont que des vils mots pour notre élite. Le complexe qu’il soit celui de supériorité encore moins celui de l’infériorité est à combler dans tous les cas et à tous les prix. L’instabilité politique constatée chez nous résulte de cette inconséquence des cadres qui muent à longueur de journée à la quête du bien être. Les coup d’Etat et autres complots sont les conséquences de cette attitude. La lutte au sommet de l’Etat se ramène à des compromissions et des attitudes de traîtrise qui ne permettent pas la construction d’un programme sur le base des idéaux clairement définis. Ainsi donc tout devient possible et même les alliances les plus contradictoires possibles. L’upads, n’est pas un parti de gauche; il est panafricain et idéologiquement parlant c’est une faute pour l’upads de n’être pas en mesure de définir à ce jour son doctrine propre. Le rapprochement de ce parti du parti congolais du travail est une escroquerie de son élite dirigeante. Le moment venu cette question trouvera une réponse adéquate pour l’aider à s’émanciper.

  3. Théodore Malonga dit :

    A mon avis,nous n’ approfondissons pas assez la lecture de tous les documents disponibles aujourd’hui.Nous pouvons invalider facilement cette lecture ethnographique de l’évolution politique de notre pays.Toutes les vagues qui se sont déversées sur le sol de notre pays et ont provoqué des dégâts que nous connaissons tous,sont nées bien loin du Congo. Je ne cesserai de le dire que nos tribus ne sont pour rien dans ce que nous vivons douloureusement.

  4. Anonyme dit :

    toutes les analyses faites au sujet de la situation socio-politique de notre pays le Congo sont justes parce que tout le monde ne peut pas faire la même analyse sur une situation donnée. Au delà de tout ce que vous avez dit, quelle sont les solutions que vous proposez pour que notre jeunesse en prenne conscience, tire des leçons pour se mettre ensemble afin de développer ce beau pays qui n’attend qu’ un bon traitement de la part de ses fils. N’oublions pas que le Congo se conjugue au pluriel

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