La chute du président Youlou le 15 aout 1963 était une première en Afrique francophone. Avant lui, aucun gouvernement n’avait succombé à un soulèvement populaire ; et après lui les Chefs d’Etat de l’ex-Empire colonial français tomberont plutôt par suite de coups d’Etat où la main de l’Elysée n’est jamais très loin. Ce qui a fait dire que la chute du premier président congolais était due à une négligence de Jacques Foccart malencontreusement parti à la pêche, et devenu de ce fait injoignable par la Général de Gaulle. Une erreur en somme, où Paris n’aurait rien à voir. Mais jusqu’à quel point est-ce vrai ?
Peu de temps après son évasion de prison le 25 mars 1964, le président Youlou a publié un opus dans lequel il fait reposer la responsabilité de sa chute sur la Chine communiste1. La thèse est séduisante si l’on s’en tient au rapprochement diplomatique avec Pékin qu’a initié son successeur Massamba-Débat, mais elle pêche par le fait de ne rien expliquer de l’extrême passivité de la France lors des évènements qui aboutirent à sa chute. Ou alors il faudrait admettre l’hypothèse d’une connivence entre les services secrets des deux puissances ; ce qui aurait tout de même été inédit en ces temps-là de guerre froide.
Aujourd’hui, l’exploitation des archives laissées par certains des acteurs majeurs de ces évènements tend à accréditer plutôt le scénario d’une opération purement française qui aurait mal tourné. Et la première personne qui permet d’accréditer cette interprétation des faits n’est autre qu’Antoine Létémbet Ambili, ancien directeur de cabinet de Fulbert Youlou, qui a longtemps martelé (sans être contredit par qui que ce soit) que « dans la nuit du 15 au 16 aout 1963 le Général De Gaulle est entré dans une grande colère lorsqu’il a appris que le nouveau premier ministre n’était pas [l’économiste] Paul Kaya, mais Alphonse Massamba-Débat » (cf. « Archives d’Afrique » 9/10 ; Alain Foca-RFI /podcasts).
Venant de la part d’un aussi haut responsable de l’entourage de Youlou de l’époque le propos ne doit pas être minoré, car il signifie en creux que le Chef de l’Etat français n’était pas aussi dépassé par les évènements qu’on l’a laissé entendre. Mais aussi, et surtout, qu’il ne s’était résolu à abandonner le président congolais à son sort que parce qu’un scénario alternatif (ou plan B) existait qui devait permettre de garder le contrôle de la situation. Quel était-il donc, et passait-il vraiment par Paul Kaya ? On est en droit d’en douter.
Certes, celui-ci ne manquait pas d’atouts. En effet, fervent catholique, licencié en économie, et ancien fonctionnaire de l’UAM (Union Africaine et Malgache), il faisait plutôt partie du vivier néocolonial que constituait la toute nouvelle « Communauté française ». Pour autant, ce n’est pas, au cœur de l’évènement, le nom qui a le plus circulé parmi les manifestants, parmi les syndicalistes, ou encore parmi les chefs militaires qui étaient à la manœuvre le 15 aout 1963. Pas de traces de lui non plus dans les échanges téléphoniques de ce jour-là, eux-aussi documentés aujourd’hui, entre l’Elysée, ses services secrets, et les diplomates français en poste à Brazzaville. Difficile donc de croire qu’il y ait vraiment eu un deal entre Paul Kaya et le Général de Gaulle pour succéder à l’abbé Youlou.
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Dans son livre testament L’origine du mal congolais paru en 2019 2, l’ancien syndicaliste CGAT et dirigeant de l’Union de la Jeunesse Congolaise (UJC), Aimé Matsika, croit savoir pour sa part que la personne pressentie à l’époque par Paris pour remplacer Youlou était plutôt le vice-président Jacques Opangault. Une indiscrétion venue, semble-t-il, du milieu même des instigateurs de l’opération, et parvenue aux oreilles des dirigeants de la CGAT dans le tumulte des évènements qui avaient suivi la démission de Jacques Opangault de son poste de vice-président quelques mois auparavant. Mais ici également, rien de bien solide ne vient étayer cette affirmation. Bien au contraire, tout ce que l’on sait du comportement personnel du vieux chef nordiste durant toute la crise tendrait plutôt à le laver de tout soupçon à ce sujet. En effet, alors que rien ne l’y obligeait, Opangault interrompt son périple européen (Rome, Paris), et se déclare solidaire du président Youlou avant de prendre le premier avion à destination de Brazzaville dans la nuit du 13 au 14 aout. On peut toujours spéculer sur le fait que le maitre espion français Maurichau-Beaupré regagnait lui-aussi la capitale congolaise par le même vol, mais en quoi cela pourrait-il constituer une preuve de connivence subversive entre les deux personnalités ? …
Alors, fiction ou projet réel le scénario Opangault ? Dans la jeep militaire qui le ramenait le matin du 14 aout 1963 de l’aéroport au Palais présidentiel était-il comploteur, conjuré malgré lui, ou loyal compagnon de l’Abbé simplement pressé d’aller partager le sort de son président ? Quelle est donc la teneur des échanges qu’il a eu avec le Général Kergaravat (commandant de l’armée française), qui l’ont conduit à sortir définitivement du jeu politique ? Avant que toutes les archives de ces historiques journées ne soient exhumées et travaillées, toutes ces interrogations resteront forcément sans réponses.
En même temps, on ne peut pas exclure que le scénario ait été conçu et « vendu » surtout comme un simple écran de fumée. Une vaste opération de désinformation destinée à abuser les forces en présence à l’époque, et les empêcher de voir ce qui se tramait réellement dans l’ombre.
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En tout cas, pour ceux qui ont lu (dans la fabrique des barbouzes de J.P. Bat) 3 la retranscription de l’unique échange téléphonique que le président congolais eut avec De Gaulle le 15 aout 1963, la volonté et l’impatience de tourner la page Youlou transparaissent nettement dans l’attitude très détachée et le ton plutôt condescendant du président français vis-à vis de son présumé ami congolais. A aucun moment les appréhensions et les arguments du président assiégé ne sont pris en considération, quand bien même ils étaient fondés, donnant ainsi l’impression que son sort (et celui de son régime) avait déjà été scellé. Et que seules restaient à régler les questions d’intendance : comment lui faire quitter le palais, quelle protection pour lui à l’ambassade de France, comment le sortir du pays, etc.
Une telle assurance dans le propos ne peut signifier qu’une seule chose : au moment où il s’exprimait ainsi De Gaulle avait la certitude que le pays ne basculerait pas vers l’inconnu après Youlou. En d’autres termes, il avait une idée précise de la personne susceptible de le remplacer au mieux des intérêts français dans le pays. Et qui pouvait rassurer autant la France s’il n’était pas parmi les meneurs de la contestation, c’est-à-dire parmi les leaders syndicaux ? On a pensé à Paris que contre la non-intervention de l’armée française dans ce qu’ils présentaient comme une affaire congolo-congolaise les syndicalistes ne remettraient pas en cause l’existant néocolonial, et c’était globalement vrai. Mais ce que la Puissance coloniale n’avait pas anticipé c’est qu’une partie des syndicalistes (la CGAT pour ne pas la nommer) choisirait d’aller au bout de la démarche, ferait recours à la jeune armée nationale pour garantir l’ordre, et demanderaient à un acteur extérieur aux syndicats (Massamba-Débat) de prendre la tête du gouvernement provisoire. Une surenchère qui procédait de l’expérience du présumé « complot communiste » de 1960, quand une grève générale décidée et dirigée par tous les syndicats se termina par l’arrestation des seuls syndicalistes de la CGAT. Quant à l’impossibilité pour le Général de Gaulle de joindre Jacques Foccart, comment ne pas en sourire ? …
L’Histoire retient qu’en 1963 les rapports s’étaient passablement dégradés entre le gouvernement français et le président Youlou. L’objet de la discorde ? Le projet de barrage du Kouilou pour lequel le chef de l’Etat congolais s’était dangereusement rapproché des Etats-Unis par Sékou Touré et capitaux allemands interposés, et un projet de confédération kongo (incluant le Katanga, le Kasaï et le Cabinda) qui n’était pas du goût de Paris. Ceci explique sûrement cela.
Dieudonné DIABATANTOU
Diffusé le 04 décembre 2024, par www.congo-liberty.org
1– Voir l’ouvrage J’accuse la Chine de Fulbert Youlou publié aux éditions la Table ronde.
2– Les origines du mal congolais / Aimé Matsika ; éd. PAARI 2019
3– La Fabrique des barbouzes / Jean Pierre Bat ; éd. Nouveau Monde 2015
FULBERT YOULOU EN 1963 : UN MOMENT DE LA GUERRE FROIDE (Partie 1)
J’ai bien connu Paul Kaya lors de la première messe à Paris à la mémoire d’Ernest KOMBO. Il avait demandé a me rencontrer.
C’est lui qui m’avait informé du coup de fil D’AUXENCE ICKONGA A HISSENE HABRE pour informer ce denier qu’une bombe avait été mise à Brazzaville dans le DC10 UTA.
Il ne fait aucun doute que De Gaulle avait pour cette personnalité congolaise une grande estime.
Toujours la théorie du complot ! C’est une explication facile. Le président Fulbert Youlou voulait un parti unique, c’est là son plus grand péché. La démocratie pour exister nécessite au moins deux partis ou plus. Restreindre l’opinion politique à un seul parti c’est mettre le pied dans la dictature, les Congolais ont vécu longtemps dans cet engrenage fatal qui a laissé bien des traces, tant dans l’histoire du pays que dans la manière d’envisager la vie politique.
d accord que voulez vous des francais qu ils disparaissent de ce monde ou vous voulez de l argent?et apres cela le congo sera en paix et developpe grace a la disparition ou l argent des francais.NOMDE DIEU il y avait il ce genre de detournements de fonds public sous les francais? non c est pour voler que vous ne voulez pas de la presence francaise vous trouverez toujours des raisons pour les chasser pour le petrole qui aurait pu l acheter sinon les francais?sinon pourquoi ne pas le faire puisque c est le diable pour vous meme si vous aimez vivre chez le diable