La construction constitutionnelle du politique en Afrique subsaharienne francophone .Par Moustapha Ndiaye

La construction constitutionnelle du politique en cours en Afrique subsaharienne francophone est le résultat d’une volonté historique : la colonisation européenne. Après la décolonisation, l’injonction du discours de la mission civilisatrice est formellement suivie puisque les Constitutions africaines francophones, qui imitent la Constitution française, consacrent le modèle français de l’État-nation démocratique. Mais l’institutionnalisation de l’État-nation démocratique est globalement infructueuse. Le mimétisme constitutionnel va généralement engendrer des conflits intercommunautaires, soit pour le contrôle du pouvoir au sein de l’État-nation (par la lutte armée ou par la loi de la majorité démocratique), soit pour se séparer de l’État-nation. Les amendements jusque-là apportés n’ont pas réussi à résoudre la crise du politique parce qu’ils s’inscrivent toujours sous le paradigme constitutionnel du modèle unitaire de l’État-nation démocratique (nation monocommunautaire et État-unitaire), ignorant ainsi un élément déterminant du fait politique subsaharien à savoir l’identité collective précoloniale ou ethnique.

Dès lors, comme cela s’est fait dans d’autres pays (Belgique, Canada, Espagne, Éthiopie, etc.), la crise du politique dans les pays subsahariens pourrait trouver une voie de résolution dans l’adoption d’un modèle constitutionnel pluralitaire, c’est-à-dire la reconnaissance de la pluralité communautaire constitutive de la nation (nation pluricommunautaire) à laquelle correspondrait une forme pluralitaire du pouvoir politique (État fédéral, État régional ou Fédération démocratique).

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Moustapha NDIAYE est maître de conférences de droit public à l’Université Assane Seck de Ziguinchor au Sénégal.

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4 réponses à La construction constitutionnelle du politique en Afrique subsaharienne francophone .Par Moustapha Ndiaye

  1. Pambou Lucien Mkaya Mvoka dit :

    Réponse à Monsieur Moustapha Ndiaye et mise en évidence de quelques prolégomènes critiques de son ouvrage préfacé par le professeur Rousseau

    Avant de passer à la critique, je me permets de féliciter Monsieur Moustapha Ndiaye pour son diagnostic et ses propositions. le débat ne peut s’organiser qu’autour d’éléments installés et reconnus de tous. Sans avoir lu l’ouvrage, je me permets de faire quelques remarques. je ne comprends pas très bien le concept de construction constitutionnelle du politique en Afrique énoncé par Monsieur Ndiaye. Le politique porte-t-il sur l’espace politique, les institutions, l’homme politique africain ou la politique en tant qu’activité ? Ndiaye reconnait que l’Etat-Nation est un échec pour l’Afrique. Il faut substituer à ce modèle colonial un modèle pluralitaire qui va innover les fondements de l’exercice politique en Afrique. Ce modèle pluralitaire peut prendre plusieurs formes: l’Etat fédéral, l’Etat régional ou la fédération démocratique.

    Le modèle pluralitaire, néologisme créé par notre ami Ndiaye, peut être un point de départ sur les refondations analytiques des concepts politiques en Afrique. Cette bouteille lancée à la mer de la réflexion doit être saisie par les uns et les autres et surtout nos amis fédéralistes congolais, comme Val de Nantes ou David Londi.

    Il me tarde de lire l’ouvrage de lire l’ouvrage de Monsieur Ndiaye pour en dire plus. Pour l’instant je reste aux marges de la réflexion pluralitaire concernant la démarche constitutionnelle en Afrique.

  2. Félix Bankounda-mpele dit :

    Il y a une semaine j’ai reçu information de cette publication par son préfacier, et ‘ami LinkedIn’, constitutionnaliste, Pr à Paris 1, avec qui je me connais depuis 1989, Dominique Rousseau.
    La thèse défendue, respectable, n’est pas à l’abri de critiques, que j’ai déjà exprimées par ailleurs (Cf notamment ma réflexion : « À propos de ‘Introduction pour un droit constitutionnel africain’ du Pr Akandji-Kombé », in Mediapart, 18 décembre 2019)
    1- S’il est vrai et indiscutable que l’un des problèmes du droit constitutionnel et des institutions politiques de l’Afrique est son mimétisme, c’est-à-dire sa déconnection avec les problématiques politiques spécifiques à l’Afrique, la réduction un peu trop rapide desdits problèmes aux valeurs pré-coloniales, à « l’identité collective pré-coloniale ou ethnique » précisément, comme ici dit est très peu convainquante. D’abord parce que cette identité n’est pas suffisamment et clairement décrite et n’a jamais été tout à fait mise en évidence, pour ne pas dire que son unanimité reste à démontrer. Mais on peut reconnaître qu’il y a tout de même beaucoup de points de rapprochement. L’Afrique n’en a pas non plus le monopole
    2- L’écrasante majorité de la population africaine, dont on s’accorde à reconnaître qu’elle est très jeune, surtout pour les États non musulmans, est moins imbibée de la culture pré-coloniale que de la culture post-coloniale et fort-occidentale, mais pas exclusivement. Partant, si après soixante ans d’indépendance, elle n’a pas réussi à s’assimiler et et se construire dans cette culture et cet environnement métis dans lesquels elle est née et baigne, on peut très pertinemment se demander si l’exhumation et la mise en œuvre des valeurs et d’une culture pré-coloniale serait plus efficace pour le fonctionnement régulier et normal de nos institutions.
    3- L’argument ne rend pas compte des inégalités en la matière des États africains. Que notamment, depuis le début des années 90, ce sont essentiellement les États francophones qui persistent dans l’opprobre.
    4- Et si, par merveille, on réhabilitait ipso facto le mode traditionnel et pré-colonial de fonctionnement des institutions publiques, est-ce avec celles-ci ou celles qui fonctionnent globalement depuis les années 60 que les populations et les générations actuelles se sentiraient plus en phase ?! Rappelons que le fédéralisme ici théorisé n’a pas manqué de preneurs au lendemain des indépendances (Nigeria, Soudan c’est-à-dire actuel Sénégal Mali, Congo démocratique notamment), sans que ce choix ne soit plus concluant.
    De quoi laisser penser si l’on n’est pas là, quelque peu, dans l’usage des boucs-émissaires, qui n’en sont pas moins une des grandes pathologies politiques africaines.
    Bref, si l’on ne peut remettre en cause l’idée de l’impératif de repenser les institutions politiques africaines, il n’est pas sûr que la résurrection des valeurs et modes d’organisation pré-coloniaux soient forcément la solution idoine. « Ma conviction est toute faite que le meilleur moyen de booster la citoyenneté des Africains passe par… l’appropriation par la grande majorité de la population de la gestion des affaires publiques qui dissuaderont ou limiteront l’emprise des dirigeants sur le pouvoir », ai-je conclu dans ma réponse ou mon propos à l’endroit du Pr Akandji-Kombé que je vous sers ci-dessous, pour ceux qui voudront en savoir un peu plus. Et que cette appropriation passe par la démocratisation de l’institution présidentielle et, forcément, par le remodelage de l’organisation horizontale ou territoriale de l’Etat…
    https://blogs.mediapart.fr/felix-bankounda-mpele/blog/181219/propos-de-introduction-pour-un-droit-constitutionnel-africain-du-pr-akandji-kombe

  3. Désormais je ne me sens plus seul.
    J’ai hate de lire les articulations qu’il met en exergue pour sortir le pré carré francophone du mimétisme institutionnel. Dommage qu’il se soit limité à cet espace un peu spécial, aussi bien par son histoure coloniale que par son mode de fonctionnement. J’espère que les élites qui forment la matrice intellectuelle de cette zone prendront au sérieux les aspérités érigées par la minorité agissante. Il est temps d’amplifier le mouvement.

  4. Val de NANTES . dit :

    Encore un gros poisson dans l’escarcelle des fédéralistes . Eh oui , la raison africaine prend le pas sur des passions marquées par des tares néo – colonialistes …
    Les constitutions africaines ne peuvent que refléter les réalités socio -économiques des Etats auxquels elles s’appliquent …
    Nous sommes perdus , car nous avons perdu la boussole de notre pensée . C’est KANT qui disait ,n’en déplaise à@grd pambou , : » Il faut vous servir de votre entendement « . Les fédéralistes se sont appliqués cette maxime pour montrer la voie à bon nombre de nos compatriotes qui aspirent à vivre dans « l’arrière monde « .

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