LA DIASPORA CONGOLAISE DE FRANCE : DEVOIR DE VÉRITÉ ? par Dina Mahoungou

Dina MahoungouJe redoute une telle application à demander à mes chers compatriotes un devoir de vérité, comment ceux-ci ne se montreraient-ils pas hargneux, à une époque épique, dans un siècle débordé, par honte, par épuisement de l’être de résister en vain à certaines tentations ou de manger à tous les râteliers ?

Seul celui qui croit encore, qui espère, peut toujours résister aux trompettes de la corruption.

J’en suis venu dès lors à me demander à quoi ça sert d’être honnête et de dire la vérité. 

Un honnête homme demanda à un éminent philosophe et homme de goût à quoi pouvait servir le dôme de Saint-Pierre de Rome, l’illustre homme lui répondit vivement :

  • Bah ! Mon cher ami ! A faire battre le cœur ? 

Cette interrogation m’a amené moi aussi à réfléchir, à penser, à écrire pour déranger, bousculer la bovine apathie des foules.

C’était l’an passé, ma collaboration avec l’ami Mingwa chez Congo Liberty, pour plusieurs articles qui vont suivre.

Ᾱ quoi donc répondent ces écrits dont le profit apparaît si vulnérable, l’avenir nous le dira.

Certains mots peuvent jaillir et confondre les esprits, je les emploie en toute ressource et je pense que ma réflexion est donnée pour sincère.

C’est la conséquence d’une certaine vue des choses, ainsi que l’émotion qui s’en nourrit.

Pour les cabots, ils peuvent en rire, pour eux c’est l’empreinte d’un idéalisme futile, c’est une dissonance de vue. Mais quel bonheur au demeurant quand j’échange avec nos lecteurs avertis et cultivés, dont on peut estimer le jugement.

Nous avons le devoir de bousculer l’opinion, même avec un peu d’impertinence, de lui révéler certains faits, d’éreinter sans ménagement ceux de nos hommes politiques dont nous déplorons la goujaterie et le manque de sens commun. Il faut les condamner sans appel, les frapper d’anathème.

Aux politicards, sinistres raseurs, aux généraux fantoches plus couards que nature, ces fanfarons d’ordures qui nous méprisent avec une concision apprêtée. 

Il faut un jugement sans pitié. Vous serez d’accord avec moi pour affirmer que les responsables de crimes n’ont jamais été, ne sont pas et ne seront nullement inquiétés par leur parodie de justice, AD VITAM AETERNAM !

Je cherche avant tout à partager une émotion, un questionnement et dites-moi alors qui ne veut pas d’un monde meilleur ?

L’histoire du Congo Brazzaville est une fiction collective ; voilà notre tragédie.

Nous voulons réconcilier la vérité historique d’avec les récits tissés de la réalité. Ce n’est pas rien, ce n’est pas le tout non plus et c’est un pan passionnant même s’il est délicat, « un petit clin d’œil à Maître Moudileno Massengo ».

J’ai une nièce adorable qui a quinze ans, née en Ile-de-France, elle croit que l’immortel « Marien N’Gouabi », le défunt Président du Congo est un personnage de fiction comme Don Quichotte.

Après tant d’années, comme pour le Président Kennedy, le plus grand nombre, enfin le citoyen lambda, ne sait toujours pas, autour de plusieurs spéculations fantaisistes, pourquoi un chef d’Etat est mort, le Président congolais s’entend, et assassiné par qui ?

Des années plus tard, des fabulateurs assermentés ont raconté de diverses manières le putsch, comme s’ils y étaient ?

Ils bénéficient de l’imagination et de la naïveté du gogo.

Au Congo Brazzaville, les criminels sont dans le temps long et estiment avoir l’éternité pour eux. Blindés à outrance, ils attendent et sont très patients.

Le pouvoir est véritablement vide, par la mise à l’écart de tout transcendant, au profit de la raison clanique, qu’ils assimilent en un amalgame inédit, et à travers moult variations. 

Imaginez le cauchemar de la majorité silencieuse qui espère un autre modèle de société.

Pour nos hommes de bonne volonté, la démocratie a des questions qu’elle pose et un genre de réponses qu’elle donne. Il s’agit pour certains d’entre-nous de questions morales.

Comment avons-nous vécu l’exil après ces années troubles et comment nos enfants, nos femmes ont-ils vécu ce basculement ?

Quelles sont les raisons aujourd’hui qui poussent certains d’entre nous et les meilleurs à vouloir repartir vivre et travailler au Congo si l’occasion se présente, avec un risque très élevé d’embrasement, vu le nombre d’armes qui circulent tous les jours dans tout le pays ?

Pour nos enfants, est-ce qu’un avenir proche ou lointain là-bas, va-t-il s’ouvrir et leur proposer un meilleur sort ?

Leurs parents, rescapés de la haine tribale se sont départis et débarrassés de la peur au ventre ou affranchis de leurs horizons restreints, ils ne sont plus dans le désenchantement.

Ils ne sont plus menacés, ils ne connaissent plus au quotidien au moins les verbes : s’irriter, s’angoisser, s’inquiéter, fuir, mentir, se lamenter, s’ostraciser, se taire.

Ils vivent en démocratie, dans ses limites internes et ses contradictions.

Que peut-on espérer d’un régime prétorien, entre les conflits de répartition de pouvoir dans le clan et l’institutionnalisation de la corruption politique ?

Quel beau spectacle devant la répartition des prébendes où les clients coptés sont vigilants pour les droits d’acquisition et de concession des droits pétroliers !

Le pluralisme étant limité, les barons du régime revendiquent plus de visibilité dans ce système de monopole. Que faire devant les mouvements de fonds et de biens qui s’accumulent dans des patrimoines illicites déjà immenses ? Comment freiner les alliances lucratives d’avec des magnats privés pour les détournements de haut niveau ?

Toute cette prédation rapace au gré des rapports de force, ministères et cabinets kleptomanes à l’abri de toute velléité de contrôle. Traitements dégradants et exécutions sommaires de tout opposant obstructionniste au système.

Regardez-les dans la rue : la dégradation physique de nos précaires, les souffrances morales de nos familles démunies, et toutes ces interrogations qui nous taraudent ? Des symptômes d’un identique refoulé. Elle fait même tant espérer qu’elle fait tout craindre, cette politique de l’autruche de nos intellocrates. 

Dans la vraie vie, toutes les horreurs du passé sont escamotées, il n’y a pas de chiffres, pas de morts, pas de témoins, ni vus ni connus, une sacrée défiance à l’endroit de l’histoire.

Les éclipsés de toute histoire sont ceux qui n’existent pas aux yeux d’autrui.

C’est dire que le Tout-Puissant « Messire grande » à montré tout l’aveuglement qu’engendre la haine tribale, comme chez le salaud « Sartrien », à mesure que s’éloigne l’objet de son désir, celui-ci s’enferme dans une quête obsessionnelle mortifère.

Il lui faudrait davantage de sacrifices, mais jusqu’à quand ?

Au dessus de tout ça, le legs de Papa bonheur est entaché d’une tristesse inavouable. Un cambriolage de symétrie et de proportions sur le pays auquel le futur Maréchal et ses héritiers prêtent concours d’avec les gangsters intercontinentaux est sidérant « Embrassons-nous, folle ville ! ». 

Appelons ici et maintenant les états généraux de la diaspora, regardons ensemble ce que nous pouvons construire, notamment pour l’éducation avec nos expertises, nos carnets d’adresse, avec les équipements dont nous allons disposer (ressources humaines et financement).

Les associations déjà existantes, au moins une fois par mois, pourraient-elles fédérer pour des réunions d’approche ? Et comment mutualiser tout cela ? Résistons au désir multiple des clôtures.

Notre pari sur l’avenir se doit d’être une grande œuvre à bâtir pour le Congo. 

Les silences et les esquives de la Nomenclatura congolaise ont fini par intriguer les investisseurs de tout poil, blancs comme noirs. Et pour cela, nous nous appuyons sur des documents précis. Saurons-nous nous ouvrir aux nouveaux enjeux communautaires et identitaires ?

Chaque expertise venant de la diaspora sera une nouvelle étape qui renforcera les fondations de l’histoire du congolais vivant à l’étranger en particulier. Et cela nécessite de nouveaux outils de délibération et un engagement majeur de tous les fils du Congo extra-muros.

Il faut ouvrir de nouveaux rêves, le gangstérisme d’Etat a créé des inégalités profondes. Et l’avenir de nos enfants qui veulent repartir là-bas pour y vivre, sachant qu’ils ont reçu la meilleure des éducations, de formation et de savoir-faire dans le monde, comment va-t-on le désirer ?

La justice au bled a encore des espaces à conquérir, la barbarie d’Etat reste d’une forte actualité. Peut-on simplement ne pas s’intéresser à ces questions : le modèle social reste totalitaire, nous devons repenser la régulation des identités individuelles dans un pays bureaucratisé à outrance.

Et la diaspora qui crée, sera-t-elle la bienvenue là-bas, l’entreprenariat est-il suffisamment sensible, préparé pour investir dans des zones à risques ?

L’accession à la propriété est un véritable casse-tête chinois. Des carrières peuvent être brisées du jour au lendemain par des troubles, voire d’une intermittence prolongée par une quelconque décision d’un caïd de la place, soit-il général ou magistrat.

Le pays est réellement en état d’urgence, devant tant d’impasses juridiques, la parole revient de facto au politique qui s’est mué en véritable marchand de biens.

Un no man’s land juridique qui déroge au droit ordinaire. Partout, du Nord au Sud, des quartiers de relégation et un marquage ethnique là-dedans, de plus en plus prononcé.

Dans cette liberté de circuler d’exception, c’est une continuité vindicative à museler le brave peuple, depuis très longtemps l’action publique n’est plus un des moteurs de la démocratisation.

Au Congo, le débat juridique rappelle le flou des catégories, quand le droit international tente de saisir les formes contemporaines des conflits et des actions violentes. Là-bas, on ment par exagération fallacieuse du bien.

Pour rétif qu’il soit à notre histoire, le mensonge d’Etat ne cultive pas moins la pulsion de la mort qui l’anime.

Quoi d’étonnant à ce que, en une période tellement tourmentée, traversée par des incertitudes, débordée par la perte des repères, nos enfants ne savent plus quel Congo chérir et avec quelles convictions ?

L’intellectuel, le créateur, l’homme d’affaires, les gens d’église, la mère au foyer s’efforceront de combler les manques et d’atténuer les distorsions en recourant à des savoir-faire hautement probables.

Un autre Congo pour demain

Un autre Congo pour tous

Faisons des gestes qui viendront cristalliser le sens de toutes nos actions.

Rien ne subsiste que des défis dont on attend seulement qu’ils opèrent comme résolutions et qui sont en tout cas éveils plus qu’irrévocable décision.

Dina Mahoungou le 9 février 2013

Ecrivain et journaliste médias

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Diffusé le 10 février 2013, par www.congo-liberty.org

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