« Je m’occupe de mes riches, occupez-vous de nos pauvres ! » (Sassou Nguesso à Madame Dominique Pavard, Chef de la Délégation de la Commission Européenne)

Quelques rares voix tentent de s’élever sur ce qui se passe réellement au Congo. Rares, elles peinent à se faire entendre dans le concert assourdissant d’éloges, achetés, par le pouvoir de Brazzaville. Sassou NGuesso n’a-t-il pas été élu grâce à des élections transparentes ? Dixit Toubon et Gaubert qui ne manqueront d’apporter la même certification dans les prochains mois, après les élections législatives.

Le Congo n’est-il pas ce brillant sujet dont le FMI et la Banque Mondiale ont loué la bonne gouvernance et qui a obtenu que sa dette soit effacée pour l’encourager à réduire, voire éradiquer, la pauvreté ? Le FMI soutient même, le plus sérieusement du monde, les ambitions d’émergence de cet Etat…

Tout semble réglé au Congo et il faut reconnaître qu’il n’y a plus aucune ONG internationale, Global Witness et autres, qui s’y intéresse ou qui soulève la moindre pierre qui pourrait être lancée contre le pouvoir de Brazzaville. C’est à se demander légitimement qui est le plus pourri ?

Le monde est ainsi fait ! Ce pouvoir a accumulé tant de richesses occultes que personne n’est plus tenté de lui résister. Cela parait aussi insensé que de pisser contre le vent !

Dans cet extraordinaire silence médiatique d’un pays dont le détenteur du pouvoir a acheté, l’un après l’autre, tous les opposants potentiels, une voix s’élève et nous aurions tort de ne pas lui prêter oreille : celle de l’UNICEF !

L’Unicef, Fonds des Nations unies pour l’enfance, est une agence humanitaire de l’ONU qui intervient dans plus de 150 pays, avec ses ONG partenaires, pour assurer à chaque enfant, santé, éducation, égalité et protection.

Nous avions lu au mois de décembre dernier, les révoltantes statistiques relatives à la malnutrition dont souffrent 47% des enfants congolais de moins de 5 ans et de manière chronique pour 26% d’entre eux.  Ces données étaient complètement inconnues du temps de Youlou, Massamba Débat, de Marien N’Gouabi et curieusement même de Sassou I. La malnutrition était un mal qui sévissait dans l’Afrique de l’Est, pas au Congo. Depuis, il est vrai, le pouvoir est devenu unique et le pays riche de quoi se permettre d’abuser de sa population enfantine ou pas.

Ce 24 janvier 2012, dans les Dépêches de Brazzaville, l’UNICEF y a payé une demi-page de publicité pour lancer un « Avis à manifestation d’intérêt » N°001/AMI/PCA-EJD.2012.  Le libellé est du projet est à lui seul une attaque virulente et impitoyable du pouvoir actuel congolais : « Projet de participation des communautés en vue de la création d’un cadre d’apprentissage décent pour la petite enfance et la jeunesse déscolarisée ». Le mot « décent » y est employé pour bien souligner l’indécence des traitements que l’enfance et la jeunesse congolaises subissent.

Le pays est riche et il se targue de rejoindre le niveau économique et social des pays émergents. Les dirigeants ne lésinent jamais lorsqu’il s’agit d’affirmer leur statut de « nouveaux riches » : les palais qu’ils se construisent, les véhicules 4×4, les déplacements en avion privé, les maîtresses chèrement entretenues… La République du Congo avait fait don, l’année dernière, de 500.000 dollars au Japon après la terrible catastrophe du Tsunami. Il y a quelques semaines, 3 millions de dollars avaient été également attribués à l’UNESCO. Le Congo avait été le seul pays d’Afrique, avec le Gabon a répondre favorablement à l’appel de fonds de l’organisation culturelle.

Lorsque la générosité d’un Etat se manifeste largement vers des étrangers, il est légitime de penser qu’il en est de même, dans une certaine mesure, envers ses propres ressortissants et au moins vers l’enfance qui est l’avenir de la nation. Scandaleusement la réponse est non !

« L’Unicef a obtenu du gouvernement japonais des fonds destinés au financement
du projet intitulé « Participation des communautés en vue de la création
d’un cadre d’apprentissage décent pour la petite enfance et la jeunesse déscolarisée
(PCA-JED) » et se propose d’utiliser une partie des fonds du projet pour
effectuer des paiements au titre de la consultation en vue du recrutement d’un
cabinet d’architecture national chargé de mener une étude technique détaillée
dans six départements du Congo avant le lancement de l’appel d’offres pour les
travaux de construction/réhabilitation.
2- L’objectif de la mission est de réaliser l’étude technique et d’élaborer le dossier
d’appel d’offres en accord avec l’Unicef pour la construction et/ou la réhabilitation
des centres d’éveil scolaire et centres de réscolarisation dans six départements
du Congo. »

Il ne faut pas s’étonner que cette initiative en faveur de l’enfance congolaise soit financée par un pays étranger, le Japon en l’occurrence. Il ne faut pas s’étonner de la prolifération des épidémies au Congo, car toute la charge des campagnes de vaccination repose sur des organisations internationales ou des ONG humanitaires. La raison est que Monsieur Sassou NGuesso a une logique toute simple à l’égard des pauvres, des nécessiteux, de l’enfance et de sa population en général.

Il faut bien la comprendre et l’enregistrer car cette déclaration est capitale :

En 2007, le chef de la délégation de la Commission européenne dans la capitale congolaise, Madame Dominique Pavard, avait rencontré le Chef de l’Etat congolais, Monsieur Sassou NGuesso. « Les conditions économiques et la flambée des cours du pétrole devaient lui permettre », lui avait-elle dit,  « d’en faire plus pour sa population ! ». La réponse du président congolais (« Papa bonheur ») fut la suivante : « Je m’occupe de mes riches, occupez-vous de nos pauvres ! »

Cette réponse révoltante de Sassou NGuesso a été largement rapportée dans tout le milieu diplomatique brazzavillois ainsi qu’auprès des responsables du FMI et de la Banque Mondiale. Rien a été fait de part et d’autre pour que tout soutien lui soit accordé en contrepartie de mesures décentes en faveur de sa population.

Il faut remercier l’UNICEF d’avoir utilisé le terme « décent » dans son projet de cadre d’apprentissage soulignant ainsi l’indécence de la maltraitance de la jeunesse et de l’enfance congolaises. L’indécence de la pauvreté congolaise, de plus en plus grande, face à une minorité, de plus en plus riche, est de plus en plus flagrante. Elle souligne davantage l’indécence des complices de tout bord qui laissent les « pauvres » congolais à la merci de la charité internationale, dont Sassou NGuesso « le mendiant » est devenu un champion !

Par Vladimir Gogodala
Diffusé le 24 janvier 2012, par www.congo-liberty.org

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