« Kabila, dégage ! » crient les Congolais de Bruxelles. A quand ceux de Brazza !

« Zonga Sima ! Zonga Sima ! » veut dire « Retire-toi ! » en lingala. Dégage.

Depuis deux semaines, des milliers de Congolais de Belgique scandent ce slogan pour réclamer le retrait du président Kabila, réélu à la tête du pays suite au scrutin du 28 novembre dernier. Ils dénoncent un « hold up électoral ».

Selon les résultats officiels,Joseph kabila aurait remporté l’élection présidentielle avec 48,95% des voix. Son principal opposant, Tshisekedi wa Mulumba, aurait rafflé 32,33% des votes.

Malgré les « irrégularités » constatées par la communauté internationale (Etats-Unis en tête) et le rejet de ces résultats par une grande partie du peuple congolais, la victoire de Joseph Kabila a été entérinée vendredi soir par la Cour suprême de justice du pays.

« Je voudrais bien vous poser une question, à vous tous, les occidentaux : qu’est-ce que c’est alors la démocratie ? »

C’est Monsieur Ticha-S qui s’adresse à moi. Il s’introduit dans ma conversation avec un bloggeur de la diaspora congolaise.

« Nous n’avons jamais eu la démocratie chez nous et maintenant qu’on organise de vraies élections, personne n’en veut ! Alors moi je demande des explications, qu’on nous dise ce que c’est la démocratie ! »

Les manifestations se déroulent au coeur de Bruxelles, dans le Matongé (nommé par analogie à un quartier de Kinshasa), le plus grand quartier noir d’Europe. Emblème historique de l’entente belgo-congolaise, le Matongé est aujourd’hui le théâtre d’affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre du Royaume.

La semaine dernière, la police procédait à plusieurs centaines d’arrestations suite à des actes de violence matérielle (un Quick a été saccagé). Depuis mercredi, une interdiction de rassemblement maintenait toutefois le calme dans le quartier. Peu à peu, la chaussée d’Ixelles, rue commerciale située à la joncture du Matongé et de la luxueuse Avenue Louise, retrouvait ses consommateurs frustrés de ne pas pouvoir acheter leurs cadeaux de Noël en paix.

« Si un quelqu’un crie Kabila, il se fait lyncher »

Un manifestant, le 17 décembre2011 à Bruxelles (Looking Glass/Flickr/CC)

Toutefois, l’histoire n’allait pas s’arrêter là. Ce samedi, une nouvelle marche était organisée pour contester la victoire de Kabila. Environ un millier de personnes
étaient présentes sous les regards casqués et les matraques aux aguets d’une masse de policiers.

Jean-Robert Ndodi, du site Inzocongo, reprend :

« Nous ne sommes pas tous des pro-Tshisekedi. Nous sommes ici avant tout pour notre patrie ! »

Cependant, les pro-Kabila ne sont pas les bienvenus.

« Si un quelqu’un crie Kabila, il se fait lyncher. Au Congo, l’armée nationale fait peur, les gens ne se rassemblent pas sous peine de subir des agressions. Depuis les élections, il y a eu des morts là-bas et les gens sont coincés. »

En 2006, la victoire controversée de Kabila avait toutefois été acceptée sans grands remous par la population et la diaspora. Mais la vague de révolutions dans le monde arabe et la chute de Gbabo en Côte d’Ivoire ont changé la donne. En 2011, les Congolais sont déterminés à lutter pour l’instauration de l’Etat de droit dans leur pays.

Dans une interview à la libre Belgique, Jeannot Kabuya, auteur du blog militant banamikili, explique :

« Kabila a trahi le peuple et les intérêts congolais. De nombreux étrangers dirigent (service de renseignements, police) et pillent le pays alors que les Congolais sont maltraités à coup de menaces, vols, viols et assassinats. Les bénéfices des contrats industriels et de l’exploitation des ressources profitent aux étrangers et les habitants du Congo ne survivent que grâce à l’argent envoyé par la diaspora.

Voilà pourquoi nous, qui sommes leur porte-voix, essayons de sensibiliser l’opinion publique occidentale trompée par les dirigeants belges et français qui veulent maintenir Kabila. »

« Prêts à voter Bart de Wever »

La pancarte d’une manifestante, le 17 décembre à Bruxelles (Louise Culot/Rue89)

Josée, une petite femme d’une soixantaine d’années en jeans et boubou, crie fort en brandissant une feuille de papier énonçant l’article 64 de la Constitution congolaise :

« Nous en avons assez que les intérêts financiers de Belges, de Français et d’Américains mettent notre pays à sac. Nous voulons rentrer chez nous et Tshisekedi représente pour nous le changement ! Maintenant nous sommes pris en otage ici. La communauté internationale doit nous rendre notre pays. Si le sang doit couler, il coulera. Regardez en Egypte, ils l’ont fait ! “

Dans la foule, les pancartes dénoncent la complicité de politiciens belges (en patriculier celle de Louis Michel, ancien ministre des Affaires Etrangères) avec Kabila. Même le nom du roi Albert II, d’habitude plébiscité, apparaît sur quelques écriteaux. Marie Paule Kapinga, de Télé Matonge, s’indigne :

‘Nous sommes 30 000 Congolais de Belgique et nous allons sanctionner les politiciens belges, surtout les francophones, pour leur manque de courage dans cette affaire. Nous sommes prêts à passer le mot de voter pour Bart De Wever aux prochaines élections ! C’est incroyable qu’ils nous disent qu’ils constatent des anomalies dans les résultats mais qu’ils ne fassent rien.’


Un manifestant, le 17 décembre2011 à Bruxelles (Louise Culot/Rue89)

Les manifestants accusent les médias francophones belges, la télévision nationale,RTBF en tête, de ne pas traiter l’actualité congolaise avec suffisamment d’impartialité.

Mardi, Joseph Kabila devrait prêter serment lors d’une cérémonie officielle. Didier Reynders, fraîchement nommé Ministre des Affaires Etrangères, ne s’y rendra pas.

Source: Rue 89 par Louise Culot

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